Pauvres, migrants : les mots pour le dire (ou pas)
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Pauvres, migrants : les mots pour le dire (ou pas)

Aussi difficile que ce soit, il faut tenter de postuler la sincérité de Macron, quand il déplore, en bras de chemise dans son bureau, que l'Etat dépense "un pognon de dingue" en matière d'aide sociale. Et quand il le déplore, non pas au nom de la réduction du déficit, mais au nom de l'efficacité, parce que ce "pognon de dingue" n'aide pas les pauvres à sortir de la pauvreté. Bien entendu, c'est crétin. Cela révèle le terrifiant aveuglement social des dominants qui s'imaginent que, hop, s'extrayant d'un coup de reins du canapé de la fainéantise, il ne dépend que du pauvre de partir fièrement à la conquête de la fortune. C'est crétin mais cela peut être sincère. Il faut tenter de postuler que Macron croit vraiment que dans une société de chômage de masse, il est possible à tous de s'en sortir à la force du poignet.

Pourquoi postuler sa sincérité ? A cause de l'Aquarius. Pendant que Macron faisait fuiter par sa conseillère en communication ses rodomontades en bras de chemise sur les pauvres, le pouvoir restait de longues heures muet sur la tragédie de l'Aquarius. Sur ce sujet, il ne trouvait pas les mots. Soudain, le verbiage disruptif l'avait abandonné. Rien n'eût pourtant été plus facile à Macron que de produire, sur l'Aquarius comme sur les pauvres, de la disruption en bras de chemise. "Ces migrants, on dépense un pognon de dingue pour les cantonner à l'Italie, à la Turquie, à la Tunisie, à la Libye, et ils n'arrivent pas à les retenir. Pourquoi on dépense tout ce pognon ? "

Or si Macron parvient très bien à produire publiquement du discours de rupture sur le gouvernement italien, au point de provoquer une crise diplomatique, il n'y parvient pas sur les migrants eux-même -il est à noter que l'obscénité de Gérard Collomb sur le "benchmarking" prétendûment pratiqué par les migrants, n'a pas été assumée au gouvernement. Si le comportement de la France est d'un total cynisme, le pouvoir n'ose pas prononcer les mots de ce cynisme.

"D'abord, personne ne ne nous a rien demandé. Et puis, Valence, c'est plus près que Marseille. Et s'il faut aider les formidables Espagnols, bien entendu, nous allons les aider" : pourquoi, sur ce sujet, le pouvoir en reste-t-il à ces piteuses esquives de l'ancien monde ? Cette incapacité est d'autant plus frappante qu'électoralement, ou sondagiquement parlant, Macron aurait au moins autant intérêt à insulter les migrants que les Français pauvres. Insultant les pauvres, il va sans doute perdre des points, et des électeurs. Manifestant explicitement qu'il considère les migrants comme de la chair à manoeuvres, il est vraisemblable qu'il n'en perdrait pas -ou moins. Alors ? Resterait-il, dans le nouveau monde, des traces observables de dignité ? Il faudrait envoyer un robot de la NASA.


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