Google et Meta détestent (toujours) les médias
Facebook et Instagram font disparaître le journalisme au Canada
Au Canada, cela fait maintenant près d'un mois que les médias ont disparu de Facebook et d'Instagram – pardon, de Meta, je m'en voudrais d'affaiblir le rebranding ayant permis d'éclipser les "Facebook Files". Il y a deux ans, pourtant, tout allait bien, Facebook annonçait qu'elle continuerait à arroser d'espèces sonnantes et trébuchantes les médias canadiens et québécois. L'investissement ? Pas moins de 8 millions de dollars canadiens en plus des 10 millions de dollars déjà versés depuis 2017. Une manne vu des journalistes, quelques piécettes vu du Gafam qui tire plus de 200 millions de dollars annuels des contenus journalistiques, selon l'estimation de Jean-Hugues Roy, professeur de l'Université du Québec à Montréal (Uqam). Suffisant, en tout cas, pour copieusement s'asseoir sur les lois anti-discriminations du pays, du moins jusqu'à une condamnation au Québec, l'algorithme de Facebook ne montrant pas certaines offres d'emploi aux femmes et aux seniors.
Mais la lune de miel a pris fin, à cause des droits voisins. Mais si, vous savez, cette obligation (discutable) décidée par législateurs de nombreux pays. Pour faire, quand même, un peu cracher au bassinet ces géants du numérique férus d'optimisation fiscale, afin de soutenir les productions culturelles et journalistiques nationales. En France, les négociations furent homériques entre les médias et Google, se soldant par le renforcement des groupes de presse les plus puissants, soudoyés par Mountain View au détriment des médias indépendants. Résultat, Google Actu existe toujours, là où la plateforme d'agrégation de Google avait fermé pendant huit ans en Espagne à cause de la législation nationale sur les droits voisins – elle a fini par rouvrir en 2022.
Revenons à Facebook (Meta, pardon). En 2021, confrontée à la législation australienne sur les droits voisins, Google a renoncé à appliquer sa politique espagnole. Pas la plateforme de Mark Zuckerberg, qui a menacé, puis mis la menace à exécution un jour de février. Et la presse australienne – ainsi qu'un certain nombre d'institutions publiques – disparut instantanément du plus gros réseau social du pays. La coupure avait alors duré cinq jours au pays des médias Murdoch, jusqu'à ce que le gouvernement australien plie face au Zuck en accordant des délais à Facebook pour négocier des accords avec la presse australienne (ou du moins ses plus importants représentants).
Pourquoi ces détours, alors que je vous parlais du Canada il y a deux paragraphes ? Parce qu'au pays de nos cousins francophones, Facebook a appliqué à plusieurs reprises la menace australienne lors des discussions avec le pouvoir politique et sa loi C-18 destinée à redistribuer un peu d'argent des géants du web vers les médias du pays. "Facebook menace (encore) de bloquer les nouvelles au Canada", titrait ainsi le Journal de Québec en mai dernier – ici la version de Facebook, aussi menaçante que méprisante envers les journalistes. Meta remet ça le 1er juin, puis confirme le 22 juin : "Nous mettrons fin à l'accès aux nouvelles sur Facebook et Instagram à tous les utilisateurs au Canada, avant l'entrée en vigueur de la Loi sur les nouvelles en ligne (projet de loi C-18)."
Le 29 juin, Google indique à son tour qu'elle fera disparaître les médias canadiens, et pas que de Google Actu mais aussi de tous ses autres services "dès l'entrée en vigueur de la loi", c'est-à-dire en décembre 2023. Là où Meta a décidé d'agir peu après son adoption et sa "sanction royale" le 22 juillet, pas vraiment troublé par la mesure de rétorsion de l'État canadien qui avait annoncé le 5 juillet qu'il retirerait ses annonces publicitaires de la plateforme. Début août, la société a commencé à bannir les médias canadiens de Facebook et d'Instagram. Près d'un mois, plus tard, c'est toujours le cas. Les feux de forêt ravagent le pays ? Le blocus reste en place, et ce n'est pas la colère de Justin Trudeau qui y change quoi que ce soit.
Le but est en effet, selon Jean-Hugues Roy, de "faire un exemple" dans ce pays voisin des États-Unis, bien plus proche – trop proche – du pays d'origine de ces sociétés que ceux ayant jusqu'à présent adopté des législations sur les droits voisins. Les médias canadiens font-ils preuve d'une couverture à sens unique et parfois malhonnête sur les bords de la polémique qui les concerne au premier chef ? Oui. Facebook et Instagram montrent-ils là, au mépris de la vie de leurs utilisateurs (littéralement compte tenu des mégafeux de forêt), le vrai visage que dénoncent depuis si longtemps bien des analystes des mondes numériques ? Aussi.
Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.
Déjà abonné.e ? Connectez-vousConnectez-vous