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Commentaires

Le musicien, le cinéaste et la cohérence

Django Unchained, le dernier film de Quentin Tarantino, est depuis peu disponible en DVD et Blu-ray. Une polémique avec Ennio Morricone a suivi cette sortie. L'occasion d'explorer les relations, parfois tumultueuses, entre réalisateurs de films et compositeurs. Et le principe de la réutilisation, au cinéma, de musiques existantes, des frères Lumière à Tarantino, en passant par ...les publicités d'aliments pour chiens.

Derniers commentaires

Hello Sleepless !

Bien heureux de vois tes connaissances valorisées comme elles le méritent sur ce site.
L'article est passionnant. J'aurais juste deux ou trois chicaneries à faire, rien de grave... ;)
- il me semble qu'il faudrait plus que tu ne le fais rendre justice au travail somptueux de Michel Chion
- Rameau abandonne l'évocation de l'ethos des modes après le Traité de l'harmonie (1722)
- La Génération harmonique de 1737 a assez peu influencé Marc-Antoine Charpentier, mort en 1704... ;)
- il y aurait lieu de distinguer la rhétorique baroque, de l'expression romantique (dans laquelle s'enracine bien plus la musique de film)...

Bises,

N.
Par Jean-Stéphane Guitton, compositeur et enseignant

Ça alors !
Enjoy
:-)
Merci pour cet article!
J'espère qu'il y en aura d'autres!
C'était formidable. Merci :)

(C'est fou le nombre de gens compétents en musique et en musique de film qu'il y a dans les forums d'@si)
Mon père me disait que dans les années 50-60, il y avait littéralement la "musique de film de la semaine". Un thème principal dans un film qui devenait un succès, souvent repris en chanson par différents artistes. Une semaine c'était Le troisième homme, la suivante La panthère rose, puis 8 et demi, etc. Des musiques que tout le monde connaissait. Ça a complètement disparu et c'est l'inverse qui se produit aujourd'hui. Les compositeurs se voient contraints de partager leur partition avec des succès pop d'autrefois, parfois mêmes tirés …d'autres films. Si au moins on faisait l'effort de proposer de nouvelles orchestrations ou interprétations de ces titres anciens, mais généralement non.

Quand aux compositeurs actuels, j'ai également du mal à m'enthousiasmer. A côté des équipes d'arrangeurs au kilomètre dirigés par Hans Zimmer, beaucoup de compositeurs confondent composition et effets spéciaux sonores (nappes de textures, electro beats…), et ceux qui écrivent encore pour des instruments de l'orchestre, outre de se voir imposés des tubes anciens ou récents dans leur film, ils semblent obsédés par l'idée de servir uniquement le film, mais jamais la musique. Alexandre Desplat est l'exemple même de cette tendance. Un grand professionnel dont les partitions, toujours parfaitement adaptées au besoin du film n'ont pas le moindre intérêt quand on leur retire les images. Et je ne parle pas du recours facile au papier peint minimaliste à trois balles qu'il utilise si souvent. Du reste, Morriconne lui-même semble se lamenter de cette tendance. Interrogé sur la musique de films actuelle il disait il y a quelques années "il y a beaucoup à entendre, mais rien à écouter".

J'aimerais savoir si quelqu'un, un historien, critique, chercheur,… s'est penché sur cette mutation de la musique et du cinéma; connaitre ses interprétations. Moi, je trouve cette évolution assez frustrante.
J'aimerais savoir si quelqu'un, un historien, critique, chercheur,… s'est penché sur cette mutation de la musique et du cinéma; connaitre ses interprétations. Moi, je trouve cette évolution assez frustrante.

Oui. Et plutôt que des interprétations, il y a des raisons précises, évidentes. Et d'autres plus cachées, dirais-je.
Le sujet sera certainement abordé dans une chronique ou une autre.
Je peux déjà vous donner l'avis d'un spécialiste du genre, Elmer Bernstein, qui a dit :

«L’art de la musique de films est en grand danger aujourd’hui, le plus grand qu’il ait eu à affronter. Le problème vient d’une complète ignorance. Pour les studios, la musique de films n’est que du papier peint [retour de la définition de Stravinsky ?]. S’ils n’aiment pas ce qu’ils ont achetés, ils le changent, repeignent par dessus. À l’époque où les studios avaient des directeurs du département musique comme John Green à la MGM et Alfred Newman chez Fox, les compositeurs étaient représentés par des gens qui se battaient pour eux si nécessaire, et qui éduquaient les décideurs. Aujourd’hui, le compositeur n’a plus de protecteur. C’est une situation très pénible.»

Et il complètera quatre années plus tard par :

«Je pense qu’il y a encore moins de compréhension de la fonction de la musique de films maintenant qu’il y a 30 ans, et beaucoup plus de peur envers la musique chez les jeunes réalisateurs. La musique arrive à la fin d’un processus comme une sorte d’étranger bizarre, et il n’est pas question que le film change quand la musique arrive.
Certains jeunes metteurs en scène sont totalement bloqués par ça, et la plupart d’entre eux semblent ne pas aimer du tout la musique. Ils pensent que la musique est une sorte de chose que l’on plaque sur un film comme du papier peint. Mais si vous devez avoir de la musique dans un film, vous devez comprendre qu’elle va changer le film, en pointant des choses, en en renforçant d’autres, en leur donnant une tonalité. Cela va faire quelque chose. Et donc, le réalisateur doit vraiment être prêt à en faire une partie du processus.
»

Herrmann n'était pas en reste :

«Les films sont devenus des supports promotionnels pour les éditeurs de musique et les compagnies de disques. Je ne comprends pas comment on peut produire un film sophistiqué, puis réaliser un score selon la loi du plus petit commun dénominateur, ce qui transforme le tout en un tas d’ordures.»
Précisions : déclaration de Bernstein en 1986 et 1990. De Herrmann en 1968...
On peut ajouter, pour le versant optimiste de la chose, que c'est aussi un peu pour aller contre ces tendances que le Conservatoire National Supérieur de Paris a ouvert très récemment un département de formation à la composition de musique de film, avec à sa tête Laurent Petitigirard, et une équipe de prof de choc !
faut dire qu'il y a des spectateurs qui n'entendent pas la bande son d'un film. ils en sortent sans même se rappeler s'il y avait de la musique, de la musak ou des textures diverses et variées, et si ce qu'il y avait collait avec ce qu'ils voyaient. on dit qu'une coupe de cheveux réussie, c'est une coupe qu'on ne remarque pas. il y a peut-être de ça dans la frilosité des réalisateurs : ils veulent un truc qui se contente d'accompagner les images et qui soit le moins saillant possible : le spectateur qui dit "ah la bande son était ceci cela..." à la sortie, c'est raté.

parfois les réalisateurs font le choix du silence musical. je n'ai pas en mémoire immédiate d'exemple, je sais qu'à chaque fois je m'étonne de trouver cela plutôt... agréable, intéressant. rien pour accompagner l'image sinon elle-même et la bande son (là pour le coup c'est une vraie bande-son, non ?) liée à l'action (par opposition, et summum du kitsch, je pense à ce chien loup courant pour royal canin en musique, donné plus haut en lien)

je fais plutôt partie des autres qui sont attentifs à la bande son, à la musique, aux voix, aux bruitages. et même un peu hypersensible. parfois je me demande si c'est pour de bonnes raisons. par curiosité, j'ai regardé qui avait fait la bande son musicale de Ran, de Kurosawa, bande son qui m'a toujours vraiment empêchée de voir le film. et voilà-t-y pas que je constate qu'en dépit du souvenir que j'en avais (dans mon souvenir de la musak infâme et superfort), c'est quand même Takemitsu aux manettes !!!

je me précipite alors dans ma ford intérieure faire mon examen de conscience. et là, j'y découvre que je suis souvent dérangée par une bande son musicale dont la matière ne correspond pas à ... l'action en jeu dans le film. j'ai un peu honte. mais bon, j'ai trouvé la maladie.

par exemple, je sais que Le Sacrifice de Tarkovski m'a laissée sur le cul, hébétée. j'ai aimé beaucoup quoi. et là au hasard des films que j'ai aimés, je regarde sa fiche dans wiki, sous musique, et je lis :
Musique : Aria d'alto Erbarme dich de la Passion selon saint Matthieu de Jean-Sébastien Bach (BWV 244, création 1727 ou 1729), direction, Wolfgang Gönnenwein ; alto, Julia Hamari) ; flûte solo japonaise Watazumi Doso (en) ; chants d'appel de troupeau des provinces centrales suédoises de Dalécarlie et de Härjedalen
ah ouais, d'accord, je NE pouvais PAS ne pas aimer...

un autre exemple, qui a marqué ma vie depuis l'enfance : le sublimissime Don Juan de Bluwal, avec Piccoli et Brasseur. la mort de don juan m'a laissé un souvenir au fer rouge et je ne peux plus jamais entendre le requiem de mozart sans le voir s'enfoncer dans le néant lumineux. je lis la fiche :
Musique : Musique funèbre maçonnique, Concerto pour clarinette, Quintette avec clarinette et Requiem de Mozart
d'accord, je sens la régularité

du coup, je suis allée regarder un peu sur le tube des films que j'aime mais avec des mais, sans que je me souvienne vraiment d'où il vient. à nouveau Kurosawa, et Rashômon - fabuleux, d'une beauté incroyable... et ah, oui, je comprends le mais, la bande son musicale de Hayaska me "dérange" la regardure. oh, pas partout, mais soudain la musique me heurte les yeux.

comme exemple extrême, L'île nue, de Shindô. un chef d'oeuvre absolu. pas de dialogues (voir sur cette fiche), juste une bande sonore musicale très obsédante qu'en son temps j'ai tellement écoutée sur un petit 45 tours qu'il n'y a plus de sillons, et les bruits de la vie, de l'eau, des pas, des soupirs... j'ai dû des années après revoir ce film tellement j'étais sûre qu'il était dialogué, justement à cause de la bande son dans son ensemble. certes, la musique et les thèmes de Hayashi sont à la limite parfois d'un très léger kitsch, mais peu importe, il y a là une sorte de symbiose qui en fait une perfection.
parfois les réalisateurs font le choix du silence musical. je n'ai pas en mémoire immédiate d'exemple

En voici quelques-uns :

La quasi totalité des films de Sidney Lumet, Luis Bunuel, plusieurs de Michael Haneke, des frères Dardenne, ceux suivant le Dogma de Lars Von Trier.
Ou encore :
Counsellor at Law par William Wyler (1933)
The Tall Target par Anthony Mann (1951).
The Narrow Margin par Richard Fleischer (1962).
The Birds par Alfred Hitchcock (1961).
Marooned par John Sturges (1969).
Panic In Needle Park par Jerry Schatzberg (1971).
A Woman Under the Influence par John Cassevetes (1974).
Interiors par Woody Allen (1978).
The Wind Will Carry Us par Abbas Kiarostami (1999).
No Country for Old Men par Joel & Ethan Coen (2010)
Etc.

Et la musique de L'Ile Nue, wow...
Buñuel souffrait de surdité
Heureusement qu'il n'a pas fait de peinture, alors...
Oui, comme Beethoven
Ah, Beethoven, oui, célèbre peintre.
C'est lui qui a fait les "Pom, Pom, Pom, Pom de Cézanne", non ?
Je ne comprends pas, parlez plus fort.
génial forum :-)
Le saviez-vous ? Beethoven aimait à appeler ses différentes conquêtes féminines ses "pom-pom-pom-girls".
elle rentre quand, Mireille ?
Pour l'instant elle est au cinquième.
merci pour cette liste ! ça fait pas mal. et je suis loin d'avoir tout vu !!!
j'aimerais d'ailleurs bien savoir comment un metteur en scène décide de mettre de la musique sur ses images ou non. bon, à part ceux qui n'en mettent jamais point barre.

hugo aurait dit (mais c'est peut-être pas lui) "Défense, défense absolue de déposer de la musique le long de mes vers". mutatis mutandis, quand j'écoute de la musique sur le tube, le plus souvent des trucs introuvables par ailleurs, je dois souvent fermer les yeux pour pas voir le diaporama déposé le long de cette musique...

d'ailleurs c'est pas inintéressant d'observer le contraire de ton objet : non pas l'acte de mettre de la musique sur des images, mais l'inverse, avec un exemplier quasi infini, à savoir le tube justement ! le choix d'images ou de vidéos que font les internautes youtubiens pour illustrer ? soutenir ? leur musique laisse parfois pensif. et je baise les pieds de celui qui, non content de charger de très nombreuses oeuvres musicales judicieusement choisies avec des interprètes le plus souvent merveilleux, nous épargne les couchers-de-soleil-piano, et les vagues-océaniques-violons, et met simplement, qu'il soit béni, les partitions...
il y a des spectateurs qui n'entendent pas la bande son d'un film. ils en sortent sans même se rappeler s'il y avait de la musique
y'en a un qui doit avoir les oreilles qui sifflent là :)
qu'il se dénonce ! note, j'ai pas fait mieux en pensant qu'il y avait des dialogues dans l'île nue !
bon, par contre on peut parier que les films dont le thème est musical (de tous les matins du monde à brigadoon, en passant par les demoiselles de rochefort, et le bal), il en sort les oreilles non pas sifflantes mais rassasiées !
deux films auxquels j'ai pensé pour lesquels la question de la musique est essentielle, mais pour des raisons très différentes : dans la foulée des 45 tours usés jusqu'à la trame, celui de "Mourir à Madrid", et l'extase à essayer de jouer la musique de jarre à 2 guitares avec mon frérot. (les fiches tècheniques ne parlent que de la musique de jarre, mais pas oublier les chants espagnols).

et le seul film dont j'ai acheté le CD bande son, un pur chef-d'oeuvre : La Danse du Vent, 1997, Khosa, une indienne apprend le chant classique (indien oeuf course) avec sa mère, et à la mort de celle-ci, perd sa voix. il y a là-dedans une petite fille qui chante a cappella, je vous dis que ça ! il y a aussi le bruit des pigeons dans une tour...

est-ce que les films dont l'objet est la musique utilisent la musique également comme élément de l'image ?
et, j'y pense à l'instant, le film Rébétiko (Ferris, 83), bande musicale de Xarchakos, et certaines chansons écrites par le poète Gatsos. film dont le Stou Thoma to magazi est une des raisons de ma présence en grèce. c'est dire l'influence d'une musique de film !!!
@sleepless

Vous indiquez des facteurs exogènes, contraires à la volonté des compositeurs. N'y a t-il pas aussi des raisons de mutations stylistiques, de changements de sensibilité des compositeurs eux-mêmes? Un changement des temps pas forcément négatif en soi, qui va bien au delà du contexte de la musique au cinéma, pour embrasser la société entière? Les musiques savantes et populaires sont bien différentes de ce qu'elles étaient il y a 50 ans. On se désintéresse de plus en plus des mélodies qui ont une dimension narrative (celles, de Beethoven aux Beatles, qui racontent "il était une fois") et on investit de plus en plus ce qui est de l'ordre de la dimension sauvage et directe de la musique, la timbralité, les rhythmes, les couleurs, les mélodies post-minimalistes créant un climat mais ne racontant rien en soi…, en gros un abandon progressif de l'évocation par une préférence pour la sensation. Comme un retour sophistiqué aux fondements pré-classiques de la musique. D'où la disparition, non totale mais quand même générale, des grands thèmes fédérateurs au cinéma ?
N'y a t-il pas aussi des raisons de mutations stylistiques, de changements de sensibilité des compositeurs eux-mêmes?

Si, bien sûr, aussi.
Les citations ne sont là que quelques éléments de réponse à votre questionnement.
Il reste à aborder tous les angles du sujet, ce que j'espère pouvoir faire un jour.

la timbralité, les rhythmes, les couleurs, les mélodies post-minimalistes créant un climat mais ne racontant rien en soi

Pas vraiment d'accord avec ça, contradictoire. Si climat est créé, c'est bien que quelque chose est raconté.

Ensuite, tout baser sur le thème n'est qu'une vision de la musique de films, celle des créateurs de l'esthétique hollywoodienne, Korngold, Steiner, Newman et Waxman, puis ceux qui ont suivi (et ceux qui ont réactivé ce symphonisme hollywoodien au milieu des années 70).

Cependant, à la même époque, Maurice Jaubert en France a plaidé (bataillé, plus juste) pour la définition d'un langage spécifique, non dépendant de la temporalité du thème classique et de ses développements et variations (et d'autres éléments, on en parlera sûrement plus tard).

Et Bernard Herrmann est le premier américain à avoir cherché un langage propre, à base de cellules courtes, transposées, réorchestrées.
Il y a très peu de véritables thèmes chez Herrmann.
Et pourtant, c'est à partir de lui que tout bascule.

en gros un abandon progressif de l'évocation par une préférence pour la sensation.


Il ya de ça, mais il faudrait développer. Et notamment commencer par définir la place de la musique au cinéma, ce qu'elle doit faire, et comment elle doit agir. Et là, vous avez autant d'interprétations que de commentateurs, même si quelques-unes semblent faire sens commun.

Si climat est créé, c'est bien que quelque chose est raconté.


Raconté mais sans forcément narration avec une sensation dans l'exposition du thème d'un début et d'une fin, qui implique des moments introductifs et conclusifs dans la mélodie. Par exemple, le thème de Superman par John Williams est un récit, il renvoie à un mythe, comme l'hymne d'un pays, alors que le thème de Superman par Hans Zimmer crée un climat, il ramène à l'instant, et ne raconte pas d'histoire. Il n'y a pas vraiment de narration, juste une ambiance qui parle évidemment du personnage mais par la description réaliste et non l'évocation idéalisée. C'est comme si Zimmer voulait s'éloigner des mythes, des récits, et recherchait un surcroit de réalisme. Et cette tendance je la vois un peu partout.


Ensuite, tout baser sur le thème n'est qu'une vision de la musique de films, celle des créateurs de l'esthétique hollywoodienne, Korngold, Steiner, Newman et Waxman, puis ceux qui ont suivi (et ceux qui ont réactivé ce symphonisme hollywoodien au milieu des années 70).


Bien sûr. Mais ça n'explique pas la disparition des thèmes forts, marquants, dans des contextes de films où il en faudrait peut-être. Superman par exemple. Le thème de Zimmer, est écrit avec grand professionnalisme, mais pour fédérer les adolescents, pas terrible.
ce qui est con, c'est que ça demanderait une explication de texte pour les gens qui n'ont aucune idée de la question modal vs tonal, et tempérament inégal (j'ai accordé mon clavecin tous les jours pendant 25 ans...) et égal...


Peut-être que j'arriverais à glisser ça au détour d'une chro. Pas dit (question de pertinence).

il y a des rencontres, des vraies vraies rencontres avec une musique, une oeuvre d'art, un film aussi, qui soudain vous touchent le coeur, vous terrassent... c'est un mystère, une magie.

C'est toute la difficulté, la plupart du temps, d'expliquer le "pourquoi".

Tu parles de Mahler, je ne sais pas si tu connais l'Adagio de la Symphonie n°10 en Fa#. Moi, ça me fout par terre.


mais c'est quand même étrange comme la musique, les mots peuvent susciter des affects. en y pensant bien, c'est vraiment bizarre, non ?


Et les odeurs, t'en fais quoi des odeurs :)
ça y est, je reste bloquée. je vais être HS, mais bon, je reviens à mes lubies, et je cite ta citation :

Puis, à la suite des travaux de Jean-Philippe Rameau dans Génération harmonique (1737), Marc-Antoine Charpentier «établit un jeu complet de correspondances entre tonalités et impressions, sensations ou sentiments, en se fondant sur la notion d’«ethos» attribuée aux modes anciens. Il prête aux gammes une «couleur psychologique». Certaines tonalités majeures : Ut, Ré, La, caractérisent la joie, l’allégresse, Fa, le furieux, l’emporté tandis que Mi symbolise le guerrier. Les tons mineurs : Mi, Sol, Si manifestent la tendresse, la douceur, celui de Fa le lugubre, de La le plaintif ou le triste.»

«[...]Cette conception perdra toute consistance quand on aura affaire à la généralisation du «tempérament égal».[...] Elle demeure cependant largement enracinée dans les esprits, voire les cercles musicaux, et continue à prévaloir de nos jours, favorisant une approche caricaturale ou simpliste du commentaire et de l’illustration musicale.»(5)

ce qui est con, c'est que ça demanderait une explication de texte pour les gens qui n'ont aucune idée de la question modal vs tonal, et tempérament inégal (j'ai accordé mon clavecin tous les jours pendant 25 ans...) et égal...

mais c'est quand même étrange comme la musique, les mots peuvent susciter des affects. en y pensant bien, c'est vraiment bizarre, non ?

j'étais pas fan de mahler, pas ma culture, un soir on m'a traînée rouspétante au chant de la terre alors que j'étais baroqueuse pure et dure, version schönberg avec l'orchestre contrechamps, et hedwig fassbender pour chanter l'abschied que je ne connaissais pas, en plus je parle pas allemand, et tout d'un coup, ça m'est tombé dessus, l'extase pure, le petit accord majeur qui advient au milieu, et l'ewig mourant de la fin, j'en sanglotais, j'avais des fils de morve mêlée aux larmes qui me ruisselaient dessus, absolument irrattrapable j'étais ! il y a des rencontres, des vraies vraies rencontres avec une musique, une oeuvre d'art, un film aussi, qui soudain vous touchent le coeur, vous terrassent... c'est un mystère, une magie.

pour les cinéphiles, je recommande ce débilement traduit en français "requiem pour un massacre" (idi i smotri, va et vois) de klimov. les nazis en biélorussie. la bande-son de ce film est tellement fulgurante, prégnante, que, des années après son visionnement, je ne peux pas entendre un gros porteur à hélices dans le ciel, avec ses infra-bas et une sorte de chantonnement obsessif quelque part, sans y repenser
Bravo !
Encore !
Je n'ai pas accès aux morceaux ce matin, mais même sans ça, c'est de la balle
C'est de la boule, cette chronique, et j' dis pas ça parce-que je suis fan du chroniqueur, je précise.
On devine bien ton amour de la musique, c'est ton côté chroniqueur de groupes, je sais bien.

Merci Sleepy ^^
Ouais ! Bonne nouvelle ! :-)))

Ça nous console (un peu) de la mort d'André Verchuren aujourd'hui même.
Je dirais que la musique de Tarantino est à l'image de son cinéma, où il fait du neuf avec du vieux : tous ses films tentent d'imiter, parodier, et dynamiter les standards d'une catégorie spécifique de film (le film de 2nde guerre mondiale pour Inglorious Basterdz, de kung-fu pour Kill Bill, de gangsters pour Reservoir Dogs et Pulp Fiction, de blaxploitation pour Jacky Brown...) Reprendre la musique de ces anciens films ou de ces anciennes époques est une façon de rendre hommage et de mettre le spectateur dans le ton, et mettre une musique "non appropriée" participe à la déstabilisation du spectateur qui ne voit pas ce qu'il s'attendait à voir dans un film de ce genre. Cela joue aussi pour le côté humoristique de la scène (c'est comme ça que je prends la scène de torture dans Reservoir Dogs par exemple).
Il faut noter que les musiques non appropriées sont surtout présentes depuis Kill Bill, on est plus dans le registre de l'hommage dans les précédents, et j'ai l'impression que les clichés des genres sont malmenés surtout à partir d'Inglorious Basterdz.
bonne chronique merci
Nickel cette chronique musicale. Pourvu que ça dure !
C'est bien intéressant tout ça.
Pourvu que ça dure.

Pour le coup, cette proposition issue du forum (brouzouf, Ulysse et Bruanne) a passé le mur (du son).

Bravo DS d'avoir recruté ce "compositeur et enseignant" là, bonne pioche.
Waouh !
Sleepless, le Korkos de la musique, rejoint la rédaction !
j'espère que ça va durer, et qu'il va avoir son petit onglet rose avec sa chronique rien qu'à lui.

Merci pour l'article, Sleepless,
et merci pour l'ouverture des oreilles, DS !
Je reviens de l'expo Musique et Cinéma de la Cité de la musique à Paris et ça fait du bien de lire un article avec du contenu.
Oui, mais alors on discute pourcentage ! :o)


Voilà, le vrai réflexe du musicien : c'est payé combien, c't'affaire...
YOUPI !

(message bisounours à caractère enthousiaste et de nature résolument optimiste)


Ce qui est rigolo, si on parle de cohérence, c'est que l'argument de Sylvia de Delibes concerne des nymphes, Eros, avec tout le tralala mythologique, et avec en plus des leitmotivs dans la musique parce que Delibes admirait Wagner, et une influence de Tchaikovsky en prime.

Et, alors, je vous pose la question, que vient faire une "pizzicato polka" dans cette galère ?
Question cohérence, hein… Une polka chez les grecs, je vous le demande un peu.

Bon, pas sûr qu'à l'origine ça s'appelle "polka", ça a l'air d'avoir été rajouté par la suite, le divertissement du ballet s'appelant juste à la base "pizzicato". Mais c'est sûrement du au fait que Delibes, et les autres après lui, on peut parier là-dessus, avait entendu la "pizzicato-polka" d'un certain Johann Strauss (écrite avec son frère Josef en 1869, quand Sylvia a été écrit en 1876) - où l'on reste donc totalement dans le sujet de cet article, même dans les moindres détails dudit article, dont on ne peut louer que l'extrême cohérence, du coup.
Superbe travail !

A propos de musique diagénétique et de "cohérence", David Simon ne joue pas la transition d'un mode à l'autre. Il reste en diagénétique pure, sauf exception. L'usage de la technique a évolué. Dans The Wire, c'est un parti-pris réaliste. Quand on entend de la musique, elle sort d'auto-radio. Sauf dans le final de chaque saison qui est tourné comme un clip vidéo de synthèse de toute la saison.
Même parti-pris dans Treme, dont le thème est les musiciens de la Nouvel Orlean post Catrina.

Pour Génération Kill, Simon a raffiné d'un degré de plus l'utilisation de la musique. Le dispositif diagenetique vise non plus seulement à renforcer le réalisme. L'objectif est cette fois-ci l'identification du spectateur aux personnages. Là encore, pas de transition d'un mode à l'autre. La playlist de la série est très riche, quatre à six morceaux de pop, de rap ou de rock par épisode.
La musique est chantés par les soldats. Pas diffusée par un post de radio.
Ce ne sont pas des morceaux d'ambiance. Ils sont même le plus souvent en décalage complet. En fait, ce sont des hits du Top 50. Des trucs que tout le monde connaît et a fredonné. Ca fait partie de la bande originale, non pas de la série, mais de la vie de chacun.
http://www.youtube.com/watch?v=UjueQs1JkTE

L'équipage du hummer entonne Teenage dirtbag, une bluette adolescente humoristique, en plein désert. Rien à voire avec la scène sauf que... la compagnie vient d'être confrontée à la mort d'un soldat, aux erreurs de commandement. elle comprend l'absurdité de la situation. En entendant Teenage Dirtbag, après avoir été touché par cette chanson dans les années 2000, l'avoir sois-même fredonné, on se met dans la peau de ces soldats. Encore faut-il avoir été ado amoureux délaissé à la fin des 90's. La série s'appelle "Generation kill" et c'est pas pour rien.

Le final de la série reprend le principe des finals de The Wire avec un clip (monté par un soldat qui le montre à ses camarades) sur The Man comes around de Johny Cash. Cettte fois avec transition diagnénétique immersive, dans un mouvement qui justement amène le spectateur, en même temps que les soldats, à prendre une distance dégoutté avec la guerre en Irak.
http://www.dailymotion.com/video/x73i7j_generation-kill-final-saison1_shortfilms

Une immersion qui provoque une distance, pour moi, on touche au génie.
Bel article (et tellement plus intéressant que balancer du fiel)

Trissotin.
Je trouve une certaine cohérence entre la séquence filmé de maddalena et la pub de Royal Canin, moi...
ah, ça fait carburer ton article. une idée me vient. dans la musique modale, par exemple le chant grégorien, chaque mode se voit attribuer un "affect", et c'est évident lorsqu'on entend un mode de do et ensuite un mode de mi. de manière étrange (mais j'adorerais qu'on m'explique), telle ou telle gamme inspire tel ou tel affect, le transporte, le signifie. je dis étrange parce que si la musique tonale qui nous baigne peut biaiser notre écoute, nous faire trouver les autres modes que do et la étranges, dissonants, tordus, on ne peut pas dire qu'à une époque où la musique était modale, l'oreille des auditeurs était biaisée. et tous les modes de la musique indienne ont leurs affects.

ce qui est marrant dans la musique tonale, c'est que, dans le fond, ce qui porte l'affect n'est plus le mode - la tonalité (perso, je ne sens absolument aucune différence "en soi" entre un do majeur et un ré majeur, sinon dans leur réalisation sur certains instruments : par exemple sur un clavecin, étant donné le tempérament, une gamme de do sonne de manière tout à fait différente qu'une gamme de ré : donc, à la rigueur, on peut en profiter pour leur attribuer des affects - mais dans les instruments modernes ?), ce qui porte l'affect, c'est l'horizontal, la mélodie quoi. telle mélodie, à telle vitesse en mode mineur ou majeur (c'est le dernier bastion où peut encore s'exprimer la modalité ancienne et ses affects), inspire tel ou tel affect.

bon, je sais pas si ce que je dis est complètement idiot. mais c'est juste pour dire à quel point un article aussi pointu peut inspirer des réflexions, qui, même idiotes, n'en sont pas moins un prolongement.
Passionnant...
D'autant plus que j'aime beaucoup les illustrations sonores de Morricone, enfin j'aimais... (particulièrement celle du "Bon, la Brute et le Truand"... la séquence où ils se retrouvent tous les trois dans le cimetière).
D'autant plus qu'après avoir vu "Django unchained", je me suis empressée de me renseigner sur la bande son que j'ai trouvée "réussie".
D'autant plus qu'en voyant des extraits d'anciens films N/B, j'ai fait des découvertes...
Et non seulement j'ai appris sur la musique de film, qui s'en est servi, comment s'en servir, etc... mais en plus ça m'a donné envie de découvrir Tarentino. Oui, je le reconnais, je ne me suis déplacée au cinoche que pour voir "Django Unchaîned"... Certes j'ai vu des morceaux de Kill Bill etc... à la téloche, mais je crois que Tarentino mérite un grand écran et un son autre que celui d'une téloche.
Merci...
J'en voudrais bien d'autres (articles) sur le cinoche... Pourquoi pas une analyse des bandes son des films d'Hitchcock ?
Dis, M. Jean-Stéphane (et la rédaction), on pourrait en avoir encore quelques doses ? ;o)
une nette tendance à mettre les petits plats dans l’écran
il fallait la faire celle-là ;-))
Merci pour cet excellent article, j'espère qu'il y en aura plein d'autres tout aussi passionnants.
Je propose une version musclée et moustachue du tube de Gerry Rafferty https://www.youtube.com/watch?v=qyvzcdmSNv8
magnifique, passionnant, et j'ai tout écouté. super exemples exemplaires, mais j'ai rien compris ou c'est bizarre que tu aies pas cité M le Maudit ?? et les chorals de bach, si joyeux pour parler de la mort ? bon, bach et les chorals, c'est HS, c'est vrai !!!
concernant l'adéquation ou la non-adéquation d'un film à la bande son, il y a un film que je n'ai jamais réussi à regarder tellement je trouve insupportable la musique qui va avec, c'est ran !!!
par contre je suis restée scotchée sur la série battlestar galactica aussi parce que j'ai trouvé les choix de musique absolument géniaux.
bref, je sais que, pour moi hein, la musique accrochée sur un film lui donne quelque chose, son absence voulue également, dans la mesure où un film sans son double musical est un geste artistique signifiant. un peu comme le rapport entre poésie et poésie mise en chanson : il se passe quelque chose "de plus" - ou "de moins".
bref, merci pour cet article fouillé, un vrai régal pour les neurones du matin, qui se mettent à chanter et à réfléchir - en musique !! sur un sujet absolument inépuisable, sur lequel j'espère que tu reviendras (je dois dire que j'en envisagerais une reprise d'abonnement, tellement je trouve chouette)
Yes ! Je vais lire ;)

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