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Dufresne et le grand bazar de Tarnac, d@ns le texte

Quelle inépuisable source d'inspiration littéraire, cette affaire de Tarnac ! Autour des démêlés judiciaires du groupe de Julien Coupat, soupçonné d'avoir saboté des lignes de TGV en 2008, après le manifeste L'insurrection qui vient, et après l'OVNI Tomates, de Nathalie Quintane, voici maintenant un récit, Tarnac, magasin général (Ed Calmann-Lévy), par le journaliste et écrivain David Dufresne.

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Appel de Tarnac

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Tarnac, le 28 novembre 2013

Chers amis,

Cela va bientôt faire un an et demi que nous n’avons pas donné de nouvelles. Si tout suit son cours tranquillement subversif sur le plateau de Millevaches, le moins que l’on puisse dire c’est qu’à l’échelle du pays le climat politique et existentiel tend à devenir exécrable. Ce qui se cache derrière « la crise » est un phénomène si total qu’il défie manifestement nos catégories. Une fois que l’on a parlé des « ravages du néo-libéralisme », de « l’épuisement des ressources », du « néant spirituel » ou de l’« implosion du social », on sent bien que l’on rate encore l’essentiel. Tout cela ressemble fort à une civilisation qui roule droit dans le mur à tombeau ouvert, et qui cherche à s’éviter par tous les moyens la remise en cause de ses façons de vivre et de penser. Dans cet imperceptible sauve-qui-peut, le premier réflexe est de se raccrocher à tout ce qui surnage en ce coeur du naufrage qu’est l’Europe, notamment à l’Etat national. Le retour des vieilles lunes fascistoïdes exprime d’abord l’illusion que ce cadre serait une voie de salut quand il est devenu l’échelle même de notre impuissance. Le misérable petit désir d’extermination des « étrangers » qui monte dans le pays témoigne de cet auto-enfermement dans le cadre national, et des instincts de cannibalisme social qui en découlent dès que s’annonce la disette. Bref : le navire amiral fait eau de toutes parts, ça fuit de partout.

Ça fuit de partout. Voilà qui, d’un point de vue local, du point de vue de la commune, n’a rien de désastreux. Partout, des gens cherchent et expérimentent d’autres façons de s’organiser, de vivre, de se lier les uns aux autres et au territoire qu’ils habitent. Ça fuit, mais ça ne fuit pas comme des rats. Il y a une recherche à l’oeuvre, qui est à la mesure du désastre général. Seulement, ce serait une erreur que de voir là de simples « alternatives » au système économique dominant. La situation est bien plus panique que cela, et en un sens plus politique. En fait d’« alternatives », ce qu’il y a c’est bien plutôt un combat. Un combat entre une organisation sociale en restructuration violente au profit de la petite minorité nécessaire au pilotage de la machine économique mondiale depuis les métropoles, et toute la vie qui s’agence à l’écart et contre cette organisation. Ce qui se constitue, ce ne sont donc pas des îlots, des oasis, des niches existentielles au milieu du désert néo-libéral, mais de véritables mondes, une sorte de condensation territoriale de forces, d’idées, de moyens et de vies qui attirent magnétiquement tout ce qui fuit, tout ce qui déserte, tout ce qui fait sécession avec le nihilisme dominant.

Ces dernières années, c’est un tel processus de regroupement que nous voyons s’accélérer, à notre petite échelle, sur le plateau de Millevaches. Il y a là, sur cette rude terre, pas à pas, un dehors partiel à l’ordre global qui se construit. Un dehors qui ne concerne pas seulement ceux qui y vivent, mais aussi tous ceux qui pourraient être tentés, à un moment ou à un autre, de laisser derrière eux une forme d’existence devenue par trop toxique pour eux. À tel point que l’on se prend à imaginer par ici que si la politique nationale devait continuer de suivre sa pente néfaste, le plateau pourrait bien assumer en tant que tel une sorte de rupture avec cet ordre vermoulu. Au reste, une telle chose s’est déjà vue par ici dans l’histoire récente. Les maquis pourraient bien, un de ces jours, ressortir des musées.

Mais venons-en à la raison de ce courrier. Cela va faire bientôt dix ans que nous avons pris la ferme du Goutailloux à Tarnac. Depuis le premier jour, nous rêvons d’en faire un grand lieu collectif ouvert sur le plateau et sur le monde. Un lieu où l’on pourrait réunir des centaines de personnes à l’occasion de séminaires, de grands repas communaux, de fêtes, de la venue de troupes de théâtre ou de groupes de musique. Nous rêvons depuis dix ans d’une grande salle de plus de 300 m², de granit et de bois brut, et dont l’atmosphère porterait la réconciliation du merveilleux, de l’expérimental et du populaire. Une sorte de collision architecturale, toute proportion gardée, entre le théâtre du Globe de Shakespeare, le club rock underground CBGB à New York et le saloon. Un lieu qui, par son ambiance, appellerait à lui tout ce que ne peut accueillir une salle des fêtes anonyme, carrelée et éclairée au néon. Un lieu donc, de rencontre, de réunion, de retrouvailles et de réjouissances. Jusqu’ici, et cela n’est pas tout à fait étranger à une certaine opération policière survenue le 11 novembre 2008, nous n’avons eu ni les forces, ni le temps, ni les moyens de nous lancer dans ce chantier considérable.

Or cette fois-ci, nous en avons fait les plans et une équipe d’une trentaine de compagnons bâtisseurs allemands a d’ores et déjà programmé de venir nous aider à réaliser ces travaux l’été prochain, en août. Ces compagnons font partie d’un groupe mixte de menuisiers, charpentières, tailleurs de pierre et maçonnes qui, passée leur formation, partent sur la route pour un tour de trois ans à travers l’Europe. Chaque année depuis 1982, ils interrompent leur itinérance et convergent pour un mois à l’occasion d’un chantier dans un lieu collectif qu’ils ont choisi de soutenir. Cette année, ils ont choisi le Goutailloux. Un chantier de cette ampleur coûte évidemment cher, et il nous manque encore, à ce point, quelque 70 000 euros pour financer la construction d’un bâtiment dont l’usage sera gratuit et débordera largement les seuls habitants de Tarnac. Pour tout vous dire, nous avons rarement eu autant besoin d’aide financière pour un projet qui nous tient à ce point à coeur et depuis si longtemps. Quant à ceux qui auraient le savoir-faire et du temps à consacrer, entre mars et juillet 2014, à des travaux de menuiserie, de charpente, d’électricité ou de maçonnerie, ils sont plus que les bienvenus. Il leur suffit de nous joindre, dès maintenant. Chaque semaine de ces chantiers préparatoires se concluera par un week-end consacré à la discussion politique et/ou l’élaboration théorique. Une façon d’être fidèle à ce que nous entendons par « commune » : une certaine manière de ne pas délier construction matérielle, pensée et geste politique.

À très bientôt,

Des amis de la commune de Tarnac

(Bulletin de don à télécharger)

PDF - 1.6 Mo

PS : Merci aux éditions la Fabrique de nous avoir autorisés à reprendre cet appel (Oeuvres ouvertes).
Emission passionante !!!
Excellente émission, merci beaucoup à DS et à l'écrivain-qui-n'est-plus-journaliste.

Claire, passionnante, riche de lectures diverses, douce et amère ; vraiment une très belle émission.

J'ai été particulièrement touché par la "matière" humaine qui se dégage de ce qu'à fait M. Dufresne et de cette littérature qui en a résulté.

Bravo, tout simplement.

(est-ce que ça paraitra en poche ?)
Je suis en train de finir le livre de David Dufresne,

Comme le dit l'émission, ce livre est aussi un livre sur le dégoût du journalisme. Mais ce qui n'est pas dit dans l'émission mais qui est patent dans le livre c'est qu'il s'agit d'un livre sur qui dénonce également une forme de journalisme d'investigation telle que pratiquée à Médiapart.

Je sais que maintenant ce sont des amis, que Plenel et DS se font des bisous en se promenant sur des chemins couverts de pétales de roses, mais une question spécifique sur la nature de l'investigation à Mediapart n'aurait pas été de trop.

Sinon le bouquin est très bien et David Dufresne est quelqu'un qui doute, c'est assez rare aujourd'hui.
O vous comprend très bien.

Je suis d'accord avec bien sûr qu'on a arrêté Coupat pour ses idées,et heureusement qu'il y a des gens comme qui bouste l'endormissement général..
veuillez excuser mon mauvais francais parfois ,j'habite aux usa et j'ai une tendance aigue au franglais !! c'est de plus en plus laborieux pour moi de faire attention a la forme mais j'espere que j'arrive a me faire comprendre.
je voudrais donc ajouter qu'il me semble qu'une crise est toujours une occasion pour progresser mais les veritables forces progressives ne se battent jamais pour le pouvoir ni meme contre le pouvoir mais pour le faire progresser.
l'interet particulier de cette affaire est le deploiement des forces securitaires et mediatiques.
coupat est-il un danger,une menace pour la population francaise ou bien est-il un danger pour l'ordre etablit puisqu'il risque de nous faire reflechir??
les autorites ont-elles deliberement manipule la population??
bien sur que c'est important un innocent en prison mais des injustices il y en a qui ne sont pas voulues par les autorites mais le resultat de leur incompetence donc c'est un probleme a traiter differement.
il est clair pour moi que ce sont les idees de coupat qui sont/etaient en proces et a tord ou a raison en France, la loi ne permet pas de condamner quelqu'un pour ses idees! cette affaire est tout a fait representative des methodes de sarko monsieur decomplexe mais aussi d'un probleme de fond qui me semble etre que les extremes tres stables dans leur petit pourcentage de la population en temps de prosperite sont tres utiles a la societe mais en temps de crise peuvent-elles devenir une menace au progres democratique toujours en cours?? en ce qui me concerne le pouvoir tout comme le contre-pouvoir ont leur place bien-sur, la question de savoir de quelle maniere ils servent le mieux la communaute et ses forces creatives/progressistes devrait etre un debat constant parce que complexe.
dufresne semble avoir du mal a admettre qu'au final il comprend les deux "camps" dur dur pour son fond de commerce de rebel mais courageux de sa part d'admettre a demi-mot que son travail d'appronfondissement de cette affaire l'a en effet fait reflechir et avec un peu de chance nous avec!!
Bien si c'est important de savoir si c'est Coupat qui est coupable(ce que je ne crois pas)car enfermer un innocent,le salir aux yeux du monde est quelque chose de grave.ce n'est pas par ce qu'on est militant anarchiste,avec des idées bien trempées qu'on est un voyou qui plus est un assassin.si j'ai bien compris,Coupat veut changer cette société pourrie et je n'en vois pas le mal;cela ne fait pas de lui un meurtrier!
c'est vrai qu'on a rien a faire si c'est coupat ou non qui a pose son anti-vol sur la voie ferree. le probleme c'est tout ce fuss sur les terroristes prets a tuer tous les innocents francais et qui justifient cet etat policier et ecoutes en tous genres!! c'est ca l'interet de cette histoire et j'aurais prefere que dufresne ne se laisse pas intimider par ds!! meme si c'est coupat, rien ne justifie le traitement par les autorites ou les medias de cette affaire comme une affaire d'une telle importance et je comprends bien dufresne qui veut surtout s'interroger sur la societe a travers cette affaire et non pas trouver le coupable de l'antivol!! on connait tous les idees de coupat et la seule question est-il un terroriste?ce "groupe" avait-il pour projet de tuer des innocents au nom de leurs idees??
Très bon D@ns le texte. Quel type ce DD !
Emission très réussie.Hommage justifié à Jean-Marie Gleize ,cité par l'auteur Je crois qu' il est originaire de Tarnac.Je l'ai eu comme professeur , c'est un homme très brillant.L 'extrait du journal télévisé était hilarant.MAM est plus sévère avec les membres du groupe qu'avec un ex dictateur tunisien pourtant fort peu démocrate.
Quand on pense que le supposé attentat, s’il avait réussi, n’aurait pas fait plus de dégâts qu’un de ces retards de trains qui sont devenus la marque de fabrique de la SNCF look ultra-libéral (sous-effectifs, sous-équipements, vétusté du parc hors-TGV)

Affaire qui dit en creux l’insondable sottise de l’ex-topine des familles Ben Ali, Kadhafi et sans doute M6.

David Dufresne, je le « pratique » depuis qu’il tenait la rubrique télé à Libé. Il a une qualité rare : il répond toujours quand on lui écrit…
Bonjour
Un exemple concret qui montre la différence entre regarder dans la direction du doigt et regarder le doigt.
Daniel : ça ne vous intéresse pas de savoir s'ils sont coupables ou innocents ?
Dufresne : moi ce qui m'intéresse c'est la machine qui a conduit à tout ça.
Tout est dit.
Bravo et merci.
Enfin un « vrai » journaliste!
Et en face?
Daniel Schneidermann nous fait regretter à chacun des « D@ns le texte » l'élégante Judith, qui, même si je ne partage pas toutes les siennes, sait que dans le texte il y a les idées mais aussi les engagements. (57 minutes! Judith en aurait fait deux heures!)
Engagement qui peut se traduire, comme pour David Dufresne, par le retrait, l'« exit »: « C'est un livre de refus, de rejet, de dégoût du journalisme traditionnel tel qu'il se pratique dans la grande Machine. » Daniel Schneidermann 30'30
Car, contrairement au reportage de France 2 (qui est la journaliste en voix off ? Elle mérite de rester dans l'histoire. Voilà qui justifierait un « @ux sources », non?), pour David Dufresne, il s'agit de « comprendre le monde » et non d'entretenir la Machine.

Ça me rappelle une phrase de Henri David Thoreau: « La masse des hommes suit l'État de la sorte, pas en tant qu'homme, mais comme des machines, avec leur corps ».

Que voilà une belle leçon de journalisme que donne David Dufresne, que la position à l'antithèse de Daniel Schneidermann met en relief.
De quoi s'agit-il donc, en effet, dans cette « affaire »?
18'15
DD: « C'est une bataille cette affaire. C'est une guerre. Il y a une guerre qui est menée à ce moment là, par le pouvoir politique contre une partie de la population. À la fois visible et invisible, mais c'est une guerre. Mais rassurez-vous, Bernard Squarcini sait très bien ce que je pense et d'où je viens. »
Dégustons le: « Mais rassurez-vous » adressé à DS qui le mérite bien pour sa réponse:
DS: « Sachant le poste qui est le sien, j'espère qu'il a quelques renseignements sur vous! »
Ben voyons! Un "journaliste" sait qu'il faut être réaliste. Normal donc que l'État sache tout sur ses citoyens (« Il en sait plus sur moi que moi! » DD), surtout sur ceux qui peuvent être gênants.
Pourtant DS ferait lui-même un piètre agent de renseignement puis qu'il reconnaît à propos de Thierry Fragnoli, le juge d'instruction: « J'avais très peu de renseignements sur ce personnage. » (Sic!). Quatre ans après et malgré un « dossier complet » sur l'affaire!

C'est qu'un journaliste «traditionnel» sait hiérarchiser les choses importantes. La leçon est si belle qu'elle vaut d'être retranscrite.
45'17
DS: « On va finir par quelques réflexions sur le journalisme. Il y a un reproche fondamental, je ne sais pas si c'est un reproche: la manière dont vous vous distinguez ou vous souhaitez vous distinguer du journaliste traditionnel: vous ne souhaitez pas être dans la peau du journaliste qui souhaite seulement savoir ce qui s'est policièrement passé. »
DD: « (Le reportage du 13h de France 2) est le prototype du journaliste qui se contente de la version policière et qui se contente de l'intrigue policière. »
DS: « De l'intrigue policière? ».
DD: « C'est-à-dire: ça s'est passé hier. Qui l'a fait? Comment ça s'est passé? »
DS: « Vous distinguez version policière et intrigue policière? Ça c'est intéressant. »
DD: « Y a les deux. »
DS: « C'est-à-dire qu'un journaliste qui aurait pour but de chercher à effectivement reconstituer les faits avec le maximum de sources possibles reste pour vous un journaliste qui cherche à savoir ce qui s'est policièrement passé à vos yeux. »
DD: « C'est déjà mieux. Mais il en reste là. Je ne le condamne pas. (...) Le livre parle d'autre chose. Il ne parle pas des faits »
DS: « Là on est au cœur du sujet. Il y a d'autres choses à dire. Est-ce que ça suppose qu'il faille renoncer à essayer d'établir sa propre vérité dans le sens d'une enquête longue en multipliant les sources? Évidemment, je vais prendre l'exemple de cette fameuse nuit du 7 au 8 novembre 2008 (…). Donc on a ces deux versions là. Et entre ces deux versions là, non seulement vous ne tranchez pas, mais vous n'avez même pas envie de trancher. Vous n'avez même pas envie de savoir. »
DD: « Non! »
DS: « Et ben c'est très curieux. »
DD: « Non! Parce que je suis beaucoup plus intéressé de savoir comment les policiers arrivent à dire qu'ils vont surveiller ces gens-là, quels sont leurs moyens, quels sont leurs ordres, depuis combien de mois ils travaillent sur cette équipe là (puisque ils les appellent comme ça). Comment se fait-il que les policiers nous parlent de créneau en disant: l'islamisme c'est la DST, nous il nous fallait un créneau, il nous fallait des parts de marché (ils me parlent comme ça), donc on a pris l'ultra gauche. Ça m'intéresse mille fois plus que de simplement savoir qui a posé les crochets. Et surtout, je vous renvoie à une charte des journalistes que vous aimez beaucoup, le dernier alinéa: "un journaliste digne de ce nom ne saurait confondre son rôle avec celui d'un policier". Je ne suis pas un flic. »

Ce qui n'interpelle pas DS qui fait son Elkabach (le flic de la pensée non politiquement correcte des "déviants").
DS: « Vous n'avez pas envie de savoir? »
DD: « Je ne suis pas un flic! »
DS: « Vous n'avez pas envie de savoir? »
DD: « Si, mais... »
DS: « Ça change toute l'histoire quand même! S'ils ont posé ou s'ils n'ont pas posé ce fer à béton, ça change l'histoire! Et vous n'avez pas envie de savoir? »
DD: « Ça change l'anecdote, ça ne change pas l'histoire. Pour moi, l'histoire c'est comment Michèle Alliot-Marie tous les jeudi soirs fait des réunions et essaie de savoir si oui ou non il y a un péril rouge en France. Et que des gens extrêmement capés lui apportent des photos parce qu'il faut prouver à la ministre, parce qu'il faut lui faire plaisir. Voilà. Ça, ça m'intéresse beaucoup plus. Qu'ils l'aient fait ou pas, il y aura pendant des mois et des mois cette orchestration. (…) Je laisse à la justice et à la police ce qui est son travail qui est de prouver ou de déqualifier. Et surtout le plus important, ce n'est pas qui a posé les crochets, c'est de savoir si c'est du terrorisme. Et là je tranche, très vite. Pour moi, ce n'est pas du terrorisme. Si c'est pas du terrorisme, y a pas 150 mecs dans le village, y a pas des nuits, des jours et des mois de surveillance... »
DS: « D'accord, mais ce qui me surprend c'est que vous n'ayez pas envie de savoir. C'est ce que je n'arrive pas à comprendre. »
Belle inversion. Alors que c'est DS qui cherche à « savoir » et DD qui cherche à « comprendre ».

DD: « Ce n'est pas parce que je dis que ce n'est pas mon métier de trancher, que ça ne m'intéresse pas. »
DS: « Ça ne se voit pas dans le livre. » Ce qui montre qu'il ne comprend justement rien aux objectifs du livre.
DD: « Je vais vous faire un aveu. D'une certaine manière, ça m'arrange qu'on ne le sache pas à l'heure qu'il est. Parce que ça me permet justement d'enlever ces dix minutes d'émission où on se focalise sur un fait qui n'a aucune espèce d'intérêt: qui a posé des fers à béton il y a quatre ans? Alors que c'est tout le reste qui compte. Guillaume Pépie, le PDG de la SNCF, quand je le vois, il me dit: moi, j'ai vu les photos, les fameuses photos qui sont données par la police au Figaro, on appelle ça « les caténers de la peur », et bien, lui, le PDG de la SNCF, il se dit: tiens, quelqu'un a mis un U, un antivol, et il se dit c'est un parmi les 4000 actes de malveillance par an. En l'espèce, je trouve que le fait policier est beaucoup moins intéressant que ce qu'il dit. Quand pendant des années j'ai fait des faits divers à Libération, c'était pas le crime qui m'intéressait. Pour moi, c'était la peinture de l'époque. C'est-à-dire un drame social, que ce soit chez les riches, chez les pauvres. C'était ça qui m'intéressait, l'aspect romanesque. »
DS: « mais l'un n'empêche pas l'autre! »
DD: « Oui, mais je ne suis ni policier ni juge, je n'ai pas leurs moyens et je ne veux pas les avoir. »

Voilà qui pose la fonction du « vrai » journaliste contrairement au journaliste « traditionnel » relai de la propagande de l'État. Et qui renvoie à la "posture" de la "personne" journaliste. Ce que DS a du mal à saisir.

31'18
DS citant un extrait de « L'appel »: « Et le sport qui consiste à décrire sans fin avec une complaisance variable le désastre présent n'est qu'une autre façon de dire: c'est ainsi. La palme de l'infamie revenant aux journalistes, à tous ceux qui font mine de redécouvrir chaque matin les saloperies qu'ils avaient constaté la veille. »
DS: « C'est un reproche surprenant. Oui, le journaliste doit redécouvrir chaque matin les saloperies qu'ils avaient constaté la veille, ne serait-ce que pour garder intacte sa faculté d'indignation et la renouveler chaque matin. »
Et continuer à gagner son pain. La réponse est cinglante.
DD: « Moi, ce que je comprends là-dedans, c'est ce que vous venez de faire, c'est-à-dire "renouveler". Ce flux d'actualité, ce continuum en réalité ne fait que répéter les choses. C'est des grosses machines, des grosses tendances. Quand on veut renouveler chaque matin sa surprise, sa curiosité, on oublie (la Machine). »
DS: « C'est une critique plus surprenante, plus paradoxale et plus contestable. Parce qu'on pourrait vous la retourner: bon, ben, y a eu la naissance d'une erreur judiciaire contre ce groupe de garçons et de filles de Tarnac. Ce n'est ni la première, ni la dernière. Alors, quoi? Ça vous surprend? Ça vous étonne que de temps en temps le marteau pilon de l'État écrase quelques mouches? »
Comme si, derrière ces « mouches », il n'y avait pas des êtres humains! (DS: « Derrière les fonctions il y a des hommes. ») Oui, oui, je sais, c'est une formule "forcée", mais qui est là pour renvoyer à un « reproche surprenant, "contestable" », que la "réalité" se plie à la « raison d'État » et que notre impuissance nous réserve le rôle de spectateur, passif ou critique, silencieux ou faiseur de commentaires, mais, en tout cas, qui accepte que le spectacle doit continuer, coûte que coûte.
Alors que c'est bien cela que dénonce David Dufresne.
DD: « Non. Ça m'étonne d'autant moins que je raconte la généalogie de tout ça et ça éclaire l'affaire différemment que le journal de 13h de France 2. Tout est là. »

Aussi, la question qui se pose à tous: que faire par rapport à la Machine?
10'10
DS: « En quoi vous avez participé? »
DD: « La Machine. On ne peut pas s'extraire. On ne peut pas dire: moi, je serai un bon journaliste, tous les autres sont des mauvais. Non, on fait partie d'une Machine et il faut décortiquer cette Machine. Réparer une injustice, c'est se donner un grand rôle. C'est plus une mauvaise conscience. Je vois le métier de journaliste en ce moment se modifier terriblement et j'en fais partie, ou j'en faisais partie. Ce livre c'est plus une libération, une façon de m'extraire de ces pratiques. »
DS: « De ce métier. Tchao »

Ce sont toujours les meilleurs qui partent. Même si l'on peut penser qu'écrire un livre sur la Machine (ce n'est certes pas le premier) se fait toujours à l'intérieur de la Machine. Parce qu'il n'y a pas d'extérieur à ce « grand bazar policier, politique, médiatique, judiciaire, magasin dans lequel tout le monde (se sert). » 23'40

Alors, seul le retrait?
24'15 DS: « Qu'est-ce qui compte? Ce sont ses actes ou c'est sa personne? Au total? »

Merci, David Dufresne pour cette magistrale réflexion sur le journalisme.
Merci aussi (quand même), Daniel, de l'avoir permise.

Tordant le gag du stylo du juge sur lequel il y a écrit: « J'aime la SNCF ».
Émission passionnante, je cours acheter le bouquin.

4.000 actes de malveillance par an à la SNCF? Kilucru? Et un d'entre eux mobilise flics, juges et politiques depuis quatre ans, tout en pourrissant la vie des accusés. Sans résultat, c'est un comble. Et celui-là, on l'appelle "terrorisme", pas les 3.999 autres.

C'est vrai que ça laisse rêveur.
Très bonne émission mais... un peu courte :(
J'en aurais bien pris 30 minutes de rab :D
On aurait presque envie d'oublier l'invitation d'Eric Naulleau et les communards de Nuremberg !
Mais, tout de même...
--
Toute cette "affaire" de Tarnac....
Née dans l'esprit embrumé de quelques flics désireux de se faire bien voir de leur ministre, elle-même en quête de reconnaissance, tout ce petit monde en proie à une obsession de la subversion fantasmée.
Le tout avec l'aide de médias asservis, presque complices.

Des mois de prison pour rien, des vies brisées sans états d'âme, pour ce néant judiciaire...Pour ce montage piteux...

Quelle pauvreté intellectuelle !
Quel manque de la plus élémentaire humanité !
Quel...DANGER, non?

(Excellente émission, il va sans dire, et certainement très bon bouquin de David Dufresne.)
- .bazar, bazar
- vous avez dit bazar, mon cher Daniel
- comment j'ai dit bazar?
(enfin deux authentiques journalistes qui réfléchissent ensemble, y a de l'espoir...)
Excellente émission les gars et les filles
Well done
Super émission Bravo!!!
Excellente émission : des questions intelligentes, des réponses qui ne le sont pas moins...
Franchement, ça fait du bien ; surtout en cette période de campagne électorale ou les mots, parfois (pour ne pas dire souvent avec Sarko) perdent leur sens, et les journalistes, leur sens critique.
Arrêt sur images, repaire des black block ? Schneidermann habillé en noir, Davduf habillé en noir, fauteuils noirs et tables noires. Il ne manque guère que masques, casques, ou bandanas et lunettes de soleil.
David Dufresne, nouveau présentateur de la ligne jaune?
Passionnant ! L'Objet Tarnac dans toute sa splendeur. Ce qu'il dit de notre époque. A déposer immédiatement dans les annales, entre les objets littéraires qu'elle a générés, et les émissions d'@SI qui décryptent à la fois l'époque, le sarkozysme, le mamisme, et le début de ce crépusculaire 21ème siècle qui restera dans l'Histoire comme celui du spectacle.
Le lien de la vidéo pointe vers l'ancienne émission...
Pourquoi c'est "Le bûcher des innocents" qui est en photo?
Merci pour l'émission mais... des nouvelles de Judith Bernard ?

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