"Ils sont où les patrons qui défendent la réforme des retraites ?"
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L'émission
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  • Avec
    Michaël Zemmour et Matthieu Croissandeau et Dominique Meda
  • Presentation
    Nassira El Moaddem
  • Préparation
    Adèle Bellot
  • Réalisation
    Alizée Vincent
Offert par le vote des abonné.e.s

Bientôt deux mois que les opposants à la réforme défilent dans la rue. Et tout autant de temps que les médias audiovisuels multiplient les plateaux pour analyser l'état de l'opinion, la situation du rapport de force politique, les chiffres de la mobilisation, avec leurs lots d'invité·es plus ou moins pertinent·es et d'expert·es plus ou moins bien informé·es.  Au début de la présentation de la réforme des retraites, nous avions vu dans deux de nos émissions comment les alternatives au projet gouvernemental avaient du mal à exister médiatiquement, et de quelle manière l'exécutif s'empêtrait dans une communication gouvernementale catastrophique

Mais quid du traitement médiatique d'une mobilisation contre la réforme des retraites qu'on ne présente plus comme hautement impopulaire ? Au bout de deux mois de mobilisation, de quel côté se placent les médias ? Qui invitent-ils aujourd'hui pour analyser la réforme et ses enjeux et pour dire quoi ? La persistance de l'opposition populaire à la réforme des retraites a-t-elle un impact sur le récit médiatique ? Pour en parler, trois invités : l'économiste et maître de conférences à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne Michaël Zemmour, spécialiste des politiques socio-fiscales devenu coqueluche des médias ; la sociologue Dominique Méda, directrice de l'Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales, experte du travail ; et Matthieu Croissandeau, journaliste et éditorialiste pour BFMTV.

"Vous le voyez vous Geoffroy Roux de Bezieux défendre la réforme ?"

"Ils sont où les patrons ? se demande Matthieu Croissandeau. Vous le voyez Geoffroy Roux de Bézieux défendre la réforme ? Ils sont où les Alain Minc et tous ceux qu'on entendait d'habitude. C'est eux qui étaient invités pour porter les réformes gouvernementales. Ceux qu'on voit aujourd'hui ce sont davantage des esprits plus critiques pour démonter la réforme." Pourquoi ? "Pour le patronat, c'est tactique… Ils n'ont pas envie de jeter l'huile sur le feu ou qu'on dise que c'est la réforme des patrons. Ce n'était pas une priorité affichée par Geoffroy de Roux de Bézieux à la rentrée dernière. Il disait que les retraites ce n'était pas si urgent et qu'il valait mieux faire l'assurance-chômage. C'est plus difficile pour eux car ce discours-là ne passe plus, ce discours qui consiste à dire «y a pas le choix», «on ne ne peut pas faire autrement», plus personne ne peut l'entendre aujourd'hui."

"On peut s'entraîner à répondre simplement aux questions"

La participation de l'économiste Michaël Zemmour à la matinale de France Inter du 7 février (déjà décryptée par Maurice Midena) avait fait exploser la propagande de l'exécutif sur la pseudo-pension minimale à 1 200 euros pour tous. Une prise de parole médiatique qui a amené, ensuite, un certain nombre de médias à vérifier, puis à mettre les membres du gouvernement face à leur mensonge. Qu'est-ce qui explique l'efficacité de son intervention ? "On s'entraîne, confie l'économiste. Je savais que j'avais trois ou quatre points que je voulais aborder […] Lors d'une parole ordinaire, quand vous n'êtes pas préparé, vous êtes très long, trop complexe. On peut s'entraîner à répondre simplement aux questions pour être compris de tout le monde". Comment ? "Je demande à un copain sur cette question, et il me dit «là c'est trop long, ça ne va pas», et je recommence. Avec la double difficulté pour l'universitaire : le temps passe très vite, il faut être capable de dire des choses en très peu de temps et en même temps comme on est universitaire, on a un devoir d'être précis et de ne pas se payer de mots."

"Est-ce que j'aurais dû prendre la parole et mettre mes couilles sur la table?"

Dominique Méda, elle, y est allée sur le plateau de BFMTV. Invitée sur un débat autour de la réforme des retraites, persuadée qu'elle aurait du temps pour parler "travail", son champ de recherche. Mais à la suite de son dernier passage sur la chaîne d'info dans la soirée du 6 mars 2023, elle a décidé de boycotter BFMTV, excédée par les conditions de son intervention en plateau autant que  d'avoir auparavant été décommandée à plusieurs reprises par la chaîne. Ce soir-là, la sociologue, seule femme sur cinq invités, se retrouve prise en sandwich entre le député Renaissance de l'Oise et ancien ministre sarkozyste du Travail, Éric Woerth et Sébastien Menesplier, secrétaire général de la CGT Mines-énergies. 

Elle ne se verra donner la parole que tardivement. "Je me suis dit : «ou bien je pars», mais je me suis dit que ce n'était pas poli, «ou bien je hurle». J'étais potiche puis ensuite hystérique. J'étais exaspérée d'autant qu'on m'a appelée trois ou quatre fois, et à chaque fois, les programmatrices me disaient être intéressées par les questions du travail [] J'aurais dû être malpolie, intervenir bien avant." Et de préciser : "Ça nous fait poser des questions, principalement à nous les femmes qui sommes sans doute. On est respectueuses, bien élevées, on attend, on n'aime pas couper la parole. Est ce qu'on doit devenir des guerrières, des lutteuses ? Est-ce que j'aurais dû laisser la présentatrice de côté et sauter sur la parole, la prendre et mettre mes couilles sur la table ?"

Zoom de BFMTV sur sept poubelles brûlées 

La manifestation du 7 mars, comme d'ailleurs les précédentes depuis la présentation de la réforme des retraites, s'est déroulée dans le calme et sans violences. Pourtant, CNews et BFMTV ont fait le choix, comme souvent, de zoomer sur une voiture attaquée par des black-blocks, appartenant à un médecin, et sur… sept poubelles brûlées. Même le reporter de BFMTV avait constaté que la dispersion s'était passée "tranquillement". "Du point de vue des sciences sociales ce serait intéressant de savoir pourquoi les manifestations contre la réforme de retraites ne se passent pas de la même manière que les précédentes ?, réagit Michaël Zemmour qui était présent sur le plateau de BFMTV ce jour-là. Il y a plein d'hypothèses : ça peut être parce que le soutien est différent, ça peut être en raison de l'unité de l'intersyndicale ; à Paris on a changé de préfet aussi, on peut se demander si des méthodes et des consignes ont changé."

Pour aller plus loin

- Le dossier de Mediapart sur la réforme des retraites.
- Un article de Reporterre revenant sur la grève "victorieuse" de 1995.
- Michaël Zemmour dans C ce soir du 16 février 2023.


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