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Commentaires

Grégoire Chamayou et la théorie du drone, d@ns le texte.

C’est une espèce de guerre fantôme, qui se déploie au dessus de nos têtes et loin de nos consciences: des drones circulent, là haut, espionnent et frappent, sans faire de bruit dans nos radios ni d’images dans nos télés. On les voit bien pointer leur drôle de nez sans yeux dans les colonnes de nos journaux – La France en achète deux, la France va en acheter 12 - ah, fort bien, et quoi? Rien. Pas de débat, pas de pensée, pas de «théorie» du drone, comme si la chose allait de soi, comme si, plutôt, nous étions bien trop désarmés intellectuellement pour concevoir la révolution que cette nouvelle arme a introduite à notre insu depuis dix ans dans l’art de la guerre.

Derniers commentaires

Merci pour cette émission.
J'ai eu l'occasion d'écouter Grégoire Chamayou en philosophie des sciences alors que je passais dans une année de philo à Nanterre. Je suis ravie de découvrir qu'il avait déjà la même rigueur et la même aisance à se faire comprendre que dans son travail personnel d'aujourd'hui, que je découvre ici, et que je trouve essentiel.
Parce que l'art de la guerre, en effet, mène la philosophie. Ma phrase est bancale et imprécise. Je vois cependant que Sun tzu a été cité une fois. Penser la guerre, qui est totale et globalisée, et la penser dans ses détails, me semble permettre de penser bien mieux les enjeux humains que le commentaire lancinant des remuements économico-industriels du temps, qu'on met d'habitude en premiere place. D'ailleurs tous deux le disent à la fin.
Les émissions de Judith Bernard ne sont jamais aussi passionnantes que quand elle invite des philosophes. J'ai gardé un souvenir exalté du nouvellement déclaré philosophe Lordon. Donc merci et bravo pour cette formidable découverte d'un auteur et d'une réalité que je percevais mal.

Durant l'écoute, je me suis prise à penser moi aussi (et oui)... puis le vertige m'a prise.

- Une population terrorisée et traumatisée, soumise à une menace permanente pouvant la toucher en tout lieu, tout moment, et concernant l'entièreté de la population (enfants compris), cela ne vous rappelle rien ?
La froideur, la distance, l'utilitarisme, le terrifiant souci "humaniste" des théoriciens du drones m'ont immédiatement renvoyée à ma relecture récente d'Anna Arendt et de cette efficacité glaciale des nazis, où la préoccupation restait de tuer le plus grand nombre efficacement mais dans la moindre douleur aussi. Eichmann se défend sur ce point ardemment et son discours n'est pas individuel mais fut celui de son "administration", d'où l'usage des chambres à gaz dont on sait qu'elles furent d'une grande économie de moyens (économie de temps et de cartouches pour assassiner les gens) et, autre gain plus "symbolique" mais important pour les "bonnes âmes nazies", les victimes étant plus "dociles"qu'on les eut dites presque "d'accord" pour aller prendre leur douche. D'où le fallacieux argument avancé par les bourreaux, d'une "meilleure prise en charge" (ah le beau vocabulaire) de leur douleur.
Le nom de Guernica a été lancé dans un post ci-dessus. Combien de Guernica déjà en ce début de 21ème siècle ?

- La réalité d'un mur nécessaire, entre la "zone sécurisée" de la manipulation du drone, de la sauvegarde de "nos" vies humaines, et la zone de "réception" du tir, trouve une concrétisation violente dans l'érection de constructions en dur. Des murs, au Mexique, en Palestine.. où ailleurs ? À quand le mur de l'Europe contre "l'invasion" des populations du sud ?

Je me désespère de la pente de la dissolution fasciste (gros mot, je sais) dans laquelle sombre une partie des administrations occidentales, des élites "mal-pensantes" et de la population "des honnêtes gens qui en ont marre" (des barbus en babouches, des femmes en burqa, des roms pas polis, des banlieusards pas assez blancs - et pas polis eux non plus-, des voleurs de bijoutiers et autres parasites de la sécu... j'en passe et des bien pires).

Merci à Mr Chamayou d'ouvrir un coin de lumière à l'évocation des luttes politiques au Pakistan et aux USA.

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"Un livre aussi brillant qu’accessible", nous dit Politis dans un bref article.
Emission passionnante.
Merci à Judith, merci à ASI.
Lire aussi "les chasses à l'homme" du même auteur, parfait complément liminaire à sa théorie du drone ...
Quel plaisir de voir qu'il reste de vrais penseurs ...
Il faut réinviter cet auteur pour parler de tous ses livres précédents ! (les corps vils ...)
Merci beaucoup pour cette excellente émission.
Au delà des drones militaires (de la taille d'un avion) il existe déjà des drones civils beaucoup plus petits :

documents plus consensuels :
reportage "Avenue de l'Europe" http://www.france3.fr/emissions/avenue-de-l-europe/videos/manuel_avenuedeleurope_20130209_65_09022013185312_F3 à la minute 06'55"
communiqué de presse - création de la Fédération professionnelle du Drone civil http://k5o.r.mailjet.com/2it8.html?a=3UQokF&b=385e5413
Les frappes de drône dans l'actualité :

http://www.liberation.fr/monde/2013/07/03/des-frappes-de-drones-tuent-17-islamistes-au-pakistan_915562
Il serait judicieux de rendre cette émission accessible hors abonnement car elle initie un débat public important.
Big Brother Awards 2013 - ép 6 !!second degré dans la mise en scène!!
Bonjour ! Il existe une vidéo fameuse d'assassinat par un drone US, une bavure, mais je n’arrive plus à mettre la main dessus... Je crois qu’elle avait été mise en lien sur www.la-bas.org. Quelqu’un serait-il en mesure de me rafraîchir la mémoire ? Merci à tous !
Je fais juste un petit détour pour transférer une excellente vidéo sur le sujet :
http://www.ted.com/talks/lang/fr/daniel_suarez_the_kill_decision_shouldn_t_belong_to_a_robot.html

Alexis
Pourtant les drones sont déjà utilisés par divers secteurs, par exemple pour dépister des feux de fôret, mais parfois pour des causes un peu moins nobles,je passe sur la police ou l'armée qui découvrent régulièrement de nouvelles applications.
Des essais sont en cours aux Etats-Unis pour la livraison de pizza d'un groupe agro-alimentaire sur autorisation du gouvernement. En creusant la question on trouverait bien d'autres exemples en cours dèsormais.
Qui aurait pensé aux débuts du téléphone portable qu'il deviendrait le prolongement de la main, le nouveau couteau suisse et le doudou d'une majorité de nos concitoyens?Regardonsjuste la rapidité de son évolution en importance et possibilités ces cinq dernières années.
Les soldats bio-modifiés existent depuis qu'on leur a servi de la gnôle avant un combat.
Personne ne peut ignorer que la technique s'est améliorée depuis et que l'industrie de l'armement a le chic pour inaugurer les techniques qui seront proposées demain au plus grand nombre bien qu'inaccessibles pour la majorité d'entre eux.Sauf si les décideurs y trouvent leur profit du moment.

Le transhumanisme parait effectivement ridicule sauf pour quelques illuminés qui malheureusement pour tous les autres ont les moyens financiers de s'y exercer et de le promouvoir.
Au fur et à mesure que toutes les tentatives de hiércharchiser la condition humaine en races, sexes, mérites ou religions, pourraient tomber si la misère n'était si répandue, et s'effondrent dès qu'on repère leurs contradictions, ce qui devient de plus en plus évident si on ouvre les yeux, il devient tentant d'en créer une nouvelle.
De fait récemment le culte des dents blanches semble être le nouveau palier en dessous duquel tout candidat sur le marche du travail ou de la médiatisation ne saurait tomber sous peine d'être relégué avec les êtres repoussants....
Avis aux amateurs de seins siliconés et autres fantaisies chirurgicales en cours.
Il vous a peut-être échappé que certains ont considéré qu'un champion de course amputé des deux jambes était favorisé par ses prothèses face aux autres concurrents qui n'avaient pas eu la chance de bénéficier des prouesses de la technique.
Ce n'est pas encore vivement conseillé mais ça commence à être montré en exemple, ce qui est mauvais signe.
Mais effectivement il y en a tellement d'autres qu'on peu encore en rire et commencer par ce qui est le plus urgent....
la guerre est légitime, morale, choupinou etc etc...

un militaire n'a pas apprécié un jour que je le qualifie de tueur professionnel (sans aucune arrière pensée de ma part, car je considère que c'est ce qu'il est avant tout, en dehors de tout jugement moral, pour le coup).

alors non, moi, je pense que la guerre n'a rien de morale, d'éthique etc etc... c'est juste une cascade d'actions et de réactions qui s'ajustent au milieu extrême dans lequel se débattent des individus pour leur survie.

donc aller parler d'une sorte de code d'honneur pour des psychopathes, des aliénés, des hyper traumatisés, c'est assez cocasse...

la guerre c'est la destruction du droit, de la démocratie, de l'humanité, c'est le chaos, le no men's land. c'est la barbarie, la sauvagerie, la soif du sang, le pathos ad nauseam. il n'y a pas de droit de quiconque, juste des forces en mouvement qui écrasent tout ce qui est devant soit et qui cherchent a occuper tout le terrain. et les guerriers, les stratèges, les carnassiers, ce sont ceux qui vont utiliser tout ce qui est en leur pouvoir pour gagner du terrain.

la guerre n'est pas légitime, ceux qui prennent les armes, qui tuent, pour quelque raison que ce soit, s'engagent à assassiner des pères, des mères, des filles et des fils.

la guerre est l'antithèse de la loi. l'opposé de la justice. et c'est une blague d'aller parler de droit des prisonniers à des gens qui se font laminer par les forces gouvernementales comme en syrie et à qui on demande de stocker des prisonniers, de les nourrirs, loger, habiller alors qu'ils n'ont mm pas de quoi se nourrir et se défendre eux-mêmes... sans compter qu'un prisonnier est un danger en puissance si jamais il parvient à s'échapper.

comment expliquer aux gens des pays en guerre civile le fait que puisque votre voisin est capable de vous assassiner (car de confession différente et proche du pouvoir legal) vous ne puissiez prendre des armes pour vous protéger - quand bien même celles ci seraient des voitures piégées ? et pourquoi finalement, un dictateur, se sachant perdu, n'aurait il pas l'envie et la "légitimité" d'employer tous les moyens en sa possession pour rester au pouvoir - puisque personne ne vient l'aider (cf terroriste-résitant)?

alors on file des kalashinkovs aux insurgés et des missiles aux suzerains mais on leur interdit le gaz sarin ? quelle blague ! quel cynisme. vous ne mourrez pas asphyxié pendant votre sommeil mais eparpillés par une charge explosive ou décapité par une balle de sniper...

le drone est TOTALEMENT logique en tant qu'aboutissement de cette panoplie guerrière que souhaite la civilisation occidentale et c'est l'extension même des souhaits du peuple qui veut pouvoir faire la guerre sans verser une goutte de son sang - et les droitsdel'hommiste sont en première ligne puisqu'ils militent pour la suppression du service militaire sans même réfléchir aux conséquences d'une telle demande (notamment qu'est ce que l'identité citoyenne - bref).

le drone MILITAIRE est efficace, rapide, silencieux, infatiguable, sa perte est sans conséquence majeure pour la population. il est la transformation robotique de la guerre et le prolongement industriel de cette institution. et cette robotisation va peut a peut transformer totalement le visage des armées et la façon dont les nations combattront.

d'ici quelques temps, les compagnies seront certainement composées d'un pilote et un essaim de drone plus ou moins autonomes, des assassinats ciblés plutôt que du combat de masse et les guerres entre nations sont certainement plus ou moins révolues et reservees aux états non technologiques.

les civils seront de moins en moins touchés par les combats inter armées officiels et auront surtout à craindre la non intervention pour des raisons "légales" ou les erreurs de tir mais cela sera mille fois moins meurtrier que dans les anciennes guerres de masse.

enfin il est bon de rappeller que c'est le plus souvent l'absence d'intervention legale et officielle des nations dites "civilisées" -onu and cie- dans les conflits civils qui fait le plus de morts que l'usage ou non de gadgets technologiques. le fait de financer des parties belligérantes en secret est une vraie débilité.

si les droits de l'hommistes avaient bien voulu se bouger le cul d'envoyer d'envoyer des forces militaires avec force de frappe et droit d'usage pour séparer les bélligérants en syrie (mais avant au darfour, en somalie, en tchecoslovaquie etc) on aurait eu infiniment moins de morts qu'actuellement avec notamment cette logique imbécile qui dit que les peuples doivent se débrouiller par eux-même... (ce qu'ils font, soit dit en passant, mais pas forcément avec le même registre de valeurs que ce qu'on espérait).
Il y a quelques jours, j'avais commencé ce commentaire, mais il avait été effacé au milieu de sa rédaction, ce qui arrive parfois, et je me décide seulement aujourd'hui à le recommencer.
Avec le recul, je mesure quel point ça me fait réfléchir.

Mais je vais écrire maintenant ce que je n'aurais pas écrit auparavant, parce que je balançais, mais si le drone déshumanise encore plus la guerre, alors quel est le statut de la bombe d'Hiroshima ? Le mec qui passe en avion à plusieurs km d'altitude et largue une bombe qui va faire 100 000 morts d'un coup, et au moins autant dans les années suivantes ? Et là, c'est une cible civile par excellence. Hiroshima n'a pas été choisie en tant qu'objectif militaire, c'est un signal de terreur pour contraindre le Japon à capituler. Et ainsi éviter de nombreuses morts... de soldats américains.

Alors, cette notion de la guerre risquée pour les deux adversaires, ça me laisse un peu perplexe. Ce sont de toutes façons des guerres asymétriques. La tragédie que fut le Vietnam, .

Ce qui me choque bien davantage, c'est le fait de pratiquer ce genre de guerre à l'autre bout du monde, et pour de véritables raisons qui ne sont jamais vraiment explicitées. Pour moi, cette guerre en Afghanistan avec son extension au Pakistan, c'est une variante de la Guerre de basse intensité qui a été pratiquée en Amérique Latine à l'époque des guérillas marxistes. Ou au Vietnam, quand on balance du désherbant ou du napalm sur la jungle pour désespérer les populations.

Sauf qu'à chaque fois, ce genre de renchérissement de l'horreur a toujours été inutile, parce que l'Amérique a perdu. De la même façon qu'elle perd en Afghanistan, en Irak, elle va être obligée de lâcher l'affaire au Pakistan. Et on peut imaginer que sous la pression des Musulmans eux-mêmes, cet ennemi-là, le talibanisme, c'est-à-dire l'extension de la doctrine politique wahabite dans le monde boostée par les pétro-dollars, va exploser en vol comme l'a fait le communisme. Trop déshumanisé. trop peu adapté à l'avenir, y compris les hydrocarbures qui vont manquer, et avec, la rente qui finance les salafistes et les guerres dans les zones musulmanes.

Le rêve des autorités américaines, c'est de maintenir leur puissance sur le monde extérieur, mais aussi sur leur propre population, pour contrôler les ressources et permettre à leurs classes possédantes de s'enrichir sans limites. Cela suppose l'usage absolu de la violence à l'extérieur, mais que leur régime politique intérieur ne soit jamais déstabilisé en interne, comme il l'a été lors de la guerre du Vietnam.

Et c'est ainsi que déclinent les USA, et nous aussi, pauvre vieille Europe, préoccupés d'équilibres illusoires qui datent d'un autre âge.
Merci pour ce choix passionnant d'un sujet crucial dans tous ses développements à peine esquissés, faute de temps mais suffisants pour amorcer réflexion et tentatives de réponses apropriées...

La parabole du pasteur chasseur et/ou pasteur soigneur n'est hélas pas nouvelle mais de mieux en mieux présentée sous un jour riant, trait caractéristique de notre époque : un jeu vidéo passionnant mais sans risque, humanitaire et ... écologique? Je suppose que cet argument doit être peaufiné dans la séquence actuelle de green washing des grandes entreprises multinationales qui gouvernent de plus en plus ouvertement dans nos "démocraties".
Entre parenthèses, il ne doit pas nous échapper que les convulsions incessantes, dans beaucoup de pays du monde, aux lendemains incertains, revendiquent, unanimes, l'absence de chef ou de représentant, la non-affiliation à un parti ou un syndicat, soumis à la hiérarchie...
L'image du pasteur serait-elle en train de vaciller à grande échelle?
L'un des fleurons de nos multinationales reste la branche armement et les industries qui s'y rattachent, dans certains pays réputés les plus puissants, dont les dirigeants ont tout intérêt à changer de stratégie au vu des échecs répétés de toutes leurs guerres plus ou moins conventionnelles depuis la seconde guerre mondiale.
Et au risque récurrent de voir la population s'y opposer en masse. Ce qui effrait toujours la poignée de décideurs qui tente depuis la nuit des temps (parait-il) de conquérir le pouvoir en transférant les "dommages colatéraux" de leur compétition effrénée sur le bon peuple, le plus souvent quand même en essayant de recueillir son approbation à l'aide d'artifices variés.

Une nouvelle nouvelle forme de ce que les historiens nomment impérialisme est déployée depuis quelques décennies : financemement, voire aide directe par services secrets (ou leurs mercenaires) de groupes d'opposants de pays ciblés, transformables en "terroristes" selon l'intérêt géostratégique du moment, alliié à une main-mise économique sur des états impuissants, accompagnés d'une "pédagogie" déclinée entre experts, penseurs et industrie culturelle.
Depuis déjà quelques guerres, dans ce que les politiques appellent le "camp occidental",on ne déclare plus de guerre d'Etat à Etat, on monte des expéditions punitives sur des groupes plus ou moins déterminés dans un ou plusieurs pays choisis, justifiées soit par des attentats terroristes, soit par un "monstre assoiffé de sang" qui massacre son peuple, soit pour voler au secours d'un pays attaqué par des "rebelles", pour résumer grossièrement,
Parfois les discours sont plus subtils, les FMI ou autres BCE ou mieux, les ONG humanitaires prennent le relais, curieusement toujours dans des pays importants de part leurs ressources en matières premières ou de leur position stratégique. Mais classés dans les pays "en voie de développement".
Comme c'est désormais le statut de la Grèce, récemment déclassée par l'OCDE,certes ruinée mais sous tutelle et porte d'entrée dans l'Europe, très poreuse et si accessible depuis la Turquie, entre autres fournisseurs de "terroristes potentiels "qui chacun sait fourmillent aux alentours.
Par ailleurs formidable laboratoire in vivo de la capacité à endurer d'un peuple en période de paix officielle.
Les plus curieux d'entre nous ont observé avec intérêt voire incrédulité les diverses "expériences" auxquelles sont soumis tour à tour les pays européens ces dernières années. Alertes terroristes, alertes épidémiques, alertes immigrationnistes, alerte économique permanente, alertes écologiques exponentielles, alertes civilisationnelles de toutes nature....

N'est-ce pas le prolongement de ce qui s'est passé ailleurs depuis la décolonisation mondiale, à peu de choses près?
Mais on parlait alors de pays lointains, présentés comme pauvres et arriérés à qui on apportait la promesse du développement... Au vue des moyens d'information, cela restait plausible....
Dans la première zone économique mondiale (puisqu'il n'y a plus que ça qui compte dans la guerre économique ouverte qu'on nous impose), il est probable que tôt ou tard, les masses s'en offusquent.. Il existe des précédents que l'on s'efforce d'ailleurs de faire oublier en prenant prétexte que la situation est inédite, exceptionnelle, sans alternative,etc...
Les moyens d'information et de communication ont décuplé en même temps que se déploie une gouvernance par la peur grâce toutes ces alertes et crises qui se succèdent sans fin, ce qui laisse quand même encore l'avenir ouvert., pour peu de temps peut-être, au vu de la permanence des chocs infligés à une population présentée comme résignée dans son ensemble, à moins peut-être de provoquer un chaos civil tel qu'il se déploie en Grèce, qui n'augure rien de bon dans un avenir proche, dans le contexte européen répressif.

Citées et analysées par Mr Chamayou, les expériences menées au Pakistan qui permettent de terroriser la population sous de faux prétextes sont aisément transposables dans des pays qui ont créé leurs propres ennemis intérieurs . Modulables selon les besoins mais aisément repérables, aisément diabolisés par une exposition médiatique.
Chaque ennemi intérieur potentiel doit intégrer peu à peu qu'il peut être atteint partout à chaque instant. De multiples oeuvres de science-fiction et d'anticipation l'ont formalisé...
Inutile, je pense de lister les différents moyens de surveillance et de traque mis en lumière volontairement ou non. Ni les interdictions de toutes sortes au nom du bien et de la santé qui criminalisent de fait peu à peu les comportements déviant de la norme établie.
De même que la fausse certitude du pilote de drone de son immunité physique et psychique.(car il devrait être le premier à savoir qu'il a interêt à se tenir à carreau s'il veut rester en vie), les citoyens que nous devrions être sont pour l'instant incités à se sentir protégés collectivement mais individuellement poussés à se surpasser mais à ne pas dépasser les limites autorisées sous peine de devenir un jour l'ennemi à abattre.
Ou qu'on peut abattre s'il est menaçant.
Comment devient-on menaçant pour la collectivité?
Il est temps que chacun se pose la question en effet.
Les Etats-Unis ont inventé le patriot act dont les révélations récentes de SNOWDEN ont rappelé les conséquences pour tout un chacun.
Est-ce un hasard si après ses prédecesseurs, les premiers mis au secret indéfiniment, un Assange réfugié depuis plus d'un an dans une ambassade équatorienne, ce nouveau "traitre aux Etats-Unis", après s'être répandu en vidéo sur les motifs de ses actes, a disparu volontairement de la circulation?
Les drones tueurs ne sont peut-être pas encore aptes à détruire sur un petit périmètre mais cela ne saurait tarder, une erreur sur la personne ne porterait d'ailleurs pas à conséquence, nous avons les moyens de construire une réputation,
En attendant, entre les tueurs fous, les accidents dans des zones insalubres et les terroristes, on pourrait bien arriver à expliquer une destruction sur une zone de 15m2, avec toute l'émotion requise par une fable tire-larmes ou révoltante. Les anti-complotistes intégristes n'ont qu'à compulser les archives déclassifiées du siècle précédent. pour réfléchir avant d'aboyer.
Lors "d'émeutes de banlieue", l'Etat d'urgence a été proclamé en 2005 chez nous, première depuis la guerre d'Algérie...Y a-t-il eu seulement un mort, à part la bavure supposée qui mit le feu aux poudres?
Au prétexte d'une épidémie potentiellement meurtrière, on a tenté d'organiser une vaccination de masse, il est vrai calamiteuse, mais dont la propagande déployée incitait chacun de nous à suspecter son prochain d'être contagieux.
Nous sommes soumis à un vigipirate orange ou rouge permanent. Faisons confiance aux experts de la communication pour justifier l'invention d'une couleur supplémentaire si besoin s'en fait sentir ...
A force de parler d'armes chimiques on va finir par en rencontrer...
Dans la configuration de guerre perpétuelle qui se met subrepticement en place, on retrouve incidemment l'intérêt économique des marchands d'armes et de leurs corollaires devant le risque de soulèvement des populations échaudées par les précédents du XXème siècle qui a la particularité d'avoir systématisé et taylorisé les massacres de populations civiles en même temps que les soldats, en temps de guerre, sort jusque là réservé aux manoeuvres de colonisation.

En effet la distinction entre combattant et civil s'est déjà effacée sans bruit dans un contexte de dillution des solidarités institutionnelles ou traditionnelles, sous couvert d'émancipation individuelle qui passerait uniquement par la satisfaction de tous ses instincts de puissance après avoir vaincu tous ses concurrents.
A défaut, de tenter sans cesse d'améliorer sa valeur médiatique sur le marché pour espérer faire parti un jour des heureux élus.
Ou le plus souvent de ne pas faire parti des "exclus" dont l'avenir s'assombrit à vue d'oeil en évitant de devenir une menace pour son entourage...
Il suffit d'étudier le lexique guerrier qui est censé régir notre quotidien, de la santé à l'emploi, en passant par la météo et la morale...
Guerre contre le cancer, alzheimer,..Campagne d'information sur les risques liés aux...
Offensive contre le chômage, chasse aux fraudeurs (remarquons le glissement sémantique employé à certaines occasions).
Evacuation "humanitaire" de bidonvilles insalubres (camps de roms évacués de force, démantelés au bulldozer, en français courant).
Sur le front des inondations, ...
Contre-offensive du camp des "pour" ou des "contre"
Invasion d'immigrés à nos frontières... Invasion de moustiques porteurs de chikunguya...
Alerte au passage d'oiseaux migrateurs porteurs de srass...
On peut y passer la nuit...

Lutter en premier lieu contre la peur que nous sommes censés ressentir paraît le plus urgent. Rencontrer par tous les moyens possibles nos semblables et en discuter parait prometteur, en confrontant nos sources, à défaut soi-même de s'engager dans des actions concrètes ,en attendant qu'une étincelle comme celle qui a permis en 2006 de voir les opposants au CPE faire ravaler leur loi à ses concepteurs,permette cette fois aux populations de voir se mettre le puzzle en place.
Cette lutte soutenue posait cette fois une question essentielle: d'emblée, même diplômé, un jeune est-il si menaçant pour l'entreprise que celle-ci doive le mettre à l'épreuve avant de l'accepter?
Au vu des stagiaires sous-payés employés en masse depuis, apparemment ils ne sont menaçants que lorsqu'ils réclament leur dû.

L'histoire récente nous offre de tels exemples qui stigmatisent selon le cas une catégorie déterminée d'individus potentiellement menaçants, parfois il est vrai de façon plus directe, comme les grévistes preneurs d'otages (de guerre?), le cancer de l'assistanat,

Retourner la terreur contre l'agresseur peut être une option mais elle est est discutable..
Après tout, comme le pilote de drone actuel censé se sentir en sécurité, même le plus influent dirigeant pourrait être piégé par un drone livreur de pizza (testé actuellement par un géant de l'agroalimentaire aux USA), dont le responsable de la manette serait lui aussi devenu un indigné....

Les perspectives sont étourdissantes...

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Très intéressant cet échange, je vais lire le livre.
Justement au Bourget, ça commence par de bonnes intentions :

http://www.liberation.fr/economie/2013/06/21/les-drones-envahissent-le-bourget_912494?xtor=rss-450#s1

Puis ça finira mal.

Grégoire devrait au moins aller leur dire ça aux politiques qui le sollicitent, puis il s'en va, car de toute façon..... beurk beurk. ralala, on et mal barrés.
Les morts de Bligny jouent aux cartes - Malaparte
Très bien !
Drone tueur militaire= drone tueur politico-policier-mafieux avec un contrat passé sur ta tête dont tu ne sais rien. Bras armé de la chasse à l'homme parce que tu ne te soumets pas au Prince.
Car bien évidemment l'ennemi extérieur n'est que le PRÉLUDE à l'ennemi INTERIEUR qui impérativement va surgir: c'est déjà dans la tête du Prince.
Le prince de ce monde que Machiavel a décrit ou plutôt décrit aujourd'hui très précisément car parfaitement d'actualité: l'obscénité du POUVOIR totalement insensible à la souffrance réelle des individus qui d'ailleurs pour LUI n'éxistent pas! Derrière l'apparat du décor qui fascine ( médias, protocole, culture, institutions policées ) l'horreur insoutenable de la LUTTE impitoyable.
Je conseille vivement le rapprochement de Roberto Scarpinato
Dans le Quichotte, Cervantès, le manchot de Lépante, qui a été fait prisonnier de guerre pendant des années à Alger, nous fait part de ses réflexions au sujet de la modernisation de l'armement: une des angoisses de Don Quichotte, qui se définit comme un guerrier, est de mourir par arme à feu, de mourir sans voir celui qui lui portera le coup fatal. C'est un combat sale, où la personne n'est plus personne, mais cible. Depuis, l'arme à feu a eu un franc succès.
La réflexion de Chamayou est riche et dense. Je n'ai pas lu son œuvre mais je le ferai. Un journaliste argentin, Juan Gelman, a fait il y a quelques temps une étude très intéressante et effrayante sur l'usage des drones. Il y a eu un soldat, un de ceux qui tirent avec ces trucs-là, qui un jour a vu avoir tiré sur un enfant. Son colonel lui a dit que c'était d'un chien qu'il s'agissait. Il n'a pas pu dormir, et le lendemain, a vomi du sang. J'ai pris ça pour une bonne nouvelle. Il y en a encore quelques uns, parmi ceux qui font ces choses-là, qui pensent. Qui ne peuvent pas s'en empêcher. C'est peu mais c'est déjà ça.
Il est clair que ces armes posent des problèmes de pensée sur la violence et le rapport de violence et qu'il faut y réfléchir. Depuis les angoisses de Don Quichotte, le problème se prolonge. On s'éloigne encore de sa victime, tellement qu'on est à l'autre bout de la terre. La terre entière peut devenir le terrain de jeu des va-t'en guerre et ce n'est pas rien. La légalité ne semble pas les concerner, et en plus, avec les nouvelles technologies d'une façon générale, les lois, toujours longues à élaborer, sont la plupart du temps inopérantes car pas adaptées au dernier bébé à la mode. Dans le domaine des armes, c'est évidemment terrible de conséquences, et il n'y a guère de sauve-qui-peut.
Merci donc de donner matière à la réflexion.
[quote=la rédaction]Pas de débat, pas de pensée, pas de «théorie» du drone, comme si la chose allait de soi, comme si, plutôt, nous étions bien trop désarmés intellectuellement pour concevoir la révolution que cette nouvelle arme a introduite à notre insu depuis dix ans dans l’art de la guerre.

Sans avoir visionné l'émission, et sans avoir lu le livre qui en fut l'objet: doublement dans l'extratexte donc, comme Péguy désignait le lieu commun qui nous unit, que nous le voulions ou non, depuis ainsi cette communion, il m'apparaît non sans intérêt d'ouvrir à la question ce qui fut le sujet du livre le plus connu de ce célèbre bergsonien ami et soutien de Péguy que fut Georges Sorel. Ce qui manque, en effet, aux Réflexions sur la violence du théoricien du syndicalisme révolutionnaire auquel je voue la plus grande admiration pour son mythe de la grève générale, ce qui constitue sa carence est précisément une réflexion sur ce qu'il faut entendre par violence. Car ce que vous appelez notre "intellectuel désarmement" ne se réduit pas à cette dernière (mais sans doute pas ultime) sophistique façon de réduire l'ennemi à la raison que constitue le drone.

Si de révolution il faut parler, s'agissant de guerre pour commencer, c'est non pas dans l'armement qu'il y aurait à la situer, mais plutôt dans l'inversion à laquelle soumettre la célèbre définition de la guerre par Clausewitz. Ce n'est pas en effet "la guerre" qui "est la poursuite de la politique par d'autres moyens": plus violents, commenta Lénine ironiquement. C'est, à l'opposé, la politique qui est la poursuite de la guerre: de façon plus rusée. Guerre foncière de tous contre tous, de tous contre chacun, et de chacun contre tous, ainsi que Hobbes la réduisit à l'aube de ces temps que nous appelons modernes.

Ce qui constitue, en effet, la fausseté de cette prémisse est la réduction qu'elle opère de la pensée héraclitéenne: non de la guerre, mais du combat (polemos) lequel ne met pas aux prises des hommes seulement, mais outre ceux-ci entre eux, l'ensemble des mortels avec les dieux, ce qui implique ainsi le conflit entre le sub-royaume des enfers régi par le Zeus le plus ancien (dont se réclame Antigone) et l'ordre apparent de la cité, soi-disant régi par le Zeus olympien dont abusivement se prévaut le tyran (Créon, archétypiquement). La violence première consiste autrement dit en cette intellectuelle réduction anthropologiste du combat à la guerre et, conjointement, de la souveraineté-liberté à la domination-oppression.

Tout comme la technique, en son essence, n'a rien d'instrumental, la guerre en sa vérité, n'a d'autre brutalité que notre défaut de penser le Quadriparti dans lequel elle disparaîtrait, laissant place à un combat plus originel. Polémique Quadriparti de la Terre et du Ciel, des mortels et des dieux, et non confus affrontement entre "amis et ennemis". Faut-il s'étonner que la justice (Dikè) refusée par ces derniers leur revienne de manière perpétuelle sous formes de violences mutuelles ? Cela ne peut que se renouveler, pas seulement instrumentalement, aussi longtemps qu'il ne sera pas fait droit à l'interrogation: "la piété de la pensée", ainsi qu'Heidegger en a précisé la spécificité.
Très belle émission. merci vraiment. A Yannick (mais que dire à quelqu'un qui préfère discuter sur le forum plutôt que lire le livre dont l'émission ne peut évidemment pas rendre complètement compte? Qu'il s'agit plus d'exhibitionnisme que de sincère recherche), surtout, et aux autres aussi, on conseillerait volontiers de voir "the gatekeepers" le très beau (et dérangeant) film où interviennent plein d'anciens du Shin Beth (ça commence d'ailleurs avec une "frappe chirurgicale"). Leur discours est très fort, d'autant qu'ils ont pratiqué la terreur (il y a celui qui est responsable du lynchage qu'il voulait "dissuasif" des terroristes qui avaient détourné un bus). Et tous ils disent: il faut parler avec l'ennemi, il faut du politique. Sinon, c'est le désespoir. c'est sans issue. Cette guerre ne mène à rien... Ce qui montre au passage que l'on peut mener une guerre "à l'abri" (c'est celle du renseignement) et être amené à réfléchir, car on n'échappe pas à la question du sens. Au fond, l'histoire d'être légitime parce qu'on s'expose aussi à être tué, je n'y crois pas trop. Par contre, le fait qu'une personne soit engagée dans l'acte, ou ne serait-ce que la décision de tuer, aussi déréalisé soit l'acte, reste une garantie qu'à un moment donné, pour 'rester humain" quelque chose s'agite et proteste en lui. (C'est le sujet des pièces d'Edward Bond, auxquelles le "prélude" de ce livre fait très fort penser). En vérité, la vision terrifiante, c'est bien celle du robot décideur: il n'y a plus personne derrière la décision. Et en effet, je crois que c'est ce qui se passe en partie avec l'économie (la spéculation automatique par ordinateur, le déclenchement de sanctions automatiques en cas de non-respect de certaines règles "mathématiques" genre 3%,...). Qui rassure certains parce qu'on serait enfin débarassés des affects... et qui est le vrait point de bascule, (pas celui du "courage" qui n'a jamais été une valeur morale, et qui ne me paraît pas être la question, mais peut-être est-ce parce que je suis une femme, et que ce n'est pas autour de ça qu'on m'a appris à me construire? (où alors à définir autrement: "parfois, le courage, c'est de ne pas agir?")
C'est bien les lois de la guerre mais quand elles sont respectées par tous.
Ceux qui mettent un bombe dans un bus pour exterminer des jeunes femmes dont le seul tort est de
vouloir s'instruire, je ne sais pas vous, mais moi j'utilise toutes les armes possibles et imaginables
pour les détruire, et dans la mesure du possible sans faire prendre de risque à un innocent supplémentaire,
fut-il militaire ou agent de la NSA ou de la CIA ...Difficile de me faire admettre l'obscénité de cette action.
Gros pâté dans le Monde aujourd'hui sur les drones. Effet Chamayou ?
EXCELLENTE émission ! Bravo ! Finesse et clarté de raisonnement. justesse du débat. Point de vue très pertinent. Le tout restant pétri d'humanisme ....
Bravo à l'auteur et bravo à Judith Bernard pour la qualité du débat.

Dés que je passes dans une librairie digne de ce nom, je me précipites sur ce texte ...
Bonjour
Je viens d'être intéressé à votre émission Judith par la Grande Table de ce midi sur France Culture qui dissertait sur le livre de votre invité.
A l'écouter et à lire les commentaires du forum, je suis accablé par l'acceptation par certains de l'inacceptable…

Un jour on a donné des missiles anti aériens à des combattants qui étaient de notre coté, c'était bien. Puis un jour, ces combattants sont devenus nos "ennemis" et ils ont tourné leurs armes contre leurs bienfaiteurs…
Les drones, c'est un peu ça. On leur prête de "bons cotés" actuellement. Et que se passera-t-il lorsqu'ils se retourneront contre nous ?
Je découvre Grégoire Chamayou avec grand plaisir.
Super bonhomme. Clair, précis, une grande réflexion.
Je crois que je vais craquer pour son travail qui traite d'une thématique hyper inquiétante qui rappellera aux amateurs d'expériences videoludiques l'écriture d'Hideo Kojima de Metal Gear (armes nucléaires mobiles, armées privées, drones équipés d'intelligence artificielle), ou à ceux du cinéma le Robocop de Verhoeven ou bien encore Terminator avec l'acquisition d'autonomie décisionnelle des machines sur l'homme.

Merci @ASI
J’adore passer du drone (qui est une arme) à la vidéo surveillance, il fallait le faire.

Bon je ne vais pas me faire des amis mais un petit lien ne peut pas faire de mal :
http://aboudjaffar.blog.lemonde.fr/2013/05/23/killing-the-enemy-always-works/
http://aboudjaffar.blog.lemonde.fr/2013/05/29/et-pour-les-survivants-ce-sera-le-regne-de-la-peur/

Et puis ça m'évite de répéter ce que certaines personnes sur ce forum ont déja dites.
"L'ennemi invisible" que représente les drones a été connu par l'armée US pendant la guerre du Vietnam sous la forme de civiles combattants en guerrilla.

- cette guerrilla a neutralisé l'efficacité des opérations militaires US et a été une terreur psychologique pour les soldats US
- la médiatisation de la guerre dans les familles américaines a été néfaste à la conduite des opérations militaires

Si l'armée US a appris de sa défaite au Vietnam en adoptant cette stratégie de "l'ennemi invisible", elle ne remet pas en cause sa culture de combat, sa stratégie, son mythe de suprématie par la massivité logistique qui est parfois une faiblesse.
Entretien très intéressant. Cependant, à propos de la menace des drones et sur l'éthique de la guerre, je pense à plusieurs choses :

- la culture du pouvoir aux Etats-unis est spécifique et elle pourrait se résumer ainsi : on mobilise des moyens colossaux dans un premier temps, puis dans un second temps, on analyse les détails du problème qui restent à résoudre.
exemples :
¤ dans le renseignement et les récentes révélations à propos de PRISM http://reflets.info/prism-la-theorie-du-gros-zizi/
¤ un autre exemple est l'utilisation des hélicoptères par l'armée US pendant la guerre du Vietnam qui consistait au transport de troupes. Parce qu'à cette époque, l'armée US pensait pouvoir gagner la guerre par des moyens logistiques gigantesques. Aujourd'hui, les hélicoptères sont utilisés principalement pour le combat direct. Est-ce que les drones ont une efficacité meilleure que des hélicoptères ?

- l'utilisation de drones n'est qu'un exemple parmi d'autres exemples des nouveaux moyens d'armement et de police que permet la technologie aujourd'hui.
exemples :
¤ les radars automatiques contrôlant et verbalisant (avec un opérateur humain à distance) la vitesse excessive ou le franchissement de feu rouge ou les distances de sécurité trop faibles des véhicules sur les routes.
¤ la vidéosurveillance urbaine ou dans les commerces.
¤ les téléopérateurs et les téléassistances et les télésurveillances dans de nombreux domaines (du simple interphone à la fourniture à distance d'une prestation de service).
Ca valait vraiment le coup d'attendre... Une si belle émission.
N'y connaissant rien, mais rien (contrairement aux quelques stratèges avrtis que je découvre sur ce forum) en la matière, je suis tombée de ma chaise: comment se fait-il qu'on n'en parle pas (plus), en France ? Et si j'ai bien saisi, non seulement le grand public, dans lequel je m'inclus, peut passer complètement à côté, mais en plus le débat intellectuel ne fait pas rage... Alors qu'il a l'air aussi abyssal conceptuellement que vital politiquement.
Emission d'utilité publique évidemment !

Comment voulez-vous qu'on ne râle pas à propos de la rareté, Judith, quand vous enchaînez des émissions de ce niveau !
Un entretien intéressant ,mais à moitié convainquant.Grégoire Chamayou montre bien le caractère menaçant des drones , et il montre qu'ils ne représentent pas seulement une évolution technologique ,mais qu'ils ont des effets politiques et humains. La technologie a d'autres effets que strictement militaires et il le souligne bien.Mais faire du drone une révolution militaire me paraît excessif.Je ne suis pas sûr que les drones soient plus dangereux ,plus nocifs que les bombardements massifs de la deuxième guerre mondiale ( sur l'Angleterre ,on l'oublie trop souvent ,l' Allemagne ou le Japon) ou de la guerre du Vietnam.
Je crois que l'antiaméricanisme égare Grégoire Chamayou et Judith Bernard.Je n'ai guère de sympathie pour le " bushisme" et le militarisme américain,mais ce sont les attentats du 11 septembre qui ont conduit à l'intervention de l Otan en Afghanistan.De surcroît , c'est aux Etats-Unis mêmes ,et M. Chamayou le souligne avec honnêteté lui même ( 24 ème minute) , que se sont développées les critiques contre les drones.On attend avec impatience que Bachar El Assad laisse se développer les critiques contre les armes chimiques .
Enfin , je ne pense pas que le Pakistan soit un modèle de démocratie.Quant à l'Afghanistan ,il faudrait se souvenir que les talibans dans les années 1990, obligeaient les femmes à porter la burqa, pratiquaient les exécutions publiques et dynamitaient les statues de Bouddha de Bamyan.Je ne suis pas sûr que le fanatisme et l'obscurantisme religioso -politique soient préférables à la surveillance technologique.
Les grands méchants amerlocs prennent plein la guele. Tant mieux pour l'autre puissance dronière de la planète, qui passe complètement à la trappe, Shuuut il faut prononcer son nom, sinon tout le sérieux de l'émission et du livre tombe à l'eau. Quoi plus effrayant de donner aux adversaires un soupçon de complotisme... Alors restons sérieux.....

Pourtant à un moment de l'émission on a évoqué l'abondon de l'occupation horizontale au profit de l'occupation verticale de l'espace, quel meilleur exemple que celui de Gaza?

Par ailleurs, je suis très étonnée de la naiveté de Judith Bernard : l'héarchisation des êtres humain? Pensez-vous sérieusement qu'en état de GUERRE on considère l'ennemi comme notre égal? De la guerre de Troie à nos guerre menés pour les droits de l'homme, c'est une nécessité de voir dans l'ennemi un barbare pour pouvoir le tuer la conscience tranquille.

Idem, pour les actions judiciaires. ce genre de procédé est pour les dictateurs africains, et autres barbares du tiers monde. AUCUN jamais AUCUN militaire ou civil occidental ne sera poursuivi, ça n'a pas de sens! La justice ne peut pas attaquer son berceau....
Je n'ai pas lu cet ouvrage, donc mon commentaire se base sur l'emission.
J'aurais aimé qu'on souligne un point :
L'un des problemes sous-tendu par certains discours, c'est de decreter que le terrorisme est un probleme dont le traitement est de l'ordre du militaire, alors que le probleme a la base concerne surtout la question du politique/social.
Or il y'a, de' facon frontale, deux possibilités, le choix du domaine policier/judiciaire, ou le choix du militaire, impliquant des methodes differentes qui ont certes, chacun leurs consequences negatives.
Le propre des moyens de chacunes des categories, est pour le policier/juge de consacrer l'effort a l'identification des personnes par rapport a leurs actions... toute la structure est principalement orienté dans ce sens, le militaire par contre n'est pas fait pour identifier, puisque la structure est fait pour combattre des ennemis deja identifiés, et les detruire,


Le militaire a besoin d'un ennemi clairement identifié, les differents types de moyens a sa disposition sont pleinement efficace que dans ce cadre la, c'est pour cela que les conflits de type guerilla lui pose enormement de probleme, ne pas pouvoir clairement identifié l'ennemi rend peu efficace, voire inefficace/contreproductif au vu des moyens engagés.


Dans ce cadre la, certes le drone entraine des consequences lié a la guerre sans perte humaine pour l'un des camps, mais tout ce qui est du domaine de la disparition des limites et l'aspect moralo-juridique qui en decoule, est plutot lié au fait de faire le choix d'user de moyens militaires avec la logique l'accompagnant.

L'ennemi potentiel, invisible, c'est un truc connu depuis pas mal de temps, et quand on choisit des moyens / des logiques militaires, c'est l'assurance de beaucoup de "dechet", pour un resultat "mediocre" quand on pretend porter des valeurs democratiques (les systemes totalitaires ont beaucoup moins de problemes a assumé ces "dechets" dans leurs actions).
Je vois a travers le prelude cité, l'illustration de ce fait : l'incapacité de ce genre de structure a identifié l'ennemi couplé a la necessité de detruire qui est dans le "gene" des structures militaires, resultat on tue sans sens, sans "efficacité".

Quand on demande a une structure militaire de s'occuper d'ennemis invisibles, on ne peut que s'attendre a ce genre de consequences, avec ou sans drone, les moyens aerien precedant permettaient deja de minimiser les consequences sur le risque d'exposition du soldat, le fusil, l'evolution du canon etc.... le drone est dans la droite ligne de cette evolution.

Le drone assassin permet de mieux assumer le choix politique de la tension guerriere continue, au detriment d'un autre choix celui de "negocier" politiquement, d'accepter les compromissions qui permettraient de "regler" les antagonismes a leurs sources, en gros de renoncer a la toute puissance que peut donner cette impression au vu des moyens militaires a sa disposition.
c'est un eémission exceptionnelle. j'ai beaucop apprécié les analyses et la hauteur.une vie ne vaut plus celle d'un autre

nous sommes rendus dans une civilisation froide calculatrice qui distancie le meurtre aléatoire un jeux vidéo où la mort de l'autre s'incarne

sans réciprocité sur celui qui la donne . point de sépulture pour la civilisation obamah doit rendre des comptes devant la communauté internationale à l'heure où le rapprochement avec les états unis est en marche je ne veux pas de ce pays comme allié.

C'est une coupure radicale avec les guerres conventionelles qui pourrait nous obliger à repenser le conflit
Je n'ai pas lu tout ce fil de forum (ni lu le bouquin encore) donc désolé s'il y a des informations redondantes.

Le contenu du bouquin développé dans l'émission, si on peut ergoter sur des détails de procédure, ses fondements sont d'une évidence criante, beuglante, hurlante. Comme le suggère l'auteur, un petit dessin vaut mieux qu'un long discours, et une infographie encore mieux. J'ai découvert celle-ci il y a quelques semaines sur les frappes de drones au Pakistan, depuis 2004 : http://drones.pitchinteractive.com (Chrome ou navigateur récent recommandé).

Pour les non-anglophones, il n'y a pas beaucoup de texte, je pense que le graphique parle de lui-même. Néanmoins, il y a quatre barres en haut, rouge, rouge foncé, beige et blanc. Celles-ci représentent respectivement le nombre d'enfants tués dans ces attaques de drones, le nombre de civils, le beige est labellisé "Autres" et recense, selon l'armée U.S., des combattants ennemis (sic), la dernière en blanc est pour les « VIP » (sic) identifiés, genre chefs talibans, d'Al-Quaeda (sic), etc. On peut passer la souris sur les colonnes pour avoir plus d'info et cliquer sur les boutons en haut « Attacks », « Victims », etc.

Sur plus de 3 000 victimes de ces frappes (celles connues et figurant dans cette infographie), moins de 2% sont identifiées, soit précisément 48 bonshommes. Accessoirement, je ne savais pas que les États-Unis étaient [s]en guerre contre[/s] en conflit avec le Pakistan, enfin, ils y envoient des armes de [s]guerre[/s] pacification comme ces drones (voire des commandos pour Ben Laden) en toute banalité. Amusant aussi que lesdits États-Unis n'aient pas déclaré la guerre à quiconque depuis 1941 -- sauf à la Terreur (War on Terror), mais on ne sait pas très bien où qu'il est son pays à la Terreur. Ce n'était manifestement qu'une déclaration de principe, pas une déclaration de guerre, vu qu'à part les successifs Patriot Act, concernant principalement les citoyens américains (pour une raison étrange, mais son nom ne prête pas à l'équivoque), aucun document officiel n'en fait état.

Dans un autre domaine, l'utilisation domestique des drones est plus qu'envisagée, elle est programmée au États-Unis. Les autorisations accordées pour l'utilisation de drones par la Federal Aviation Administration (anglais) sont légion, même l'EFF (Electronic Frontier Foundation) n'a pas encore pu en faire le tour, et ça fait presque un an, avec quelques rebondissements (anglais). Mais pas d'inquiétude, c'est pour la sécurité publique (anglais).
j'ai lu son livre, j'ai vu l'émission, maintenant je veux son 06 !
Chamayou est très mignon. Mais un pli de son pantalon donnait l'impression perturbante qu'il avait une érection durant toute l'émission.
A part ça, très intéressant et à faire circuler. J'ai souvent pensé à Essential Killing: un homme seul, réduit à l'état d'animal, poursuivi par une force sans visage venue du ciel. J'ai été également ravi d'apprendre que dans les hautes sphères guerrières, différentes "philosophies" s'affrontaient. C'était peut-être d'ailleurs ce qui manquait à l'émission: un philosophe pro-drones (puisqu'apparemment il en existe) ou mieux encore moins un historien de la chose militaire qui aurait pu élargir le propos.
Une des plus belles émission depuis l'arrivée d'@si sur le net. Merci à Judith et à Grégoire Chamayou pour cette réflexion de haut vol (j'ose) sur le temps des couilles molles...

J'en dirai plus à Judith, mais en privé !
Je pense que quelque chose vous échappe Yannick, ou alors vous vous en foutez, ce qui est plus grave.
L'un des fondements de l'ethos guerrier repose précisément sur l'engagement du corps dans la guerre : il est légal (moral) de tuer parce que mon ennemi peut me tuer aussi. Le meurte de guerre est légal car nous nous entre tuons. Le drone, et l'usage qui en est fait, transforme radicalement les pratiques de la guerre.
Bien sûr le bombardement est aussi distance entre le pilote et ses victimes, bien sûr les V2 tuaient des civils.

Mais la question n'est pas là.
Le pilote du drone est tranquillement assis sur son siège, dans une boîte métallique perdue au milieu du Nevada.
Il surveille et tue 12h par jours, puis sort de son cube et prend sa voiture pour rentrer chez lui manger avec sa femme et ses enfants.
Il ne court aucun risque, ne s'engage jamais.
Où est l'ethos guerrier ?
Le meurtre est-il toujours légitime, et légal, lorsqu'il est complètement unilatéralisé, et que l'ennemi est privé de champ de bataille ?
La guerre aérienne "classique" obéit à des logiques différentes : elle engage des hommes dans les airs, sur terre, en mer, des hommes qui risquent leur vie et mesurent le sens de la mort car ils l'infligent de près et son éclaboussés du sang des combattants ennemis, et parfois de leur propre sang, ou de celui de leurs camarades.

"With great power comes great responsibility" dit son oncle à Peter Parker...
Je me demande où est la responsabilité du pilote de drone qui voit des figures sur un écran et peut les tuer d'un coup de pouce sans risquer sa vie.
Il n'est pas physiquement investi.
C'est symboliquement du pur assassinat.
Peu importe à cet égard (à mon sens) qui il tue, ou les méthodes de l'adversaire pour mener son combat.
La question est : que devient la Nation qui emploie ce type de méthode ?
Elle ne vaut pas mieux que l'ennemi qu'elle prétend combattre.
Tous les mardi la CIA envoie ses experts à la maison blanche pour dresser des kill lists de terroristes présumés à tuer pour la semaine, les journalistes appellent cela les "terror tuesdays".
C'est le fait d'une démocratie.
Figurer sur la liste est une condamnation à mort.

L'occident ne s'est pas battu pour le droit à la vie, et contre la peine de mort, pendant trois cents ans, pour aussi encadrer la boucherie qu'est la guerre, pour admettre sans sourciller que celle-ci devienne une opération de police internationale, conduite dans des pays en paix, où aucune hoistilité ne se déroule, le tout donc sans limites géographiques ni limite temporelle, sans début et sans fin, sans dedans ni dehors, opération létale pour des individus dont parfois l'identité n'est pas connue et repose a priori sur une définition "scientifique" de leur appartenance à des groupes présumés terroristes.

C'est du pur délire.
Judith, je continue à regarder l'émission, dont j'avais interrompu le visionnage pour poster.

Le débat juridique existe, mais il est timide pour l'instant.

Le Comité international de la croix rouge, gardien des conventions de Genève établissant des règles minimales à respecter dans la conduite des histilités, n'intervient pas encore beaucoup, je pense qu'il est gêné par sa posture de neutralité. Hors si plus de 40 pays font actuellement des recherches sur les drones, seuls les USA en font un usage massif.

Dans la doctrine officielle d'Obama, l'usage du drone aux fins d'"assassinats ciblés" n'est pas la première option : il vante dans son discours du 23 mai dernier (dont je fais l'analyse dans mon article) une préférence pout la capture et la détention.
Bien sûr il ajoute immédiatement que cette capture n'est pas toujours possible, en particulier lorsqu'elle implique une intervention au sol dans des zones reculées (autrement dit le Waziristan ou encore les plateaux afghans) ce qui justifie in fine l'usage des drones pour cibler les terroristes présumés.

Pour les curieux je renvoie aussi aux travaux de Peter W Singer, chercheur américain, qui expose avec une étonnante clarté une position asez proche de celle de Chamayou. Il le fait dans un style très américain donc parfois formellement agaçant mais ça vaut le coup. Voici un exemple de vidéo, et là un autre.

Enfin je voudrais dire à Chamayou (espoir débile qu'il lise le forum de l'émission, mais l'espoir fait vivre) que son livre est un grand livre, car comme le souligne Judith c'est une incroyable polyphonie, précise, argumentée, documentée, combattante et académique à la fois : sérieux comme un grand travail de recherche et politique comme devraient l'être les travaux de tous les chercheurs. Facile à lire et d'une grande densité. Bravo, y'a pas d'autre mot.

La référence à Canguilhem au début du livre, à Simone Weil, sont enfin de micros bonheurs philosophiques.
Merci Judith pour ce bel invité.
J'ai lu le bouquin pour préparer un article de droit international, et j'en ai surligné presque toutes les pages.

Les hypothèses de Chamayou, du bouleversement de l'ethos militaire à la dislocation des zones de conflit sont très justes.
Quant aux méthodes de détermination des cibles, en particuliers dans le cadre des "frappes de signature", elles soulèvent des problèmes épistémologiques importants : comme si colliger des données collectées par les drones (relevés téléphoniques, déplacements, participation à des rassemblements) pouvait suffire à formuler l'hypothèse qu'un individu est un terroriste présumé.
La définition même du "normal" par opposition au comportement "inhabituel" (et qui fonde la décision de frapper telle ou telle personne, même si son identité n'est pas connue) soulève énormément de questions qu'aucun programmateur de drones n'est désireux de traiter.

Enfin, à tous ceux qui pensent que les robots tueurs sont une chimère, une soit disante "pente fatale", je vous invite à consulter les sources suivantes, documents officiels de l'US Air Force, et qui prévoient le développement, sur la période 2009-2047, de robots tueurs, ou "Unmanned automatied services" jusqu'en 2047. Par ailleurs, ces robots entièrement autonomes sont DEJA utilisés, comme le montre le document du Naval War College dont le lien est ci dessous.

Pour le plan d'action de l'US Air Force vantant les mérites suprêmes des armes entièrement autonomes, de type Terminator: Voir ici.

pour des réflexions éthiques du Naval War college, voir ici

Pour les courageux qui ne sont pas rebutés à l'idée de s'enfiler un peu de droit international humanitaire, mon article, qui emprunte généreusement à Chamayou (que je cite évidemment) est lisible ici.
"Quant aux méthodes de détermination des cibles, en particuliers dans le cadre des "frappes de signature", elles soulèvent des problèmes épistémologiques importants : comme si colliger des données collectées par les drones (relevés téléphoniques, déplacements, participation à des rassemblements) pouvait suffire à formuler l'hypothèse qu'un individu est un terroriste présumé.
La définition même du "normal" par opposition au comportement "inhabituel" (et qui fonde la décision de frapper telle ou telle personne, même si son identité n'est pas connue) soulève énormément de questions qu'aucun programmateur de drones n'est désireux de traiter.

Enfin, à tous ceux qui pensent que les robots tueurs sont une chimère, une soit disante "pente fatale", je vous invite à consulter les sources suivantes"


Le problème épistémologique est au contraire très simple, DanetteOchoc, c'est celui de l'induction. Elle ne permet jamais de garantir que le soleil se lèvera demain parce qu'il s'est levé hier. Faut-il pour autant ne pas tenir compte de ce savoir faillible, probabiliste, pour planifier nos actions ?

Le problème soulevé par les meurtres ciblés, qu'ils soient réalisés par des drones ou des commandos, peu importe, tient à la fiabilité de l'inférence inductive. Or jamais, au grand jamais, il ne sera possible d'évacuer l'incertitude, c'est donc toujours un pari, un choix qu'il faut assumer ou non. Sachant que chacune des deux options se traduira, elle, nécessairement par des morts innocents, tôt ou tard, ici ou là.

Ce problème de l'induction, nous le connaissons déjà, à une autre échelle, dans les prise d'otages. Tant que le preneur d'otage ne tire pas directement sur ses victimes, on ne sait pas s'il en a les moyens ou même réellement l'intention. Ce qui ne nous empêche pas de considérer que le simple fait de s'être mis dans cette position de preneur d'otage lui ôte pour sa défense le recours au bénéfice du doute. Dès qu'il menace, peu importe sa réelle dangerosité, celui-ci a déjà franchi un cap en s'attaquant à des innocents. Sa neutralisation s'impose donc, qu'elle aboutisse ensuite à sa capture ou à sa mort est une question annexe. Toute la question est donc de déterminer le seuil admissible de menace. Et là encore, c'est l'induction, l'expérience, ce qui a déjà eu lieu, qui permet de délimiter celui-ci.

Quant à l'argument de la pente fatale, ce n'est pas dans sa dimension technique qu'il en est un, qu'il puisse y avoir des drones armés "autonomes", c'est une évidence, l'automatisation aura lieu, comme elle a déjà lieu un peu partout ailleurs, que dans l'argument consistant à avancer que celle-ci constituera nécessairement une régression.

yG
Yannick, franchement, je ne peux que vous inviter le livre, sinon nous allons refaire le débat "Avatar", etc.

Vous défendez un point de vue qui n'est pas fondé sur une connaissance de la thèse de Chamayou.
Et non ce n'est pas "très simple".
La frappe de signature consiste à déterminer, via des données quantifiées transformées en "qualité", des individus dont on ne connaît pas l'identité mais dont les comportements repérés par le drone "laissent penser" qu'elle est terroriste.
Les pilotes n'ont tout simplement pas la moindre idée de sur qui ils tirent.
C'est très différent, sur le plan du respect des principes qui fondent l'ethos guerrier (et que le droit international humanitaire traduit) d'assumer une erreur ex post que de l'inclure ex ante dans un schéma offensif.

Sur ce que vous appelez "régression" je ne sais pas quoi dire parce que je pense qu'il n'y a pas plus de "progrès" que de "sens" de l'histoire.
Je ne connais en effet, Danette, que ce que Chamayou a laissé transparaître dans l'émission, je ne vais pas m'en excuser pour lui, puisque je ne juge pas de son livre, juste des propos qu'il a exposé durant cette heure. Maintenant, si c'est pour dire qu'il faut mieux "cerner" ceux qui sont ciblés, cela va de soi, mais dans ce cas, ce n'est pas le drone qui est visé, c'est le renseignement.

Le fait que les pilotes n'aient pas la moindre idée de sur qui ils tirent ne tient absolument pas au drone non plus, cette prémisse ne tient pas. L'aviation, bien avant le Kosovo, depuis sa création, est confrontée au même problème, voir les témoignages des pilotes allemands publiés en ce moment. C'est pourquoi le simple fait de tolérer dans l'ethos guerrier des moyens aussi "myope" (que l'aviation, la marine, les chars) contredit de facto la distinction ex post et ex ante.

yG
Les militaires affirment que l'intervention humaine est source d'erreurs.
Ils défendent l'idée que le drone permet "scientifiquement" de faire la guerre.

Rien de tel n'a jamais été prétendu en ce qui concerne les V2, la bombe nucléaire.

Il s'agit maintenant de faire plus "éthiquement" la guerre, comme si on pouvait, in fine, effacer le fait que l'on tue.
C'est n'importe quoi, de la méthode de détermination des cibles ("il a une arme chez lui ça doit être un terroriste" - à ce compte là faudrait faire sauter le Texas...) à l'idée qu'on maintien la distinction civils militaires alors qu'intrinsèquement le drone ne le permet pas non plus.
Mais ce n'est pas assumé.
Fondamentalement il y a l'idée que la guerre sera plus scientifique et plus éthique si des machines sans émotions tuent des hommes à la place des hommes.

Cette affirmation donne le vertige. Inutile de renvoyer ici à toute la littérature SF, c'est trop évident.
Je ne mélange pas une pratique, l'assassinat ciblé, et le discours que certains politiques, certains philosophes ou certains militaires lui associent. Juger d'une méthode, ce n'est pas la même chose que juger des discours sur cette méthode. Ne confondons pas les deux, comme le fait, hélas, Chamayou au début de l'émission (peu m'importe la façon dont les militaires et leurs philosophes vendent leur truc, ce n'est pas en fonction de leurs arguments que je me prononcerai dessus). Il est regrettable que des discours et des arguments stupides soient produit pour soutenir, vendre, imposer une pratique, il n'en reste pas moins que cela ne permet pas de juger de celle-ci.

Maintenant, la distinction civils-militaires, ce n'est pas le drone qui l'opère, c'est le terrorisme lui-même. Vous voulez traiter physiquement du terrorisme ? Vous ne pouvez le faire en respectant ce que le terrorisme ne respecte pas de son côté (frontière, distinction civil-militaire), sous peine de lui laisser le champ libre.

Quant à alimenter le terrorisme en attaquant les terroristes... C'est déjà partir du principe erronée qu'ils auraient besoin de nous pour justifier leurs actions. Qu'ils se justifient ainsi n'implique aucunement qu'ils aient le droit ou qu'ils puissent le faire. Pas plus qu'une femme en mini-jupe ou non voilée n'est responsable de l'ire de ses bourreaux, nous n'avons à endosser ce qui est de leur seul responsabilité.

yG
"Quant à alimenter le terrorisme en attaquant les terroristes... C'est déjà partir du principe erronée qu'ils auraient besoin de nous pour justifier leurs actions. Qu'ils se justifient ainsi n'implique aucunement qu'ils aient le droit ou qu'ils puissent le faire. Pas plus qu'une femme en mini-jupe ou non voilée n'est responsable de l'ire de ses bourreaux, nous n'avons à endosser ce qui est de leur seul responsabilité."

Je ne crois pas qu'il s'agisse de répérer les responsabilités.
Pour prendre un exemple moins connoté que celui de la mini-jupe, j'utilise un bon antivol pour attacher mon vélo. Si j'utilisais une petite chaine et qu'une personne utilisait une simple pince pour la couper, je ne pense pas que cette personne serait moins responsable de son vol, mais moi, je n'aurai plus de vélo.

La question que je me pose en vous lisant est la suivante : est-ce que le choix de cette guerre contre le terrorisme est d'ordre moral (ils sont responsables, il faut les punir) ou stratégique (comment éviter de nouveaux actes) ?
C'est surtout répondre aux terrorisme par le terrorisme en reprochant le terrorisme de l'autre et sans se demander ce qu'il se passe dans cette partie du monde

Il est logique que des gens qui se sentent spolier sur leur territoire éprouvent de la colère et invitent à la guerre contre l'envahisseur

Une autre chose aussi, qui a armer ces rebelles, qui leur a donner des armes et des munitions ?

Les USA payent ce qu'ils ont provoqués, maintenant ils utilisent des drones pour avoir une guerre "propre" face à des ennemies qu'ils ont eux-mêmes armés
"Pour prendre un exemple moins connoté que celui de la mini-jupe, j'utilise un bon antivol pour attacher mon vélo. Si j'utilisais une petite chaine et qu'une personne utilisait une simple pince pour la couper, je ne pense pas que cette personne serait moins responsable de son vol, mais moi, je n'aurai plus de vélo."

Dans les deux cas, Fran, l'unique responsabilité en incombe au voleur, vous pourriez laisser votre vélo sans attache, que le voleur serait toujours le seul et unique responsable. Pensez, une seconde, que vous seriez en tort parce que vous n'avez pas mis une chaîne antivol assez grosse, c'est faire le jeu des voleurs. Ce n'est pas à vous de vous protéger, individuellement, c'est collectivement, donc politiquement, qu'on doit vous protéger, parce que ce n'est qu'ainsi qu'on opère la dissymétrie entre vous, qui avez le droit d'avoir un vélo, et le voleur, qui n'aura jamais le droit de vous le prendre, quelques soient les conditions.

Je suis donc pour qu'on puisse de promener à poil sans risque de se faire violer, qu'on puisse se promener à 70 ans sans avoir peur de se faire casser la gueule par un moins de cinquante, qu'on puisse acheter de la viande sans se faire avoir sur sa nature, qu'on puisse blasphémer comme on le souhaite, autant qu'on le souhaite sans avoir de compte à rendre au moindre religieux, etc..., parce que la société aura mis le paquet d'un point de vue légal et répressif sur ceux qui seraient susceptibles de passer à l'acte et d'abuser de nous à ce prétexte.

Il est hors de question d'intégrer individuellement les valeurs que nos bourreaux veulent nous imposer. Il faut au contraire lutter collectivement contre celles-ci et cela commence par ne pas faire ce qu'ils veulent que l'on fasse, par ne pas se conformer à leurs désirs. So, fuck le voile sexiste, fuck le respect des divinités, fuck le mariage pour les seuls hétéro, etc.

Cela ne veut pas dire au final que vous ne pouvez pas attacher votre vélo, symboliquement, pour souligner qu'il n'est pas en libre service, seulement que c'est inutile de faire peser sur vous la responsabilité de son vol, elle incombe uniquement et toujours au voleur. On ne négocie pas avec eux, on ne s'accommode pas de leur présence, on la combat, toujours et encore, systématiquement, sans fin. C'est la seule solution qui ne constitue pas un recul, qui lui, n'aurait aucune raison de s'arrêter, jusqu'à nous dépouiller de tout.


"La question que je me pose en vous lisant est la suivante : est-ce que le choix de cette guerre contre le terrorisme est d'ordre moral (ils sont responsables, il faut les punir) ou stratégique (comment éviter de nouveaux actes) ?"


Factuellement, je n'en sais rien, et je vous dirai même que je m'en fous, car, peu importe les raisons avancées par les militaires et les politiques, ils peuvent même se tromper totalement dans la formulation de la justification de leurs actions, sans que celles-ci ne soient à remettre en question pour autant. On peut parfaitement critiquer le discours tenu, sans que la légitimité de l'action n'en soit affectée. Les deux sont à analyser séparément.

yG
Je ne pensais pas que mon message pouvait prêter à confusion.
Évidemment que le voleur est seul responsable du vol, quelques soient les circonstances.

Et en même temps, que m'importe qui est responsable, le jour où je me retrouve sans vélo... J'attache mon vélo non pas pour une histoire de responsabilité, mais parce que je tiens à le retrouver quand j'en ai besoin.

D'où ma question finale : très pragmatiquement, la politique actuelle est-elle la plus à même de contrer le terrorisme ?
Le problème des drones tiens au fait qu'il n'y a pas d'homme sur place :

Peut on correctement estimer à distance?

J'ai l'impression que le rapprochement que vous faites avec l'aviation ne tiens pas vraiment, le sniper oui à la limite car il s'agit de cible humaine et non de bâtiments.

En gros vous dites "ce n'est pas le drone qui est visé, c'est le renseignement. " mais la question n'est elle pas : Est ce qu'un drone permet un bon renseignement?

Par exemple, la camera est elle assez précise? Ou bien, le fait qu'il n'y ai pas d'hommes sur place et que se soit une machine modifie surement le comportement des civils ou rebelles. (Il n'ont peut être pas été inondé de film de sf et agissent de manière irrationnelle car ils ont peurs)
"Peut on correctement estimer à distance?

J'ai l'impression que le rapprochement que vous faites avec l'aviation ne tiens pas vraiment, le sniper oui à la limite car il s'agit de cible humaine et non de bâtiments."


Désolé, gaz', je ne comprends pas, sur la base de la distinction bâtiment-cible humaine, en quoi vous pouvez invalider mon rapprochement entre drone et aviation. Après tout, les bâtiments aussi abritent bien souvent des humains, et le renseignement, donné par des observateurs sur le terrain ou depuis le cockpit, peut tout aussi être faillible et aboutir à la destruction d'une école au lieu d'une usine d'armement, vous le savez aussi bien que moi, c'est déjà arrivé des milliers de fois.

"En gros vous dites "ce n'est pas le drone qui est visé, c'est le renseignement. " mais la question n'est elle pas : Est ce qu'un drone permet un bon renseignement?

Technologiquement parlant, oui, ni mieux, ni pire qu'un autre. J'aurai même tendance à dire mieux que d'anciens mode de collecte (jugement du pilote d'avion, d'hélicoptère), pour peu qu'on utilise le fait qu'il ne coûte rien en vie humaine de son camp pour multiplier les types de drone, et qu'un drone d'attaque soit encadré par de nombreux autres drones de surveillance, d'information. Rien n'interdit non plus qu'un drone soit utiliser comme l'est l'aviation à partir des informations collectées au sol par des informateurs, le fait d'utiliser un drone n'implique pas qu'on doive se passer d'homme pour l'information. C'est donc un faux argument, ce n'est pas la technique qui n'est pas assez fiable, c'est son usage qui n'est pas assez encadré, adapté à ce qu'elle permet ou non. On peut parfaitement critiquer l'usage actuel des drones sans remettre en question l'usage de cette technologie dans le cadre d'assassinat ciblé. Ce sont là deux choses différentes.

" que se soit une machine modifie surement le comportement des civils ou rebelles. (Il n'ont peut être pas été inondé de film de sf et agissent de manière irrationnelle car ils ont peurs)"

Franchement, qu'il y ait un homme ou non n'atténue en rien la peur face à une arme qui se ballade au dessus de vous. Vous avez moins peur devant un pilote d'hélicoptère qui vous met en joue que devant un drone ? Vous m'expliquerez comment vous faites. Intellectuellement, j'aurai même tendance à avoir plus peur d'un homme présent sur site que dans un abris à des milliers de kilomètre, car, l'agent sur le terrain est stressé par l'impératif qu'il a de maintenir d'abord sa propre vie, il interprétera donc de façon plus biaisé le moindre de vos mots, gestes, alors qu'un opérateur qui n'encadre pas ses propres troupes n'a rien à craindre pour lui-même, toutes choses égales par ailleurs.

yG
J'ai lu le bouquin pour préparer un article de droit international, et j'en ai surligné presque toutes les pages

Enlevez le mot "presque" et vous avez une histoire belge.
Julot, voyons ! Cette plaisanterie est indécente dans un forum consacré à une sujet aussi grave !
Ce forum ne peut pas être plus abîmé qu'il ne l'est. Yannick G l'a transformé en champ de ruines.
Quelques citations en vrac (rhétorique (psychanalyse?) de la dissidence):

Eric Hazan (éditeur du livre):

-«Dans la guerre civile en cours, avec mes faibles moyens, je me bats pour mon camp. Le camp des opprimés.»
-Eric Hazan n'est pas un homme de bandes, de relations, de services rendus. Plutôt chef d'équipe, vif, séducteur, pas très attentif aux dégâts qu'il peut causer. Et s'il est entouré, c'est d'abord par des femmes, qui se renouvellent, le rajeunissent. Quatre d'entre elles lui ont donné cinq enfants. L'aîné a 48 ans, le dernier 6. De ce côté-là, il tient du coq.
-Des attentats-suicide, il «condamne l'acte, pas celui qui le commet, parce que les Palestiniens sont poussés au désespoir. Je suis contre la bombe dans le café, mais s'il faut se battre, on se bat : c'est autre chose».
-Au fond d’une petite cour, un homme crée modestement des « armes » pour préparer la « contre-attaque ». C’est un combattant qui se considère en situation de « guerre civile ».
-Quand on lui parle d’« éditeur-militant », il rectifie aussitôt :
« Je n’aime pas ce terme, ni celui de d’éditeur radical. Cela ne recouvre pas bien la réalité. Je crois qu’il manque un mot pour décrire ma situation. Généralement quand il manque un mot, c’est que quelque chose pose problème à la société. Mais s’il fallait vraiment me qualifier, je dirais plutôt subversif. Subversif au sens fort du terme. La Fabrique, c’est un hôtel pour accueillir toutes les formes de la pensée subversive. »

-« Je ne fais pas de la résistance, car la résistance voudrait dire que l’on est en train d’être battus. Or, la bataille n’est pas livrée. Je préfère parler d’autodéfense »
-Plus qu’un éditeur, Eric Hazan est un acteur du conflit qu’il rêve de voir exploser :
« Mes livres doivent être des textes qui poussent au passage à l’acte les gens qui sont déjà de notre bord. A mesure que les années passent, mes choix éditoriaux sont de plus en plus guidés par une question : est-ce que ce livre va être une arme ? »
Encore une émission qui honore ASI. La guerre n'existe pas dans la " nature". Les tueries érotiques de la gerre en dentelles n'existent plus non plus. Seule subsiste la " Technique", c'est à dire le rapport instrumental au monde, le triomphe de la question " à quoi ça sert ?" sur toutes les autres questions. J'ai le souvenir d'un reportage du" Monde" ( à l'époque où c'était encore un journal) qui mettait en scène un tueur qui recommandait, pour être efficace, de ne pas croiser le regard de sa victime. Le drone pourra peut-être un jour filmer ce regard. Alors tout ne changera pas.
Des émissions comme celle là on en veut encore !
Merci, merci et encore merci pour cette magnifique émission qui justife à elle seule mon abonnement!
Juste une remarque, sous forme d'hypothèse, à la question que vous posez Judith sur la contradiction apparente dans le livre entre le fond angoissant et la forme qui serait ludique (d'après ce que vous en dites, je ne l'ai pas encore lu). Ne serait-ce pas aussi la conséquence de la fascination du savoir en lui-même, c'est-à-dire du plaisir qu'on peut prendre à décrypter le monde: voir son intélligibilité, le déchiffrer est jouissif, même si après ce qu'on découvre est affreux. Mais mettre de la cohérence dans ce qui semble ne pas en avoir est en soi une source de plaisir intellectuel. Dans un de ses essais, Elsa Morante expliquait que la littérature est au fond optimiste, même quand elle traite des sujets les plus angoissants (la fameuse distinction de Gramsci entre le pessimisme de la conscience et l'optimisme de la volonté). Elle expliquait qu'un romancier est en fait un philosophe qui porte en lui un système qu'il entend donner à voir sous une forme artistique et non théorique pour susciter chez le lecteur un plaisir qui suscite ensuite en lui une réflexion. Votre invité n'a certes pas écrit un roman, mais peut-être y a-t-il là une explication de la contradiction apparente entre le style de sa prose et le fond de son propos.

MErci encore mille fois pour la profondeur de cette émission et pour le choix pertinent de vos invités, qui donnent à penser!

PS égotiste : a propos d'Elsa Morante, dont on fêtait l'année dernière le centenaire de la naissance, son traducteur français et dernier confident, Jean Noël Schifano, vient de lui consacrer un livre. Que j'aimerai vous entendre le faire parler de cette grande dame
Merci, Judith, de cette émission précieuse qui va bien au delà de son sujet. Ce n'est pas par hasard si c'est un philosophe qui la traite. J'ai été passionnée par le dernier volet, où vous échangez sur le parti pris littéraire de séparer les faits, glaçants, de l'émotion qui trouve sa place dans des digressions apparentes. J'imagine, n'ayant pas (encore) lu le livre, que ce parti pris le rend attrayant pour des gens non familiarisés avec la chose écrite. À vérifier. Je pense aussi à une utilisation qui se répand de ce genre de textes, la lecture à voix haute d'extraits choisis, qui permet de lancer un pont entre ceux qui "savent" et aiment lire, et les autres, ceux à qui la lecture fait peur... ou les paresseux, ou ceux qui "ne peuvent pas tout lire".

Sur cet autre parti pris de ne pas s'indigner directement, mais de laisser au lecteur le droit de faire ses propres réflexions et conclusions: vous le jugez risqué, je le trouve au contraire tout à fait pertinent. Les "militants" ont cette manie, que je juge très peu respectueuse, de nous dire à chaque pas ce que nous "devons" penser, comment nous "devons" nous indigner. Ils nous font très peu confiance, et même nous méprisent quand nous protestons contre cette tutelle. Avant même d'avoir tenté de comprendre notre protestation, ils l'ont classée "réac" ou "molle" ce qui les dispense d'une auto-critique pourtant bien nécessaire.

Alors un bouquin qui me raconte des choses, que ce soit des faits ou du rêve, et qui me laisse le droit d'en penser ce que je veux, je suis très intéressée. Je vais le lire, bien sûr.
Pour la probabilisation de l'ennemi, il n'y avait pas de drone en Espagne, Indochine (puis Viet-nâm), Algérie ou encore Yougoslavie; pourtant des bavures il y en a eu énormément. La probabilisation vient plus de la nature du conflit. Le drone dans tous ça est juste une aggravation dans le sens où il n'y a plus une grande volonté d'identification de l'opposant.

Pour l'interrogation sur le rayon d'explosion la réponse est donnée juste après : 15 m de rayon d'action pour prendre en compte déplacement de la cible en une seconde, et passer les éventuels blindages. C'est froid et terriblement rationnel et pas cher. Parce qu'il y a un point non abordé aussi est que ce mode d'action du drone tueur de haute altitude est là aussi pour éviter des pertes matérielles au risque de bavures humaines, il n'y a pas seulement une mise en avant de vie nationale par rapport au barbare mais l'outil avant la vie d'innocents. Dans les conflits précédents la justification (discutable) était « eux ou nous », il y avait au moins le risque de mort directe pour celui qui commettait un crime de guerre ou terroriste.

Pour le type de stratégie utilisée aujourd'hui, le problème est que maintenant les conflits ont tous des points prépondérants d'adhésion idéologique et on ne tue pas une idée avec une masse d'arme, une balle ou un robot. Les problèmes d'un outil sont toujours le mode d'obtention, l'utilisation qu'on en fait, ses conséquences et pas son existence qui ne peut pas être remise en cause.
Le risque aujourd'hui est dans leur mauvais mode d'utilisation (de plus les pilotes est opérateurs de drones sont-ils aptes à utiliser ces armes? Quel temps de formation ? Ont-il une expérience du terrain où ils opèrent virtuellement ? Les militaires sont souvent jeunes.), quand on a un nouveau joujou on l'utilise à tort et à travers, qui ne peut que mener à des conflits perpétuels car toutes les sources du conflit ne sont pas traités et pire parfois renforcées, les bavures de maintenant crées les opposants de demain. Et là l'intérêt des militaires est clairement en conflit avec l'intérêt général, cette forme de guerre permet une pérennisation des conflits (et donc des budgets...) tout en éloignant le risque de perte militaire; on rentre dans un intérêt corporatiste mortifère. Je ne pense pas que le but des stratèges militaires en faveur de cette doctrine est d'éviter le terrorisme sur leur sol (ils laissent ce problème à d'autres) mais bien de fixer le désordre dans une zone qui les arrangent. Cette une arme aussi de dissuasion car peu coûteuse une fois développée aussi bien en terme matériel qu'humain, et là on peut dire facilement diplomatiquement, si tu bouges tu vas avoir très mal et pas moi car les contre-mesures vont longtemps être très compliquées contre ces engins.
La difficulté principale, des guerres actuelles, d'identification de l'ennemi et de tarissement de son recrutement ne sont pas résolue par les drones d'attaque car se n'est pas leur rôle. Ce rôle est toujours dévolue à des agents de terrain qui coûtent très cher avec des résultats aléatoire. On en arrive à se demander si on peut dès lors gagner une guerre par des moyens militaires. Oui plus de victoire ni de défaite mais n'est-ce pas le rêve pour un militaire plus technocrate que guerrier ?

Pour ce qui est du droit de la guerre je suis étonné par l'ingénuité de Judith, le droit de la guerre est définie par le fort, le faible s'il veut vaincre doit quasiment toujours se retrancher dans une forme hors du code de la guerre à ce moment. Par exemple l'arc sacré dans le Bushido ou la tentative d'interdiction l'arbalète, contre les chrétien, par la chevalerie en occident (alors que les rois ne s'en privaient pas, ce qui ne portera pas chance à Richard Cœur de lion). Le pouvoir de qualifier ce qui est une activité terroriste ou pas est énorme, est une sujet bien trop vaste pour en débattre ici.

Pour la chair à canon elle est économique maintenant et plus guerrière mais la guerre économique fait rage alors y a t-il une vrai évolution de ce côté (sauf qu'avec un bon gros chômage de masse la chair à canon elle la ferme) ?

Le recours aux drones, aux mercenaires et l'armement de groupes divers est la réponse aux risques électoraux pris par les politiques de mener des guerres.
Les drones ont l'avantage économique à moyen terme et à cours terme de garder la puissance de feu dans les mains du pouvoir les utilisant.
Le problème du mercenaire est le prix, la loyauté et les crimes qui risquent de vous retomber dessus par ricochet (voir Bob Denard ou Blackwater pour l'exemple).
Armer des groupes divers ça a déjà donné des résultats inoubliables (pour ne citer que l'UÇK ou les talibans contre les soviétiques)...

Les drones de reconnaissance et recherche ont été moins abordés dans l'émission alors que leur bénéfice sur le terrain guerrier et civil est plus profond. Le flicage à tout de suite été abordé mais qu'en est-il de l'utilisation pour les pompiers, les secouristes ou les handicapés ? Et même, en parlant de flicage, la surveillance par drone n'est pas le pire risque aujourd'hui, pour l'utiliser une cible (humaine ou géographique) est nécessaire alors que vos données biométriques sont déjà prises avec votre carte d'identité, votre vie par internet et toutes les jolis bases de données étatiques ou commerciales où nous sommes; à côté le drone fait pâle figure.
Le risque d'utiliser les drones pour la police et de faire de même que les militaires US, et amoindrir la présence sur le terrain ( mais n'est-ce déjà pas le cas avec la vidéo-surveillance?).

Pour l'ingénuité (feinte?) de Judith je n'ai jamais vu un politique de très haut vol ne pas penser avant tout au beefsteak de ses électeurs (ou soutiens?), Obama est là, au mieux, pour la veuve et l'orphelin américaine pas les autres.

Finalement le risque est toujours le même : ériger une stratégie sur un outil alors qu'un conflit se gagne aujourd'hui par divers moyens (les mongols avaient quand même fait fureur en leur époque avec leurs archers montés). Dans une époque où peu veulent être responsable (et ces derniers pas coupable) la doctrine du drone est un outil de déresponsabilisation, pas plus, pas moins. C'est aussi peut-être pour ça que nous n'aurons pas tout de suite des robots d'attaque autonome car, là, le responsable va vite être trouvé et avec des galons en plus.
Le cahier des charges ( on ne va pas parler d'objectifs militaires) de l'armée fait par les politiques est plus la cause de tous ça : pas de défaite, pas de mort pour nous, pas trop cher, que ça ne fasse pas tâche d'huile au moment de la prochaine élection.
C'était très intéressant, merci à vous deux
bonjour
j'ai lu ce livre il y a quelques jours et je partage votre analyse sur sa pertinence et les perspectives effrayantes qu'il ouvre comme les concept de "guerre sans fin" ou de "guerre sans victime visible"
la notion de deshumanisation plus ou moins ratée du "meurtre" a distance est aussi à connaitre
ainsi que la notion de "meurtre symboliquement médiatique "
enfin de nombreux concept sur une réalité qui échappe à tout controle démocratique
la loi martiale en flux continu quoi
une excellente emission et un livre remarquable
cordialement
mb
Grégoire Chamayou, c'est de la famille à Bertrand (Chamayou), le pianiste ?
Merci, c'était passionnant !
J'y pense Judith, à cause de vous je suis en train de lire Alexis Jenni. Merci.
Si moins de rareté pouvait servir à ça : me faire lire plus...
merci pour cet entretien.
j'ai été super content de voir ce philosophe après la lecture de ce bouquin passionnant (et flippant, je confirme).
la mise au point qu'il fait, en réaction à la symétrie terrorisme/drone est salutaire car il faut bien dire que l'idée vient assez vite à l'esprit.
c'est un vertige dont j'apprécie qu'il est été traité et formulé de manière osée par Judith, mis en perspective par l'auteur avec quelques espoirs d'un possible dépassement.
j'espère que le débat citoyen aura lieu.
Quelques réflexions.

Sur la précision et l'utilisation d'un canon plutôt que de missiles : c'est peut-être simplement une histoire de portée : les drones volent haut, pas au raz du sol. Et les armes à feu ont bêtement une portée plus faible qu'un missile pour un poids donné.

Et les drones n'ont rien de neufs dans l'histoire de la guerre. C'est juste une arme qui tue de loin, et dont l'utilisateur est à l’abri. C'est exactement comme l'utilisation de la poudre contre des gens qui ont des épées ou d'avion avant l'invention d'arme anti-aérienne.

Sur les robots tueurs, on est juste en plein délire de science fiction. Et sur les pétitions pour interdire le développement de drone, c'est illusoire. Depuis le début de l'histoire, l'humanité n'a jamais arrêté le développement militaire.

Les histoires de violation de frontière, c'est du rapport de force entre états. Si le Pakistan n'est pas content, il peut déclarer la guerre aux états-unis. On parle d'un pays avec une armée plutôt puissante disposant d'armes nucléaires. En pratique, les zones concernés sont hors de contrôle gouvernemental. Et du coup le Pakistan se contente de protestation polie.

Sur le ton très froid et technique des textes de l'armée, imaginez 30 secondes les réactions si le vocabulaire était plus cru.
Et au fond, le ton est surtout je pense une réaction humaine des auteurs de protection psychologique par rapport au sujet. Parler de vecteur et charge utile plutôt que de missiles et de bombes permet aux ingénieurs de faire leur travail avec du détachement. C'est peut-être lâche mais c'est humain.

Les drones civiles, ce n'est pas que des tasers volants (dont je ne vois pas trop l'avantage sur un CRS), c'est aussi bêtement avoir des moyens pour les pompiers d'intervenir dans des zones dangereuses. Bon c'est aussi surtout des caméras volantes pour la police, ce qui est déjà bien plus grave.
Mais en même temps, les risques de piratages sont tels que ça pourrait être drôle.

Cette émission me donne quand même beaucoup l'impression d'un débat entre deux personnes qui ne connaissent rien au sujet à part que la guerre c'est pas bien.
Chouette, nouvelle plongée dans le texte?!

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