Blasphèmes : oui, mais tous !
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Blasphèmes : oui, mais tous !

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C'est bien entendu, d'abord, un criminel islamiste qui a tué Samuel Paty. C'est aussi, indirectement, en début de chaîne, un père de famille vindicatif et obtus, qui a préféré répandre sa bêtise sur les réseaux sociaux, plutôt que d'en discuter en tête à tête avec le prof (il faut lire, ce matin, l'édifiant reportage de Louise Couvelaire, du Monde, à Conflans. Des familles stupéfaites et atterrées lui racontent comment la vidéo de Brahim Chnina leur est revenue en boomerang...d'Algérie. Et on y apprend incidemment que la collégienne protestataire n'assistait pas au fameux cours, ayant été exclue la veille pour deux jours).  Oui, comme nous le disions dès hier, c'est bien sur Twitter, sur YouTube, sur Snapchat, que cette vindicte d'une famille est devenue un monstre hors de contrôle. Les réseaux sociaux ont donné des ailes à  la bêtise.

Et maintenant ? Et maintenant, quand on aura légitimement honoré la mémoire de Samuel Paty, quand on aura donné son nom au collège des Bois d'Aulne, et à d'autres, et à des rues, et à des places, comme il le mérite, c'est à l'avenir que je pense. Et c'est cette question qui me tourmente : comment faire en sorte qu'à la rentrée, demain, l'an prochain, dans les années qui viennent, les enseignants, en France, puissent expliquer et défendre la liberté d'expression sereinement, sans redouter de subir le sort de Samuel Paty ? C'est la seule question.

Et de nouveau, intact, inchangé, resurgit le piège du 7 janvier 2015, le piège Charlie. Faut-il montrer, publier, exhiber les caricatures maudites ? Les montrer, au risque de provoquer, d'offenser. Mais ne pas les montrer, au risque de renoncer peu à peu au droit au blasphème, d'enterrer les Lumières. Dilemme piégé. Pas de bonne réponse. Comment sortir du piège ?

Alors ? D'abord une intuition : tout est question de cadre, d'intention, de public. Dans le débat général sur la "liberté d'expression", dont retentissent les antennes depuis vendredi, j'entends un débat creux, rhétorique, théologique, vain. Un message n'existe pas dans l'absolu. Un message est modelé, modifié, déformé, par les circonstances de son énonciation : lieux, moments, énonciateur,  publics visés, publics atteints (ce sont de moins en moins les mêmes), intentions, bref tout ce qui en fait le contexte.  En l'occurence, comment signifier clairement que l'objectif d'un discours sur la liberté d'expression, discours forcément appuyé sur des images blasphématoires, n'est pas d'offenser qui que ce soit -et n'est pas par exemple reçu comme islamophobe- mais de favoriser une réflexion sur les valeurs communes ?

Une intuition, donc. Défendre le droit au blasphème, oui, par exemple en republiant ici les deux caricatures projetées par Samuel Paty...

...mais sans oublier les autres : les blasphèmes chrétiens, les blasphèmes juifs. Les réseaux sociaux, qui n'ont pas que des inconvénients, m'apportent ce matin des pistes de réflexion. Quelle belle initiative par exemple, que celle de la pasteure de l'église protestante de Roubaix, Sandrine Maurot.


Allons-y ! Blapshémons, blasphémez ! Musulmans, blasphémez le prophète. Chrétiens, blasphémez le petit Jésus. Juifs, blasphémez l'Eternel. Quelle plus belle couverture de Charlie, au fond, que celle-ci, qui resurgit aussi ce matin sur les réseaux ? 

Vous vous souvenez de quand elle date, cette couverture ? de l'affaire Piss'Christ, en 2011, cette photo du Christ en croix baignant dans l'urine, qui avait fait scandale à Avignon. A cette occasion, Alain Korkos avait recensé les multiples blasphèmes sur Jésus, qui avaient déchaîné les foudres des intégristes chrétiens. 

Chrétiens qui me lisez, si vous voulez montrer votre solidarité avec Samuel Paty, piochez dans toutes les images de cette chronique de 2011, inondez-en les réseaux sociaux. Ou bien, pour prendre plus récent, celle-ci : 

Ce montage vous choque ? C'est votre droit. Il vous donne envie de vous désabonner d'Arrêt sur images ? C'est votre droit, et vous avez le droit de le dire sur le forum. Il vous donne envie de me dénoncer au proviseur, à l'inspecteur d'Académie, ou de lancer une grande campagne YouTube appelant à boycotter Arrêt sur images ? Alors là, Stop ! Remballez vos pancartes "Je Suis Paty".  C'est à ce moment précis, que vous pouvez vous demander si vous n'êtes pas plutôt Brahim Chnina, que Samuel Paty.  

Oups, j'allais oublier les Juifs, les images blasphématoires pour les Juifs. Je sèche un peu. Le Juif n'est pas facilement choquable, il en a vu d'autres. Sauf dès qu'on touche à Israël, ou au négationnisme, mais on tombe là dans autre chose (on peut d'ailleurs parfaitement expliquer pourquoi c'est autre chose). Ne me ressortez pas le fameux "On me dit que des Juifs se sont glissés dans la salle", de Desproges, qui est une dénonciation de l'antisémitisme. Mais je suis preneur de toutes suggestions, je mettrai à jour cette chronique. Pas de jaloux.


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