Le jeu de rôles de la garde à vue
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chronique

Le jeu de rôles de la garde à vue

Ô surprise ! Ô ciel tombant sur la tête des plus modestes commissariats

des provinces les plus reculées ! La Cour de cassation, sans doute prise d'ébriété, a décidé vendredi dans l'après-midi que la réforme de la garde à vue s'appliquerait...dès le jour même. Là, tout de suite, dès maintenant, un gardé à vue devait pouvoir demander l'assistance d'un avocat, dès le début de sa garde à vue. On imagine la racaille, exultant de prendre la police au dépourvu, et entonnant des cantiques aux hauts magistrats. Dans les agences de presse, dans les flashes des radios, dans les plus éminentes rédactions, ce ne fut qu'une clameur de stupéfaction: "la cour de cassation exige que dès maintenant..." Heureusement, face à ce putsch des hauts magistrats, l'Etat, conjuguant sagesse et promptitude,

picto mit en place les cellules de crise nécessaires,

afin de venir en aide aux malheureux policiers en détresse psychologique.


C'est en tout cas l'histoire de panique que l'on nous a vendue à l'orée d'un week-end ensoleillé. C'est à dire à peu près exactement le contraire de ce qui s'est passé. D'abord, comme l'indique Jean Cattan sur le blog d'Eolas, la Cour de cassation n'a rien exigé. Littéralement, elle a cassé un arrêt de la Cour d'appel de Lyon, qui avait rejeté la demande d'une gardée à vue, contestant sa garde à vue, au motif qu'elle n'avait pas bénéficié de l'assistance d'un avocat. C'est donc en creux, qu'elle estimait que la nouvelle garde à vue devait désormais s'appliquer. Ensuite, pour que le ministère de la Justice ait réagi dans l'instant, un vendredi après-midi, à cette "décision surprise", en ordonnant aux parquets d'anticiper le vote de la loi sur la nouvelle garde à vue, initialement prévu au 1er juillet, on imagine bien que les irresponsables magistrats avaient tout de même dû prévenir le gouvernement de la décision-surprise qu'ils allaient rendre, et qui va enfin, après tant d'années, obliger la France à se conformer aux conventions européennes qu'elle a signées. Dans la réaction précipitée du gouvernement, on croyait même entendre comme un soupir de reconnaissance, à l'égard des irresponsables magistrats: bon, puisqu'il faut décidément passer à la casserole européenne, puisqu'on n'a plus le choix, mettons tout sur le dos des juges, et à Dieu-vat.

Mais qu'importe la vérité: le jeu de rôles ainsi rédigé permet au conseiller de Sarkozy, Guaino, de se livrer au petit numéro favori du château en ce moment, en agitant le spectre du gouvernement des juges. Quand on étudiera l'Histoire, au-delà des jeux de rôles, on retiendra que la Cour de cassation, contre une partie de la magistrature française, contre les syndicats de policiers, contre Henri Guaino, aura protégé l'état de droit en France.

A propos de jeu de rôles, Laprimedemilleuros continue vaillamment de remplir du temps d'antenne. Grand prix du fumigène ce matin à France Inter, où le chroniqueur économique de 7 heures 50 expliquait clairement que le gouvernement avait commencé à dresser la liste des exceptions (mille euros était un montant ultra-maximum, le plus souvent ce serait beaucoup moins, elle ne s'appliquerait que dans les entreprises où les dividendes augmentaient, etc). Ce qui n'empêchait pas le journal de 8 heures de commencer en mentionnant laprimedemilleuros. Il serait utile que les journalistes de France Inter écoutent leur radio, de temps en temps.

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