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Le prof qui a "pourri le web", critiqué par des collègues

A-t-on le droit de "piéger" Internet ? Le 21 mars, un prof de français raconte sur son blog comment il a "pourri le web" en 2010 pour piéger ses élèves copieurs-colleurs. Dès le lendemain, l’article est repris sur de nombreux sites de presse avant de devenir l’incontournable du week-end jusqu’à l’apogée : le JT de France 2. Encouragée ou très critiquée, l’initiative a suscité les passions.

Derniers commentaires

voici le témoignage que je viens d'envoyer au canard et à Rue 89
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Tout le monde connait le film « Brazil » dans lequel Archibald Buttle est victime d'un enchainement désastreux, un insecte tombe dans l'imprimante de l'ordinateur central du Service des recoupements au moment où il doit imprimer le nom de Archibald Tuttle, et c'est du coup celui de Archibald Buttle qui sort. Ce dernier, totalement innocent, est donc brutalement arrêté à son domicile.

Bienvenue dans le monde merveilleux de la gestion par ordinateur. On ne peut plus vraiment parler de « gestion assistée par ordinateur ». Notre histoire, qui est réelle, démontre que l'homme n'a plus la main sur la gestion effectuée par les ordinateurs...Il n'a plus la main simplement parce qu'il n'a pas songé qu'il fallait la conserver, car entendons-nous bien, l'ordinateur ne demandait rien, et nos ordinateurs ne sont pas encore comme Hal, l'ordinateur du vaisseau Discovery One de « 2001, l'Odysée de l'espace ».

Je me bats depuis quelques années contre les dérives de l'informatique, du fichage administratif, contre les caméras et «le monde Big Brother » en général. Et ironie du sort voici ce qui vient d'arriver à ma fille.

Ma fille passe son BAC en série S.
Il y a 2 séries S : la série S-SVT et la série S-SI.
Ma fille est en S-SVT et elle doit donc choisir une spécialité : maths, physique chimie ou SVT.
Il y a donc des S-SVT spé maths des S-SVT spé PC et des S-SVT spé SVT.
Le libellé de la spécialité S, à savoir SVT ou SI, peut donc être le même que celui de la spécialité, si la spécialité choisie est SVT. Vous suivez?

Ma fille au lieu de cocher la spé maths a coché SVT en croyant que c'était la série S-SVT...Résultat, voici donc ma fille inscrite en S-SVT spécialité SVT. Confiante , elle reçoit sa convocation, la vérifie (sérieusement dit-elle) et ne voit pas l'erreur. Tout le monde est tellement confiant...Elle est brillante, a toujours eu les félicitations, elle est totalement autonome dans son travail depuis le CM1, toujours sérieuse, rigoureuse...personne ne vérifie ! personne ne voit l'erreur.

Bref, lundi, épreuve de philo toutes les S sont mélangées, les S-SVT et les S-SI.
Ce matin Hist géo : là les élèves sont classés par spécialité, et tous les spé maths sont dans les mêmes salles, et ma fille se retrouve entourée de gens, la seule fille de la S1 au milieu de gens de la S3 et là elle comprend qu'il y a un problème. Elle regarde son étiquette , sa convocation et là, elle voit....Et elle panique....Son épreuve d'Hist géo n'a donc pas été terrible. Et en sortant elle fonce chez le proviseur...Appel au rectorat, 45 minutes de conversation...

Il n'y a pas de solution ! Les épreuves de maths et de SVT n'ont pas encore eu lieu, elles n'ont lieu que jeudi et vendredi. On vit dans le monde réel ! Il suffit de lui donner les bons sujets, jeudi et vendredi, de mettre sa copie dans la bonne enveloppe, de rayer son nom sur une liste pour le rajouter sur une autre, rien qui ne pose problème à priori...C'était sans compter sur Big Brother !

Le recteur lui même ne peut pas modifier l'inscription pour repasser ma fille dans sa bonne spécialité....les grilles nominatives de correction sont déjà éditées, le logiciel de saisie des notes des copies est déjà activé, et la base est verrouillée....Game over....
Et voilà ma fille qui s'est tapé des heures de spé maths toute l'année pour rien et va se retrouver avec une épreuve de SVT coefficient 8 ....Sur un cours auquel elle n'a pas assisté....Et voilà comment une des élèves les plus brillantes du lycée (je dis pas ça parce que c'est ma fille) va rater sa mention « très bien » et peut -être devoir repasser les bonnes épreuves en septembre....Le rectorat va suivre le dossier pour juin...d'après le service des examens, vu son dossier et ses résultats elle va tout de même réussir son BAC...Ils feront ce qu'il faut pour qu'elle bénéficie d'un coup de pouce du jury s'il lui manque 1 point ou 2....

Mais c'est pas ça qu'on veut ! On veut qu'elle passe son option Spé maths....Mais c'est impossible...

Nous vivons dans le monde réel, et rien n'empêche dans le monde réel de réparer l'erreur et de résoudre le problème....et pourtant....

C'est ce côté absurde, ce côté évènement qui n'a pas encore eu lieu mais qui est pourtant irréversible...à cause d'une gestion stupide d'une base de données....à cause d'une procédure unique exécutée par une machine... rien n'est prévu pour corriger d'éventuelles erreurs jusqu'au dernier moment... Tout serait verrouillé (d'après le proviseur adjoint) depuis mars...

Impuissance face à une machine de merde qui n'y comprend rien et qui mériterait un grand coup de masse !!!!!! Putain d'informatique de merde ! Putain de big brother de merde !!!! Et le recteur lui même qui n'a aucun pouvoir ....je pourrais appeler le Ministre, le Président, le Pape !!!! Rien n'y changerait ....Putain de machines !!!!

C'est la deuxième fois dans ma vie que j'ai ce genre de problème, une fois je suis resté bloqué en Corse parce que des rats avaient bouffé les fibres optiques...impossible d'acheter un billet de bateau...Pourtant on était là, les employés de la SNCM étaient là, le bateau était là.....Et impossible de monter dans le bateau parce qu'aucune procédure papier n'est prévue.....

Comment peut-on vivre dans un monde aussi merveilleux de technologie et se noyer ainsi dans un verre d'eau?

Tuttle et Buttle....On est en plein Brazil....Mouche de merde...Machines de merde....
Et surtout......Opposition de merde à big brother....Nous sommes tous des Archibald Tuttle....Mais tout le monde semble s'en moquer.

Et encore, pour ma fille, ce n'est pas si grave. Pour d'autres ça pourrait leur couter le BAC. Notre chance, c'est que ma fille veut aller en faculté donc la mention importe peu, il suffit qu'elle réussisse son BAC. Mais certains de ses camarades qui ont fait des dossiers dans des endroits ou la mention « très bien » est exigée, d'autres qui ont besoin de la mention « très bien » pour obtenir leur bourse au mérite afin de pouvoir étudier là où ils le souhaitent, pour eux, ça aurait pu détruire leur projet de vie....Projet de vie détruit irréversiblement, alors qu'il est encore temps d'agir dans le monde réel d'ici à jeudi matin...

Comment pouvons nous tolérer de perdre ainsi la main sur notre destin collectif? Comment pouvons-nous accepter de laisser ainsi les machines dicter leur loi?

Le législateur doit imposer partout où il le faut des procédures de remplacement pour pouvoir pratiquer des corrections, des modifications lorsqu'il est encore temps. Nous vivons donc déjà dans un monde à mi chemin entre celui d'Orwell et celui de Kafka ou l'absurdité le dispute à l'impuissance puisqu'il est impossible d'intervenir dans le monde réel pour empêcher un événement à venir désastreux. Cet événement rendu inéluctable parce que les hommes ont confié leur destin aux seules machines.

19 juin 2012

** Message modifié le 22/06/2012 à la demande de l'auteur **
Moi, c'est ce débat qui me les brise.
En tant que jeune diplômé cela ne m'inspire qu'une réflexion : "LOLILOL" CONTENT DE NE PLUS Y ÊTRE ^^ Il faudrait me traîner de force dans une école >< Navrant non :) - Quel con se prof... ça aura servi à quoi tout ça ? A t'il élevé ses élèves ? J'en doute sincèrement on aura parlé de lui à la TV, tout le monde se fout de son sujet de poésie, lui le premier on dirait... "J'ai pu prouvé de manière cynique un certain niveau de connerie du système éducatif dont je fait parti !" Super ! Bravo ! C'est une pure attitude de "gamin", il aurait eu à sa disposition 1001 façons de fournir un apport pédagogique à ses élèves... Et puis qu'elle Hypocrisie... en caricaturant un peu pour moi utile ou pas le collège c'est faire le perroquet en ayant de belle plume de préférence, le lycée le perroquet savant (Réfléchissaient dans le cadre bien défini de ce que l'on attend de vous, dire merde ou pourquoi n'est pas une option). Le supérieur selon on passe de perroquet savant à perroquet savant de compétition... ensuite on est "libre". On peut regarder nos enfants bien en face et quand ils ne posent des questions leur dire, j'en sais rien, j'ai oublié, regarde dans ton livre ou demande à ton prof ^^
Bonjour à tous


J'interviens avec du retard, et peut-être que ce que je dirai ne sera qu'une redite. Mais un point qui me semble essentiel dans le propos de cet enseignant, c'est le besoin de confiance en soi des élèves : oser faire confiance à leur propre analyse.


Ce qui est intéressant ici est à la fois l'origine de cet état de fait, et ses conséquences. L'origine est très certainement la limitation du travail personnel, et la disparition des exercices nécessitant réflexion. Les élèves ne parviennent plus à produire un travail satisfaisant sur des exercices basiques de réflexion, essentiellement parce qu'ils ne travaillent pas chez eux pour rattraper leur retard. Ils préfèrent la solution de l'abandon à celle du travail.

Et la conséquence de la solution du professeur en question, qui consiste à leur rappeler qu'il faut oser penser par soi-même, oser être critique au sens kantien du terme, cette conséquence est frappante : il faut rappeler aux élèves qu'ils sont capables de parvenir à quelque chose (mais sous condition de fournir un travail).


Ces deux éléments me semblent frappants : l'abandon du travail par soi-même corrélé à une baisse notable de l'estime de soi sur le plan intellectuel. On insiste beaucoup sur la baisse des attentes académiques en matière d'instruction (dont le niveau du bac est l'exemple le plus célèbre). Mais il y a lieu de se demander si l'abandon d'une certaine forme de discipline est le seul facteur. Et la baisse de l'estime de soi me semble être un objet qu'il serait intéressant d'interroger de ce point de vue.


Je n'ai pas beaucoup plus à dire pour le moment, je voulais simplement faire part de cette interrogation qui me vient au passage.
à la fois hors propos et à propos, une info entendue ce matin sur FQ (pas retrouvée, si quelqu'un a écouté plus attentivement que moi...) : devinez où, aux USA, le collège est totalement dépourvu de tout ordinateur ??? le collège des enfants des geeks de la silicon valley. j'ai bien ri !
si quelqu'un arrive à m'expliquer ça !
http://www.k-netweb.net/projects/mindreader/
Je crois lire dans beaucoup de messages un rejet de cet exercice qui est, selon moi, le seul réellement littéraire : le commentaire de texte.
Cet acte achève le processus de création, donne au texte une nouvelle dimension par l'acte de lecture approfondi.
Il s'agit de s'arrêter sur chaque mot, de s'interroger sur sa place dans la phrase, d'écouter mieux les harmonies de sons créées, de repérer une image, un style particulier, etc.
Cela demande une certaine sensibilité, mais surtout une analyse rigoureuse des mots.
Aucune connaissance n'est nécessaire.
Sans connaissance aucune, au pire, l'élève fera un gros contresens (un anachronisme).
Eventuellement, il peut chercher le sens des mots (dans le dictionnaire, ça marche aussi sans internet).

Il est normal que les élèves soient tentés d'aller sur internet, ils en ont désormais l'habitude. Mais nous leur répétons chaque jour que pour cet exercice, c'est inutile. Beaucoup l'entendent. C'est sans doute cela qui prend sens dans cette petite expérience menée par l'enseignant.

Alors, s'il vous plaît, débattez sur tout ce que vous voulez, mais pas sur l'intérêt de cet exercice. Si vous le croyez absurde, c'est que vous le méconnaissez.
delphes, votre tentative est courageuse, mais s'expose à quelques critiques. Commenter un texte, c'est inévitablement le considérer comme un objet de commentaires, donc comme un objet. S'il s'agit d'un texte non-littéraire -oxymore ?- comme un document historique, biographique ...pas de problème, au contraire: Le maximum de recul est souhaitable. Mais sinon ? Chosifier un poème, c'est évidemment s'en séparer définitivement: On pourrait dire que seul un poète peut "commenter" un poème: L'absence totale de recul est ici indispensable. Delphes, c'est parce que le français est la discipline principale que la crise de l'enseignement est la crise de l'enseignement du français.
Le chosifier ?

Comme un objet de commentaire, donc comme un objet ?

Chosifier un poème, c'est évidemment s'en séparer définitivement ?

Vous semblez confondre pédagogie et dramaturgie...

Il n'y a pas d'un côté l'émotion, de l'autre la réflexion. La réflexion s'ajoute à l'émotion, sans rien lui retirer. Le commentaire de texte, c'est à dire l'articulation d'un discours à propos d'un texte, n'est pas une mesure destructive, qui fracasserait toute possibilité de ressentir l'inarticulé que l'auteur y a mis.

Comprendre en sachant ce qu'on a compris n'enlève pas ce qu'on n'est pas en mesure de dire.

Bref, l'absence totale de recul n'est bonne que quand on est dos à la falaise (en haut, ou en bas...) A l'école, on est censément dans un environnement "secure" comme dit Sarko, où on doit expérimenter avec ses neurones, et essayer de voir ce qu'on peut exprimer, comment on peut s'en sortir pour formuler le ressenti, savoir d'où il vient.

Car les poètes ont des techniques, eux aussi. La poésie ne sort pas, tripale et innée, comme la source jaillit à la fonte des neiges. La poésie est une construction, qui peut être analysée. Et, si on veut continuer à avoir des poètes, qui doit l'être. Evidemment, chaque poète a son propre sac de trucs. Chaque compositeur aussi. Chaque tourneur-fraiseur aussi. Qu'il n'a pas appris en faisant des commentaires de textes. Ce n'est pas la question.

La question c'est de s'exprimer. Et pour s'exprimer, il n'y a pas de domaine sacré. Pourquoi pourrait-on s'exprimer sur un texte historique (un de Michelet, par exemple ?), et pas sur un poème ? A-t-on droit de s'exprimer sur la pierre de Rosette, et pas sur la Joconde ? A-t-on droit de s'exprimer sur un plan d'hélice du Dewoitine D520 ?

Apprendre le français, c'est "évidemment" apprendre à s'exprimer. La langue sert à convoyer des idées, des arguments, des émotions, et rien ne doit être exclu du champ de l'expression. Surtout pas la beauté, surtout pas l'indicible. Si on se censure avant d'avoir essayé, nous ne ferons jamais aucun progrès. Explorer les limites de ce qu'on peut dire et de ce que le langage ne permet pas est déjà un exercice nécessaire.

L'esprit humain dévore tout, pour peu qu'on l'y pousse. Et la poésie n'est pas un appel qu'à la contemplation.
assez d'accord, à un détail près : vous soulignez qu'on a "le droit" de s'exprimer sur un poème autant que sur un texte de Michelet. Certes. Le problème à l'école, c'est qu'on en a "le devoir". Et moi je crois qu'on devrait avoir "le droit" de choisir les œuvres sur lesquelles on veut exercer cette forme-là d'intelligence, et celles qu'on préfère — au moins un temps — laisser à la contemplation et à l'ineffable. Car, si, ça transforme le rapport à l'œuvre, de réfléchir, de conscientiser ce qu'on ressent. Et ça peut "retirer à l'émotion", dans certains cas.
Dans quel cas ?
Subjectif, contingent, et relevant souvent de "l'intime conviction", ça devrait donc être laissé à l'appréciation de chacun.

N'avez-vous jamais fait l'expérience de ça ? Que l'indicible vous échappe au passage, quand vous réfléchissez à un texte ? Parfois, "l'attention flottante" lui laisse plus de place pour vous toucher.
On peut se consoler en se disant que la vraie beauté est celle qui résiste... bah.
N'avez-vous jamais fait l'expérience de ça ? Que l'indicible vous échappe au passage, quand vous réfléchissez à un texte ?

Jamais.

Ce qui m'a certes ennuyé dans mes années de collège/lycée n'était pas tant la réflexion à apporter, que le jugement du professeur sur cette réflexion. Je n'ai pas souvent ressenti la correction comme un coup d'arrosoir sur mon terreau, mais plutôt comme un élagage lapidaire.

On peut se consoler en se disant que la vraie beauté est celle qui résiste... bah.

En bon disciple de Socrate, de toute façon... j'ai ma propre vision de ce qu'est la beauté. Pour moi, justement, c'est celle qui sait s'offir, mais pas à n'importe quel prix.

Je trouve autant de beauté dans un poème car j'ai l'impression, par ma réflexion, de m'être rapproché de ce qu'a voulu me dire son auteur (en saisissant le contexte dans lequel il l'a écrit, etc.), que dans la compréhension d'un raisonnement mathématique qui rapproche deux idées apparemment découplées. Me perdre dans la contemplation d'une oeuvre en rentrant en boucle avec moi-même, stimulant mon propre ressenti pour créer un nouveau ressenti, n'utilisant l'oeuvre d'un autre que pour alimenter un plaisir purement interne, ne m'intéresse pas trop.

Bref.
bon.
vous pouvez peut-être admettre que tout le monde ne fonctionne pas comme vous :)
Non. Je suis universaliste. Je n'ai rien de différent de quiconque, et nous recherchons globalement la même chose.

J'ai une attitude différente par rapport à la connaissance et aux plaisirs intellectuels, mais ce n'est pas une question de fonctionnement. C'est une question de choix esthétique. Ce choix est ouvert à tous, et tous doivent pouvoir y goûter.
Tout n'est pas si flou, ni si subjectif. Nous ne parlons pas d'aimer un texte ou d'en découvrir la "beauté" supposée.
Deux choses :
1) La méthode pour commenter en littérature, en histoire et en philosophie est différente. Elle nécessite des connaissances en histoire (le contexte) et en philosophie (des notions) ; en français, elle nécessite de connaître quelques outils stylistiques. Le même texte de Michelet sera donc commenté différemment dans ces trois disciplines, de même que De Gaulle a été abordé de façon très différente en histoire et en littérature cette année et l'an dernier.
2) On n'accède pas à la beauté d'un texte quand on le commente. On en comprend les mécanismes : quand on commente, on prend vraiment le texte comme une grande machine et on examine chacune des pièces, et la façon dont elles sont associées les unes aux autres. J'ai un copain qui est devenu un as de la mécanique en démontant sa voiture et en la remontant. A l'école, on apprend ça ; libre à l'élève de se mettre à aimer ou pas ; ou d'aimer d'abord, et de comprendre un peu mieux après pourquoi on aime ce texte-là.
"pas si flou, ni si subjectif" que quoi ?

merci pour les précisions de votre 1), je ne vois pas ce qu'elles apportent à mon propos, ni pourquoi vous semblez supposer que je les ignore. Je n'ai pris l'exemple de Michelet que parce qu'il avait été, dans cet échange, opposé à la poésie.

idem pour le 2), je ne dis nulle part qu'on "accède à la beauté d'un texte quand on le commente", je me contente de suggérer qu'un texte qu'on "démonte" pour en comprendre "les mécanismes" (on n'en comprend jamais qu'une partie, au demeurant), on ne le lit plus de la même façon.
La réflexion consciente, rationnelle et instrumentée, a ses mérites et ses joies propres, mais elle très différente des processus primaires que la poésie peut atteindre, mettre en mouvement — émouvoir. Processus primaires qui ne sont pas réductibles à de "l'affect", mais relèvent de la complexité de la connaissance inconsciente. Et l'esprit humain a ses limites, et ne peut fonctionner à plein régime sur tous les modes à la fois.

J'ai relu en boucle et appris par cœur bien des textes que je n'ai jamais décortiqués (j'ai acquis très tôt des réflexes de survie en milieu hostile, et je fermais consciencieusement mes écoutilles quand on tentait de m'imposer une démarche de connaissance qui ne me convenait pas), et je suis certaine que, pour ceux-là en tout cas, mon intuition, mon désir, me guidait vers quelque chose d'essentiel. Et que ce qu'on "connait" par imprégnation, par contemplation passive, par suspension de la raison, vaut autant, parfois plus, que ce qu'on connait "en démontant le mécanisme". Mais j'ai aussi, à d'autres moments ou pour d'autres textes, éprouvé de la jubilation à en comprendre les mécanismes — lesquels ont leur beauté propre, d'ailleurs.
Je revendique le droit, pour chaque lecteur, et donc pour chaque enfant, de décider lui-même de ce qu'il veut recevoir d'un texte, de ce qu'il veut lui faire, et en faire. Cela ne signifie pas que l'enseignant ne doit pas proposer d'autres chemins, ouvrir d'autres voies d'accès.


Et j'en ai un peu marre des pédagogues convaincus qu'il y a "une meilleure façon de marcher" (celle qu'ils défendent, forcément), et que leur rôle est de l'imposer. Qu'il s'agisse de prêcher pour "le cercle des poètes disparus" ou pour "à l'école on est là pour réfléchir"...
Il y a un côté "Diafoirus contre Purgon", dans ces discussions, qui est à hurler de rire (ou de rage). Quand on aura bien défendu qui la purge, qui la saignée, le malade mourra guéri, et l'élève guéri de la poésie (ou plus généralement de la littérature), probablement.
Un exemple -fameux je crois- de ce à quoi peut mener la destruction savante de la poésie: Dans le Lagarde et Michard XIXème, au vers " ses ailes de géant l'empêchent de marcher" de l'Albatros de Baudelaire, une note en bas de page précise doctement: "L'envergure des ailes de l'albatros atteint souvent 3m50"
(Juste : je parlais de Michelet justement non pour l'opposer à la poésie, mais pour signifier que Michelet est à la fois historien et poète, dans nombre de ses pages.)
Tout à fait d'accord. Sa vision de l'histoire est poétique, et sans grand souci de rigueur scientifique. Son oeuvre reste, alors que, par exemple, l'école de l' histoire quantitative de Marczewski (orthographe non garantie) est bien oubliée. Je précise que ne suis pas prof de français, mais je suis fan d'un certain type de commentaires littéraires, à ma connaissance absents des programmes: Blanchot, Bataille, Benjamin...On ne peut commenter que littérairement la littérature. De même, on en apprend bien plus sur la sociologie en lisant Proust qu'en lisant Durkheim ou Bourdieu, que j'apprécie par ailleurs.
Son oeuvre reste, certes, mais parmis les profanes. Les historiens, quant à eux, ne se contentent pas de Michelet, et vont pêcher à d'autres sources. Et ils ont parfaitement raison, car leur champ d'étude n'est pas la poésie, mais l'établissement aussi précis que possible des événements réels, non fantasmés, ou décrits de manière partiale.

Que Michelet ait une place dans les biblothèques, très bien. Qu'il ait une place chez les historiens, bravo. Qu'il soit définitif car poète, certes pas.

Qu'on ne puisse commenter que littérairement la littérature... tout dépend de ce que vous appelez littéraire. Pour moi, qui ai une notion très large de la chose, il y a peu d'écrits qui ne soient pas littéraires. Les textes scientifiques, les thèses de doctorat, faisant partie pleine du tissu intertextuel, sont de la littérature. Les manuels scolaires, avec leurs notes de bas de pages surréalistes (si on veut, si on choisit de les voir telles) également. Comme disait Eco, il n'y a que la liste des courses qu'on n'écrit vraiment que pour soi.

Quant à votre dernière phrase, non. Qu'on en apprenne plus sur la société en lisant Proust que Durkheim, si on a les clés de lectures pur Proust et pas pour Durkheim, d'accord. Mais cela ne vient pas tout seul, et nécessite une manière d'appréhender Proust qui ne va pas de soi, comme vous semblez le penser. Quant à la sociologie, Proust ne nous dit rien dessus. Il nous parle de la même chose que les sociologues, à un certain degré de lecture de ses livres, mais son discours ne se place pas dans le même registre. Cela ne lui enlève rien, mais cela n'enlève rien aux sociologues.
Vous posez une question fascinante: Qu'est ce que la non-littérature, la laideur, le vide esthétique. A l'age de neuf ans, au sortir d'une exposition sur Nicolas de Staël où on m'avait traîné (vive le dressage artistique) j'ai fait une expérience marquante: Pour rentrer chez nous, il fallait passer par un terrain vague, qui pourrait fort bien symboliser la laideur absolue: Eh bien j'y ai vu un Nicolas de Staël. L'heure que j'avais passée dans ce maudit musée avait suffi à imprégner mon regard de gamin. Mais cela n'épuise pas le sujet. Un regard intensément poétique a peu de chance d'embellir un mode d'emploi de lave-vaisselle, un communiqué militaire, ou... un commentaire composé. Excusez-moi, c'est plus fort que moi.
Ce magnifique plaidoyer pour le statu quo me fait froid dans le dos. Exorciser la poésie en la disséquant. Je préfère, malgré ses outrances, "le cercle des poètes disparus".
Quel statu quo ? Quel exorcisme ? Quelle dissection ?

L'exploration, fût-elle mentale, se doit de ne pas se poser de limites. Encore une fois, il ne s'agit pas de retirer, mais d'ajouter. Si vous ne concevez pas que la lumière de l'esprit puisse éclairer de manière méthodique, de manière consciente, réfléchie et argumentée, c'est votre affaire. Cependant c'est tout un pan de la jouissance mentale que vous supprimez. Car c'est une autre forme de beauté que de comprendre, et de savoir pourquoi on comprend. Et cela n'enlève en rien à la manifestation de la beauté. Le courant de la Renaissance avait parfaitement compris cela. Si c'est ce statu quo qui vous effare, pour ma part il me convient très bien.

Faire croire que la beauté est mystique, c'est de l'oscurantisme du niveau des curetons de Pagnol. Toute poésie est une construction mentale. Analyser un texte, c'est lui donner une profondeur que parfois le poète n'avait pas creusée lui-même. Et moi-même me réjouis chaque fois qu'on me fait une remarque sur un de mes textes que je ne m'étais jamais faite auparavant.
c'est ça, "c'est une autre forme de beauté que de comprendre"

il se peut qu'un texte, ou un lecteur, ne puisse à certains moments contenir ensemble ces deux formes...
C'est peut-être... quelque chose qui s'apprend ?

Tout comme je l'ai appris ?

Tout comme on essaie de l'enseigner en faisant faire des commentaires de texte ?

:)
je crois que, pour le coup, vous n'avez pas compris ce que je dis.
Que vous appréciez cette "beauté de comprendre" et que vous ayez envie de la partager, c'est une chose. Que vous pensiez qu'on aie le droit de l'imposer à chacun à propos de n'importe quel texte, en est une autre. Je dis simplement que chacun devrait avoir le droit de ne pas l'exercer lorsqu'il estime que ça va le priver d'un autre rapport à tel ou tel texte. Ce n'est pas parce que ça ne vous est jamais arrivé que ça n'existe pas pour d'autres.

Comme je pense, d'ailleurs, que personne ne devrait être obligé de lire un texte qu'il ne veut pas lire.

Si ça se trouve, "Se perdre dans la contemplation d'une oeuvre en rentrant en boucle avec soi-même, stimulant son propre ressenti pour créer un nouveau ressenti, utilsant l'oeuvre d'un autre pour alimenter un plaisir purement interne", peut-être que "ça s'apprend" aussi et que ça vous ouvrirait d'autres horizons :)
Cécile, je pense que j'avais bien compris.

Mais que voulez-vous, à l'école... on fait faire aux gosses des choses qu'ils ne veulent pas faire. Qui veut, spontanément, résoudre des sytèmes d'équation ? Qui veut, spontanément, apprendre par coeur des tables de multiplication ? Qui veut, spontanément, disséquer une grenouille ? Qui veut, spontanément, faire un commentaire de texte ?

C'est dur, c'est long, c'est moins bien que d'aller chiper des malabars à l'épicerie du coin et de faire des ricochets sur le ruisseau. Mais cela forme l'esprit et fournit les briques sur lesquelles bâtir les connaissances dont on aura besoin pour accéder à un état d'autonomie dans notre vie d'adulte.

Comme je pense, d'ailleurs, que personne ne devrait être obligé de lire un texte qu'il ne veut pas lire.

Et on la commence où, l'éducation alors ? On fait confiance aux enfants pour qu'ils s'y mettent tous seuls, comme on fait confiance aux banquiers pour qu'ils se moralisent tous seuls ? Dans un cas comme dans l'autre, le penchant n'est pas pour la discipline...

Si ça se trouve, "Se perdre dans la contemplation d'une oeuvre en rentrant en boucle avec soi-même, stimulant son propre ressenti pour créer un nouveau ressenti, utilsant l'oeuvre d'un autre pour alimenter un plaisir purement interne", peut-être que "ça s'apprend" aussi et que ça vous ouvrirait d'autres horizons :)

Détrompez-vous, je considère que c'est l'état naturel, je le connais donc très bien. Et je considère qu'il n'a pas besoin d'être vraiment appris, puisqu'il découle d'une utilisation exclusive ce qu'on a toujours à disposition : soi-même, mais d'être désappris pour pouvoir se pencher sur l'autre. L'horizon intérieur est par définition toujours à portée de cerveau.

C'est en outre la même raison pour laquelle Descartes disait que le bon sens est la chose la mieux partagée...
je cale, là. Je vous laisse à votre rhétorique fallacieuse : il y a une marge entre "certaines choses ne devraient pas être imposées" et "seuls les désirs spontanés ont droit de cité". Si vous ne saisissez pas la nuance, il est temps d'apprendre à réfléchir :D :D :D
Je vois la marge, mais je ne vois aucune raison de ne pas imposer de lecture et d'imposer d'autres choses. Qu'est-ce qui rend la lecture si spéciale ?

En quoi par exemple la lecture serait-elle privilégiée par rapport aux tables de multiplication ? Peut-on dire que personne ne devrait être obligé d'apprendre la table de 7 ? (De toute façon, qui s'en souvient ? Et puis on a des calculatrices ! Mieux, des iPhones !)

Je ne comprends en effet pas la distinction. Ce n'est pas une question de rhétorique. C'est une question de choix de ce qu'on enseigne aux enfants ou non, et d'attitude pédagogique. Comment fait-on, concrètement, pour inciter un enfant à commencer son apprentissage de la littérature, si on s'interdit de l'obliger à lire certains textes fondateurs ?
[quote=Guillaume Andrieu]d'aller chiper des malabars à l'épicerie du coin et de faire des ricochets sur le ruisseau
Je trouve que cela forme l'esprit à la vrai vie;-) que le commentaire de texte...
gamma
La renaissance a su faire l'éloge de la folie. Et le plus rationaliste des philosophes, Spinoza, est aussi celui qui, avant Kant,a amorcé la critique de la raison pure. Tout raisonnement est un travail: il s'échafaude laborieusement. La poésie va droit au but. Elle s'oppose de toute ses forces au travail. De même que la culture est ce qui reste quand on a tout oublié, la poésie est ce qui reste quand on a tout commenté. Dans les films de vampire, les scènes diurnes sont plus angoissantes que les nocturnes: Le mal - au sens de "la littérature et le mal" de Georges Bataille- est d'autant plus présent qu'il est présent-absent. Il y a un obscurantisme rationaliste-moderne, comme il y a des curés laïcs. Cette manie qu'ont la plupart des profs de français de vouloir à tout pris singer le "sérieux" ou la "rigueur" des disciplines "scientifiques" est ravageuse pour les élèves: Mon plus grand souvenir de cours de français, c'est quand le prof s'est effondré en larmes devant nous, à la lecture d'un poème. On ne peut pas pleurer rationnellement.
La poésie va droit au but.

C'est votre opinion sur la chose, que je veux bien respecter, mais qui ne correspond en rien ni à ma lecture ni à ma pratique de la poésie.

Un poème est souvent composé de digressions, de pauses, de construction d'éléments dramatiques.

Le choeur tragique avait cette vocation de tempérer l'action, de faire monter la tension. Sénèque nous fait un cours de sorcellerie dans son Oedipe. Shakespeare nous propose une expérience méthodique de la part de Hamlet pour s'assurer de la culpabilité de son oncle.

Ne parlons pas de Hugo. La Conscience, pour aller droit au but, se résumerait à ses deux derniers vers. Alors que dire de la Fin de Satan ?

Elle s'oppose de toute ses forces au travail.

Avez-vous déjà écrit un poème en alexandrins classiques ?

Il y a un obscurantisme rationaliste-moderne, comme il y a des curés laïcs. Cette manie qu'ont la plupart des profs de français de vouloir à tout pris singer le "sérieux" ou la "rigueur" des disciplines "scientifiques" est ravageuse pour les élèves: Mon plus grand souvenir de cours de français, c'est quand le prof s'est effondré en larmes devant nous, à la lecture d'un poème. On ne peut pas pleurer rationnellement.

Il y a tellement de choses dans ce paragraphe que je vais avoir du mal à tout démêler.

Premièrement, l'"oscurantisme rationaliste" (qu'il soit moderne ou non) est une oxymore.

Deuxièmement, "singer" les disciplines "scientifiques" est votre appréciation de la chose. Je ne suis pas sûr qu'elle reflète la volonté des profs de français dont vous parlez.

Troisièmement, les enfants ne vont pas à l'école pour avoir de jolis souvenirs, mais pour apprendre ce qui leur permettra de s'émanciper. L'école n'est pas un théâtre, même si l'école doit offrir l'occasion de connaître le théâtre. Et un prof de français n'a pas besoin de s'effondrer en larmes devant ses élèves pour bien faire son travail.

Quant à la distinction littéraire/scientifique, c'est vous qui la faites. Demanderiez-vous à un prof de SVT de s'effondrer en larmes devant la beauté des fleurs qu'il décrit? Demanderiez-vous à un prof de maths de s'effondrer en larmes devant la preuve que les premiers sont en nombre infinis (un très beau résultat, fondateur de mille beautés mathématiques) ? Demanderiez-vous à un prof de physique de s'effondrer en larmes devant la beauté des lois de Newton, venues compléter la connaissance de l'Univers et unifier la gravité terrestre et le mouvement des astres ? Toutes ces choses vous ont-elles ému une seule fois ?

Le fait est qu'on n'a pas besoin de l'émotion pour les enseigner. L'émotion, c'est à chacun de se la former, selon sa propre sensibilité. Le jour où vous avez vu votre enseignant fondre en larmes, combien d'élèves dans la classe n'ont rien ressenti ? Il y a des gens que la poésie laisse froids, et c'est entièrement légitime. La poésie est une construction mentale qui ne parle pas à tous. Pourquoi le devrait-elle ?
Tout comme la vie s'intensifie au voisinage de la mort, la poésie s'intensifie au voisinage du travail: Peut-être est-ce là une fonction de l'alexandrin, très manifeste chez Racine: Exprimer le dérèglement le plus anarchique en l'associant au plus strict des carcans. Votre lecture me rappelle -et mon but n'est pas de blesser- les torrents de rire qu'avaient déchaînés l'idée d'un collègue de créer une filière professionnelle poétique, avec par exemple un BEP poésie. Le parallèle que vous semblez établir entre les merveilles de la nature et les oeuvres d'art m'évoque le réformateur suisse Zwingli, qui jugeait l'art superflu -justifiant par là les iconoclastes- au prétexte que Dieu avait créé les Alpes sublimes. Quant au souvenir dont je vous ai fait part, vous me donnez l'occasion de le préciser: La casse de terminale, constituée d'ados chahuteurs et rigolards, a accueilli les larmes du prof dans un silence religieux, et c'est pour cette raison précise que le souvenir m'est resté. "Un prof de français n'a pas besoin de s'effondrer en larmes pour bien faire son travail" Le besoin est le masculin de la besogne, c'est à dire de ce qui est le plus étranger aux larmes et à la poésie.
Bon je sens que ça va devenir compliqué. Dernier message sur cette discussion.


Votre lecture me rappelle -et mon but n'est pas de blesser- les torrents de rire qu'avaient déchaînés l'idée d'un collègue de créer une filière professionnelle poétique, avec par exemple un BEP poésie.


Parce que la poésie ne peut se trouver dans les filières professionnelles ? Parce qu'un étudiant en chaudronnerie n'a bien entendu aucune sensibilité esthétique ?

Vous avez dû bien rire, en effet. Moi j'appelle ça du mépris. Mais ne vous gênez en rien, ce n'est pas moi que vous blessez. Je vous laisse tout le bénéfice de cette rigolade.


Le parallèle que vous semblez établir entre les merveilles de la nature et les oeuvres d'art m'évoque le réformateur suisse Zwingli, qui jugeait l'art superflu -justifiant par là les iconoclastes- au prétexte que Dieu avait créé les Alpes sublimes.


Je ne vois pas le rapport.


Quant au souvenir dont je vous ai fait part, vous me donnez l'occasion de le préciser: La casse de terminale, constituée d'ados chahuteurs et rigolards, a accueilli les larmes du prof dans un silence religieux, et c'est pour cette raison précise que le souvenir m'est resté.


Rester silencieux ne veut pas dire ressentir. Et quand bien même on ressentirait de l'empathie pour l'enseignant, cela ne signifie en rien qu'il a transmis quoi que ce soit concernant le poème qui le mettait dans cet état.
Vous-même, vous souvenez-vous du poème qu'il lisait ?
Vous souvenez-vous de ce qui le chamboulait dans ce texte ?
Quelle expérience de vie vous a-t-il transmise, concernant cet émoi qui le prenait ?
Et vos camarades, qu'en ont-ils gardé ? Le souvenir d'un prof qui pleure en classe ? Le souvenir de la beauté d'un poème ?
Le souvenir d'un événement particulier qui, mis en résonnance avec ce poème, vous ferait vous-même encore trembler en y repensant ?
En quoi cela concernait-il l'enseignement du français ?
En quoi est-ce un modèle pour les autres enseignants ?


"Un prof de français n'a pas besoin de s'effondrer en larmes pour bien faire son travail" Le besoin est le masculin de la besogne, c'est à dire de ce qui est le plus étranger aux larmes et à la poésie.


Formule très creuse, Albert-Yves. La besogne, étrangère aux larmes ? Pas mon expérience non plus, mais vous devez bien être heureux si vous n'avez jamais vu l'un associé à l'autre. Le travail est souvent étroitement lié à l'amour, l'amour qu'on a pour les autres, et que, bongré, malgré, on doit faire pour les nourrir. Avec amour du travail, ou amour des bouches.

Quant à la poésie, puisque vous allez chercher de l'étymologie, allez donc chercher jusqu'à celle de poésie même, et allez voir ce que ça voulait dire en grec. Vous verrez que ça signifiait production, fabrication. Dans ce sens purement matériel, purement "filière professionnelle".

Mais bon, que faire ?
La beauté, et la sensation provoquée par la contemplation de ce qui est beau, s'acquièrent. Ca ne va pas de soi d'éprouver des émotions devant un paysage, une oeuvre d'art ou un poème. Nous le croyons, parce que nous sommes les héritiers d'une histoire occidentale qui considère qu'il y a un Beau universel (et qu'il existe une Vérité une et indivisible). Platon et les théologiens chrétiens sont passés là avant nous.
L'être humain, très tôt, se constitue une définition du beau, qui est lié à son entourage, à son éducation

Nous éprouvons des sensations parce que nous avons appris à les éprouver.

Difficile débat entre l'inné et l'acquis. Mais l'idée du Beau n'est pas innée, c'est une construction mentale. Comme le fait d'aimer, d'être triste, d'être ému. C'est une construction longue, qui devient une partie de nous-mêmes ensuite, et nous croyons que c'est là depuis toujours. Mais non.

Exemple simple : comment trouver beau l'art et la littérature du XXè qui tente de dire le monde sans le représenter de façon réaliste. Impossible d'accéder à cette forme d'art sans y avoir été sensibilisé. Nous commençons par être sensibles par une beauté "carte postale", celle qui nous est la plus accessible, la plus immédiate, celle qui constitue le beau pour une majorité d'êtres humains dans notre société occidentale du XXIè siècle. Et après, on apprend, on se remet en question, on comprend, et on se met, un jour, peu à peu, à apprécier un Rothko. C'est mon expérience personnelle. Il m'a fallu tout mon parcours scolaire, des études supérieures de lettres, et 5 ans d'études d'histoire de l'art pour commencer à aimer Rothko ou Kandinsky. Eh oui. Expérience partagée par beaucoup de mes camarades.
Et ceux qui avanceraient qu'ils ont été touchés par un Picasso ou un Matisse très tôt, très petit, réfléchissez mieux à l'entourage dans lequel vous viviez petits. Cela n'est pas inné.
Entièrement d'accord. C'est particulièrement vrai pour la musique, qu'on écoute avec de la musique, je veux dire avec sa culture musicale: Plus elle s'enrichit, plus on découvre de richesses qui nous avaient échappé. Un petit bémol toutefois: On peut être dressé à ne pas être artiste, à mépriser la"Princesse de Clèves". Il suffit pour cela d'être immergé dans une ambiance utilitariste, où tout est fait pour qu'on assimile sens et utilité,... Ce qui est manifestement le cas de l'Education nationale...
C'est particulièrement vrai pour la musique, qu'on écoute avec de la musique, je veux dire avec sa culture musicale: Plus elle s'enrichit, plus on découvre de richesses qui nous avaient échappé.

Pas mieux.
L'oreille s'éduque.
Comme tout le reste.

Et si on a des prétentions artistiques, peu importe la discipline (!) :
Mais sans technique, un don n'est rien qu'une sale manie ;-)
Je suis né dans une famille à peu près hermétique à toute forme d'art, et n'ai reçu aucune éducation en matière de de peintur(lur)e.
Je ne me souviens pas avoir été sensible à ce que vous appelez la beauté "carte postale", ou alors seulement lorsque j'étais enfant. Miro a éveillé très tôt mon imaginaire, et j'ai aimé les toiles de Pollock sans que quelqu'un m'ait guidé vers lui. Il s'est agi pour moi de chocs émotionnels et esthétiques, et non de goûts acquis grâce à l'étude et l'expérience.
tatata ! On vous a dit de réfléchir, zut quoi !

(vous vous avez pas dû faire assez de commentaires composés)
pas lu tous les commentaires, peut-être quelqu'un en a parlé. aux USA dans les années 60/70, il y a eu beaucoup d'expés psycho-sociologiques faites non pas sur des rats, mais sur de vrais élèves et leurs vrais profs. et qui donnaient des résultats exactement similaires aux résultats donnés dans l'article.

à telle remplapla, on filait une classe, et l'enseignante remplacée lui faisait un "portrait" de chaque élève : X est nul à chier mais fait des efforts louables, Y est une surdouée, Z est un gamin un peu limite, etc. évidemment les portraits étaient faux, mais la remplapla effectivement "constatait" l'exactitude des (faux) portraits.

se comporter avec les gens comme s'ils étaient des cons irrécupérables, ça les rend cons irrécupérables, et il faut faire beaucoup d'efforts pour se sortir de ça. (vraiment hors de propos donc à propos, je crois qu'une des grandes forces de mélenchon orateur est justement de parler aux gens comme s'ils étaient intelligents, et, quelque part part, de les rendre intelligents, parce qu'il semblerait qu'il PENSE qu'ils le sont, intelligents... hum, si je puis m'exprimer ainsi !)

des dizaines d'expés ont été faites dans ce sens. comme en france et en suisse, c'est très mal vu, on n'en a jamais vraiment tiré toute la substantifique moëlle et les conséquences écrasantes qu'elles impliquent. de nos jours, même aux USA, ces expés seraient impossibles à mener, et j'ai presque envie de dire hélas, car elles mettraient en évidence, une fois de plus, et comme toujours, que les apprenants se construisent à travers le regard que portent sur eux leurs enseignants et la société, et que les préjugés culturels, sociaux, de classe sont un poison très violent, à mettre au même rang que les dossiers médicaux des patients psychiatriques et les stigmatisations variées dont nous sommes toutes et tous les objets, et non les sujets.

bref, au départ, je voyais d'un oeil amusé le petit jeu de ce prof. mais cet article, et les critiques exposées m'ont bien fait bouger. merci anne-so.
la recherche par serendipité peut donner ce type de dérive et d'erreur (mais aussi de nombreux bonheurs !)
il n'est pas certain qu'il soit nécessaire de construire un tel piège (une "toile" à la lecture du blog - il s'est fait plaisir) pour le prouver
le travail fait par bon nombre de professeurs documentalistes dans l'apprentissage de la recherche d'information est suffisant
espérons que ce professeur travaille dorénavant avec ses collègues afin de donner à penser par eux m^me aux élèves dont il a la charge d'une part de leur éducation
(attention : le mot utilisé, le 4°, ici va entrainer les internautes qui vont le lire à aller sur Wikipédia, sachant que l'article consacré y est en cours de validation ... ;-))
Je ne vois pas pourquoi ce prof, Loys Bonnot, s'est donné tant de mal, puisqu'il existe une panoplie de logiciels gratuits ou non qui auraient pu faire le boulot rapidement : http://minilien.fr/a0mr5f

Il aurait peut-être suffi qu'il prévienne ses élèves qu'il était en possession de l'un de ces logiciels pour ne pas avoir besoin de les piéger. C'est ce que font de plus en plus d'enseignants que je connais pour prévenir les plagiats.

Que voulait-il prouver ? Que les élèves copient sur internet ? Et ça, c'est nouveau en quoi ? Avant internet, les élèves ne se servaient-ils pas de diverses sources papier pour plagier ? C'était finalement bien plus compliqué, avant, pour les profs, de trouver les phrases exactes recopiées (dans quel livre ? Quel document ? ). La seule différence, c'est que c'est plus facile pour les élèves de plagier, mais c'est aussi beaucoup plus facile pour les profs de se rendre compte que c'est un copier-coller.

Qu'on ne vienne pas me dire qu'avant, ils comprenaient plus ce qu'ils lisaient. Les élèves qui ont recours à ce genre d'actions sont ceux qui cherchent à rendre leur travail le plus rapidement possible sans avoir réellement à passer des heures à chercher dans leur petite tête ce qu'ils pourraient trouver par eux-mêmes. Ceux qui ne veulent pas chercher continueront, et ceux qui veulent vraiment bosser continueront de le faire.

Ou alors...il voulait donner une leçon pour que ça leur retourne en pleine figure ? C'est un acte pédagogique ? Que leur a-t-il appris sur ce seul exercice ? Qu'il était plus balèze qu'eux ? Les élèves ont applaudi, quelle star ! Et puis mantenant il passe à la TV, génial !

J'aimerais juste être une petite souris pour voir ce que ça aura appris à ses élèves. Je ne suis pas sure du tout qu'ils ne recommenceront pas avec un autre prof mais ce n'est que mon avis à moi toute seule
En somme les voix qui se sont élevées contre "l'expérience" l'ont fait pour protéger les élèves des "brimades" et des "sanctions" que leur inflige l'éducation nationale. Dans la mesure où le but n'était pas la note, mais juste une prise de conscience en faisant justement appel à leur intelligence pour analyser ce dont ils venaient d'être les "victimes", je comprends mal cet argument. Et comble de l'horreur, ils semblent être masochistes puisqu'ils auraient, selon le professeur, applaudit la manœuvre. Donc en plus ils sont bons joueurs. Être bon joueur dans une société de concurrence, c'est peut-être ça qui fait peur aux commentateurs.
"Cruel et violent"...

C'est vrai, disons que j'ai écrit sous le coup de la colère, en sortant d'un débat de salle des profs où je m'étais senti bien seul. Je suis persuadé que le commentaire composé peut être un exercice formateur (avoir travaillé ainsi sur un texte des Misérables est l'un de mes meilleurs souvenirs de lycée). Et je m'imagine aussi, depuis le début, que le pourrisseur du web est un "bon prof", un de ceux qui provoquent et intéressent leurs élèves, ce qui est sans doute, au-delà des diverses méthodes pédagogiques, l'une des meilleures manières de les faire progresser.

Mais cette petite anecdote de classe a un enjeu. La conclusion de Loys Bonnot n'est pas un ajout a posteriori, elle est "la morale de l'histoire", le but fondamental de la démonstration, inscrite dans un système idéologique, une vision de l'école, et son succès parmi les profs et les médias n'est pas un hasard.

Il me semble au contraire que ce qu'on appelle "triche" et "plagiat" est bien souvent (lors d'un travail à la maison) une démarche intelligente et éthique de la part des élèves. Le simple acte de "copier-coller" (retwitter, liker, streamer) demande un minimum de recherche et un acte de décision. C'est un champ immensément fertile que notre institution paniquée arrose de désherbant.

Prenons l'exemple des TPE (un travail de recherche en groupe, sur plusieurs mois, évalué à l'oral lors d'une épreuve anticipée du Bac). Je ne perd plus mon temps à googler tous les passages trop bien écrits des travaux que les élèves me rendent. Ils ont copié sur le Net ? Grand bien leur fasse. Je juge le résultat, la cohérence de l'ensemble, puis, lors de l'oral, je leur demande leurs sources sur tel ou tel point, je pose des questions sur leur bibliographie. On voit rapidement s'ils comprennent ce dont ils parlent. Mais beaucoup d'élèves pensent faire plaisir aux profs en expliquant qu'ils n'ont pas utilisé Wikipedia, comme si on leur demandait de réinventer la poudre, sans un bouquin et sans un clic de souris. Ils ont bien intégré le nouvel obscurantisme qui règne dans nos lycées...
Allons, allons ! On ne doit plus dire "copier-coller" mais "pratiquer l'intertextualité".
Je comprend parfaitement que les profs puissent être navrés de voire les têtes blondes penser de moins en moins par eux même, mais la société de consommation, l'accès aux technologies, encouragent et habituent l'esprit à la satisfaction instantannée. Aujourd'hui nombre de jeunes ne cherchent plus, n'insistent plus car ils ont été habitué très jeunes à la résolution rapide de leur problèmes et la satisfaction immédiate de leurs désirs. Le truc c'est qu'en grandissant on reste les mêmes individus, impatient, et pour qui la simple concentration, l'effort de la construction d'opinions intellectuels est déjà quelque chose d'ennuyeux. D'où le désintérêt croissant pour la politique, l'actualité, les livres en général. Même dans le milieux étudiant dont je fais partie, dans lequel les jeunes sont pourtant habitués à ouvrir des livres, il semble que outre notre microcosme universitaire, peu porte de l'intérêt à notre société et aux idées qui la traversent. Par rapport à la politique, il est clair que cela est entretenu, que ce soit pour les étudiants (qui à mon avis sont sensés être particulièrement réceptifs) et le reste de la population, par la langue de bois des hommes politiques, dont la crédibilité est devenue bien faible pour beaucoup d'entre eux.

Concernant l'école, je salut le paradoxe mis en avant par l'article, concernant les demandes du système d'éducation. Où l'on doit penser par nous même tout en restant attaché aux auteurs proposés. Est- il possible de faire plusieurs interprétations d'un même texte ? Où commence la sur-interprétation ? Qui décide que telle analyse est la bonne, et qu'une autre est moins valable ? De mon expérience, tenter de sortir des clous en proposant une pensée tout à fait originale n'est pas très bien perçu. On reconnaît généralement l'effort de réfléxion, mais on ne le récompense jamais qu'avec une maigre moyenne (un 10 quoi). Alors que s'appuyer sur des auteurs, et plus ils sont nombreux mieux c'est, plus on les site, plus on reprend leur pensée, et donc à mon avis moins on s'appuit sur notre propore réfléxion, alors meilleurs est la récompense. Si si c'est du vécu je vous dis. La réfléxion personnelle est accéptée pour les travaux d'invention, mais lorsqu'il s'agit de réfléchir sur le texte d'un autre, très rares sont les professeurs qui accèptent des idées autres que celles qu'ils connaissent déjà. Je dis rares mais je n'en ai pas rencontré, et croyez moi j'en ai eu un tat e professeurs différents. Bon alors je ne pense qu'aux professeurs de lettres, sûr qu'on ne pourra pas en dire autant d'autres matières.
Enfin voilà le point de vue d'un étudiant qui a eu sont bac L il y a un moment, avec un 15 en lettres, et je vous jure que jamais je n'avais autant sité l'auteur, jamais autant colé au texte, presque du par coeur je vous dis.
J'ai un peu de mal à voir l'intérêt pédagogique de la chose : s'il veut montrer qu'Internet est un outil où on peut trouver des choses fausses, il prend un très mauvais exemple, dans son expérience, la fausseté de l'information est factice et fabriquée de toutes pièces.
D'un point de vue logique, c'est extrêmement contestable, puisqu'il effectue une généralisation à partir d'un exemple qu'il sait lui-même ne pas avoir lieu d'être. En plus de la malhonnêteté du propos, il y a un double danger à cette méthode : on enseigne à ses élèves à établir une conclusion à partir d'une hypothèse invalide, ou on renforce leur croyance en l’infaillibilité d'Internet en devant prendre cet exemple pour le montrer.
Dans la démarche ce n'est quand même pas fondamentalement différent de faire un cours où on raconte n'importe quoi puis de blâmer les élèves de ressortir des énormités sans avoir recoupé leur sources.
On peut aussi évoquer les changements introduits par le numérique dans les manières de corriger des enseignants : en ce qui me concerne, dès que je trouve un passage "suspect" dans un devoir (brusque changement de style par exemple), hop un petit coup de google et je tombe bien souvent sur le passage en question dans tel ou tel site...
J'ai l'impression qu'avant le numérique il était moins facile de trouver la source d'un plagiat.
Autre expérience de pensée.

Nous sommes en 1992, Louis Bonod, professeur de français en première A1, trouve le moyen de pénétrer par effraction dans les ateliers de l'imprimerie Larousse (oui, internet balbutie, et les hacktivites sont encore au berceau) et, malicieusement, il insère à l'entrée Charles de Vion d’Alibray... Euh non, cette entrée n'existe pas dans le 55 000 noms propres du dictionnaire... Disons donc qu'à l'entrée François de Malherbe, notre professeur insère une phrase indiquant que, dans sa jeunesse, François de Malherb "écrivit à une certaine Mlle de Bonod un grand nombre de poème sans guère de succès, ce qui contribua à sa vision sévère de la poésie et du poète". A la rentrée suivante, il donne un texte de Malherbe à discuter. Que croyez-vous qu'il arrive ? Ses élèves, sans doute plus ignares que ceux de 20 ans auparavant, osent se servir de cet élément parfaitement faux tiré du dictionnaire pour éclairer le texte qu'on leur soumet. Bien évidemment, les correcteurs s'aperçoivent de la déprédation et corrigent (seulement l'année suivante) l'article. Les milliers de dictionnaires Larousse écoulés l'année précédentes ne sont ni repris ni échangés et on trouve encore aujourd'hui sur quelque étagère de bibliothèque un exemplaire où Mlle de Bonod inspira la poésie classique. Régulièrement, Louis Bonod, ressort d'ailleurs ce devoir de 1992 et s'amuse de voir, sporadiquement chez tel ou tel, renaître cette Mlle de Bonod. Ce n'est qu'en 2010, qu'il renoncera définitivement à l'expérience, ses élèves n'utilisant plus que Wikipedia où la mention de Mlle de Bonod insérée à l'édit 5239071, fut d'abord signalé comme non-sourcée puis définitivement supprimée après discussion dans la page idoine de l'article.

Je laisse chacun tirer la maxime de cette uchronie.

KN
J’ai mené une expérience très intéressante. Pendant des semaines, j’ai donné des photocopies de cours à mes élèves contenant des informations erronées au milieu de données sérieuses. J’ai glissé une consigne inepte dans un document méthodologique, j’ai inventé un auteur qui n’a jamais existé, avec une biographie plausible fondée sur des données historiques. Je suis allé au CDI, j’ai emprunté quelques livres dont j’ai soit interverti la cote, soit arraché des pages que j’ai remplacées par des articles de ma composition.
Ensuite, en classe, j’ai donné une bibliographie à mes élèves de manière à ce qu’ils privilégient les ouvrages trafiqués. Je n’ai pas oublié de falsifier les profils d’une œuvre car je savais que mes élèves seraient tentés d’aller y chercher des informations et je voulais multiplier les chances de les piéger.
Résultat : sur un devoir, 85% se sont servis des documents que j’ai donnés et 67% ont consulté les ouvrages que j’avais recommandés.
Ils ont été bien attrapés quand je leur ai montré que j’avais piégé leur parcours intellectuel depuis le début.
Depuis, je passe fièrement dans les couloirs de mon établissement scolaire et les élèves m’admirent parce qu’ils se rendent compte que je sais plus de choses qu’eux (c’est vrai que c’est important de le vérifier quand même).
Conclusion : les élèves ne sont pas assez matures pour suivre des cours et ils ne savent pas se servir d’un CDI. Il vaut mieux laisser cela aux adultes qui savent déjà. Je pense que l’on ne devrait pas envoyer les élèves à l’école jusqu’à ce qu’ils soient suffisamment cultivés pour y aller sans risquer d’écrire n’importe quoi.

NB C'est une connaissance qui s'est ainsi "lâchée" ; j'ai son autorisation pour "faire circuler" ...
Je me pose une question : pourquoi écrire un blog avec comme mots-clé : blog, modernité, absurdité, éducation, enseignement, école, monde, contemporain, réflexion, moderne, technologie, philosophie, merdonité" et comme description : "Parce que ce qui est moderne peut aussi être idiot..." ?

A mon époque, la Toile n'existait pas et les professeurs nous méprisaient parfois parce qu'on avait pas fait nos devoirs ou parce qu'on avait "oublié" son manuel scolaire. Ecrivaient-ils des articles dans des revues spécialisées pour démontrer que leurs élèves ne savaient pas penser par eux-même à cause de la télévision et du Club Dorothée ?
Le problème des profs avec internet, c'est qu'ils ne savent pas l'enseigner, alors ils le subissent et le dénigrent.

Pourquoi ne pas enseigner aux élèves comment bien s'en servir, vérifier ses sources, détecter les leurres ? Voilà qui serait utile, plutôt que de contribuer à mettre du n'importe nawak sur la toile.

http://anthropia.blogg.org
Encore un individu qui place le "numérique" à part dans la façon de communiquer. Mon grand-père écrivait à la plume à l'école et il s'est mis à écrire au stylo-bille. Cela représente à peu près la même dose de maturité à acquérir pour apprivoiser la médiathèque quand on a grandi en apprenant dans une bibliothèque.

Ce professeur a failli dans le titre de son article : "Comment j'ai pourri le web" est passablement présomptueux. Et dans sa conclusion : "on ne profite vraiment du numérique que quand on a formé son esprit sans lui."

Son expérience prouve seulement que ses propres élèves n'ont pas la maturité pour réfléchir par eux-même (devant un écran ou devant un manuel scolaire au papier glacé).
De toute manière sur les commentaires de texte tout ça existait AVANT internet. Il y avait des éditions commentées, voir des livres contenant uniquement un commentaire du texte. Et les élèves se faisaient déjà avoir en recrachant des choses qu'ils ne comprenaient pas. Effectivement avec ce paradoxe perpétuel d'apprentissage par coeur pour recracher les indications du prof, mais bon, en étant autonome quand même hein attention !

Je trouve personnellement l'expérience de ce prof intéressante, ça permet en tant qu'élève je pense de réaliser certaines choses.
Pour le reste c'est un problème plus général de l'EN que cette expérience ne changera pas.
J'ai eu la chance d'avoir une famille de prof (enfin chance d'un certain point de vue :p), et je ne vois pas trop sur les commentaires de texte ce que les ado venant de familles pas du tout intellectuelles (zéro livre à la maison par exemple) ont pu réellement apprendre à l'école.
Le sentiment de beaucoup (c'était mon cas, c'est toujours le cas de mes petits cousins 11 ans plus tard) c'est quand même que le prof nous formatait pour répondre les bonnes bonnes réponses, et le pire venait lors de la correction qui était toujours un moment de grand n'importe quoi (et que ce soit objectivement vrai ou pas ne change rien au problème, le fait était que ça nous semblait n'importe quoi).

Ce qui a toujours joué, c'était une compréhension littérale du français et c'était loin d'être le cas de tout le monde (contre-sens, incompréhension totale), une culture générale extra scolaire permettant d'avoir des références, ou simplement d'aider à la compréhension du texte (passé la décortication basico- traditionnelle du champs lexical blablabla), en connaissant l'histoire de l'auteur ou d'autres de ses écrits, et peut-être en ayant été au théâtre voir une ou deux interprétation de la même pièce.

Internet ou pas Internet.
Il y a du vrai aussi bien dans l'expérience menée et les conclusions que cet enseignant en tire que dans les critiques que vous reproduisez.

J'enseigne depuis plusieurs années en faculté de droit et ai pu constater très rapidement que la consultation d'internet est généralisée de la part des étudiants, le plus souvent pour le pire. Il relève quasiment du réflexe pour une grande majorité d'entre eux de rechercher sur google les mots clés des dissertations qu'on leur propose ou les références des décisions de justice à commenter.

Il y a de tout sur le web, aussi bien des sites institutionnels sérieux que des sites proposant des corrigés en ligne (oboulo et dissertationsgratuites sont redoutables). Le hic est qu'ils sont incapables de hiérarchiser entre ces sources et se contentent souvent de recopier sans changer une virgule, même lorsque le sujet corrigé n'est pas exactement le même que celui qu'ils doivent traiter. Résultat : des travaux généralement incohérents et souvent erronés (les travaux mis en ligne sur ces sites le sont souvent par des étudiants du même niveau qu'eux).

Contrairement à l'expérience menée ici, où le comportement des élèves pouvait éventuellement être justifié par la quasi absence d'autres sources accessibles facilement, les étudiants en droit bénéficient d'une multitude de sources vérifiées. Il est rare qu'une décision de justice ayant un intérêt jurisprudentiel même restreint ne soit pas commentée dans l'une des nombreuses revues qui sont en accès libre en BU et souvent maintenant accessible en ligne sur la base de donnée d'un éditeur (le risque d'ailleurs est ensuite qu'ils soient incapables de se détacher du commentaire qu'ils ont trouvé, mais c'est un autre débat).

Je n'ai absolument aucun a priori négatif sur les sources web (je pense d'ailleurs qu'aucun des abonnés de ce site ne peut en avoir) ; les étudiants peuvent par exemple trouver des informations de qualité sur les sites des différentes institutions, sur les blogs de certains enseignants..., même si ces sources sont souvent descriptives et correspondent mal au travail de démonstration qu'on leur demande. Ma critique porte surtout le fait que la consultation du web relève du réflexe pour eux, et qu'ils sont incapables de hiérarchiser les sources, puis de s'en détacher, afin d'utiliser l'information recueillie pour appuyer une argumentation.

Souvent, rien y fait (j'ai encore eu un cas dans mes copies corrigées aujourd'hui) : ni les recommandations en début d'année, ni leurs réitérations, ni les menaces sur la suite de leur cursus, ni l'information selon laquelle le plagiat est un délit (il faut savoir parfois être un juriste borné !). Certains étudiants confrontés a posteriori à leur plagiat comprennent le problème, mais d'autres sont capables de s'excuser et de recommencer la fois suivante (véridique). Certes l'enjeu est relativement faible (j'admets sans peine qu'une dissertation ratée en première ou deuxième année de fac n'a pas vraiment d'intérêt). Le souci est que l'on retrouve encore ces pratiques en maîtrise ou au-délà : les emprunts non sourcés peuvent malheureusement survenir dans les travaux de type mémoires de certains étudiants.

Je m'interroge depuis le début sur les causes de ce comportement. Il est clair qu'ils n'ont jamais acquis la prise de recul nécessaire durant leur scolarité, ce qui est peut-être dû au fait qu'ils peuvent dans certains cas mieux maîtriser l'outil internet que leurs enseignants ; mais j'avoue ne pas avoir de religion ferme sur ce point. Par contre, je rejoins entièrement la conclusion de M. Bonod selon laquelle "les élèves au lycée n'ont pas la maturité nécessaire pour tirer un quelconque profit du numérique" en ajoutant que c'est aussi le cas pour bon nombre des étudiants en fac. Mais il y a également je pense un problème plus fondamental de méthodologie : le lycée mise sans doute trop sur le par-coeur et pas suffisamment sur la "réflexion personnelle" (quel lycéen n'a pas appris par-coeur ses commentaires de texte pour l'oral de français en première ?). Je rejoins sur ce point la critique de de M. Babet que vous reproduisez, qui pointe "les injonctions contradictoires : pensez par vous-même, répétez ce qu’on dit".

Pour conclure, j'ai demandé à mes étudiants d'aller lire la note du blog ; j'ignore si certains le feront et si cela aura le moindre impact. Il était en tout cas réjouissant à la lecture de cette note de constater que je n'étais pas le seul - jeune - réac à pester contre mes élèves face à cette pratique !
L'exercice n'exigeait pas le détour par une page de Wikipedia. On ne peut pas reprocher aux élèves d'avoir été curieux, mais on ne peut pas reprocher à leur prof de s'être bien amusé. C'est un peu comme si, pour résoudre un problème de maths sur les probabilités, les élèves allaient lire sur Internet la vie de Gauss... Ca ne sert à rien, ça n'est pas ce qu'on leur demande, le but du jeu est de les amener à résoudre un problème. Un commentaire de texte, c'est la même chose : si les élèves doivent commenter un texte d'Alfred Jarry le jour du bac, le correcteur se fout bien de savoir qu'il aimait le vélo.
La démonstration du prof n'est donc pas inintéressante : les élèves se rassurent à bon compte en allant chercher des informations dont ils n'ont pas besoin. Mieux vaut le leur dire vite, parce qu'ils ne seront pas notés pour une épreuve pareille sur des connaissances spécifiques liées à l'auteur. Il eut sans doute mieux valu que chaque élève consultât une page wiki sur la versification.
Le procès me paraît un peu méchant, sûrement hâtif, et peut-être même proche de l'hystérie, dans le style "touche pas à mon jeune", ou bien "si tu n'es pas entièrement et inconditionnellement POUR internet, alors tu es CONTRE petite graine de rétrograde conservateur".
L'expérience prend un autre sens quand elle devient nationale et que tout le monde en parle surtout via la télévision.

Au niveau de la classe, ce prof fait autre chose que priéger ses élèves tout au long de l'année. Je trouve qu'il a eu une idée originale pour rendre des élèves attentifs au problèmes des sources d'informations en général. Il a pris du temps pour tout mettre en place et il me semble que ce n'était pas pour humilier ses élèves. Pour faire ce qu'il a fait il doit être un tantinet geek, il n'a sans doutepas voulu assassiner le média internet. Pour être plus complet, il devrait peut-être faire en classe, des critiques d'articles de journeaux et de sujets télévisés.

En revanche quand le sujet passe sur France 2, tout se transforme. L'objectif médiatique est clair : internet c'est mal, on n'y rencontre que des menteurs, des incultes , (...des pédophiles et des pirates). Une seule source d'information est fiable, les journeaux télévisés.
Souvenir personnel du collège, une prof de français nous fais donc travailler sur oeuvre récente, "J' m'appelle Tigre ".
Fin de lecture après quelques semaines, et là, la question fatidique, "avez vous aimez le livre", à l'oral, défilé de oui, pas de chance je dis la vérité, "non", quelle erreur, un quart d'heure d'humiliation à devoir justifier que non, ce livre ne m’intéresse pas, etc... en disant seulement oui, je n'aurais rien subis, la prof passant à l’élève suivant.

Du coup, j'ai appris très vite à chercher ce que le prof voulait avoir, le reste, du temps perdus.

A part quelque prof d'histoire-géo, et un prof de philo un brin particulier, qui voulaient autre chose que le remâché habituel, la méthode du copié-collé à l'aide des anna-bacs et autre livres de commentaire était de loin suffisante pour avoir la paix.

Fallut attendre la fac, pour pouvoir dévellopé sans pour autant encourir des foudres parsque l'on n'apprécie pas ce que le prof déclare être appréciable.

Hier, c'étaient des livres difficiles à trouver aujourd'hui , y'a le net, ce prof prouve dans un sens que l'enseignement pour certains reste bloqué dans les contradictions décrites dans l'article.
L'expérience de ce professeur a le mérite de faire comprendre aux étudiants qu'internet n'est qu'un outil et qu'il ne peut être qu'un élément de recherche de pistes qui doivent être, par la suite, vérifiées. Après, qu'il ait eu, pour ce faire, recours à un procédé poussé à son extrême (un poème archi-méconnu d'un auteur qui l'est tout autant) ne change rien à l'idée de la méthode : leur montrer par l'expérience que ce qu'il y a sur internet n'est pas validée. Rien de plus, rien de moins : d'ailleurs, il ne leur a pas tenu rigeur de tout cela. Réduire ça a une blague est tout aussi bête. Considérer que cet exercice relève du génie est peut-être absurde, mais le trouver mauvais en soi l'est tout autant.
"L’école soumet les élèves à des injonctions contradictoires : pensez par vous-même, répétez ce qu’on dit. Prenez des risques, ne vous trompez pas. Apprenez par cœur, ne plagiez jamais. Ces contradictions sont structurelles, inscrites dans les fonctions ambivalentes de l’institution. D’un côté, on impose aux élèves une culture dominante de pure autorité. De l’autre, on leur demande d’entretenir la fiction selon laquelle cette culture est librement choisie, aimée, appréciée comme supérieure par tous."

Mais ce n'est pas le problème de toute vie en société, pour chaque individu ? Etre comme tout le monde et être une individualité. On oscille en permanence entre ces deux pôles, c'est ce qu'on appelle l'identité. Le moment le plus fort de cette dichotomie, c'est évidemment l'adolescence. Pourquoi l'école échapperait à ça ?
Que ces sales mioches prennent exemple sur nos grands journalistes, les éditorialistes, qui savent développer une pensée originale pas du tout du tout copiée et répétée d'une personne à l'autre, non mais...
"Internet et notamment Wikipédia sont montrés du doigt, mais "que l’on puisse recopier un texte trouvé sur le net sans le comprendre, est (...) juste un symptôme du fossé qui se creuse entre les élèves et l’école — une école qui ne semble parfois destinée qu’à (...) trier, sélectionner, brimer des chimpanzés adolescents qui n’ont qu’une vraie question, savoir ce qu’ils fichent là, et qui sont en fait très ouverts à la réflexion personnelle et à la découverte d’idées, de disciplines ou d’univers esthétiques.""

commentaire de la partie soulignée:
ça c'est vraiment un foutage de gueule sans nom, ni tri , ni sélection, ni brimade, c'est plutôt le règne de la récompense de la médiocrité. Des contenus indigents, la plupart des élèves qui arrivent à avoir la moyenne jusqu'en 3° même sans rien faire. 99% des élèves qui ont moins de 5 de moyenne en collège étant ceux qui n'ont jamais leurs affaires, qui n'écoutent rien, qui n'écrivent rien et qui ne fournissent pas le moindre effort, ni en classe ni à la maison. quand je vois des élèves qui se trainent à 5 pendant 4 ans et qui réussissent leur brevet , qu'on m'explique où est le tri? Où est la sélection? où sont les brimades?
Quand on sait qu'il n'y a presque plus de redoublement, où est le tri? où est la sélection?
Paradoxalement c'est parce que le système ne pousse plus personne qu'elle est de moins en moins démocratique : une sélection s'opère mais elle ne dépend plus de l'école, elle dépend de la société qui ne donne plus les mêmes moyens partout et qui ne pousse plus les élèves à bosser. Du coup ceux qui réussissent sont ceux qui sont poussés à la maison, ceux chez qui la famille peut parfois cultiver la compétition et la volonté d'être le premier de la classe.
En réalité on est passé en 30 ans d'un système où le prof et les élèves se foutaient de la gueule des cancres à un système où les élèves "jettent des pierres" aux bons élèves de mois en moins nombreux, parce qu'il n'est pas toujours facile de bosser et de se retrouver sans amis. Il est beaucoup plus simple de glander et d'avoir plein d'amis, on est doublement gagnant !!!!

commentaire de la partie graissée:
plutot que de se poser la question de savoir ce qu’ils fichent là, ils feraient mieux de se demander "qui les fiche là !". Car la toile d'araignée des fichiers scolaires interconnectés est désormais particulièrement impressionnante et c'est elle qui demain organisera le tri et la sélection...comme les oeufs de petit calibres sont mis irrémédiablement à l'écart par une machine...

Big Brother est là, mais ayez confiance c'est pour votre bien et surtout n'oubliez pas "la vraie force, c'est l'ignorance"
Si l'expérience de ce prof n'est pas exempte de quelques défauts (est-il bien sain de modifier wikipedia pour faire des blagues rigolotes ?), je m'interroge sur la réaction des commentateurs qui disent "mais en fait, personne n'aurait pu se renseigner sur l'auteur, les élèves n'avaient pas les outils à disposition.".

Pardon, mais là on parle d'un commentaire de texte, pas d'un exposé sur tel ou tel auteur, pas d'une recherche documentaire. Là, effectivement, l'exercice aurait été vicié. Mais faire un commentaire de texte ne requiert sûrement pas qu'on se renseigne sur son auteur : les renseignements fournis par le professeur sont suffisants (il s'agit d'un auteur baroque peu connu. Le peu connu signifiant aujourd'hui "essayez pas de chercher sur internet, c'est peine perdue…"), accompagné du cours sur le baroque. Le problème n'est même pas dans la fiabilité des renseignements glanés sur le net, mais dans le fait d'utiliser internet là où sa réflexion personnelle devrait suffire… Bref, pas dans la fiabilité de l'outil, mais dans son choix.

J'ai vécu en tant qu'élève les débuts des sites d'aides au devoir systématiquement utilisé par une partie de mes camarades pour qui ils semblaient plus facile de recopier un texte sur internet que de bâcler un commentaire en utilisant un plan bateau générique proposé par le prof en cours. Je ne comprenais pas à l'époque comment on pouvait ne pas choisir la deuxième solution, généralement bien plus courte à mettre en œuvre à mon sens, et garante d'un résultat correct rien que pour l'effort d'organisation d'idées originales même erronées. J'ai eu un début de réponse en discutant cette info de manière informelle et très rapide avec des élèves en première année dans le supérieur, pour qui le recours à l'internet était plus que la norme, l'évidence. "Mais trouver les idées c'est vraiment trop dur et trop long" est la réponse qui a fusé, générant une vague d'approbation. Voilà, l'application mécanique du plan, c'est ok, l'organisation de leur emploi du temps, pourquoi pas, mais trouver des idées, non, c'est un temps difficile à évaluer, et internet est une manière efficace d'éviter l'angoisse de la page blanche.

Finalement, utiliser l'angle du "on ne peut pas en vouloir aux élèves d'avoir recopier des informations qui paraissaient fiables", c'est justifier le fait que les élèves refusent de penser par eux-mêmes et s'en remettent à un internet pour trouver les idées. Charge à eux de les organiser après. Je ne sais trop par quel injustice sociale on va décréter que les idées (concept flou s'il en est), tout le monde ne peut pas les avoir et que c'est dégueulasse qu'un enfant de cadre sup' qui aura lu tout Flaubert (car les enfants de cadres sup' commencent à relire Proust en entrant dans leurs prépas privés à 18 ans, naturellement) sera forcément avantagé par rapport au fils d'ouvrier.

Et le degré d'acceptation du n'importe quoi en matière d'éducation est telle qu'il va s'en trouver pour justifier le refus total des élèves d'acquérir une quelconque autonomie de pensée. Personnellement, sans le justifier, je le comprends. Parce que quand les collègues nous mettent la trique au classement PISA en vaquant à leurs occupations dès 3h de l'après midi quand de la sortie à 18H au repas à 19h30 (transports entre temps) on se demande si on aura le temps et la motivation de pratiquer une activité constructive plutôt que s'affaler devant la téloche, on a dû mal à voir l'intérêt de ce genre d'exercice. Nul doute que pour pousser les élèves à plus d'autonomie, il serait sain de rajouter quelques heures de cours (de 6 à 7 ou alors le samedi matin) à ces chenapans pour leur expliquer à quel point il faudra qu'ils s'organisent pour faire leurs TPE entre deux devoirs de français et de maths, sans oublier de se réserver quelques bulles d'air dans la semaine pour faire du sport. Et s'ils ne veulent vraiment pas comprendre, on pourrait leur donner des cours de compréhension de l'autonomie qui leur permettraient de voir les solution pour pouvoir acquérir la concentration nécessaire à prendre en compte les aspects positifs de l'enseignement qu'on leur fournit en matière d'autonomie. Tout ça s'accompagnant bien sûr de chaudes recommandations à profiter de leurs meilleures années, car le monde du travail, ça sera autre chose.
Que des collègues assassinent leur collègue (qui va s’en remettre) n’a rien d’étonnant : il n’y a rien de plus violent sur internet que les blogues de profs. J’avais découvert ça quand Davidenkoff tenait le blog éducation de Libé.

Il se fait descendre aussi par Gunthert sur MdP. Dont l'accusation de conservatisme mandarinal est vivement combattue dans les commentaires, qui ne viennent pas tous de conservateurs.

Perso, le reproche que je trouve le plus fondé est celui de la double injonction paradoxale : créer sa propre réflexion tout en reproduisant servilement celle des autorités. Bah, un paradoxe, ça se dépasse, et c’est sans doute ça que doivent apprendre, si on va au fond des choses, tout élève.

Sur l’affaire elle-même, j’aimerais bien connaître le plus important : l’avis de ses élèves. Quelques vertueux collègues lui reprochent d’avoir trahi la confiance de ses élèves. Ben, c’est quand même eux qui ont d’abord trahi la sienne en trichant, non ? A mes élèves, sur ce sujet, je leur disais ceci : quand vous trichez*, contrairement à ce que vous croyez vous ne me b… pas (ou plus exactement, vous ne m’atteignez pas), c’est vous qui en pâtissez. Pas maintenant, mais… Exemple : nous avions une élève d’un milieu où on doit réussir. Elle était, soyons gentils, besogneuse. Mais, à notre grande surprise, elle avait des notes correctes qui lui ont permis d’aller jusqu’au Bac. Qu’elle n’a jamais eu car on ne peut pas tricher, ce qu’elle avait toujours fait, dans une salle surveillée par tous les bouts.

* Qui est une plaie généralisée. Un élève qui ne triche pas est pris pour un con. Mais pourquoi s’en étonner quand une Bernard Tapie a pu être ministre de la République ?
Dans la pratique les professeurs, ceux des sciences humaines en tout cas, hésitent à présent à donner du travail à la maison.

Les élèves pensent, le plus souvent de bonne fois, que trouvez l'information sur un site, c'est y répondre. Une bonne part lisent l'article en diagonal et restituent le tout, farci d'un vocabulaire qu'ils ne comprennent pas et qu'ils n'ont même pas lu. Ils espèrent ainsi contenter l'enseignant.
Pendant des années j'ai éxaminé les épreuves de Travaux Personels Encadrés en classe de première et Terminale. Quelques jours avant je me rendais dans le lycée des élèves à examiner pour étudier la production de ces travaux.
En lançant des occurences sur Internet on se rendait compte que 25% voire le tiers des productions contenaient des éléments importants copiés collés de documents existants.
La philosophie des TPE était de fournir un travail personnel et non de copie. De toute manière, quand on sait que pas mal de thèses, et notamment les thèses médicales, ne sont que de la compilation, il ne faut pas s'étonner que nos élèves soient tentés de faire la même chose
Ce que l'on oublie de souligner (dans cet article d'@si comme dans la plupart des billets de blogs qui ont couvert le sujet) c'est que le travail demandé par l'enseignant était un commentaire de texte. Cet excercice est très classique (qui a dit "chiant" ?) mais est potentiellement formateur d'esprit critique et d'individualité. Il demande aux élèves de réfléchir à ce qu'il y a dans le texte qu'ils ont sous les yeux et rien d'autre. Il n'y a pas besoin de faire de recherches complémentaires, que ce soit dans une encyclopédie papier, en ligne, ou autre anthologie de littérature. Le prof souligne lui-même dans son article (certes très vaniteux) qu'ils avaient au préalable étudié les spécificités de la poésie baroque, en classe, et qu'aucune recherche complètementaires n'étaient nécessaires.

Après, la conclusion qu'il tire de tout çela ne va pas de soit pour autant :
[quote=http://www.laviemoderne.net/lames-de-fond/009-comment-j-ai-pourri-le-web.html]Pour ma part je ne crois pas du tout à une moralisation possible du numérique à l'école. Et je défends ce paradoxe : on ne profite vraiment du numérique que quand on a formé son esprit sans lui.
Que ce monsieur le veuille ou non, les élèves vivent à l'heure d'Internet et ont accès à tout cela. Aujourd'hui ce sont des ressources trouvées Internet qu'ils exploitent sans dissernement, hier c'étaient des anthologies diverses, des annales de bac corrigées, des éditions de texte annoté,etc.
C'est donc bien de leurs complexes de ne pas parvenir à être "bons par eux-même" qu'il faut se préoccuper. Il faut éduquer à Internet, aux bons usages possibles de Wikipédia, des moteurs de recherche, etc. Et cette éducation passe par la valorisation de l'esprit critique et l'acquisition d'une méthodologie de recherche d'information.
Le commentaire sociologique que Damien Babet donne sur son blog m’a également bien plu : « les corrigés en ligne rendent accessible aux enfants de pauvres le petit truc du perroquet bien dressé qui nous permettait, auparavant, de distinguer la progéniture bourgeoise, celle qui aime sincèrement Flaubert. » Avant seuls les gosses de riche avaient accès aux encyclopédies et aux parents savants, maintenant même les pauvres ont Wikipédia.

« David Monniaux, prof agrégé de mathématiques », il est aussi docteur en informatique et chercheur au CNRS, accessoirement.
Ca prouve qu'Alain Minc, notre maître à tous, a raison: L'informatique, ça peut donner le meilleur ou le pire, selon l'usage qu' on en fait. ( J'ai un doute subit: est-ce Minc, l'auteur de cette réflexion? ou Heidegger?)

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