Economistes : vendus et incohérents ? (Le Point)
Brève

Economistes : vendus et incohérents ? (Le Point)

Haro sur les économistes. Dans son numéro consacré au "scandale des élites", Le Point s'interroge sur l'indépendance de certains économistes et leurs prédictions à géométrie variable. Le Conseil d'Analyse économique (CAE), officiellement chargé d'"éclairer les choix du gouvernement" est notamment dans le collimateur. Quand certains de ses membres ne sont pas dans une situation de conflit d'intérêts potentiel, d'autres se démultiplient dans les médias quittent à émettre des analyses contradictoires.

Comme le rappelle Le Point, la crise de confiance au sein du Conseil d'Analyse économique (CAE) date de 2009. Cet organisme, composé d'économistes de toutes tendances, publie chaque année plusieurs rapports sur des sujets aussi variés que le système monétaire international, les banques centrales, la valorisation du patrimoine culturel ou encore l'impact économique de l'émergence de la Chine. Avec ces rapports, le CAE a pour mission "d’éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du gouvernement en matière économique". Sauf qu'en septembre 2009, un professeur émérite d'économie à l'Université Lille 1, Jean Gadrey, a semé la pagaille en dénonçant sur son blog hébergé par Alternatives Economiques "les liaisons dangereuses" de deux économistes du CAE. Dans sa ligne de mire notamment Christian de Boissieu, président délégué du CAE qui cumule cette activité bénévole avec d'autres activités qui pourraient rentrer en conflit d'intérêts. Ainsi, ce professeur d'économie à l'Université de Paris I est membre du conseil scientifique de Coe-Rexecode ("centre de recherche proche du Medef" selon Le Point), président de la Commission de contrôle des activités financières de la Principauté de Monaco, membre du Conseil de surveillance de la banque Neuflize OBC, conseiller économique au sein d’un Hedge Fund (HDF Finance), mais aussi au Crédit agricole et chez Ernst & Young France. Enfin, de Boissieu est membre du Comité des Établissements de Crédit et des entreprises d’investissement (CECEI), co-Président du Comité Scientifique de l’Institut Amadeus, think tank « indépendant » établi à Rabat.

Un autre membre du CAE avait été mis en cause par Gadrey à l'époque. Il s'agit de Jean-Hervé Lorenzi, un économiste présent dans de nombreux conseils d'administration comme BNP Paribas Assurance, GFI Informatique ou le Crédit foncier. Et Gadrey de s'interroger : "De telles positions sociales dans les réseaux du pouvoir économique et financier sont-elles susceptibles d’influer sur les représentations et les analyses des économistes qui les occupent ?" "Expliqueraient-elles leur indulgence vis-à-vis de la dérégulation financière qui profite à leurs employeurs ?" se demandait Le Monde diplomatique qui avait relayé la note de blog de Gadrey en 2009.

A l'époque, les deux économistes mis en cause s'étaient émus de ces "attaques personnelles" relevant du "procès d’intention". Deux ans après, interrogé par Le Point, de Boissieu ne digère toujours pas la note de blog de Gadrey : "ces attaques sont totalement injustes", explique-t-il. "Il y a vingt ans, Paribas m'a proposé d'être son économiste en chef. J'aurais gagné beaucoup d'argent. J'ai refusé pour justement me consacrer à l'université. Avec ce résultat : à 64 ans, je ne suis pas imposable à l'ISF et je suis locataire de mon appartement. J'ai effectivement plusieurs casquettes, mais la plupart sont bénévoles".

Des analyses contradictoires ou erronées ?



Parallèlement à ces risques de conflits d'intérêts, d'autres membres du CAE suscitent l'ironie d'économistes pour leur tendance à se démultiplier quitte à livrer des analyses contradictoires. Par exemple, l'économiste Daniel Cohen est "la cible de certains de ses "amis" de gauche", raconte Le Point. "Daniel Cohen, c'est le grand écart permanent. Il est le conseiller de Lazard, cette banque d'affaires qui conçoit des plans d'austérité pour le compte du gouvernement grec, et il multiplie des tribunes dans Le Monde, où il explique l'inverse : il faut privilégier la relance et pas la rigueur. Il passe de DSK à Martine Aubry alors que leurs postures économiques sont contradictoires", tacle Henri Sterdyniak, membre de l'Observatoire français des conjonctures économiques. Sterdyniak s'en prend également à Patrick Artus, directeur de la Recherche et des Études de Natixis et membre du CAE. "Son goût pour les médias et la lumière le pousse à intervenir sur tous les sujets, dans tous les domaines. Alors, forcément, il se trompe souvent. Mais, puisque ça marche, pourquoi économiserait-il sa parole ?". Très critique, Sterdyniak est pourtant lui aussi la cible des sarcasmes d'autres économistes selon Le Point, notamment pour ses écrits où "les déficits sont presque célébrés au nom du volontarisme".

Dans ce qui s'apparente à un règlement de compte à plusieurs niveaux (économistes de banques contre économistes universitaires ou keynésiens contre néoclassiques), aucun économiste n'est épargné par l'hebdomadaire. Mais "la crise a au moins ce mérite, conclut Le Point : elle a prouvé au petit monde des économistes que les belles certitudes volent en éclats. Qu'ils soient rémunérés par les banques ou par l'université".

Et pour découvrir un autre discours économique, moins présent dans les médias traditionnels, consultez notre dossier "Economie : vive les gros mots !"

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