Ordre des journalistes : Match relaxé, Malherbe condamnée
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Ordre des journalistes : Match relaxé, Malherbe condamnée

Paris-Match relaxé, Appoline de Malherbe condamnée : ce sont les deux premiers "avis" rendus par le "Conseil de déontologie journalistique et de médiation", dont nous avions raconté ici la création chaotique.

La journaliste de BFM Appoline de Malherbe est condamnée, pour avoir ainsi conclu une interview de Juan Branco, invité en tant qu'avocat de Piotr Pavlenski  (oui, il est bien question ici du monde d'avant, voir notre dossier) : "Plus on vous entend, plus on se demande si Piotr Pavlenski n'est pas que l'exécutant, et vous le manipulateur". Prononcée à la toute dernière seconde, cette "interrogation" n'avait laissé à Branco aucune possibilité de répondre. Elle venait conclure une interview toute en mimiques hautement incrédules et réprobatrices (mimiques sur lesquelles le Conseil, faute sans doute de mimiquologue, ne s'est pas prononcé). 

Toujours dans le cadre de l'affaire Pavlenski-Griveaux, Paris-Match, en revanche, est relaxé par le Conseil pour la publication, en couverture, de cette photo de l'arrestation de l'artiste russe. 

Relaxé, bien que la publication de cette photo d'une personne entravée soit manifestement un délit aux termes de la loi de 1881-mais le Conseil ne se prononce pas sur la légalité. Relaxé au motif que la photo livrerait une information d'intérêt public, ou plutôt deux : l'arrestation de Pavlenski, et l'attitude "de spectatrice extérieure à l'événement" de sa compagne. Sur ce second point, ça se discute. La photo aurait été prise une demi-seconde plus tôt, ou une demi-seconde plus tard, la tête de Alexandra de Taddeo aurait été tournée de quelques degrés, le message de la photo était différent. Bref, cette photo ne dit pas grand-chose, sinon que Pavlenski a été plaqué au sol pour être arrêté. Sur les circonstances dans lesquelles Match a obtenu cette exclusivité, une enquête IGPN a été ouverte, enquête qui, à ma connaissance, n'a débouché sur rien.

Et me voici à l'heure grave de me demander ce que je pense de ces deux avis du Conseil. Pour être honnête, pas grand-chose. Appliquer un raisonnement de juristes, à grands renforts de pompeux verbiage juridique, avec des "saisines" "recevables" ou "partiellement recevables", à des questions déontologiques est un exercice délicat en soi. À la différence de la loi sur la presse de 1881, les chartes de déontologie, auxquelles se réfère le Conseil, ne procèdent d'aucune légitimité populaire. Il n'existe pas de jurisprudence déontologique qui aiderait à interpréter ces textes. Bref, comme tout récit médiatique, tout jugement déontologique doit d'abord être apprécié en fonction de son énonciateur : qui parle ? D'où ça parle ?

Et de ce point de vue : ouille ouille ouille. Passe encore que ce Conseil, rejeté par 19 sociétés de journalistes, ne représente personne d'autre que les estimables individualités qui le composent. Ce n'est pas rédhibitoire : après tout, nous aussi, sur ce site, ne représentons personne d'autre que nous-mêmes, ce qui ne nous empêche nullement de déconstruire joyeusement les narrations de nos confrères. Plus ennuyeux est le fait qu'il est né sous la pression du pouvoir politique. "Je considère, avait lancé le secrétaire d'Etat au numérique Cédric O.,  qu’il doit y avoir un Conseil de l’ordre des journalistes, des journalistes entre eux, qui prennent des décisions et qui disent à l’Etat : “Vous devez retirer l’agrément de tel ou tel canard, mettre des avertissements. [...] C’est aux journalistes de le faire, ce n’est pas à l’Etat de le faire. S’ils ne le font pas, ce sera l’Etat qui le fera, au bout du bout" - le secrétaire d'Etat avait ensuite rétropédalé, mais le mal était fait. Les avis de ce Conseil de l'ordre qui n'ose pas dire son nom sont donc d'avance entachés de tous les soupçons. Avis rendu en ce mercredi matin en réunion plénière, par consensus de tous les membres présents dans mon peignoir de matinaute.

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