Charlie / procès : fallait-il relayer l'identité des Kouachi ?
Brève

Charlie / procès : fallait-il relayer l'identité des Kouachi ?

Le procureur de la République de Paris François Molins l’avait annoncé dès le 8 janvier 2015 : ceux qui ont divulgué avant les autorités l’identité des frères Kouachi seront poursuivis. Le procès de quatre prévenus - dont le reporter Jean-Paul Ney, très actif sur twitter - accusés d’avoir relayé photos et noms des auteurs de l’attentat contre Charlie Hebdo (et d'un lycéen finalement innocenté quelques heures plus tard) s’est tenu mercredi 6 juillet. Mais la source de la fuite initiale n'a pas été retrouvée.

Quatre prévenus étaient jugés mercredi 6 juillet à la 17e chambre du Tribunal correctionnel de Paris. Aux côtés de deux policières, Stéphanie D. et Corinne O. (jugées pour violation du secret professionnel et de l’enquête), se trouvaient l’ex-agent de la DGSE Pierre Martinet et le journaliste Jean Paul Ney jugés pour "recel de violation du secret professionnel" après avoir diffusé l’identité des frères Kouachi – et le nom de Mourad H., lycéen accusé à tort d’être soupçonné dans l’enquête.

Tweet issu du compte de Jean-Paul Ney

Qui est à l'origine de la diffusion massive de ces images ? Interrogé par les enquêteurs de l’Inspection générale de la Police Nationale (IGPN), Pierre Martinet affirme avoir diffusé les photos sur les réseaux sociaux... après avoir vu d’autres comptes les publier : "Les photos étaient déjà dans le domaine public, enfin sur les réseaux, qui pour moi sont le domaine public [...] Si j’avais eu les documents en off par une source policière, je ne les aurais jamais diffusés" rapporte le chroniqueur judiciaire Julien Mucchielli. Selon l'AFP, Pierre Martinet "assure tenir ces documents de Jean-Paul Ney, qui pense quant à lui que son co-prévenu «a pu se servir» dans ce qu’il avait publié sur les réseaux sociaux."

Selon les enquêteurs, la policière Stephanie D. et Martinet ont été en contact "étroit " les 8 et 9 janvier. C’est la deuxième policière, Corinne O. qui envoie le message avec les photos à Martinet, "croyant que c’était de l’intox, elle n’a fait que chercher à vérifier l’authenticité de ce qu’elle avait reçu sur son téléphone portable" relate l'AFP. A la barre, les deux fonctionnaires précisent que ces informations circulaient dans la police : des fiches qui auraient été largement relayées par le principal syndicat de police Alliance selon Buzzfeed. "Sur Procès verbal, l’IGPN convient d’un procédé inhabituel, «pas franchement légal mais compréhensible du fait de l’émotion suscitée» par les évènements. Le secret de l’enquête interdit pourtant toute diffusion à quiconque n’est pas impliqué dans l’enquête, ce qui est le cas des milliers de policiers qui ont reçu ces fiches" explique Mucchielli. Le parquet a reconnu ne pas connaître l’origine première de la fuite.

"au final, à quoi cela a-t-il servi ? À neutraliser les terroristes"

"Profession journaliste, métier reporter, carte de presse 100 495, 20 ans de travail sur le terrain. En immersion sur de longues périodes, 1, 2, 3 ans, dans des zones de guerre. Je tiens à préciser que jamais je ne divulguerai le nom de mes sources, c'est un principe pour moi. Je suis prêt à mentir pour ça. Mais je ne le ferai pas" commence Ney qui se défend de toute mise en danger d’autrui : "Mon avis personnel : au final, à quoi cela a-t-il servi ? À neutraliser les terroristes" conclut Ney. Dans la plaidoirie, son avocat Me Torrossian Sevag qualifie Ney de "chien de garde de la démocratie" et accuse "l'autorité en charge de l'enquête" d'avoir "perdu le contrôle de la diffusion de l'information et de chercher des boucs émissaires".

Comme l'explique le journaliste de Buzzfeed David Perrotin, les enquêteurs n’ont pas recherché les sources de Jean-Paul Ney (du fait de sa qualité de journaliste) mais les juges lui reprochent la diffusion de ces informations alors que l’enquête et la traque des terroristes étaient en cours. Ils se fondent sur l’article 10 de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) selon lequel la liberté de la presse peut être soumise à "certaines formalités, conditions ou restrictions" notamment pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles lorsqu’elles mettent en jeu la défense nationale. Cité par David Perrotin, la procureure a détaillé: "M. Jean-Paul Ney nous parle de la protection personnelle dont il a fait l’objet (il a assuré devant les juges avoir eu une protection rapprochée après avoir été menacé, ndlr), il a donc une petite idée de l’aspect dangereux des terroristes. Mais dans ce cas précis, ce n’est plus grave, il considère pouvoir diffuser ces informations même si cela met en danger d’autres personnes."

La procureure a demandé deux mois avec sursis contre les deux policières sans s’opposer à ce que la condamnation ne soit pas inscrite au B2 (extrait de casier judiciaire donné à l’employeur). Contre Pierre Martinet et Jean-Paul Ney, elle requiert 3 000 euros d’amende. Interrogé par Mucchielli, Henri De Beauregard, l’avocat de Martinet, a déclaré: "Il n’y a qu’une seule violation du secret professionnel, c’est celle commise par les policiers de la brigade criminelle". La défense a demandé la relaxe. La décision sera rendue le 12 octobre.

L'occasion de relire ici la chronique de Klaire "Dans l'internet de Jean-Paul Ney"

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