"Bonjour !", la matinale de TF1 qui donne envie de se recoucher
Plateau télé
Plateau télé
chronique

"Bonjour !", la matinale de TF1 qui donne envie de se recoucher

Offert par le vote des abonné.e.s
"L'hiver, c'est aussi la saison du nez qui coule". Depuis deux semaines, Bruce Toussaint et son équipe se lèvent aux aurores pour "informer" les téléspectateurs de TF1. Duplex anecdotiques, chroniques moufles et bouillotte en plateau, JT des régions toutes les demi-heures : cette nouvelle matinale baptisée "Bonjour !" et diffusée de 7h à 9h30 est censée concurrencer Télématin sur France 2. Et comment la chaîne du groupe Bouygues compte-t-elle s'y prendre pour faire mieux que le service public ? En mobilisant une "équipe XXL", composée de chroniqueurs "tous spécialisés", dont l'objectif est de "décrypter l'actualité" dans une ambiance "bienveillante". Chouette ! "Il ne sera pas interdit de rire" a même prévenu le directeur de l'info de TF1. Si de lui-même, il nous le propose…

Générique !

Qu'est-ce qu'il fait froid en ce moment ! Il fait froid à Saint-Etienne, à Orléans, à Nice, mais aussi à Arques, à Vert-le-Grand, à Villeneuve-Loubet, à Saint-Pierre-sur-Dives, à Villié-Morgon, à Allauch et à Lège-Cap-Ferret.

Oui, en ce lundi 8 janvier, il fait froid. Et pour sa première matinale, Bruce Toussaint a décidé de compter les flocons grâce à ses 12 envoyés spéciaux. Douze !

Regarder la nouvelle matinale de Bruce Toussaint, c'est d'abord être au cœur des régions, tôt le matin. Il ne se passe rien, c'est déroutant au début mais au fil des jours, on s'habitue.

Des duplex de rien du tout, c'est ça la première caractéristique de la matinale. Et comme il ne se passe rien, les reporters de Toussaint sont partout…

Sur les marchés…

Sur les trottoirs...

Près d'un vieux poireau…

Neige, nez qui coule : l'info près de chez vous

"C'est une matinale qui vient à votre contact" pour traiter des "sujets du quotidien", nous promet Bruce Toussaint en début d'émission.

En plateau, le transfuge de BFMTV soigne ses transitions pour lancer les différentes séquences, chroniques et duplex.

"La neige s'est invitée hier (...), ça coûte combien la neige ?" (Toussaint)

"L'hiver, c'est aussi la saison du nez qui coule. Qu'est-ce qu'on peut faire à la maison pour passer le cap de ce rhume" (Toussaint).

"Quel métier merveilleux de vendre des gants. On va tout de suite aller à Nantes, dans le centre-ville de Nantes. Il y a un magasin qui s'appelle la ganterie tout simplement" (Toussaint).

Quand le sujet est vraiment important, on a le droit à la double ration "chronique + duplex".

Exemple avec "la star de l'hiver"...

Une chronique-qui-réchauffe suivie par un duplex en Vendée.

Oui, la matinale de Toussaint, c'est d'abord une tranche d'info du quotidien. Avec une hiérarchie de l'information qui rappelle celle du 13 heures. Les journaux insistent sur les sujets importants (la neige, le verglas, les embouteillages) et de temps en temps, on retrouve l'actualité nationale et, un peu, internationale.

Une matinale "innovante"

A côté des chroniques du quotidien, des JT et des duplex-omelettes, il y a aussi le quotidien du futur. "On va souvent vous parler d'innovation dans cette matinale", annonce Toussaint dès la première. Et effectivement, chaque jour ou presque, on découvre une super innovation. Comme ce petit robot "Miroki", créé par une start'up française.

Il bouge, il parle mais attention, ce n'est pas un jouet. "Il va pouvoir accueillir, renseigner du public dans des lieux comme des centres commerciaux ou des aéroports", nous explique le chroniqueur-gadget. Mieux : "Il a une mission encore plus noble, qui est d'aider l'hôpital français. (...) Il est testé en ce moment avec des médecins, des infirmiers, des aides-soignants (...) pour effectuer certaines tâches : déposer des plateaux, venir les récupérer, déplacer du matériel médical d'un lieu à l'autre".

Objectif ? "Faire gagner du temps au personnel hospitalier puisqu'on le rappelle, on manque de personnels, dans nos hôpitaux", précise le chroniqueur, chiffres à l'appui.

Dans la série innovation, il y a aussi les "voitures propres". Figurez-vous qu'une société "propose de fabriquer des nouveaux matériaux pour l'intérieur de vos voitures à partir de plastique recyclé mais également du bois, du chanvre, ou encore de l'ananas." 

De l'ananas ? Oui, "la peau de l'ananas, quand elle est bien traitée, elle peut servir à fabriquer des matériaux similaires au cuir. Donc pour l'intérieur des voitures, ça peut être pas mal". 

Certes, c'est pas l'ananas qui va sauver la planète, mais comme le précise le chroniqueur, "ça peut paraître anecdotique mais je vous le rappelle, face au changement climatique, c'est la somme de ces petits efforts qui va faire qu'on va y arriver à s'adapter face au changement climatique". Évidemment.

L'équipe de la matinale a d'ailleurs une vraie conscience écologique. Dans l'émission du 19 janvier, la "journaliste-évasion" pose une vraie question : "Peut-on skier écolo ?"

Pour ceux qui ont vu notre émission, vous avez la réponse. 

Mais dans la matinale de Toussaint, on se veut optimiste. Non, c'est pas vraiment écolo mais y'a plein d'innovations pour pallier le problème de l'absence de neige. Comme par exemple ? Construire des pistes de luge en ferraille pour attirer toujours autant de touristes (pour le plus grand bonheur des habitants de la vallée asphyxiée).

Voilà ce qui arrive quand on veut faire une matinale "bienveillante", "enveloppante", du journalisme feel-good. Tout est cool : les voitures en ananas, le ski écolo avec des rails, les robots-mignons dans les hôpitaux.

Et la politique dans tout ça ? Elle est très présente dans l'émission, mais la plupart du temps de façon totalement dépolitisée (faut que ça reste une matinale détente). 

La politique "feel good"

Au lendemain de la nomination de Gabriel Attal, on a eu le droit aux archives télé du nouveau Premier ministre quand il était tout petit…

Attal est né en 1989 ? La chroniqueuse culture, Karima Charni, nous a rappelé les grands moments de cette année-là : sorties de films, d'albums et inauguration de la pyramide du Louvre.

La question internationale n'est pas négligée. L'Argentine a un président complètement dingo ? Décryptage de Christophe Beaugrand : "C'est une image qui fait le buzz depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux, on vous parle du nouveau président argentin Javier Milei et sa compagne, la sculpturale Fatima Florez. Regardez, c'est assez chaud, caliente. Ils se sont embrassés de manière particulièrement chaleureuse. Elle était bien habillée également".

Et donc ? "C'est rare ce type d'effusion chez un président.", signale Toussaint. Mais où veut-il en venir ? Profitant du baiser langoureux du président argentin, Beaugrand nous a préparé une chronique sur les couples présidentiels…

Plus classique, il y a aussi une interview politique dans la matinale. Baptisée "En toute franchise" (à ne pas confondre avec celle de France 2, "Les 4 vérités"), elle est menée par Adrien Gindre.

Du très classique, mais qui se termine par la "dernière question", laissée à Bruce Toussaint. Lequel essaye de détendre un peu l'atmosphère. Avec des questions essentielles, comme celle posée à Marion Maréchal : "La chanteuse américaine Taylor Swift a appelé ses fans à voter aux Etats-Unis et à s'inscrire sur les listes électorales pour la prochaine élection présidentielle et ça a bien marché (...). Résultat : l'Union européenne envisage à son tour de faire appel à Taylor Swift pour mobiliser les jeunes pour les Européennes. C'est une bonne idée ou pas ?"

Conf' de Macron : un débrief à l'image de la matinale, bienveillant

En phase de rodage, TF1 a légèrement remanié sa matinale au bout de la deuxième semaine. Les duplex-omelettes sont moins nombreux, Toussaint n'intervient plus dans l'interview politique, et les chroniqueurs se sont recentrés davantage sur l'actualité.

Résultat ? Une grande partie de l'émission du 17 janvier a été consacrée au débrief de la conférence de presse de Macron. La plupart des sujets avancés par Macron ont été abordés: énième réforme de l'assurance-chômage, port de l'uniforme à l'école, création d'une cérémonie de remise des diplômes, création d'un "congé de naissance" de six mois pour rebooster la natalité, etc. Mais à chaque fois, sous un angle pédago ("On va tout vous expliquer") ou alors très positif.

L'uniforme à l'école pour marquer "le retour de l'autorité" ? Quand Mediapart y voit une mesure idéologique dont l'efficacité supposée ne repose sur aucune donnée scientifique, le plateau de Toussaint y est clairement favorable : "Moi je trouve que c'est plutôt une bonne idée" (Christophe Beaugrand), "En fait, il faut tester, ça fait tellement d'années qu'on en parle. Il faut y aller, il faut faire cette expérimentation et on verra vite. Quelque chose me dit que si on le fait dans le monde entier, sauf nous… il faut parfois se saisir des bonnes idées" (Benjamin Muller).

Mieux : l'un des chroniqueurs a ramené l'uniforme qu'il portait à l'école. Il en garde "d'excellents souvenirs".

La "remise des diplômes" au collège et au lycée, comme aux Etats-Unis ? La chroniqueuse culture y voit un hommage à la pop culture : "C'est un moment clé dans les films américains" (le "Cercle des poètes disparus", "Spiderman", "High School Musical").

Le congé de natalité de six mois ? "C'est une bonne nouvelle", selon Benjamin Muller. Tout dépend du montant de l'indemnisation. Et sur ce sujet, le chroniqueur parentalité a sa petite idée : "Si on s'inspire de ce qui est fait à l'étranger, j'ai regardé avec le modèle allemand, ce vers quoi peut-être on va tendre [car] les Danois, les Suédois, les Norvégiens, c'est peut-être trop ambitieux pour nous pour le moment. Eh bien les Allemands, ils indemnisent à hauteur de 66% du salaire". Traduction : on va rester raisonnable, on ne va pas s'inspirer du modèle le plus vertueux, ça coûte cher quand même.

Quant à l'énième réforme de l'assurance-chômage, qui consiste de nouveau à durcir les règles d'indemnisation, la chroniqueuse éco, Maud Descamps ne voit rien à redire et relaie sans sourciller la proposition de Macron : "On va peut-être demander aux demandeurs d'emplois, plus de mobilités, plus d'adaptabilités. On va peut-être leur demander de s'orienter vers certains secteurs où on a besoin de main d'œuvre. Je pense à l'hôtellerie ou la restauration où il y a 200 000 postes à pourvoir aujourd'hui. Il va peut-être y avoir une incitation plus contraignante."

La chroniqueuse aurait pourtant pu rappeler que les chômeur·euses ont déjà été fortement impactés par la précédente réforme et que les postes à pourvoir dans la restauration et l'hôtellerie sont aussi nombreux en raison des salaires trop bas et des conditions de travail difficiles.

Bref, tout est cool dans cette matinale, même les mesures annoncées par Macron. D'ailleurs, à propos du format de cette intervention (digne de l'ORTF comme l'a souligné Mediapart avec des questions parfois triées par les chargés de com'), Toussaint ne voit pas le problème. "De toute façon, quel que soit le format, c'est toujours critiqué. Après tout, le président a répondu à des questions, nombreuses, variées, de médias divers, c'est quand même quelque chose intéressant à suivre". Finalement, c'était pas si mal les duplex-omelettes. 

Partager cet article Commenter

 

Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.

Déjà abonné.e ?

Lire aussi

TF1

Michel Barnier sondé : les Français satisfaits et insatisfaits

Les sondeurs et une popularité de Schrödinger

"Herbalife" booste sa com' à coup de publi-interviews

De BFM Business au "Figaro" : comment l'entreprise polémique déroule face à de vrais journalistes (dans de fausses interviews)

Voir aussi

Ne pas manquer

DÉCOUVRIR NOS FORMULES D'ABONNEMENT SANS ENGAGEMENT

(Conditions générales d'utilisation et de vente)
Pourquoi s'abonner ?
  • Accès illimité à tous nos articles, chroniques et émissions
  • Téléchargement des émissions en MP3 ou MP4
  • Partage d'un contenu à ses proches gratuitement chaque semaine
  • Vote pour choisir les contenus en accès gratuit chaque jeudi
  • Sans engagement
Devenir
Asinaute

5 € / mois
ou 50 € / an

Je m'abonne
Asinaute
Généreux

10 € / mois
ou 100 € / an

Je m'abonne
Asinaute
en galère

2 € / mois
ou 22 € / an

Je m'abonne
Abonnement
« cadeau »


50 € / an

J'offre ASI

Professionnels et collectivités, retrouvez vos offres dédiées ici

Abonnez-vous

En vous abonnant, vous contribuez à une information sur les médias indépendante et sans pub.