Aérien : "L'objectif n'est pas de décarboner, c'est de croître"
L'émission
  • Avec
    Olivier Del Bucchia et Isabelle Laplace et Eva Morel
  • Presentation
    Nassira El Moaddem
  • Préparation
    Adèle Bellot
  • Réalisation
    Louison Gasnier
Réservé à nos abonné.e.s

Politiques et entreprises de l’aéronautique le promettent : c’est sûr, l’avion sera totalement vert et décarboné d’ici 25 ans ! L'engagement fait rêver, répété à l'envi dans les médias à l'occasion de la réouverture du salon aéronautique du Bourget. Nous aimerons pouvoir voyager à l’autre bout du monde sans avoir honte des milliers de litres de kérosène déversés. Mais rares sont les fois où les décideurs du secteur de l’aérien et les dirigeants politiques nous expliquent dans le détail comment concrètement ils comptent y arriver. N'est-ce pas Guillaume Faury lui-même, patron d'Airbus, qui affirmait récemment dans la matinale de France Inter  : "On va réussir à décarboner l'aviation, c'est évident !" 

L’enthousiasme médiatique autour des innovations technologiques de l’aviation mérite pourtant qu’on s’y attarde un peu. Qu’est ce qu’elles valent concrètement ces innovations ? Quelles réalités se cachent derrière les éléments de langage d’un secteur qui joue sa crédibilité ? Et qu’en est-il des flux aériens très rarement questionnés ? Pour répondre à ces questions, trois invités : Olivier Del Bucchia, ingénieur en aéronautique, cofondateur de l'association Aero Decarbo qui milite pour la transition écologique du secteur aéronautique, Isabelle Laplace, docteur en économie spécialisée en aéronautique à l'Ecole Nationale de l'Aviation Civile et Éva Morel, membre du collectif Quota Climat qui oeuvre pour un meilleur traitement médiatique des enjeux écologiques.

Erreur de montage

Comme vous le découvrirez en regardant l'émission, une erreur s'est glissée dans l'un des montages que nous avons présenté à nos invité·es du jour, ce qui a pu les induire en erreur et fausser leur analyse. Il concernait un reportage de France 2. La version diffusée laissait penser que France 2 ne mettait pas l'accent sur certaines contradictions du secteur aérien. En réalité, la version complétée, que nous avons ajoutée en post-production pour que vous ne soyiez pas induits en erreur vous aussi, donne à voir un travail plus complet de la chaîne. L'erreur est humaine, nous avons essayé de la corriger au mieux !

"La seule manière de vendre, c'est d'avoir ces éléments de langage sur l'écologie"

L'avion vert, les carburants durables, l'hydrogène : les médias ont passé toute cette semaine à faire le tour des dernières innovations  aéronautiques en matière écologique. Pour Éva Morel, c'est surtout l'illustration d'un secteur qui cherche sa survie à tout prix : "Il voit que la seule manière de croître dans ce contexte de limites planétaires qui s'imposent à nous c'est de décarboner ou en tout cas de communiquer sur le fait qu'il décarbone. [...] Ils disent : «On a une volonté d'être zero carbone, d'être vert». Non, on en réalité, ils ont surtout envie de continuer à vendre et la seule manière de vendre, c'est d'avoir ces éléments de langage". 

Pas de Récit alternatif aux solutions technologiques

Si les médias font la part belle aux solutions du secteur industriel pour répondre à l'urgence climatique, ces dernières ne concernent que les solutions technologiques. Ce qui amène Éva Morel de Quota Climat à regretter l'absence de récit alternatif : "Ce qui serait intéressant, ce serait de voir quelles sont les alternatives, de re-questionner la notion de voyage, d'aller sur des mobilités partagées. Ce sont des choses qui ont été périphériques toute cette semaine de traitement médiatique et on le déplore". 

"Allouer des ressources à l'aérien, c'est moins de ressources aux secteurs plus essentiels"

Quand bien même les thématiques de décarbonation ont été investies par les médias dans la couverture du salon du Bourget, force est de constater que le débat sur les ressources énergétiques allouées au secteur de l'aérien manque de nuance, regrette Éva Morel : "Si on alloue certaines ressources à un secteur en croissance et pollueur, ça veut dire qu'on allouera moins de ressources à un autre secteur. Les carburants décarbornés, c'est aussi des terres agricoles, la mobilité du quotidien, c'est le chauffage. D'autres secteurs d'activité sont plus essentiels et dans lesquels on aura besoin de ces ressources. Pourquoi allouer ces ressources-là à un secteur problématique ? La réponse est simple : c'est Airbus".

"C'EST TRès difficile pour un patron ou un chef d'état de dire qu'on va arrêter la croissance"

Le fond du problème, analyse Olivier Del Bucchia, c'est en réalité le cadre dans lequel le débat a lieu, à savoir notre modèle économique de croissance : "On n'a pas d'autre mécanique économique, sociétale que quelque chose qui fonctionne sur la base d'une hypothèse de ressources infinies et de croissance. [...] En réalité, c'est très difficile pour un patron d'entreprise ou un chef d'État de dire qu'on va arrêter la croissance. Le problème, c'est que si on reste dans une approche techno-solutionniste uniquement, on ne réfléchit pas à cela". 

POUR ALLER PLUS LOIN

-  Le rapport de Supaero Decarbo et The Shift Project : Pouvoir voler en 2050 : quelle aviation dans un monde contraint ? 
Agro-carburants, hydrogène : le secteur aérien face au défi d'un "avion vert", France 24, 20 juin 2023.
Faut-il arrêter de prendre l'avion ?, dans le podcast du Monde Chaleur humaine, animé par Nabil Wakim
- Une chronique de Daniel Schneidermann sur l'inexorable hausse du trafic aérien datée de... 2018 ! 

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