Lévi-strauss pour les Nuls
Le matinaute
Le matinaute
chronique

Lévi-strauss pour les Nuls

A deux jours d'intervalle, les projecteurs se braquent

sur deux objets inaccessibles aux médias. Marie NDiaye vient recevoir son prix Goncourt. Elle répond poliment aux questions, en phrases courtes, minérales, absentes. Non, elle ne dira rien sur l'identité nationale, ni sur Hortefeux, ni sur Obama. Tout juste lui arrache-t-on cette phrase :"L'histoire des migrants est une histoire déjà souvent relatée, mais si le sort de ces gens peut être encore mieux su et compris, j'en serai très contente." Demain, ce soir peut-être, elle retournera à son tête à tête silencieux avec l'écriture, dans une relation dont nous ne savons rien.

Le lendemain, voici l'entité irréductible "Claude Lévi-Strauss" confrontée à son tour au formatage médiatique. Une biographie séculaire, une pensée multiforme et insaisissable, courant à perdre haleine d'un objet l'autre, des rencontres déroutantes avec le siècle : comment faire entrer tout celà dans trois minutes ? Comment extirper de l'oeuvre gigantesque les formules qui résoneront avec l'actualité ? Comment expliquer dans la même phrase que le défenseur inlassable des cultures amerindiennes ait ensuite détesté Mai 68 ? On tente de se hisser, à coups de "dernier géant de la pensée française", à coups de numéros spéciaux, de premières places dans les titres, et d'articles-fleuve.

On tente de se hisser, mais chacun sent bien d'emblée l'inadéquation entre le sujet, et le format disponible pour en traiter. Admettons-le : devant le monument Lévi-Strauss, le journaliste moyen, signataire de cette chronique compris, se sent d'emblée complexé (je n'ai pas tout lu, je n'ai pas tout compris, et je vais devoir torcher un "Lévi-Strauss pour les nuls). Son traitement de l'événement n'est qu'une manière de gérer ce complexe. "Tristes tropiques pour Gaston Flosse", risque le présentateur du journal de 8 heures de France Inter, relatant la levée de l'immunité du politicien polynésien. Dans le même journal, pourtant, surnage une anecdote décomplexante : "Tristes tropiques" fut écrit à toute allure, en quatre mois. Pourquoi ? Parce que le savant, en rédigeant ce livre "grand public", était bourrelé de remords, à la pensée qu'il se livrait à une besogne secondaire, le détournant de ses recherches. Vite, en finir, et retourner à son labo, et à ses tribus. Alors, si même lui...

Partager cet article Commenter

 

Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.

Déjà abonné.e ?

Lire aussi

Houellebecq, ovni médiatique depuis 1998

Ses silences, ses esquives, et sa cigarette sur notre plateau de l'époque

Marie Ndiaye pense-t-elle que Besson et Hortefeux sont "monstrueux" ?

Interviews contradictoires de l'écrivain. Un UMP veut faire taire les lauréats Goncourt. Silence de Mitterrand

L'hommage unanime à Lévi-Strauss évacue ses critiques contre l'islam

Des citations dérangeantes de Tristes Tropiques n'apparaissent guère dans les nécros. Comment les interpréter aujourd'hui ?

Voir aussi

Ne pas manquer

DÉCOUVRIR NOS FORMULES D'ABONNEMENT SANS ENGAGEMENT

(Conditions générales d'utilisation et de vente)
Pourquoi s'abonner ?
  • Accès illimité à tous nos articles, chroniques et émissions
  • Téléchargement des émissions en MP3 ou MP4
  • Partage d'un contenu à ses proches gratuitement chaque semaine
  • Vote pour choisir les contenus en accès gratuit chaque jeudi
  • Sans engagement
Devenir
Asinaute

5 € / mois
ou 50 € / an

Je m'abonne
Asinaute
Généreux

10 € / mois
ou 100 € / an

Je m'abonne
Asinaute
en galère

2 € / mois
ou 22 € / an

Je m'abonne
Abonnement
« cadeau »


50 € / an

J'offre ASI

Professionnels et collectivités, retrouvez vos offres dédiées ici

Abonnez-vous

En vous abonnant, vous contribuez à une information sur les médias indépendante et sans pub.