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Au bonheur des riches... et de la télévision ?

France 2 diffusait mardi 1er octobre un documentaire d’Antoine Roux en deux parties, «Au bonheur des riches», écrit avec Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon. Plus subtil que prévu, plus ambivalent aussi… Et finalement plus flatteur pour les grandes fortunes que pour l'esprit critique. (Le docu est toujours visible ici).

Derniers commentaires

ah judith, fabuleuse analyse de ce reportage ! à vous toute seule, vous justifiez l'objet d'@si qui est une analyse des médias. un vrai régal de vous lire, parce qu'à une analyse soigneuse, vous ajoutez un style d'écriture élégant. merci beaucoup.
si vous êtes intéressé(e)s par les parties non discutées dans le documentaire (comment se construisent et se pérpétuent ses "dynasties", etc. ; peut-on distinguer différents types de comportements au sein de cette classe des privilégiés, etc.), le couple de sociologue Pinçon-Charlot vient de publier en cette rentrée un livre qui mérite d'être lu : La violence des riches.

peut-être que le documentaire analysé par Judith Bernard a fait le choix de montrer le discours d'auto-légitimation des riches, car il y a déjà bon nombre de documentaires, livres, articles, etc. sur les mécanismes menant à la concentration des richesses, au creusement des inégalités,etc. alors que le point de vue d'auto-légitimation n'avait pas été traité (?).

d'ailleurs, les Pinçon-Charlot ont commencé leur carrière en étudiant les milieux ouvriers. peut-être est-ce en remontant le fil des conséquences subies par les ouvriers, qu'ils se sont intéressés aux riches ?

dans tous les cas, certains commentaires de ce forum sur Monique Pinçon-Charlot sont tout à fait injustes eu égard aux travaux que ce couple de sociologue ont mené depuis près d'une quarantaine d'années.

il me semble qu'ils sont aujourd'hui à la retraite. mais ils poursuivent leurs travaux et la diffusion de ce qu'ils permettent de mettre en lumière.
rien que cela mérite le respect.

l'analyse de Judith Bernard du documentaire est tout à fait intéressante. elle nous donne notamment à connaître la particularité de l'approche sociologique retenue. c'est toutefois dommage de ne pas préciser que les sociologues derrière ce documentaire n'en sont pas les réalisateurs, mais les co-écrivains. et surtout qu'ils ont publié des livres permettant de compléter le tableau.
Jolie chronique.

Le discours de l'Accornard sur le sens de ses priorités, rappelant fortement celui du Pervers Penpère ("je préfère", etc.).
Et puis, pour justifier l'exil fiscal, le sublime : "À une époque, on ne pouvait pas divorcer, on était obligé de vivre avec sa femme qui était insupportable" et ce qui suit.

Gros boum sur les ventes de bassines et seaux à vomi...
je ne suis pas sûre que ce soit la "méthode Boltansky" qui soit en cause, dans ce "point de capiton" qu'est, dans le discours de Monique Pinçon-Charlot, le bonheur des riches. Plutôt sa posture à elle, sa situation, le point sur lequel il lui est impossible de prendre de la distance. Il faut dire que ce sujet est devenu son fonds de commerce... c'est intéressant dans l'extrait de l'émission d'@si d'entendre comme se noue, justement là, un déni assez remarquable "on ne va pas se couper la parole", dit-elle, pour immédiatement couper la parole un peu hésitante de son mari par un propos ferme et définitif... Elle en est sûre, elle, que les riches sont heureux : ceux qui ne le pensent pas c'est juste le fruit de leur "habitus"..
Pourrait-elle s'écouter parler, elle entendrait peut-être ce qu'elle dit de ce bonheur : c'est "le bonheur des pierres", l'absence d'emmerdements, en somme. Ou encore "le bonheur des dames", le grand magasin, le luxe d'apparat, la profusion... (enfin, "des dames", il faut le dire vite : c'est fou la quasi absence des femmes dans ce docu)

Pourtant, moi je n'ai pas trouvé la moindre trace de ce que j'appelle le bonheur. La trace d'une vraie joie sur un visage, une voix qui frémit en évoquant une expérience un peu forte, une beauté à couper le souffle, la jouissance d'inventer, le trouble d'une rencontre, de créer, une gratitude devant ce qui vous échoit, un émerveillement, une tendresse, un désir excédant un peu les programmes convenus, quelque chose qui les porterait, fût-ce un instant, un peu au delà de leur tout petit grand-égo...
« La France compte la densité de millionnaires la plus élevée au monde: 1 pour 30 habitants. »

Crise cardiaque.
Après quelque temps d'absence, quel pied de lire cet article et les commentaires !
Judith, vous avez vu la récente interview de Frédéric Lordon dans en direct de Mediapart? Ce qu'on vous montre est la réussite de l'individu libre et autonome. Avec son libre abritre il a pu construire tout ça, et la justification philosophique de ce succès remonte à Descartes!
En fait, il y a quand même une constante, c'est que les riches ordinairement, aiment bien ne pas trop se montrer devant les pauvres.

Il y a des hameaux en Bretagne où se cachent les riches, des stars de cinéma, des grands patrons. Il faut vraiment passer devant pour voir les maisons surdimensionnées et leurs parcs gigantesques, souvent ceints de très hauts murs. Et c'est ainsi partout en province.

Et dans les quartiers chics de Paris, ou des grandes villes, ce sont souvent des quartiers un peu à l'écart. Un peu froids. Et il faut vraiment regarder, la nuit, les lustres étinceler à travers les rideaux pour imaginer le luxe inouï où ils vivent.
Et puis, ils restent beaucoup entre eux.

Je pense qu'ils n'aiment pas trop étaler leur richesse devant les pauvres.
Pourquoi ?
Pas par pudeur, puisque qu'ils s'en remontrent entre eux, sans aucun problème.
Pour ne pas attirer les voleurs, certes.

Mais à mon avis, c'est surtout parce que les pauvres, ainsi, ont du mal à imaginer l'étendue de leur richesse. Et à quel point ils devraient être frustrés de ne pouvoir accéder au centième de ces plaisirs. C' est un réflexe de classe, pour vivre heureux, et pour qu'on ne leur confisque pas tout cela, car l'ennemi, c'est la masse susceptible de se révolter, ils vivent cachés, Car l'étalage des richesses de certains peut exciter la colère des autres.

Or, les Pinçon Charlot donnent à voir l'étendue de cette richesse. Totalement décomplexés, certains de ces riches osent exposer leur bonne conscience au milieu de leur luxe et de leur jouissance. Comme ils le font avec leur classe.
Pendant ce temps, la moyenne des gens sent son pouvoir d'achat bien baisser, et doit se contenter des miettes, et certains autres ne parviennent même plus à vivre.
Voir ce genre d'images peut leur faire prendre conscience de l'écart entre les patrimoines et les revenus de certains, et eux-mêmes, et cela donne une idée de la réalité. Et de la réalité de l'injustice qui leur est faite.

Personne ne peut travailler plus que les pauvres au point de gagner autant par rapport à eux.

Je pense que c'est là l'intérêt de ce genre de programme.
C'est amusant mais à la vision des 2 films j'ai eu le sentiment contraire. Il me semble que la force du propos tient justement dans l'exposition 'neutre' ou plutôt 'blanche' de la mentalité apaisée et satisfaite de ces personnages et de leur 'morale', de la violence symbolique des rapports de domination qu'ils exercent sur leurs subordonnés. Par exemple le scène (digne de l'ancien régime ) du châtelain avec ses employés (mari et femme ) qui est un crève-coeur car ils ont bien intégré leur vassalité. Par exemple la scène du dîner donné par l'ancien patron de ' Accor ' qui se déroule tout en onctuosité mais au cours duquel un des ses directeurs a droit, en présence de tous les autres, à une descente en flèche de son mode de gestion de l'hôtel dont il a la charge ( voir l'attitude soumise de la voisine du chef).
La question qui se pose en effet est de savoir si ce type de film dans lequel n'apparaît pas de façon explicite que ' ce paradis des riches est fait de l'enfer des pauvres ' est à même d'éclairer les consciences sur le lien irréductible entre la situation des premiers et celles des seconds.
Il faut faire le pari de l'intelligence des spectateurs qui sont capables de voir les liens à priori invisibles mais pourtant bien réels de ces rapports sociaux.
Par ailleurs le surlignage explicatif pourrait être contre productif.
Enfin au terme du film on ne peut que comprendre une fois de plus que le bien ou la morale publiques ne les concernent pas et que ce qu'ils accaparent devra leur être arraché.
Allez, pour finir une citation (J. LONDON le talon de fer. P.73) :
Et ils restaient absolument persuadés que leur conduite était juste : il n'y avait aucun doute ni discussion possible à ce sujet. Ils se croyaient les sauveurs de la société, convaincus de faire le bonheur du grand nombre : ils traçaient un tableau pathétique des souffrances que subirait la classe laborieuse sans les emplois qu'eux, et eux seuls pouvaient lui procurer.
Un regret quand même au sujet d'une question qui aurait pu être posée à l'ex-patron de Accor, exilé fiscal : percevait-il sa retraite d'ancien sénateur UMP (retraite bien évidemment payée par les impôts )
A vous lire Judith, recueillir entre gens courtois les propos d'une classe sociale sans lui opposer une apostrophe musclée et vindicative, ce serait fleurter avec Valeurs Actuelles. Il eût fallut que "ça saigne", que le sociologue fouille, secoue, casse, qu'il sorte le sabre pour dépecer les viscères immondes de tous le hors-champ de ces bucoliques estrades de ces "Jours de France".

J'ai eu au contraire le sentiment que le document est plus efficace dans sa démonstration, parce qu'en évitant tout à la fois la confrontation directe (façon Michael Moore), l'exposé technique et exhaustif (façon Thomas Piketty), ou le pathos d'un lever de rideau sur l'horreur cachée (façon "le cauchemar de Darwin"), les auteurs arrivent à faire émerger l'essentiel: comment une classe sociale intègre, formalise et perpétue une idéologie qui légitime son ascendant sur la société.

Le documentaire est du reste essentiellement un enchainement de séquences où les dispositifs concrets de cette sécession des riches sont exposés et "justifiés" -dans la bouche de leurs bénéficiaires. Tout y passe: le monopole du foncier, le contrôle de la communication, la prédation d'entreprise, le déni de démocratie, les délits d'initiés, les passe-droits médicaux, l'évasion fiscale, le servage, les niches fiscales, les réseaux occultes...

Peut-être que quelques téléspectateurs oblitèreront le propos, tout éblouis à l'exposé du luxe des salons et jardins, imperméables à la sourde violence des échanges. Personnellement je ne peux pas sérieusement imaginer qu'ils seront assez nombreux pour pouvoir reprocher aux auteurs de flirter avec le sujet de leur étude, dans un propos ambigu visant à flatter à la fois ceux qui célèbrent cette caste comme ceux qui la dénoncent. Il me semble que leur propos n'est pas de flatter (avec ou sans voix off), mais de recueillir et d'objectiver un témoignage.

Il me semble a contrario que la leçon des sociologues peut être pénible parce qu'elle est en fait plus radicale que celle que, peut-être, vous attendiez:

a) Dans la fable orwellienne de la ferme des animaux, la perversion de la démocratie est un processus incrémental d'anéantissement orchestré par de très vilains cochons.

b) Dans Inside Jobs, on est plus dans la fable, et les très vilains petits cochons sont devenus des banquiers, des politiques et des profs d'université bien réels. Ils n'en sont pas moins théâtralement méchants, comiquement (ou tristement) hypocrites, même si beaucoup se révèlent souvent incroyablement pleûtres et incompétents (au passage on peut trouver assez hallucinant d'y voir DSK ou Lagarde présentés commes des personnes plutôt compétentes, honnêtes et bien intentionnées).

c) Ici les cochons ne sont plus si vilains, en tout cas pas tout le temps. Ils ne sont plus manipulateurs, ou du moins pas tout le temps. Ce dont le reportage témoigne, c'est qu'en fait tant de méchanceté, d'hypocrisie, de violence, ... tout le temps, ce ne serait pas humain. Ce qui est à l'oeuvre c'est l'affirmation d'un discours de légitimation d'un certain ordre social où chacun finalement se soumet, maîtres comme serviteurs, pour qu'en lieu et place de "Liberté Egalité Fraternité" règne "Contrôle Servage & Dynastie". Dans ce système, chacun, pour accepter sa condition, a fait sien tout un ensemble de compromis, de jugements de valeurs et finalement une philosophie qui, comme le recours régulier au « soma » de Zamiatine, rend sa (sur)vie supportable.

C'est donc le portrait d'une dystopie, avec deux mauvaises nouvelles par rapport à (a) et (b):

Mauvaise nouvelle #1-> Contrairement à (a), on ne parle pas d'une fable, mais de notre monde, même si à la façon des protagonistes, nous préférons généralement le nier en endossant chacun nos lunettes colorées et en regardant ailleurs

Mauvaise nouvelle #2-> Contrairement à (b), personne n'est fondamentalement vicieux, et il n'y pas de complot ni de grand secret caché. Isoler les méchants et faire éclater la transparence apparaît un peu court. C'est plus banalement le besoin compusif de l'individu de se fabriquer une idéologie en fonction de sa situation personnelle, et la logique accumulative du pouvoir de quelques uns sur l'inconscient collectif (y compris leur propre inconscient) qui verrouille le système. De façon terriblement efficace.

La bonne nouvelle pour moi, c'est que ces sociologues font du bon boulot, et que vous avez le brio pour nous en parler.

Merci à vous
J'apprécie beaucoup votre analyse, et cette manière de rendre justice au travail des sociologues. Je ne pensais pas, en commençant à écrire mon papier, qu'il m'emmènerait si loin dans la position critique - d'ailleurs je démarre plutôt sur des éléments d'éloge. Du coup, vous m'offrez un salutaire contrepoint. Toute la question qui demeure en suspens au dessus de ces deux analyses plutôt opposées sur le même objet, c'est celle de la réception : que fait-elle avec cet objet-là, qui ne se pense bien que mis en perspective avec d'autres et avec son hors-champ ? Qui constitue la réception de la télévision ? Les conditions de réception de la télévision permettent-elles cette pensée analytique à laquelle nous nous livrons vous et moi ? Devant la puissance des discours d'autojustification, devant l'assentiment heureux de bien des protagonistes du docu, la pente n'est-elle pas plus forte vers la reconduction de ce monde qui produit tant de satisfaction ? Je ne sais pas. Cet objet-là, en tout cas, décidément, est bien ambivalent. J'ai l'impression qu'il lui aurait fallu la salle de cinéma, la réception du cinéma, pour lui donner toutes ses chances.
Très passionnante chronique, comme toujours... Cependant tu t'es sans doute, comme le note avec beaucoup de finesse l'excellent Jean-Joseph (salut à lui), trop loin, en négligeant les sens cachés...

En réalité, à mon avis la question n'est pas de rager parce que certains ont des châteaux et les autres non, riches et pauvres existent et existeront certainement en tout temps, même si c'est déplorable et pas forcément juste.

La vraie question qui se pose aujourd'hui, puisque les écarts sociaux étaient infiniment plus raisonnables après la deuxième guerre, est donc : comment en est-on arrivés à des écarts insensés et à une pauvreté qui ne cesse de s'aggraver (sous la ponction de riches à la voracité jamais rassasiée et en fonction de leur incurie)

La réponse est relativement simple : une classe politique totalement incompétente, laxiste et achetée par les riches (Liliane, si tu m'entends...), et une oligarchie disposant de tous les moyens intellectuels et financiers pour détourner le torrent de pognon vers ses comptes off-shore ! Avec une invention ultra-moderne d'une redoutable efficacité pour bâillonner le peuple et faire baisser les salaires : le chômage de masse !

D'autant que ce chômage qui coûte si cher humainement et financièrement à ceux qui le subissent (et à ceux qui l'indemnisent) ne coûte rien aux très riches qui ne paient naturellement pas d'impôts en France, puis qu'ils n'y résident pas, ou ont délocalisé et soigneusement planqué leur argent...

Il n'empêche que les vrais coupables de cette terrible dérive sont les politiciens : ce sont eux qui auraient dû interdire cela. Et ils ne l'ont pas fait, pas plus la gauche que la droite. Restent les options type Corée du Nord pour faire en sorte que tout le monde soit au même niveau (dans une misère noire et sans la moindre liberté) mais je ne suis pas certain que nous ayons tellement envie de ça !

PG
"J'ai l'impression qu'il lui aurait fallu la salle de cinéma, la réception du cinéma, pour lui donner toutes ses chances."

Au contraire, Judith, le documentaire en salle de cinéma est un ghetto pour spectateurs déjà avertis, surtout en province. S'il n'avait pas ses chances à la télévision, média de masse gratuit, il est peu probable qu'il ait eu plus d'impact dans un circuit payant, si ce n'est comme marque d'un entre soi culturel et politique.

yG
Magistrale réponse de Jean-Joseph Osty à cette chronique.

En effet, il n'y a pas de complot, et les riches ne sont pas plus méchants et pervers que les autres.

Mais riches et pauvres partagent, et c'est là le fond du problème qui semble vous échapper, un même système de valeurs, tourné vers l'illusoire espérance d'un bonheur exclusivement matériel, et qui fait fi des aspirations spirituelles (comme l'amour, la pensée, la poésie, la noblesse d'âme etc.) seules aptes à rendre les hommes pleinement heureux et libres.

C'est cette façon de penser qui enferme les riches dans des jouissances tristement matérielles (si si, les riches sont malheureux) et une certaine indifférence sociale, et les pauvres dans la jalousie de ce faux bonheur, les deux catégories souffrant surtout et sans s'en rendre compte de la même misère morale ou spirituelle.

Et c'est cela qui enferme riches et pauvres confondus.

Pas un complot des méchants riches.
"qui fait fi des aspirations spirituelles (comme l'amour, la pensée, la poésie, la noblesse d'âme etc.) seules aptes à rendre les hommes pleinement heureux et libres. ": Eric Olivier

Vous négligez une chose, outre le fait qu'être pleinement heureux et libre est déjà un luxe dont on peut parfaitement faire l'économie (sans même parler du spirituel...), c'est précisément parce qu'il existe des personnes qui ne sont pas intéressées par la réussite matérielle que d'autres peuvent occuper le terrain et l'être doublement, triplement, au centuple et plus encore.

Ne pas participer à la course ne l'empêche pas d'avoir lieu sans nous et donc d'avoir son lot de vainqueurs.

Il faudrait pouvoir l'interdire. Mais c'est là un vœux pieux. Tout au plus, nous pouvons ne pas nous rendre complice, mais ne nous leurrons pas, nous n'enrayons pas la machine pour autant. Je ne suis pas même certain qu'ainsi, nous la ralentissions un tantinet.

yG
"c'est précisément parce qu'il existe des personnes qui ne sont pas intéressées par la réussite matérielle que d'autres peuvent occuper le terrain et l'être doublement, triplement, au centuple et plus encore." yannick G

C'est là votre erreur. C'est parce que la société dans son ensemble (riches et pauvres confondus) place au plus haut les valeurs matérielles les plus primaires (comme le pouvoir et le luxe) que tous, riches et pauvres, sont poussés à y tendre toujours plus, les puissants y parvenant au détriment des faibles.

Si pour briller en société, c.a.d. aux yeux de tous (et aussi des pauvres), des valeurs plus nobles que la richesse et le pouvoir qu'elle procure étaient considérées (comme l'intelligence ou la bonté), les élites tâcheraient d'acquérir ces qualités, au lieu d'accumuler argent et puissance, et tout le monde s'en porterait mieux.

"Ne pas participer à la course ne l'empêche pas d'avoir lieu sans nous et donc d'avoir son lot de vainqueurs."

Je vous dis moi qu'il n'y aurait même pas de course si les valeurs de la société étaient différentes.

Qui passerait son temps à accumuler de l'argent si l'argent ne fascinait personne ?
[quote=Eric Oivier]En effet, il n'y a pas de complot, et les riches ne sont pas plus méchants et pervers que les autres.

C'est une évidence qu'on ne souligne pas assez souvent. Les rêves de révolution reposent sur l'idée simplette (rarement affirmée clairement) que les pauvres sont par essence des gens vertueux et les riches des méchants et qu'il suffirait que les [s]pauvres[/s] prolétaires prennent le pouvoir pour que le bonheur s'installe sur la terre. En réalité, on voit ce qui se passe lorsque "les pauvres" prennent le pouvoir : en quelques années, après la révolution, les plus ambitieux ("les plus violent"s, devrais-je dire) de ces anciens pauvres créent une oligarchie qui domine de façon encore plus brutale les toujours pauvres qui les ont portés au pouvoir.

[quote=Eric Olivier]C'est parce que la société dans son ensemble (riches et pauvres confondus) place au plus haut les valeurs matérielles les plus primaires (comme le pouvoir et le luxe) que tous, riches et pauvres, sont poussés à y tendre toujours plus
La question est de savoir comment faire en sorte que les valeurs nobles remplacent ces "valeurs matérielles les plus primaires" dans les esprits de nos concitoyens. On peut se demander si la domination des ces valeurs matérielles n'est pas définitive et irréversible.

Concernant la supposée mansuétude des commentaires concernant "les riches", essayons de ne pas oublier (et Judith le rappelle) que si les Pinçon-Charlot ont réussi à pénétrer leur monde et nous apporter ces témoignages, c'est qu'ils ont su trouver un ton suffisamment neutre pour ne pas être considérés comme hostiles et ne pas être rejetés.
Les rêves de révolution reposent sur l'idée simplette (rarement affirmée clairement) que les pauvres sont par essence des gens vertueux et les riches des méchants et qu'il suffirait que les [s]pauvres[/s] prolétaires prennent le pouvoir pour que le bonheur s'installe sur la terre. En réalité, on voit ce qui se passe lorsque "les pauvres" prennent le pouvoir : en quelques années, après la révolution, les plus ambitieux ("les plus violent"s, devrais-je dire) de ces anciens pauvres créent une oligarchie qui domine de façon encore plus brutale les toujours pauvres qui les ont portés au pouvoir.

Par curiosité, j'aimerais bien savoir sur quel exemple concret vous vous basez pour affirmer de telles choses et de manière si péremptoire...
Plutôt que de regarder les émissions de ruquier, vous pourriez prendre deux minutes pour préciser un peu vos propos et expliquer sur quoi vous vous basez pour tirer d'aussi belles généralités....
"Si pour briller en société, c.a.d. aux yeux de tous (et aussi des pauvres), des valeurs plus nobles que la richesse et le pouvoir qu'elle procure étaient considérées (comme l'intelligence ou la bonté), les élites tâcheraient d'acquérir ces qualités, au lieu d'accumuler argent et puissance, et tout le monde s'en porterait mieux.

"Ne pas participer à la course ne l'empêche pas d'avoir lieu sans nous et donc d'avoir son lot de vainqueurs."

Je vous dis moi qu'il n'y aurait même pas de course si les valeurs de la société étaient différentes.

Qui passerait son temps à accumuler de l'argent si l'argent ne fascinait personne ?"
Eric Olivier.

Si... si la société était autre, mais elle ne l'est pas justement, parce que précisément l'argent a le pouvoir que vous lui déniez. Son pouvoir n'est pas factice, il est tangible, bien au contraire.

C'est pourquoi ceux qui le mettent au dessus d'autres formes de pouvoir plus symboliques, pouvoir intellectuel, rayonnement culturel, humanitaire, occupent de fait des niches ultra-minoritaires et ne sont pas reconnus pour leur mérite en dehors de certaines sphères bien limitées, l'enseignement, la recherche, la création... et n'ont que peu d'influence sur le cours de la société.

Car, leur renoncement matériel n'a que peu d'impact, surtout lorsque d'aucuns jouent eux sur les deux tableaux et amassent les deux formes de pouvoir, symbolique et économique, que vous opposez. Prouvant par là même qu'on peut avoir le beurre et l'argent du beurre, et donc que le changement de paradigme n'est pas nécessaire. On peut le déplorer, mais difficilement le nier, et certainement pas avec des "si".

yG
"Et ils restaient absolument persuadés que leur conduite était juste : il n'y avait aucun doute ni discussion possible à ce sujet. Ils se croyaient les sauveurs de la société, convaincus de faire le bonheur du grand nombre : ils traçaient un tableau pathétique des souffrances que subirait la classe laborieuse sans les emplois qu'eux, et eux seuls pouvaient lui procurer."
Merci pour cette belle citation de J.London. Elle nous donne un bel exemple de cette mythomanie ordinaire sans laquelle le spectacle de la réalité nous serait insupportable. A cet instant, j'ai une pensée pour Sébastien Bohler, qui a été lynché pour avoir sous-estimé la violence que cette mythomanie peut engendrer.
Il arive toujours aux grands génies d'être perçus comme des gêneurs, c'est le syndrome de Galilée.
Aloys, vous devriez être livré avec décodeur. On ne sait jamais si vous êtes sérieux ou si vous plaisantez.
Quand j'entends un ennemi farouche de la science - tel que vous - traiter Galilée de "grand génie", je m'interroge...

Remarquez, je n'ai rien contre les quenelles. Peut-être suivez-vous les traces de Dieudonné.
Bien sûr, vous n'avez pas encore son expérience. La vôtre est toute petite.
Bohler-Galilée ? Vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère, Aloys.
Surtout après ce que vous avez mis.
Robert, vous êtes cruel.

Enfin, passons ... Nous n'allons pas ici rouvrir le débat sur le droit à l'oubli ... :o)
"Et je ne parle pas des conditions féodales dans lesquelles ont été bâtis et justifiés les merveilleux châteaux que les châtelains d'aujourd'hui ont le dévouement de bien vouloir entretenir (avec l'aide de l'Etat, puisque patrimoine historique égale bien commun)..."




Ceci est historiquement très plausible.

Et en 1789, beaucoup de chateaux ont brûlé.

Or donc il faut se révolter contre ce qui reste de l'Ancien Régime.

Et d'abord, Versailles, son chateau, il faut le prendre d'assaut et le brûler.


[cela étant, votre chronique est pré-marxiste - en ce sens qu'elle exprime un gentil sentiment de révolte, sans théorisation]
Merci Judith. Je vais commencer par regarder l'émission.
finalement , tant qu'on parlera d'eux sur ce site ( ou un autre ) ils ne risquerons pas grand-chose ! On les aime !
je comprend rien ,c'est trop intello,(T) est-ce une référence.


j'ai vu les deux documents,ils sont fiers, heureux ,imbus de leur personne ,et de leur fortune.
ils sont condescendants envers la pèble,parce qu'ils s'en méfient,et ils ont raison.
ils protègent ,leurs progénitures, leurs fortunes et leurs réseaux,jusqu'au plus haut niveau de la République,et, depuis belle lurette.
qu'ils profitent,le compte à rebours a commencer.
« Et je ne parle pas des conditions féodales dans lesquelles ont été bâtis et justifiés les merveilleux châteaux que les châtelains d'aujourd'hui ont le dévouement de bien vouloir entretenir (avec l'aide de l'Etat, puisque patrimoine historique égale bien commun)... « 

Au risque d'apporter la contradiction à votre sentiment ,voire de m'attirer les foudres d'éradicateurs intemporels, interpréter aujourd'hui ces conditions certainement féodales de la construction desdits châteaux peut sombrer dans le contresens historique.

Me plaçant du point de vue strictement poétique, c'est à dire de la rêverie qu'ils inspirent, de ce que les pierres portent selon l'interprétation qui se pose sur elles, quelle étrange sensation du temps passé lorsque les pas foulent le pavé qui portèrent d'autres hommes dont l'histoire rapporta la vie certainement imparfaitement, et qui nous ramène à notre propre finitude.

Si l'on prend garde de ne se laisser aller au piège du romantisme échevelé et à ses inévitables « broderies » interprétatives positivistes qui en gomment trop souvent l'aspect négatif indéniable, ce qui peut bien fonder votre sentiment, on peut donc se rappeler l’œuvre de Prosper Mérimée, dans ses travaux moins célèbres que la rédaction de Carmen, si universellement reconnue qu'une version cinématographique à la verve sénégalaise en a été tirée récemment, qui recèle beaucoup des débats voire combats contemporains de l'Afrique en matière de moeurs.Mais, comme l'eut dit dit Shéhérazade, ceci est une autre histoire....

Revenons en à celui qui parla de l'enfant de Bohème et dont l'action publique se situe justement à la fin de cette période romantique post-révolutionnaire où l'image d'un Dieu unificateur de la société s'était perdue, la ferme volonté politique de la remplacer par la déesse Raison ayant elle même cédé tant à la disparition desdits politiques, physiquement ou dans leurs prétentions, tout en ayant confisqué tant les biens du clergé que le plupart de ceux des ci-devants. J'ai trouvé , lors de ces voyages imaginaires que chacun est à même d'effectuer dans ces librairies d'occasion où la curiosité, même dépourvue de grands moyens est à même de se sacrifier à son objet pour peu que la chance s'en mêle, un petit opuscule traitant d'un voyage de Mérimée, premier, sauf erreur,inspecteur des Monuments Historiques, rappelons-le, en Bretagne et qui décrivait la façon dont les lieux du culte, flétris publiquement par les contempteurs de la déesse Raison, dont la sagesse ne voulait pas que l'on s'y oppose par trop à leur pédagogie armée, avaient été transformés en hangars agricoles, voire en porcheries au gré des ventes et reventes de ceux qui avaient pu les acquérir, dans cette « opportunité de  bonnes affaires » que la Révolution représenta pour certains et qui, sans vouloir pousser la digression sur les fournitures d'armes nationaux trop loin, ne me semble pas étrangère à la chute de l'Incorruptible d'alors.

Je suis certain, interprétant le sentiment que je prête au Mérimée d'alors que la vue de la destruction prochaine si l'on n'y prenait garde des lieux qui, si l'on ne se limite pas à l'aspect strictement liturgique des cérémonies qui s'y déroulaient, mais au sentiment d'une nécessité conservatoire et historique, ce qu'un laïcisme tout empêtré dans ses « acquis »ne comprendra jamais, son temps politique en revenant au prosélytisme décrié dans les religions le hâtant de faire taire la dissidence, liés aux naissances, mariages et accompagnements vers la tombe représentaient pour l'auteur ce qu'aucun assignat ne pourrait jamais contenir, tant la suite magistrale de son œuvre, les sentiments universels qu'il eut l'art de représenter ainsi que le grand succès qu'il rencontra le prouvent.

Sans doute, son succès politique, ainsi que celui de Viollet le Duc, dans les circonstances de tous ces « ouvriers de la Creuse «  venus reconstruire Paris », et qui, tels des immigrés de lointaines Provinces restaient , détonnant d'avec la prospérité bourgeoise selon plusieurs relations d'alors trouva-t-il sa solution politique dans le soin qui fut pris de conserver le pastiche de Notre-Dame, débarrassée de sa polychromie où les foules venaient s'instruire moralement- savaient-elles lire?- on y adjoignit des gargouilles à fin de conservation, mais les attendus moraux attendus liés à l'observation de la religion durent-ils en rassurer plus d'un, notamment chez les plus cupides de la classe dominante, et dont l'histoire revisitée au gré des romans historico-politiques fait un amalgame plus sûr pour l'espoir prosélyte qui attend tout des élections et rien de lui-même.
Pourquoi est ce si difficile de faire un parallèle entre la pauvreté et la richesse?
Pourquoi ne peut on franchement s'indigner des inégalités, quand une riche peut exhiber sans honte son patrimoine?

Essai de réponse.
Parce que ça semble normal que celui qui fabrique quelque chose en ai la propriété.
Parce que ça semble normal que celui qui en fasse plus en reçoive plus.
Parce que ça semble normal de transmettre son patrimoine à ses enfants.
...

L'individualisme est la norme, même pour les pauvres. La solidarité, la générosité, l’altruisme... ne sont que des vertus, en rien obligatoire.


Dans ce monde, ainsi normé, être gauchiste, c'est nager à contre courant. C'est à mon avis pour ça qu'on ne verra jamais sur le service public un documentaire qui dénonce les riches comme responsables de la pauvreté. Alors même que c'est une évidence.

Le gauchisme ne s'imposera jamais tant qu'il ne sera pas la norme.
Quelles serrures ouvriront ces curieux mots-clés : En chantier - chronique en cours de construction.
[quote=judith]On ne voit plus très bien, à force, et c’est un peu le problème de cette sociologie inspirée de la méthode Boltanski – qui a développé cette approche des acteurs par leurs discours, en s’intéressant aux formes de légitimation qu’ils produisaient eux-mêmes. A force de les écouter dérouler si paisiblement l’argumentaire de leur paix d’âme, on se love dans leur point de vue – qui est aussi exactement celui des partis politiques de gouvernement : les riches font tant de bien à la nation, pourquoi donc les persécuter ? – (...) En soi la richesse n'est pas un mal et ne filmer qu'elle ne saurait produire un regard critique - sauf à considérer que chacun porte en soi la conscience aiguë de la pauvreté persistante tout autour et de l'accroissement des inégalités, qui lui fait voir les situations heureuses des riches comme obscènes par contraste avec le hors-champ de la pauvreté. Mais précisément, tout ça est hors-champ : hors champ, le malheur des pauvres, hors champ le mal qui opère dans les structures, et qui permet à l'argent d'acheter le droit, afin que toujours il favorise la richesse. Hors champ, tout le contexte socio-économique, c'est-à-dire les conditions de possibilité (politiques) de ces fortunes

On me permettra cette fois de me hâter d'approuver la critique de Judith Bernard laquelle complète heureusement la série estivale de Judith Brabant. Il manquait à l'excellence de celle-ci en effet la confrontation entre les deux moments de la sociologie française qui ont successivement pour noms Bourdieu et Boltanski, ce dernier s'inscrivant en révision du précédent. Révision équivalant à exclusion dans le propos de Judith Bernard comme l'atteste anaphoriquement dans sa chronique le terme de hors-champ lequel renvoie doublement, et quasi-expressément à Bourdieu: initiateur, d'une part, en sociologie, de la "théorie" des champs, et terminant d'autre part significativement sa contribution à celle-ci par la publication de La misère du monde*. Parler de "hors-champ" s'agissant de la pauvreté revient à dire en effet qu'il aurait échoué à faire entrer le négatif de la société dans le champ d'étude(s) de la science dont elle est l'objet. Échec durable ou seulement momentané ? Il me semble bon de terminer sur cette question.

* Ouvrage collectif (disponible en livre de poche au Seuil) réunissant, sous la direction de Bourdieu, les contributions de vingt-trois auteurs.
Bon.
En faisant autre chose j'ai regardé d'un œil distrait. Guère d’intérêt en fait. Trop long, beaucoup trop long.
Tout est dit.
Victor Hugo disait: "derrière chaque grande fortune, un grand crime". C'est totalement hors champs, clairement, comme à chaque fois. Je ne sais plus quelle grande fortune actuelle fut fondée sur l'enrichissement du trafic d'esclave, par exemple.
Merci !
MERCI !!!
[large]MERCI !!!!![/large]

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