Survivalisme et permaculture : comment (sur)vivre après l'effondrement ?
L'émission
  • Avec
    Corinne Morel Darleux et Alexandre Pierrin et Madeleine Sallustio et Eléonore Lluna
  • Presentation
    Pauline Bock
  • Préparation
    Adèle Bellot
  • Réalisation
    Antoine Streiff
Réservé à nos abonné.e.s
Comment vivra-t-on après la fin du monde, ou, en tout cas, de notre monde ? Comment s'y préparer ? Depuis la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine, la succession d'étés caniculaires et l'inflation qui explose, le spectre de l'effondrement de notre société – qu'il soit climatique, social, politique, ou tout à la fois ne semble plus un lointain horizon, mais une possibilité bien réelle.

Après notre série d'été sur l'effondrement en 2018, cette année, Arrêt sur images a choisi de revenir sur le sujet. Dans cette émission, on se demande si, depuis cinq ans, les médias et la société ont changé de point de vue sur les survivalistes, les preppers, les gens qui stockent des denrées dans leur cave, rejoignent un collectif de permaculture ou qui participent à des stages de survie. Comment repenser nos modes de vie et tendre vers davantage d'autonomie et de résilience ?

En plateau, la journaliste d'ASI Pauline Bock accueille Corinne Morel Darleux, autrice de l'essai sur l'effondrement Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce (Libertalia, 2019), qui tient une chronique mensuelle pour Reporterre et a dirigé le hors-série Socialter autour du sujet "Comment nous pourrions vivre" Eléonore Lluna, ancienne infirmière devenue coach en survie, qui propose des stages d'autonomie en pleine nature. En visio, le journaliste Alexandre Pierrin, qui réalisé la série Survivre sur les survivalistes en France pour France TV Slash ; et la chercheuse au CNRS Madeleine Sallustio, qui a étudié les collectifs néo-paysans et leur rapport à l'avenir dans l'ouvrage À la recherche de l'écologie temporelle : Vivre des temps libérés dans les collectifs néo-paysans autogérés : une analyse anthropologique

Survivalimse : attention danger

Si le survivalisme est une pratique aux multiples facettes, sa pratique est loin d'être sans danger, surtout lorsqu'elle est encadrée par des gens non formés. En 2020, un homme de 26 ans est décédé lors d'un stage après avoir ingéré une plante hautement toxique. Au cours du même stage, sept autres personnes avaient été empoisonnées par la même plante, identifiée à tort comme comestible par leur formateur, mis en examen pour homicide involontaire, blessures involontaires, faux et usages de faux et détention illégale d'armes puis condamné à deux ans de réclusion.


Stocker pour survivre… ou pour manger différemment ?

Depuis le Covid-19 et l'inflation, les médias français font régulièrement des sujets sur "ces Français qui stockent" des vivres. À l'instar de ce reportage de 66 minutes datant de janvier 2023 : il suit Alison, mère de deux enfants, dont le garage est une "réserve alimentaire" prévue pour durer un an. Mais "ces Français" sont-ils tous survivalistes pour autant ? Chez les survivalistes, explique le journaliste Alexandre Pierrin, il y a plusieurs notions de stock : le stock "tournant" et le stock "mort". Il admet avoir d'abord, en commençant son reportage chez les survivalistes, avoir trouvé "ridicule" l'idée de stocker, parce qu'à terme, "ça ne résout pas le problème". Mais décrit le stock "tournant" comme un garde-manger : "J'ai rencontré des survivalistes qui faisaient des conserves, qui faisaient sécher leurs champignons pour en faire de la poudre." Certain·es, précise-t-il, lui disaient que leur stock n'était pas uniquement "dans l'attente d'une catastrophe", mais "pour se sentir mieux au quotidien" et se prémunir d'une période de chômage subi ou de disette, quelle qu'elle soit.

Au salon du survivalisme, "marketing de la peur" et "documentaire orienté"

Au salon du survivalisme, M6 a filmé les étals de "couteaux anti-reflets", de "machettes à 157 euros", de "pailles Survivor" et autres gadgets composant "l'attirail du parfait survivaliste". Et même les vendeurs de bunkers, qui peuvent transformer votre cave en "bunker anti-atomique", ou proposent des places dans un "bunker en colocation". Corinne Morel Darleux trouve "navrant" ce "marketing de la peur" et cet étalage de marchandises qui, en voulant préparer à l'effondrement, y participe. Eléonore Lluna, coach en survie, était présente au salon : elle vend et encadre des stages d'autonomie en pleine nature. Ce reportage de M6, dit-elle, est son "pire souvenir de journalisme, si on peut appeler ça du journalisme". Elle explique : "Ce documentaire a été extrêmement orienté. Il y a eu insistance, insistance, insistance, pour essayer de me faire dire des choses. Ils voulaient me faire dire que je suis la «star de la survie», parce que c'était cool d'avoir de l'argent, la machette à 157 euros et la «star de la survie»."

Si l'Extrême droite est survivaliste, les survivalistes sont-ils d'extrême droite ?

Depuis plusieurs années, l'extrême droite française s'est emparée des techniques du survivalisme, "devenu très à la mode" dans le milieu, ce qui leur permet de "s'entraîner légalement" ainsi que de fédérer un "fort esprit de groupe", selon le chercheur Nicolas Lebourg, interviewé sur France 2. Mais si certaines personnes d'extrême droite deviennent survivalistes, tous les survivalistes ne sont pas pour autant d'extrême droite : Alexandre Pierrin raconte avoir rencontré une personne considérée comme une "figure du survivalisme", dit-il, mais qui refusait d'être décrite comme survivaliste car elle ne "voyait pas en quoi toute la connaissance de ces techniques doit préfigurer de ses positions idéologiques". Selon lui, ce n'était pas anodin : "Elle avait tout à fait conscience que les personnes qui politisaient la survie en France avaient tendance à venir de l'extrême droite", dit-il. "Le problème, c'est qu'aujourd'hui, les personnes qui vont s'emparer le plus de la question du survivalisme en ligne vont être des milieux d'extrême droite : ça leur permet d'avoir un côté un peu cool, un peu boys scouts testostéronés avec des tatouages."

Repenser nos modes de vie

Peut-on vivre autrement ? Des collectifs néo-paysans font le pari d'une organisation différente de la société, basée sur la permaculture, le low tech et le "retour à la terre". Ces collectifs défendent des modes de vie plus proches de ceux qu'ont connu nos grands-parents. Des techniques qui résonnent aussi avec certains "stockeurs" : Alison, du reportage de M6, explique par exemple n'avoir fait que "reproduire ce qu'on a toujours fait" en créant un garde-manger chez elle : "J'ai toujours connu, chez mes grands-parents, une pièce au sous-sol où il y avait plein de trucs à manger. Peu importe ce qu'il arrivait, il y avait à manger."

Faire son pain, faire des stocks, des bocaux, des récoltes tournantes… Ces techniques qu'utilisent beaucoup de survivalistes et décroissants sont en fait "des choses qu'on fait encore aujourd'hui à la campagne" pour Corinne Morel Darleux. "J'habite dans un petit village près du Vercors, c'est comme ça qu'on vit, et c'est comme ça que les gens ont vécu pendant très longtemps !" Parce que la population vit désormais majoritairement dans un "environnement urbain, numérique", dit-elle, "on en vient à redécouvrir des choses qui ont été évidentes et de l'ordre du quotidien pendant très longtemps, et c'est peut-être là qu'il y a des choses à imaginer". Corinne Morel Darleux observe quelque chose de "singulièrement absent du traitement journalistique" de l'effondrement : la dimension politique. "On voit des personnes qui commencent à se préparer à des hypothèses d'effondrement, de manière très individuelle, mais il n'y a pas du tout de discours politique sur les causes, dit-elle. Sur la question agricole et alimentaire, il semble urgent de se poser la question de politiques agricoles adaptées à un pays dans lequel il va y avoir de plus en plus de sécheresses." Selon elle, "si la volonté ne vient pas des politiques publiques, il faut l'auto-organiser."

Pour aller plus loin

- La série "Survivre" d'Alexandre Pierrin sur France TV Slash, en 5 épisodes, et les 3 épisodes des "Carnets de bord du confinement" de survivalistes en 2020, sur Urbania France.
- L'essaiPlutôt couler en beauté que flotter sans grâce, de Corinne Morel Darleux (ed. Libertalia, 2019).
- L'ouvrage À la recherche de l'écologie temporelle, Vivre des temps libérés dans les collectifs néo-paysans autogérés : une analyse anthropologique de Madeleine Sallustio (Presses universitaires de Rennes).
- L'article de l'Obs sur la famille collapsologue alsacienne.

Vous ne pouvez pas (encore) lire cette vidéo...

Cet article est réservé aux abonné.e.s
Rejoignez-les pour une information sur
les médias indépendante et sans pub.

Déjà abonné.e ?

Partager cet article Commenter

Lire aussi

Voir aussi

Ne pas manquer

DÉCOUVRIR NOS FORMULES D'ABONNEMENT SANS ENGAGEMENT

(Conditions générales d'utilisation et de vente)
Pourquoi s'abonner ?
  • Accès illimité à tous nos articles, chroniques et émissions
  • Téléchargement des émissions en MP3 ou MP4
  • Partage d'un contenu à ses proches gratuitement chaque semaine
  • Vote pour choisir les contenus en accès gratuit chaque jeudi
  • Sans engagement
Devenir
Asinaute

5 € / mois
ou 50 € / an

Je m'abonne
Asinaute
Généreux

10 € / mois
ou 100 € / an

Je m'abonne
Asinaute
en galère

2 € / mois
ou 22 € / an

Je m'abonne
Abonnement
« cadeau »


50 € / an

J'offre ASI

Professionnels et collectivités, retrouvez vos offres dédiées ici

Abonnez-vous

En vous abonnant, vous contribuez à une information sur les médias indépendante et sans pub.