Complots : la vraie histoire de notre série d'été
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Complots : la vraie histoire de notre série d'été

Rassurons tout de suite les inquiets : non, notre série de l'été 2016 n'est pas le résultat d'un complot. Non, les reptiliens n'ont pas pris le contrôle de votre site préféré.

Pourquoi choisir les complots, comme thème de nos émissions d'été ? En fait, nous y pensions depuis l'an dernier. Depuis qu'une de nos invitées, enseignante, invitée quelques semaines après les attentats de janvier 2015, s'était exclamée sur le plateau : "la moitié de mes élèves croient aux Illuminati". De fait, il semble bien que les récits de complots sont plus présents que jamais, dans la vision du monde des adolescents -et de certains adultes, bien entendu. Et tout se mélange : la conviction que les Illuminati gouvernent le monde, et la suspicion sur la carte d'identité "oubliée" dans la boîte à gants par les Kouachi. Tout se mélange, allègrement touillé par les algorithmes de Youtube.

Au pied de cette falaise vertigineuse, que faire ? Première question, faut-il inviter certains de ceux que le système baptise "complotistes" ? Faut-il inviter à débattre des ufologues borderline, des dénonciateurs de la toute-puissance des Illuminati ou du "nouvel ordre mondial" ? Vieux dilemme. Les inviter, c'est risquer d'embrouiller un propos que nous souhaitions avant tout pédagogique. Mais à l'inverse, les éviter, sachant bien que ces récits se nourrissent justement de l'ostracisme dont ils s'affirment victimes, c'est prêter le flanc à des accusations de censure : "vous voyez bien, une fois de plus, on ne nous a même pas donné la parole !".

Inviter des "complotistes" ? Ni oui, ni non

Nous n'avons donc pris aucune position a priori sur cette question de dispositif. Dans nos invitations, nous ne nous sommes pas posé la question du degré d'adhésion de nos invités aux récits de complots, mais simplement celle... de l'intérêt de leur parole, et de leur capacité de prise de distance par rapport à leurs propres convictions. Tout au long de cette série, vous verrez donc aussi bien un invité qui a cru, dans sa jeunesse, à la mort cachée de Paul McCartney, qu'une autre, fermement convaincue que l'oligarchie dirige le monde dans des réunions annuelles tenues dans des grands hôtels (je ne vous donne pas les noms, à vous de les retrouver !)

Evidemment, tous ces récits ne sont pas à mettre sur le même plan. Il est hautement improbable qu'un complot dissimule depuis quatre décennies la mort de McCartney, tandis qu'il est absolument avéré que des industriels, des financiers, des chefs d'Etat (et des dirigeants de medias !) se retrouvent chaque année pour discuter à huis-clos des affaires du monde. Mais un des enseignements de notre série, c'est qu' on est toujours le complotiste d'un autre. Ici-même, sur ce site, ne sommes-nous pas parfois considérés comme complotistes, par certains de nos excellents confrères des medias mainstream, quand nous avons l'outrecuidance d'imaginer que leur actionnariat influe sur leur contenu ? Voici à peine quelques jours, le ministre de l'Intérieur n'a-t-il pas taxé de complotisme le journal Libération, qui enquêtait sur les mesures de sécurité prises à Nice, le 14 juillet ? Où se terminent la légitime investigation, la saine curiosité ? Où commence le stérile soupçon systématique ? Vastes questions !

Ce non-choix a priori nous a été d'autant plus facile, que nous avons évacué la tentation de "réfuter" ces croyances, ou de les "combattre". Tels ne sont pas les buts de la série. Pourquoi ? Parce que notre statut (un media, même marginal, mais un media tout de même, sérieux, fabriqué par de vrais journalistes titulaires de vraies cartes de presse) nous disqualifiait d'avance aux yeux de ceux qui y adhèrent (les medias, tous les medias, sont complices des complots des puissants, c'est bien connu).

Une série pour les parents et les enseignants

Ceux-là ne sont d'ailleurs pas la cible prioritaire de nos émissions. La cible prioritaire, ce sont les parents, les enseignants, qui se jugent désarmés pour réagir à l'adhésion à ces mythologies de leurs enfants ou de leurs élèves. Désarmés d'abord parce qu'ils les connaissent mal. Les Illuminati, les reptiliens, les extra-terrestres : comment, sur quels supports, se répandent ces récits ? Comment évoluent-ils ? Comment sont-ils structurés ? Dans quelles conditions (politiques, sociales, psychologiques) certains publics sont-ils plus réceptifs ? Bref, on ne va pas vous révéler "la vérité sur les complots". On va, plus simplement, essayer de vous raconter la "vraie histoire" de ces récits. Sachant que les derniers mois démontrent la nécessité d'étudier l'histoire des récits de complots, comme l'histoire des religions.

A vous, quand vous aurez vu nos cinq émissions, d'en dégager les leçons que vous souhaiterez. Pour ma part, un premier constat me semble évident : au coeur de ces croyances, se trouve toujours une occultation, petite ou grande. Qu'une institution, quelle qu'elle soit, manifeste une réticence à communiquer, entende garder pour elle des données : voilà la pinède qu'enflammera la première allumette. Le congrès américain tarde à publier un rapport sur les responsabilités saoudiennes dans le 11 Septembre ? C'est donc que ces responsabilités sont écrasantes. Les réunions du groupe de Bilderberg sont interdites à la presse ? C'est bien la preuve qu'elles sont le directoire occulte du monde. Le CNES renonce à publier un rapport sur l'hypothèse de la vie extra-terrestre ? Très louche.

Dès aujourd'hui, notre série commence donc par revenir sur l'histoire des Illuminati. Pourquoi commencer par les Illuminati ? Parce que sur deux siècles et demi, cette histoire montre bien comment un mythe peut non seulement survivre, mais muter en fonction de son lieu d'expression (de l'extrême-droite à l'extrême-gauche).

Certains d'entre vous vont sans doute protester : comment donc ? Pas de sujet plus sérieux à traiter cet été, alors que nos cadres politico-médiatiques craquent de toutes parts, sous la pression des attentats, et des mouvements sociaux ? Une seule réponse : en tant que journaliste, j'ai longtemps adopté une attitude "maximaliste" par rapport aux amateurs de récits de complot. Tu as des preuves ? Montre-les ! Sinon tais-toi ! On n'a pas de temps à perdre avec toi, dans le sérieux champ journalistique. Mais notre site occupant la place qu'il occupe, une telle rigidité est non-professionnelle. Ces récits "infra-médiatiques", nous les retrouvons toute l'année, à chaque pas. Il était donc d'utilité publique de les prendre à bras le corps.

- Emission 1 : "Au XVIIIe siècle, on aurait tous été illuminati"

- Emission 2 : "La question des ovnis est une patate chaude"

- Emission 3 : "C'est aberrant de comparer les rumeurs sur les Beatles et la Shoah"

- Emission 4 : "Le système médiatico-mondial ne supporte pas la discrétion"

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