, c'est qu'elles permettent de renverser impunément les rôles. Prenez Hortefeux. Toute l'année, c'est le père Fouettard. Qu'il apparaisse, et on tremble (même si on est en possession de papiers en règle, qu'on n'est pas demandeur d'asile ni clandestin à Calais, qu'on n'a personnellement brûlé aucune voiture dans la nuit, qu'on ne détient pas de Kalachnikov dans son coffre). Qu'une tempête de neige s'abatte sur l'Ile de France, et les rôles sont immédiatement renversés. Les intervieweurs du matin s'en donnent à coeur joie. Comment donc ? Vous n'avez pas salé les routes ? Mais à quelle heure ? Et pourquoi si tard ? Etc. Délectable spectacle, du père Fouettard pris en faute, s'empêtrant dans ses justifications et ses alibis, fait aux pattes.

Que le ministre refuse le rôle, et c'est la curée. "Il n'y a pas de pagaille" avance Hortefeux hier, avant d'illustrer (sérieusement) ce constat optimiste par cet exemple: "d'ailleurs, le préfet de police n'a eu aucune difficulté à venir de la préfecture au ministère de l'Intérieur". Et toutes les radios, ce matin, appuyées sur de la catastophe incontestable, de la détresse consensuelle, des "naufragés de la route" ni de droite ni de gauche, d'incontestables voitures abandonnées le long des nationales bloquées, d'irréprochables glissades, de ricaner en polyphonie.

Mais il me semble qu'elles ricanent à côté de la cible. Que révèle ce "il n'y a pas de pagaille", qui rappelle évidemment le "pas de pénurie d'essence" de Borloo, quand la France entière était à sec ? Leur incompétence ? Certes. Mais, davantage que leur incompétence personnelle, leur incompétence structurelle. Qu'est-ce qu'un ministre ? Quelqu'un qui est davantage informé par les rapports de son administration, que par l'écoute de France Info. Or l'administration se couvre. L'administration ne veut pas mécontenter sa hiérarchie. Et plus l'administration est haute, plus elle se couvre, plus elle submerge le ministre de rapports lénifiants, l'ensevelit sous les tonnes de sel, les stations service ouvertes, les effectifs mobilisés. La situation de crise révèle brutalement cette situation d'aveuglement permanent, dans laquelle se trouve le gouvernement, par rapport à la population. C'est aussi un de ses avantages.