10 ans du 13-Novembre : ces médias qui ont choisi la haine
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10 ans du 13-Novembre : ces médias qui ont choisi la haine

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Quel est le rôle d'un média, dix ans après les plus importants attentats terroristes de l'histoire récente en France ? Raconter. Faire entendre, faire voir la douleur, les victimes visibles et les invisibles, les oublié·es. Documenter, pour éviter l'oubli. Interroger les responsabilités, enquêterFaire mémoire, rendre hommage. Tout cela : sûrement. Mais récupérer le drame à des fins politiques, sûrement pas. Sûrement pas, répandre la haine. Sûrement pas, détourner les yeux de l'horreur ou la minimiser. C'est pourtant ce que l'on trouve dans certaines séquences médiatiques, indignes, en cette semaine de commémoration. 

Indigne, Geoffroy Lejeune, du JDD, sur CNews, qui crache sur le travail mémoriel et lâche, rejoignant l'analyse de l'éditorial : "Finalement la seule promesse qu'on aura tenue de l'époque, c'est «vous n'aurez pas ma haine». (...) Est-ce que les islamistes rasent les murs dans notre pays aujourd'hui ? Non pas du tout, ils ouvrent des écoles, vont dans des émissions parfois, ils continuent leurs discours sur Internet, ne sont pas spécialement inquiétés...". Indigne Yoann Usai, "journaliste politique sur CNews" qui répond, aussi peu précisément que son collègue : "...ils sont à l'Assemblée nationale, ils appellent à l'intifada dans les rues de Paris". Absolument indigne, le "directeur éditorial" de Frontières, qui tweete que des militants "ont rendu hommage aux victimes du Bataclan place du Trocadéro à Paris", alors que lesdits militants hurlent... "Islam hors d'Europe".

Indigne, le Parisien, qui publie cette question, en tweet : "Vers un «apaisement social» entre Salah Abdeslam et les victimes du 13 Novembre ?". Le terroriste, condamné à la perpétuité incompressible, s'est dit prêt à se lancer dans une "démarche de justice restaurative" auprès des parties civiles. Comme si cette annonce, tombée deux jours avant l'anniversaire des attaques, pouvait amener un peu de feel good et masquer la souffrance toujours crasse, celle qu'il faut précisément écouter en ces commémorations. Indignes les prises de parole - comme celle d'Amélie Oudéa-Castéra - qui minimisent, invitent à "évacuer la partie négative du souvenir" et donnent l'occasion à CNews et Valeurs actuelles de souffler un peu plus sur les braises.

Indigne, Arthur Berdah, éditorialiste sur BFMTV et rédacteur en chef adjoint au Figaro, qui affirme que "tout et rien" n'a changé depuis le 13-Novembre. Les "idées" promues par Daech "n'ont malheureusement pas été arrêtées au contraire même". L'éditorialiste s'appuie soi-disant sur le récent rapport sur "l'entrisme" des Frères musulmans en France. Ce texte "confirme" le tableau ("on ne compte plus les attentats commis au nom d'Allah"), soutient Arthur Berdah. En réalité, le rapport est bien plus nuancé, comme l'a indiqué le Monde.

Indigne, la sélection stratégique des discours de rescapé·es, opérée sur Europe 1 ou dans le Figaro. Ces discours ont le droit d'exister. D'être médiatisés. Mais promouvoir, en priorité, les témoignages de survivant·es axés sur l'idéologie (contre l'accueil de réfugiés ou contre les minutes de silence), en plein moment de souvenir, cela s'interroge. Les instrumentaliser à des fins politiques, cela se condamne.

Indigne, la réaction de Gilles Kepel dans C dans l'air à quelques jours de l'anniversaire. Le spécialiste de l'islam et du Moyen-Orient habitué des plateaux réagit alors aux propos d'un autre invité : le journaliste du Monde spécialiste du terrorisme, Soren Seelow. Pour distinguer l'assaillant de l'attaque d'Oléron, polytoxicomane, qui dit avoir "suivi les ordres d'Allah" (attaque qui n'a pas été qualifiée de "terroriste") des assaillants d'attentats effectivement "terroristes", le journaliste explique : "Allah n'est pas le dirigeant d'une organisation terroriste". Ça, répond, Gilles Kepel "il faut encore le prouver", sans intervention de l'animatrice Caroline Roux.

Indigne, le directeur général du think-tank Fondapol, Dominique Reynié, qui déclare sur le plateau de LCI : "L'islam est une religion politique." Et qui s'étonne que la France soit un pays "si peu réactif" à "la poussée objective de la religion qui ne concevra jamais - tant qu'il n'y aura pas une réforme fondamentale qui n'arrivera jamais - la séparation du politique et du religieux." Ce, sous l'approbation de l'animateur Yves Calvi, qui fait "oui" de la tête.

Pour une fois que ces médias généralistes avaient une occasion de célébrer le "faire-Nation" - d'ordinaire si cher à leurs idéaux de France uniforme - ils ont, à nouveau, comme le déplorent certains rescapés du 13-Novembre (David Fritz-Gopeinger ou Arthur Dénouveaux), choisi la haine.

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