De De Gaulle à Bayrou, mythologie française de la "magie du verbe"
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De De Gaulle à Bayrou, mythologie française de la "magie du verbe"

A la décharge de Ruth Elkrief, il apparait qu'elle n'était pas la seule,

à serrer précieusement contre son coeur un tuyau crevé sur les intentions de François Bayrou, qui a annoncé hier "offrir une proposition d'alliance" à Macron, alors que toute la mediasphère attendait qu'il proclame sa propre candidature. Il fallait voir les grands sourires de la petite classe de BFMTV, pour réaliser qu'ils avaient conscience d'assister à un de ces moments de grâce comme seule la politique française en a le secret , et que l'on pourrait résumer (pardon pour les littéraires) par l'équation suivante : belle formule dont la simplicité masque l'ambiguïté + surprise totale = embrouille réussie.

Il y a une mythologie française, de cette "magie du verbe" qui renverse la table, ou fait semblant de la renverser, ce qui revient au même. Pour ne prendre que la Ve République, terreau fertile de la "magie du verbe", l'initiateur de la formule fut Charles de Gaulle. "Je vous ai compris !" lance-t-il en 1958, à peine revenu au pouvoir, aux pieds noirs d'Alger, les plongeant ainsi dans un engourdissement hypnotique pour les quatre années qui suivent, ce qui lui permettra de procéder graduellement vers l'indépendance algérienne. "L'Algérie de papa est morte" constate-t-il l'année suivante, sans que se réveillent les hypnotisés. Deux ans encore plus tard, son "quarteron de généraux en retraite" fait sombrer les putschistes militaires dans un ridicule dont ils ne se relèveront pas.

Après onze ans de récital, le magicien, fatigué, exige des Français en 1969 une réponse par Oui ou par Non à un incompréhensible référendum sur le Sénat et la participation. En deux simples mots, "oui mais", Giscard s'était posé durablement, deux ans auparavant, comme l'alternative de droite, insolente mais respectueuse. Giscard à son tour battu en 1981, son successeur Mitterrand s'embourbe dans une inextricable réforme Savary de l'école privée. Des centaines de milliers de parents et grands oncles d'Eugénie Bastié battent le pavé de Versailles. C'est en sortant de son chapeau un tout aussi incompréhensible "référendum sur le référendum" que Mitterrand enterre à la fois la réforme, et les manifs contre la réforme.

Parfois, évidemment, ça rate. Ne citons que pour le plaisir le "J'ai décidé de dissoudre l'Assemblée Nationale" de Chirac en 1997, qui le condamne, élections perdues, à cinq ans de cohabitation avec Jospin -cohabitation dont il sortira pourtant vainqueur. Du "pschit" au "abracadabrantesque" par lesquels il tente sans succès de dégonfler les affaires qui le concernent, Chirac apparait d'ailleurs comme un magicien particulièrement amateur. De Sarkozy et Hollande, pas grand chose à retenir, sinon un pathétique "avec Carla c'est du sérieux", et un "moi président", déjà oubliés. Et Bayrou, donc ? Ne comptez pas sur moi pour m'elkriefiser. Le spectacle continue.

Je vous ai compris

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