Les médias nationaux snobent l'opposition au nouveau bac
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Les médias nationaux snobent l'opposition au nouveau bac

La presse régionale couvre largement la répression policière

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Un important mouvement de lycéens et de professeurs agite en ce moment les lycées français, refusant le "nouveau bac" instauré par le gouvernement. Si cette mobilisation est largement couverte par les médias locaux, télévisions, radios et presse nationales ne s'y intéressent que très partiellement.

Des lycéens arrêtés, parfois gazés, enfermés dans leur propre établissement, privés de rattrapage... Depuis le début des épreuves du nouveau bac, lycéens et professeurs se mobilisent un peu partout contre les "E3C" (épreuves communes de contrôle continu). Et font face à une réponse souvent violente de la part de la direction de leurs lycées ou de la police. Si la presse locale documente largement la mobilisation et sa répression, les médias nationaux n'y portent qu'un intérêt très limité. 

Mardi 28 janvier, le lycée Montesquieu, à Bordeaux, cadenasse ses grilles derrière les élèves de Première, venus passer des épreuves du nouveau bac. Une fois les candidats dans la cour de l'établissement, la direction leur annonce qu'ils passeront trois épreuves le même jour. Cela afin de rattraper les épreuves de la veille, annulées en raison de la mobilisation contre les E3C. Afin d'éviter que les élèves n'enclenchent l'alarme incendie pour s'opposer à ce passage d'épreuves à marche forcée, celles-ci sont tout simplement... désactivées par le personnel de l'établissement. En réponse, les professeurs, eux aussi mobilisés contre la réforme du bac, refusent de surveiller les épreuves. L'histoire est racontée par Rue89 Bordeaux, ainsi que par Sud-Ouest, qui  relaie notamment la vidéo d'un lycéen filmant les issues de secours cadenassées pour empêcher les élèves de Première de quitter le lycée. Mais dans la presse nationale, néant.

11 lycéens interpellés au Mans

Deux jours plus tard, les élèves du lycée Touchard-Washington, au Mans, bloquent l'entrée de leur établissement, là aussi pour protester contre la nouvelle formule du bac instaurée par le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer. La police intervient pour lever le blocage, 11 élèves sont interpellés. Là aussi, on trouve facilement le récit dans Ouest-France, ou sur France Bleu Sarthe. Mais dans la presse nationale, ASI n'a rien trouvé. 

A La Rochelle, 14 élèves ont reçu un zéro aux épreuves auxquelles ils ne se sont pas rendus, et, surtout, se sont vus refuser par leur proviseur de participer aux rattrapages. C'est France Bleu, là encore, qui raconte

France 3 Nouvelle Aquitaine consacre également un sujet à l'événement, précisant que les 14 élèves concernés ont été ciblés, entre autres, via leur abonnement à un compte Instagram créé pour soutenir le blocus du lycée. Cette fois, la presse nationale se fait (modérément) le relais de la situation : CheckNews, interrogé sur la question, confirme les informations de France Bleu et de France 3, expliquant en revanche que les interdictions de passer les épreuves de rattrapage concernent 17 lycéens, et non 14. L'Express mentionne également l'incident dans un article, en citant CheckNews

Rien au 20 heures, rien dans le journal de France inter

Globalement, l'intérêt des médias nationaux pour le mouvement des lycéens, des professeurs et parfois des parents d'élèves contre les E3C est très limité : cette semaine, le 20 heures de France 2 n'y a consacré aucun sujet. La situation n'est pas plus évoquée dans le journal de 8 heures de France Inter, le plus écouté de France. Un enseignant du Mans indique d'ailleurs à Arrêt sur images que plusieurs professeurs de sa ville ont envoyé vendredi 31 janvier à la radio publique une lettre pour se plaindre de ce silence. Côté presse écrite, c'est un peu mieux, même si le sujet est loin de faire la Une au quotidien : Le Monde a traité des perturbations au lancement des E3C, lundi 20 janvier. Mais n'y est pas revenu depuis, alors que le mouvement, ainsi que la réponse policière et des établissements, s'amplifient et se durcissent. 

"circulez, y a rien à voir"

Idem pour Libération, qui publie un article sur le mouvement lycéen le 20 janvier, sans y revenir depuis (hormis, donc, l'article de son service de fact-checking). Au Figaro, le sujet est davantage traité. Comme Libération et Le Monde, il fait l'objet d'un article le jour des premières épreuves du nouveau bac. Mais le quotidien revient ensuite, via une reprise de dépêche AFP, sur les incidents qui ont eu lieu devant les lycées (sobrement intitulé "Rennes : pour protester contre les E3C, des manifestants mettent le feu à un lycée"). Enfin, Le Figaro consacre un débat, sur son plateau, à la question : "Tentative de blocage du bac : irresponsable ?" La question de la réponse policière, ou de la tentative de décourager le mouvement en mettant des zéros sans possibilité de rattrapage, n'est en revanche pas mentionnée.

Une exception cependant : 20 minutes, lui, revient régulièrement sur le sujet. Le 20 janvier, le journal gratuit raconte les perturbations des premières épreuves dues aux blocages de lycées. Deux jours plus tard, un article fait part de la demande de la FCPE de donner des notes "bienveillantes" pour les premières épreuves des E3C en raison des perturbations. Le 28 janvier, 20 minutes traite du blocage d'un lycée de Montpellier ayant conduit au report des épreuves. Enfin, le 31 janvier, le journal fait le bilan de la situation et des différents "points chauds" en France, via l'AFP. 

Le reste de la presse nationale, globalement, a parlé du mouvement le premier jour, puis délaissé le sujet (Mediapart y est toutefois revenu plus longuement le 31 janvier). Mais pour être informé sur le mouvement de blocage des lycées pour protester contre le nouveau bac, mieux vaut consulter les médias locaux que nationaux. Ou encore le site d'information lié au NPA, Révolution permanente (ASI vous en parlait récemment), qui publie de nombreux articles sur les mobilisation partout en France (ici, ici et ici, par exemple). Pour le professeur du Mans interrogé par ASI, le sous-traitement de la mobilisation et de sa répression dans les médias nationaux est très problématique : "Ils s'alignent complètement sur la communication gouvernementale, qui dit « circulez, y'a rien à voir »".

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