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Polanski : les anglo-saxons plus "cash" qu’en France

Suite à l’attribution à Roman Polanski du César du meilleur metteur en scène, et au départ consécutif d’Adèle Haenel ainsi que d’autres professionnels du cinéma pendant la cérémonie, la presse française se montre parfois hésitante à propos de ce qui est reproché au réalisateur. Ce qui n’est ni le cas de la presse anglo-saxonne, ni des internautes présents sur Twitter.

Commentaires préférés des abonnés

Sans avoir besoin de la presse saxonne, je me rends compte que la presse française aime bien la pensée fascistoïde des notables conservateurs et menteurs. Elle ménage aussi les violeurs.  Le journalisme à la française majoritaire, émanation du b(...)

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Assange aurait dû commettre des actes pédophiles et se réfugier en France... ça l'aurait protégé d'une extradition vers les Etat-Unis.

Derniers commentaires

Si il suffisait d'être accusé pour être coupable, Dreyfus aurait été condamné…Ah, mais suis-je bête: il a été condamné!

Quant à recevoir des leçons  de lynchage médiatique de l'amérikkke, patrie de la démocrassouille et des nègres trainés derrière des 4x4...

Je note, aussi, quand il s'agit de curés enculeurs, qu' ASI n'en  fait pas tout un feuilleton, Adèle ne claque pas la porte du Sacré-Coeur, et nos Fouquier-Tinville de la braguette deviennent, bien étrangement, silencieux!

Sans doute trop occupés à mesurer l'islamophobie des victimes du Bataclan...Je présume.





On en viendrait presque (en tant que femme) à souhaiter que ceux qui ouvrent grand leur gu... pour soutenir Polanski, dégommer Foresti, Haenel ou les autres "folles, hystériques, etc." qui sont parties en montrant leur énervement... bref, j'en serais presque à  souhaiter que leurs filles/fils/épouses/concubins subissent le même genre d'agression... pour qu'ils comprennent enfin de quoi on parle !

ce texte n'est pas de moi , mais il résume parfaitement mon opinion.



PAVER L’ENFER DE BONNES INTENTIONS

 Une chose et une seule est sûre et certaine : Roman Polanski a eu des relations sexuelles illicites en couchant avec une mineure. Il ignorait alors qu’elle était mineure, Samantha Geiner l’a confirmé. Malgré son jeune âge, elle avait déjà eu des relations sexuelles par le passé. C’est sa mère qui lui a présenté Polanski. Avant l’acte, le réalisateur et elles prennent un Quaalude : nous sommes dans les années 1970, au coeur des orgies Sex, Drug & Rock’n roll de l’élite hollywoodienne. Ce soir là, une bouteille de champagne a été ouverte. Après l’acte, le réalisateur raccompagnera le demoiselle chez elle. 

 Y-a-til eu viol ou non ?
 Vraisemblablement, si on s’en réfère aux témoignages de l’un et de l’autre qui sont aujourd’hui accessibles, c’est difficile à dire car tous les deux étaient drogués.
 La mère porte plainte. Polanski fait de la prison pour effectuer des « examens mentaux », 47 jours sur les trois mois auxquels il a été condamné. Comme souvent dans le système judiciaire américain, un accord est trouvé entre les deux parties contre une somme d’argent non-négligeable. La famille accepte et réclame à plusieurs reprises l’abandon des poursuites. Polanski écrit une lettre d’excuses à Samantha.
 Mais le juge d’instruction veut se payer Polanski et souhaite le condamner à perpétuité. Le réalisateur part à Paris. 

 Vingt ans plus tard, il est arrêté à Zürich et emprisonné, en vertu d’un accord américano-suisse, car la justice californienne s’est toujours refusée à clore l’affaire. Il passe deux mois en prison avant d’être assigné à résidence.

 En dehors de cette affaire mondialement connue, Polanski n’a été déclaré coupable de rien d’autre. Bien sûr, il y a eu cinq accusations de viol ces dernières années mais aucune plainte n’est aujourd’hui déposée contre lui (et pour cause, il y a prescription). Aucun témoin, bien sûr, c’est donc sa parole contre la leur. Certaines incohérences peuvent remettre en question la véracité des accusations de certaines d’entre elles. 

 Ces femmes disent-elles vrai ou non ? C’est sans doute là que se joue l’importance de cette affaire et de ses répercussions dans notre société : nous n’en savons rien. Quel que soit le parti que nous préférons prendre, quelle que soit notre émotion, notre conviction profonde, nous n’en savons rien.

 Nous, citoyens lambda, nous ne sommes ni avocats, ni juges d’instruction. Notre pouvoir judiciaire est nul et il doit le rester tant que nous préférons la démocratie à l'ochlocratie. 

 Dans cette affaire, nous ne sommes pas des militants, nous sommes la foule déchaînée, celle qui veut la tête d’un homme puissant, celle qui croira toujours les victimes potentielles quelle que soit la vérité, celle qui veut que le méchant soit puni et que l’histoire se termine bien… Mais peut-elle bien se terminer ?

 Que ces femmes disent vrai ou non, ce n’est pas à nous de le déterminer. On peut bien sûr avoir une opinion personnelle sur la question mais ne doit-on pas s’inquiéter de cet engouement anachronique à condamner publiquement un homme que nous ne connaissons pas ? N’est-il pas plus inquiétant encore que nous soyons sûrs d’être légitimes à le faire ? Est-il cohérent de réclamer toujours plus de progrès tout en agissant comme un peuple d'un autre âge ? Nous sommes pourtant capables de débattre calmement, d’entendre des arguments contraires, de douter, mais nous nous autorisons de plus en plus à laisser la colère et la haine l’emporter sur le raisonnement. Comme toujours, il suffit de prétexter l’engagement et tout est permis.

 En tout cas, on pourra dire que le message de Stéphane Hessel a bien été entendu : s’indigner est devenu un sport national en l’espace de quelques années et avec l’aide appuyée des réseaux sociaux, ce gigantesque mur de toilettes publiques, comme le dit l’humoriste Ricky Gervais.
 Tant et si bien que la foule se prend définitivement pour le peuple et qu’elle réclame sans cesse le droit de pouvoir faire justice elle-même et d’être garante du bon ordre moral dans lequel notre société se doit d’évoluer. Car le monde de demain se doit d’être meilleur que celui d’aujourd’hui, quels que soient les moyens mis à notre disposition pour le débarrasser de la vermine amorale qui nous empêche de progresser. Dans la Mort de Danton de Buchner, Saint-Just en appelle à ses camarades révolutionnaires : « Une idée ne devrait-elle pas pouvoir détruire tout ce qui lui résiste aussi bien que le ferait une loi physique ?»

 Sommes-nous redevenus ces petites vieilles qui venaient tricoter face à la guillotine pour profiter du spectacle ?
 Sommes-nous redevenus les dévots en soutane qui appelaient à mettre le feu aux bordels afin de protéger nos enfants contre un monde de vices ?

 Polanski aura au moins vu juste avec son J’accuse : comme naguère l’affaire Dreyfus, cette affaire-là nous plonge effectivement au coeur de nos contradictions, oppose la raison aux sentiments, et questionne la légitimité des deux justices, l’officielle qui n’est pas toujours à la hauteur et celle que nous aimerions administrer nous-mêmes, telle une milice. 

 Aujourd’hui, la seule victime avérée de Polanski appelle les groupes militants à ne pas récupérer son histoire ni à l’exploiter dans le but de nuire à la carrière du réalisateur. Elle félicitera même ce dernier pour son prix à la Mostra de Venise.

 Ne confondons pas activisme et dénonciation. Ne confondons pas justice et pugilat. Ne défendons pas un ordre moral qui écrase tout sur son passage ; l’Histoire nous donnerait tort.
 Ni les salles de spectacles, ni les cinémas, ni les plateaux de télévision, ni facebook, ni twitter ne sont des tribunaux. Nous savons intimement que ce n’est pas la société que nous voulons, ni pour nous ni pour les générations futures.

 En fin de compte, le sort de Polanski importe peu. Qu’il soit coupable et qu’il croupisse en prison ou qu’il soit innocent et couvert de récompenses, ce n’est pas vraiment notre problème. C’est le sien, celui des femmes qui l’accusent et celui de la justice.

 Notre problème, c’est le monde furieux et manichéen que nous sommes en train de cautionner pour avoir sa tête et qui engendrera inévitablement plus de monstres que de justiciers.
 Gardons la tête froide, ne dénonçons que les crimes qui sont avérés et ne perdons jamais de vue qu’une société dans laquelle on condamne sans savoir, une société dans laquelle on censure avant même de vouloir comprendre, est comme toute société totalitaire : un enfer pavé de bonnes intentions.

Tribune de Virginie Despentes dans Libération : https://www.liberation.fr/debats/2020/03/01/cesars-desormais-on-se-leve-et-on-se-barre_1780212

 Ce que l'on conçoit bien etc...

ASI pourrait-il se pencher sur l'invisibilisation du speech de Swann Arlaux, qui a magnifiquement défendu "Grâce à Dieu", sous-représenté dans les récompenses ? Swann n'est visible que lorsqu'il défend Adèle... après la cérémonie. Alors que pendant... il a tenu bon malgré la musique qui voulait le faire taire...

Parler clair, nommer les choses par leur nom véritable, refuser les formules euphémisées. Merci aux femmes qui le font, courageusement et dignement. Honte aux "journalistes " (et à tous les autres) qui perpétuent le flou et l'ombre dans lesquels violeurs et abuseurs prospèrent.

...et je reprends (désolé, l'arthrose...) 

...mais on constate un énorme écart avec ce que les condensés scolaires et journalistiques peuvent diffuser aujourd'hui. Raison pour laquelle je recommande d'aller voir ce film (avec vos enfants, oui, en leur précisant que c'est instructif, à discuter sur certains détails, mais que pour le côté cinématographique, voir 2°)


2° Polanski en tant que cinéaste. Pour moi, et c'est évidemment très subjectif, pas très intéressant depuis Tess. Un chef d'oeuvre : Le locataire. Et s'il fallait distinguer un seul film, pour la mise en scène, aux Césars, c'était celui de Sciamma.


3° Le marigot du cinéma français. Voir à la télé, à la suite, les plans sur les rombiers de la salle Pleyel, puis le compte-rendu de la Berlinale, c'était pathétique. Voir Daroussin se tortiller, aussi. On regrette Pialat ("vous ne m'aimez pas, moi non plus"). Mais le marigot du cinéma français c'est aussi la France (voir plus haut, Affaire Dreyfus et ses représentations.


Je mets à part Polanski, l'homme, comme on dit. S'il n'y a pas prescription, qu'il aille devant des juges.  Et s'il y a prescription, qu'il ait le courage d'aller en diffamation. Il l'a fait ?

Il me semble qu'il faudrait séparer trois ordres de questions/


1° L'affaire Dreyfus et ses représentations.  J'accuse (de Polanski, oui, hélas) est le premier film (je ne parle pas de la télé) français sur l'Affaire depuis cent-vingt ans (les précédents, Méliès et pahé, sont de 1899). Il faudrait peut-être s'interroger sur cette langueur cinématographique (quatre films étaits-uniens, anglais, allemand dans l'intervalle, dont le Dieterle, quand même). Et qu'il faille deux regards assez distancés vis-à-vis de notre beau pays (Polanski, Harris) pour le faire, idem. Simple question. A rapprocher par exemple de la statue de Dreyfus par Tim, et de ses aventures. C'est la première fois qu'on peut voir avec ce niveau de détail comment l'armée française (dans sa totalité, comme disait Aragon) a méticuleusement préparé son dossier, et la première fois qu'on voit si bien décrit le fameux "service de statistique". Il y a des raccourcis (et des contre-vérités) historiques, certes.Ma

Pardonnez mon ignorance.

Je suis très demandeur d'une traduction de l'expression être plus "cash"

Merci pour cet article qui me rassure un peu, car après lecture de l'article du Monde et de tous les commentaires des abonnés qui allaient dans son sens (à croire que les autres étaient modérés ?) je me suis senti très mal à l'aise...

Dimanche 1er mars; DS s'est aussi fait surprendre par Edouard Philippe. Un petit matinaute aujourd'hui ne serait pas de trop. Je ne sais pas trop ce qu'il s'est passé hier soir, j'étais en train de klaxonner en vélo devant la préfecture

Les liens "lire aussi" ont l'air de faire grève

 Les journalistes anglo-saxons, eux, semblent moins pudiques 


Est-ce  que ça voudrait dire que les journalistes français sont guidés par la pudeur ?

Il est terrible cet adjectif, placé là, justement dans cet (excellent ) article .

Entre la "mort professionnelle" et se voir refuser un prestigieux hochet, il y a une marge, non ?

Assange aurait dû commettre des actes pédophiles et se réfugier en France... ça l'aurait protégé d'une extradition vers les Etat-Unis.

coquille "réticent" .

Pour ce qu'elle vaut à la base (faire de l'art une compétition, une collection de gagnants et de perdants "moins forts que" en comparant des pommes et des poires), la cérémonie des César était de toute façon pourrie par la polémique : des prix ou pas de prix pour "J'accuse", ce n'est plus qu'un choix de posture face aux accusations portées sur Polanski. Des prix, c'est "TOUS DES VIOLEURS TOI AUSSI". Pas de prix c'est "L'ACADEMIE VOTE EN FONCTION DES POLEMIQUES TWITTER". L'évaluation du film, l'évaluation du travail d'équipe, l'évaluation de la mise en scène, des jeux d'acteurs, des costumes, que sais-je, qui s'en fout ? Ce n'est plus un film, c'est un autocollant RP. Le césar n'offre plus aucun semblant d'information sur ses qualités. Il n'est plus censé le faire. Eastwood recevra-t-il encore un prix, ou sera-ce cautionner le néo-fascisme trumpien ?


Tout cela est écoeurant. Mal à l'aise devant Adèle Haenel qui a tellement raison et tellement tort, mal à l'aise devant des mélanges incantatoires, mal à l'aise devant ces conceptions de l'individu (les conjugaisons et identités au présent pour quarante ans d'espace de vie, ce n'est glorifié que dans certains contextes, et souvent par des civilisés qui prétendent comprendre le pourquoi de la prescription dans d'autres), mal à l'aise devant ces meutes (les ligues du LOL c'est mochâtre mais seulement selon le sujet), mal à l'aise devant ces clans (les mêmes "pour nous ou contre nous" qui font mécaniquement de la critique philosophique de l'antispécisme une apologie de l'exploitation animale), la jouissance bulldozer des meutes bien synchrones ou de la banalisation du viol, et l'écrabouillement de la pensée, l'instrumentalisation centrale de Samantha Geimer contre Samantha Geimer "pour" Samantha Geimer, le bruit, la bêtise, et, en véritables gagnants ou perdants dans ce jeu -sur l'échiquer duquel le Polanski d'aujourd'hui, sa famille, le film et l'équipe de tournage sont les actuels dommages collatéraux- les victimes des dominances sexuelles actuelles, les acteurs des violences sexuelles actuelles, les véritables sujets, concrets et toujours indirects, de cette polémique symbolique. Et devant la pauvreté des phrases toutes faites, creuses et mobilisatrices de type "séparer l'homme de l'oeuvre" ("ah bin moi je sépare pas l'homme de l'oeuvre, il a fait un bon film alors il est bon, attends non ça marche pas dans ce sens ? on sépare ou on sépare plus, où sont mes notes ?").


Polanski est un jeu. Il n'est plus un objectif en lui-même, ni (aujourd'hui) sociétal ni (dans cette polémique-là) juridique, et les films dont il est réalisateur (ou aurait été acteur, ou producteur, ou perchiste) sont eux aussi des objets niés, sans objet. Tout comme les réalisateurs et films grecs que la Nea Demokratia avait interdit de concourir à l'étranger dans des festivals qui employaient le nom de "Macédoine". Des pions. Des clochettes de Pavlov.


Mais ce qui se passe autour de lui est complètement sérieux. La dénonciation et la neutralisation des Weinstein et des prédateurs actifs, des humains qui aujourd'hui violent sans complexe ni regret. Et les mécanismes de foules virtuelles, si auto-justifiables, si dirigeables, à la pensée si court-circuitables d'un slogan, d'un hashtag, d'une manchette. Pour le même frisson partagé des minutes de la haine orwellienne et des tondeuses libératrices.


Tout cela est désolant et écoeurant, ces mécanismes en reflet "à gauche" et "à droite", harcèlement dénoncés et justifiés, contre-harcèlements, double standards, indifférence au quoi comment pourquoi du moment que ça s'inscrit dans un mouvement global de telle ou telle direction. Aujourd'hui, les conservateurs, après avoir vomi la petite Greta Thunberg avec une violence abjecte, en prétendant même la protéger de son instrumentalisation politique, sortent sans vergogne particulière une figure symétrique, gamine anti-écologiste et suprémaciste blanche. A voir si celle-là subira les mêmes violences de la part des progressistes.


C'est navrant à tout point de vue, ça fait mal à tout point de vue. Avoir honte des gens qu'on aime bien. Comprendre et dire stop. Et laisser la vie se faire submerger par la pensée twitter et les postures like/dislike.


ASI était un tuba.    

Un grand merci pour votre analyse.

Merci, merci ! 

J’etais résignée à ne rien dire du tout, parce que ce serait trop long et difficile à faire sans risquer de voir le propos caricaturé. 

Vous l’avez fait et brillamment ! 


Merci de mettre des mots sur mes pensées. 

Il est grand temps de reregarder M le maudit. Cents ans après, rien n'a changé. 

Rho non, pas d'accord.


Polanski a 86 ans, un oscar, une palme d'or, des rétrospectives à la cinémathèque française. Sa carrière est faite, de toute façon.


En plein bouleversement du cinéma à cause du mouvement #MeToo et en pleine libération de la parole, l'urgence était-elle vraiment de nommer dix fois son film et de lui accorder trois césars - dont deux, qui plus est, sur son nom propre à lui, pas l'équipe, pas les acteurs, pas le monteur, pas le perchiste ? 


Alors qu'on ne parle plus uniquement de l'affaire Samantha Geimer ? Respect total pour la parole de Samantha Geimer. Elle a dénoncé à 13 ans ce qui lui était arrivé, n'a laissé personne parler à sa place ni voler son ressenti, et elle a empêché également Polanski d'édulcorer ce qui s'était passé dans ses mémoires. Mais elle ne peut parler que pour elle-même...

On parle maintenant d'une bonne dizaine d'accusations, cinq ouvertes, avec des périodes et des faits décrits assez concordants, des témoignages de tiers pour Valentine Monnier (pas des faits eux-mêmes mais de son récit, à l'époque), bref, des histoires quand même difficiles à balayer d'un revers de la main. C'est prescrit ? En effet et il n'ira pas en prison pour les accusations portées. Ça n'empêche pas de les trouver problématiques. Polanski a pour se défendre l'outil de l'attaque en diffamation, comme le signalait M. Chat plus haut.


Il n'y a donc vraiment rien dans le cinéma français à célébrer, à part des vieilles gloires multi-primées et multi-accusées ? On en est là ? C'est quoi le message, à part "on défend les nôtres" et "taisez-vous" ?


Twitter, on s'en fiche un peu, c'est un épiphénomène. Les personnes concernées sont réelles.

Je suis d'accord avec vous et je partage certains arguments avancés par IT. Mais il est à mon sens problématique de se lamenter sur l'état du monde des idées (les postures, les slogans, le sectarisme) quand, en effet, on ne parle pas d'un artiste anonyme mais d'une personne qui, artistiquement, n'a plus rien à craindre ni à perdre (en témoigne cette cérémonie...) et dont le statut a fonctionné comme un écran, un bouclier pendant tant d'années alors qu'il commettait des actes injustifiables. Vous avez raison, les personnes concernées sont réelles, et c'est toujours ces personnes qu'on oublie (ou omet) mécaniquement quand on oublie (ou omet) que s'il y a impunité, c'est qu'il existe des rapports de pouvoir qui permettent cette impunité, des rapports naturellement asymétriques. Proclamer le danger de l'anathématisation du réalisateur, c'est oublier ou omettre que ses œuvres seront probablement jugées comme toutes les autres par le temps, que le temps fera son œuvre ; à titre de comparaison extrême mais parlante, je ne sache qu'on se soit arrêté de citer ou d'étudier Heidegger sous prétexte qu'il était un nazi convaincu ; à cet endroit, on a peut-être omis beaucoup de choses pendant assez longtemps, d'ailleurs... Bien sûr que le temps et la critique (surtout conservatrice, en l'occurrence) séparent l'homme de l’œuvre, alors qu'on nous épargne la posture (oui, c'en est une aussi) de la défense de la liberté artistique quand celle-ci, en l'occurrence, n'a jamais été menacée et ne l'est toujours pas : que l'équipe du film et son réalisateur ne viennent pas à la cérémonie pour éviter un moment désagréable ne leur a aucunement empêché d'être couverts de nominations. Le combat doit être mené ailleurs, dans l'institution et la profession mêmes.

Pas de version intermédiaire. On va faire soit lapidaire, soit trois pages. Forum, donc lapidaire. Donc questions, à toi. Parce que toi.


1° Quels sont les critères sur lesquels tu imagines que les films ont été évalués. Quels sont les critères sur lesquels tu penses qu'ils doivent être évalués.


2° Quel est pour toi le sens (la raison d'être) de la notion de prescription, en général ?


3° Question plus fermée, question plus 'réponse', qui décide de ce qui est un "message envoyé" (et du contenu de ce "message") ? "Si tu ne fais pas ce que je dis, alors tu me craches à la gueule, et tu craches à la gueule de [mes/tes/nos] idées", "si tu ne consacres pas ceci à cela, alors tu envoies le message de ne rien consacrer à cela", est-ce que tu as des critères pour valider ou invalider ces énoncés ? Est-ce que tu as déjà vu ce genre d'énoncé utilisé de façon plus ou moins abusive sur différents sujets ?


4° Où s'arrête, dans ta phrase, le mot "twitter" que tu appelles "épiphénomène". Est-ce qu'il englobe les protestations de salle, les manifestations, les graffitis, les clameurs publiques, comme épiphénomène, ou est-ce le logiciel réseau informatique twitter au sens propre. Où places-tu la limite des "personnes concernées", par opposition à, disons, les "personnes impliquées" au sens large (côté militants, côtés collaborateurs ou famille Polanski, soutiens, participants au "fonctionnement ordinaire" de l'industrie cinématographique, etc). C'est la question ici du privé et du public, des légitimités de "débordements" de champs.


5° Quel est l'objectif pragmatique des protestations anti-Polanski, selon toi ? Quel "dénouement" (concernant Polanski et ses victimes) serait-il souhaité et considéré acceptable ? Y en a-t-il un ?   



Hey.


"1° Quels sont les critères sur lesquels tu imagines que les films ont été évalués. Quels sont les critères sur lesquels tu penses qu'ils doivent être évalués."


De quoi parle-t-on ? De critique ? Ou de cérémonies ? Pour une évaluation des mérites réels d'un film - ou tout simplement pour savoir si on a envie de les voir ou non -, difficile de compter autre chose que sur les gens dont on estime que l'avis compte. Donc, les critiques, pas n'importe lesquels, ceux qu'on a choisi, dont on valide le goût (ça varie de personne à personne).

Les cérémonies représentent autre chose. Le plus souvent, elles actent plus ou moins un consensus critique, surtout si les prix ne sont pas décernés par un jury réduit - qui peut, éventuellement, faire oeuvre de critique - mais de 4509 votants comme pour les césars, ou 6000 comme pour les oscars. On peut imaginer que les effets de mode de la profession jouent aussi un grand rôle. Mais le contexte politique joue aussi, évidemment. Quand Les Nuits fauves gagnent le césar du meilleur film, quand Driving miss Daisy ou Million dollars baby gagnent l'oscar du meilleur film, c'est présenté comme un moment politique. Il y a d'ailleurs toute une catégorie de "films à oscar" au scénario édifiant conçus pour gagner le prix du meilleur film. 


"2° Quel est pour toi le sens (la raison d'être) de la notion de prescription, en général ?"


Je ne m'étais pas posé la question de façon approfondie, je le fais (notamment à l'aide de cet intéressant article : https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/01/10/la-prescription-ou-les-limites-de-l-oubli_6025372_3232.html ). Aucune question de mon côté pour les contraventions et délits. Plus sur les crimes commis envers des gens, bref les atteintes graves aux personnes. À dire vrai, des deux arguments invoqués pour justifier la prescription, la question du risque plus grand d'erreur judiciaire me paraît valable, mais l'autre, celui du temps qui atténue le trouble, me paraît poser problème. Précisément à cause de l'élément donné dans l'article (plutôt pro-prescription), celui de la prise de parole de plus en plus grande des victimes (en règle générale), qui disent qu'au contraire, le temps et l'impunité augmente la souffrance. Je cite : « Elles remettent en cause le sens traditionnel de la prescription : pour elles, le temps attise la souffrance au lieu de la calmer, constate Denis Salas. Voyez les affaires de prêtres pédophiles : le fait que l’autorité chargée de la protection des enfants ait assuré l’impunité au criminel a souillé plus encore les victimes. Avec les années, le scandale, loin de s’atténuer, s’est finalement accru. » 

Reste un élément majeur, celui de l'évolution de l'accusé : est-on la même personne plus de 20 ans après les faits ? Peut-être pas. Mais peut-être que cette question (je parle de façon théorique) pourrait être pris en compte d'une autre façon, dans les peines encourues, etc., vues de façon atténuées au-delà d'un certain délai.


Autre remarque. Personnellement, je n'ai aucun avis passionné sur l'affaire Polanski. Je me garderai bien d'émettre le moindre jugement à l'emporte pièce sur quelqu'un qui a eu une vie comme celle de Roman Polanski. Et personnellement, tant que l'affaire était celle de Samantha Geimer, que Samantha Geimer disait que de son côté l'affaire était close, j'étais tout à fait prête à clore l'affaire aussi, à partir du moment où les faits étaient posés clairement (c'est à dire, où on évitait les "elle faisait très mûre pour son âge", "elle avait déjà eu des relations sexuelles" et autres excuses de ce genre passablement insultantes/diminuantes pour la personne concernée).

Là où ça change, c'est quand on voit qu'une dizaine d'autres femmes accusent Polanski pour des faits similaires. Que Valentine Monnier pose des accusations précises, avec témoins. Pas parce qu'elle attend quelque chose, selon ce que j'ai pu lire : surtout parce qu'elle trouve parfaitement gonflé que Polanski se compare plus ou moins à Dreyfus dans des interviews de sortie de J'accuse. Et effectivement, là on se dit, "bordel ! Mais il n'a rien compris, tout ce temps là !" Et le vrai problème, c'est que ce n'est pas que lui, c'est tout un système.


Autre exemple : Bertrand Cantat. Là, les choses sont claires : il a été condamné, il a purgé sa peine. Aucun problème à ce qu'il sorte, qu'il reprenne sa vie, se remette à faire de la musique. Mais par contre, bordel, je le déteste quand je lis ses prises de parole, et pourtant je l'aimais bien. Tout tourne autour de lui ! Il s'apitoie sur lui-même, joue le mec torturé et donne des leçons au monde entier ! Narcissisme absolu, la femme morte, c'est à dire l'autre, n'existe pas !

Ce qui est complètement rageant, c'est qu'on se rend parfaitement compte que c'est ce genre d'arrogance et de manque total de considération qui est la raison du mal pour commencer. Et là aussi, ça fait système, et c'est là tout le problème. Pas de question sur ce point : quand les relations hommes/femmes seront plus égalitaires et que la considération aura gagné du terrain, on n'aura plus de souci de manifestation de personnes en colère face à Polanski ou Cantat.


"3° Question plus fermée, question plus 'réponse', qui décide de ce qui est un "message envoyé" (et du contenu de ce "message") ? "Si tu ne fais pas ce que je dis, alors tu me craches à la gueule, et tu craches à la gueule de [mes/tes/nos] idées", "si tu ne consacres pas ceci à cela, alors tu envoies le message de ne rien consacrer à cela", est-ce que tu as des critères pour valider ou invalider ces énoncés ? Est-ce que tu as déjà vu ce genre d'énoncé utilisé de façon plus ou moins abusive sur différents sujets ?"


Je reviens sur ce que je disais plus haut, le choix des prix dans les cérémonies d'oscars / de césars n'est pas un pur choix artistique. C'est aussi un message politique. C'est très bien compris comme message politique quand c'est émancipateur. S'il n'y avait pas eu Polanski, la consécration des Misérables aurait été commentée comme un moment politique (un peu convenu, mais politique néanmoins). 

Clairement, le message, là, c'est "on s'en fout de tout le mouvement de libération de la parole des victimes de violence sexuelle. On défend Polanski. Taisez-vous." Il y avait une multitude d'autres décisions possibles. Là, le choix est très précis, c'est celui de célébrer LE mec déjà condamné, et encore accusé par dix autres femmes (et, accessoirement, déjà multi-célébré, vivent la jeunesse et le renouvellement). N'allons pas nous cacher derrière notre petit doigt.


(Les histoires de crachat à la gueule, par contre, c'est les mots d'Adèle Haenel, pas les miens.)


"4° Où s'arrête, dans ta phrase, le mot "twitter" que tu appelles "épiphénomène". Est-ce qu'il englobe les protestations de salle, les manifestations, les graffitis, les clameurs publiques, comme épiphénomène, ou est-ce le logiciel réseau informatique twitter au sens propre. Où places-tu la limite des "personnes concernées", par opposition à, disons, les "personnes impliquées" au sens large (côté militants, côtés collaborateurs ou famille Polanski, soutiens, participants au "fonctionnement ordinaire" de l'industrie cinématographique, etc). C'est la question ici du privé et du public, des légitimités de "débordements" de champs."


Tu parlais de Twitter et des foules virtuelles, je crois bien, c'est pour ça que je le citais. 

Le virtuel et Twitter ne sont pas le sujet. Le sujet, c'est le clivage et le conflit entre deux deux camps qu'on ne peut pas renvoyer dos à dos. Quelle place a été faite, jusque là, aux discours qui s'imposent aujourd'hui ?

Les personnes concernées : en cohérence avec ce que je disais plus haut, en premier lieu les personnes en souffrance, et qui ont quelque chose à dire (et avant tout, celles directement concernées. Samantha Geimer a suffisamment dénoncé l'instrumentalisation de son histoire). Un nouveau discours à écouter d'abord, prendre en compte, parce que personne ne lui a fait de la place jusque là. 

(Je me rends bien compte en me lisant qu'on peut me sortir la vieille antienne sur "le règne trompeur de l'émotion, bla bla bla." Donc juste pour désamorcer : ça me paraît fallacieux de séparer émotion et raison. On peut sentir et avoir envie d'être tout à fait lucide sur les faits. Et vice versa. On se plante plus facilement, j'ai l'impression, en croyant pouvoir être dépassionné, voire carrément surplomber les choses.)


"5° Quel est l'objectif pragmatique des protestations anti-Polanski, selon toi ? Quel "dénouement" (concernant Polanski et ses victimes) serait-il souhaité et considéré acceptable ? Y en a-t-il un ?"


L'objectif principal et réel dépasse largement Polanski, c'est avant tout de faire une place, par le conflit, pour des voix et des points de vue largement écartés et sous-évalués jusque là. (je me répète)

Concernant Polanski, je ne sais pas quel est l'objectif souhaité par les gens qui protestent autrement que de façon tout à fait marginale comme moi, mais de mon côté ça me paraîtrait sain, soit qu'il porte plainte pour diffamation s'il s'estime diffamé, soit qu'il prenne acte s'il estime qu'il ne l'est pas. 


Je t'envoie un mail, sinon.

Sans avoir besoin de la presse saxonne, je me rends compte que la presse française aime bien la pensée fascistoïde des notables conservateurs et menteurs. Elle ménage aussi les violeurs.  Le journalisme à la française majoritaire, émanation du bloc bourgeois, rappelle la chanson de Brel : " Chez ces gens là, Môssieur... "

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