Grazia, ou la presse d'après
Le matinaute
Le matinaute
chronique

Grazia, ou la presse d'après

Dans la presse du monde d'avant, à chaque jour sa charrette d'après-confinement. Trente suppressions d'emploi à l'hebdomadaire Grazia, apprend-on aujourd'hui. Après Paris Normandie, L'Équipe, Nice-Matin, la fusion Lire / Nouveau Magazine Littéraire, la fusion La Recherche / Sciences et Avenir, avant le groupe BFM / RMC : Libé dresse la liste des condamnations, Le Monde aussi. Avec leurs mots à eux, les mots de l'ancien monde : clause de cession, chantage à l'emploi, serrage de ceinture, saignée, panade, centaines de journalistes jetés sur le marché. Les dirigeants du propriétaire de Grazia, le cauchemardesque groupe Reworld, quelle surprise, n'ont pas souhaité parler au Monde.

Mais se seraient-ils compris ? Si l'on veut entendre la même histoire racontée du point de vue enchanteur du monde d'après, du monde réinventé, il faut se munir de quelques cachets de Nautamine, d'un dictionnaire franco-patagon, et aller écouter, sur le site e marketing.fr, l'interview conjointe de la directrice de la rédaction de Grazia, Véronique Philipponnat, et la directrice exécutive de Reworld Media Connect, Elodie Bretaudeau Fonteilles.

De ce côté-là, Grazia n'est plus un journal. C'est une marque. Et la marque n'est pas morte ! proclament avec enthousiasme, en ce 18 juin, les deux dirigeantes. Car cette marque "veut dire depuis toujours style, impertinence, consommation, mais consommation intelligente". Depuis le rachat par Reworld, "le nombre de visiteurs uniques a augmenté de plus de 170%, une croissance incroyable. Avec les lives du confinement, le taux d'engagement a été multiplié par 4 en quelques semaines".

Mais ça ne suffit plus. L'heure est donc venue de "construire une vraie marque, écosystème vraiment à 360", ou plutôt "un nouvel écosystème de marques, qui comprennent le digital, le social, l'audio, l'événementiel. Pour une marque premium haut de gamme, Instagram est un endroit où on est connectés à notre communauté. On va continuer les live, les podcasts, avec cinq verticales thématiques éditoriales"Sans parler "d'un projet auquel on croit beaucoup" (dans le nouveau monde, on ne croit pas à moitié, on "croit beaucoup") , un "téléshopping, où on peut échanger avec la créatrice, la journaliste ou l'influenceuse, où on peut shopper en direct sans sortir de la plateforme". Car "jusque là, on a été limités par un format print."

Et... le magazine, dans tout ça, justement ? (oui, dans le nouveau monde, on dit "le print"). "Évidemment, le print reste une sorte de flagship de la marque, avec une périodicité genre trois ou quatre fois par an". Le "flagship" balisera donc "un temps plus long où on peut se poser, avec des signatures, du lifestyle, une manière de vivre autrement, et voilà, j'oublie sûrement plein de choses." Qu'y fera-t-on ? "Des formats de brandcontent pour les marques". Sans oublier "l'événementiel", car on aura envie de "se rencontrer. Plus que jamais il faut concilier le branding et la performance, faire le matching entre les deux, se dire que les deux peuvent aller ensemble".  Mais attention. On est post-#MeToo. "On va aller chercher des marques qui ont un vrai propos sur l'empowerment des femmes".

Sous la novlangue, se dessine une vertigineuse perte de territoire pour l'information, et une avancée vorace de la pub camouflée sous les oripeaux bien connus ici du "native advertising" ou du "brand content". Qui pourra marquer une limite à l'empowerment des influenceuses ?


Partager cet article Commenter
Alors, pas encore réinventés ?

 

Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.

Déjà abonné.e ?

Lire aussi

"Elle" et "aufeminin" : la presse féminine adore ses fausses journalistes

De faux profils avec photos réinventent l'usage du pseudonyme journalistique

Caroline Goldman, psy anti-éducation positive adorée des médias

Malgré des positions aux marges de la science

Fact-checking, quand les médias n'écoutent pas les faits

Spasfon, lecture rapide, crème quantique de Guerlain : à quoi sert la vérification ?

Les légumes secs n'ont pas les faveurs des médias

Bons pour la santé et le climat, ils restent perdants face à la viande, aux produits laitiers ou aux céréales

Voir aussi

Ne pas manquer

DÉCOUVRIR NOS FORMULES D'ABONNEMENT SANS ENGAGEMENT

(Conditions générales d'utilisation et de vente)
Pourquoi s'abonner ?
  • Accès illimité à tous nos articles, chroniques et émissions
  • Téléchargement des émissions en MP3 ou MP4
  • Partage d'un contenu à ses proches gratuitement chaque semaine
  • Vote pour choisir les contenus en accès gratuit chaque jeudi
  • Sans engagement
Devenir
Asinaute

5 € / mois
ou 50 € / an

Je m'abonne
Asinaute
Généreux

10 € / mois
ou 100 € / an

Je m'abonne
Asinaute
en galère

2 € / mois
ou 22 € / an

Je m'abonne
Abonnement
« cadeau »


50 € / an

J'offre ASI

Professionnels et collectivités, retrouvez vos offres dédiées ici

Abonnez-vous

En vous abonnant, vous contribuez à une information sur les médias indépendante et sans pub.