"Le Masque" et Houellebecq : les poules et le couteau
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"Le Masque" et Houellebecq : les poules et le couteau

Très intéressant, ce podcast de France Inter, qu'évoquait hier Emmanuelle Walter, dans son enquête sur la réception du dernier Houellebecq. Aussi addictif que Houellebecq lui-même. Nelly Kaprièlian, des Inrocks, a exhumé pour France Inter les archives sonores du Masque et la plume, depuis Extension du domaine de la lutte, le tout premier roman. Où l'on s'aperçoit d'ailleurs que le Masque n'a pas raté le phénomène à ses débuts, loin de là, et couve d'un regard perplexe, depuis ses premiers piaillements, le monstrueux poussin.

Des poules découvrent un couteau. Un couteau affûté, implacable, qui plonge au cœur. Ah le beau couteau ! Il y a là, caquètent d'abord les poules, quelque chose d'important, de nouveau, d'inquiétant, mais quoi donc ? Parution après parution, rentrée après rentrée, tout au long de ce quart de siècle, ils se retrouvent, toujours les mêmes indéboulonnables du boys band, Garcin, Viviant, Assouline, et jusqu'à l'éditeur de Houellebecq, Raphaël Sorin, écartelés entre l'évident racisme, l'évidente misogynie des textes – et, c'est de moins en moins niable depuis Plateforme, de l'auteur lui-même – et l'attrait irrésistible de cette écriture vénéneuse, qui tambourine la fin de leur règne. De parution en parution, ils voient se former la dystopie zemmourienne de jonction de la droite Pernaut et de la droite Bloc identitaire, d'éloge du travail en rejet de l'Europe, sans jamais y mettre de nom, en dépit du temps consacré au personnage. "Quinze minutes, pour nous, c'est exceptionnel", laisse échapper l'un d'entre eux dans l'émission sur Plateforme, au terme d'un échange marathon.

Ils sont bien élevés. Ils évoquent la détestation de l'auteur pour "certaines religions" sans nommer l'islam. Ils sont cultivés et intelligents. Ceux qui n'aiment pas le formulent toujours avec esprit, car bien entendu l'esprit, comme à Versailles, est le pass d'admission. Ils représentent l'Obs, les Inrocks, Lire. Ils sont le pouvoir littéraire. Le pouvoir d'apparence placidement germanopratine, mais dont l'assourdissante absence de colère viscérale rappelle qu'il est aussi (surtout ?) blanc et masculin. Ils représentent la quintessence d'une civilisation à son crépuscule, qui se délecte d'entendre gronder une si mélodieuse barbarie.


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