Eric Fassin pour une "séduction féministe"
Brève

Eric Fassin pour une "séduction féministe"

Le débat sur le "féminisme à la française" et sur la séduction se poursuit toujours.

Les précédents débats par tribune interposées se trouvent ici et ici. C'est le sociologue Eric Fassin qui publie aujourd'hui une tribune dans Le Monde, dans laquelle il appelle à une "séduction féministe".

Pour résumer les épisodes précédents, la sociologue Irène Théry, mais aussi les universitaires Claude Habib et Mona Ozouf, défendait ce qu'elles appellent un "féminisme à la française", vantant "les plaisir asymétriques de la séduction". Tandis que Joan Scott, universitaire américaine, spécialiste du féminisme français, s'oppose à cette conception qui assigne aux hommes et aux femmes des rôles différents et affirme que cette vision de la séduction, inégalitaire, a permis le type de comportement de DSK.

Fassin, dans sa tribune, constate tout d'abord un grand changement dans la société française de l'après-DSK : "un mois après l'arrestation du patron du FMI, la France a bien changé : la norme d'hier paraît soudain anormale. Les premières réactions trahissaient surtout une solidarité sociale. Toutefois, leur discrédit immédiat manifestait une rupture d'intelligibilité dans le langage public. Bernard-Henri Lévy, Jack Lang, Robert Badinter ou Jean-François Kahn avaient sans doute le sentiment de parler comme on l'a toujours fait dans les cercles du pouvoir. Il n'empêche: d'un coup, ils sont devenus incompréhensibles. Le paysage commun était bouleversé; ils ont alors semblé des hommes du passé, brutalement dépassés."

"Le choc fait advenir une culture nouvelle, ajoute-t-il. Et beaucoup de s'interroger rétrospectivement : le respect de la vie privée n'aurait-il pas servi de prétexte au déni des rapports de pouvoir entre les sexes? Le rejet du féminisme américain, au nom d'une exception française, aurait-il permis l'exclusion du féminisme tout court? Notre société, si prompte à dénoncer les violences sexuelles, pourvu qu'il s'agisse des banlieues, a-t-elle fermé les yeux sur le harcèlement sexuel à l'Assemblée nationale ou dans l'Université?"

Dans le débat qui a opposé Scott et Théry, il avance un nouvel argument : pourquoi faudrait-il que hommes et femmes aient des rôles définis a priori dans le processus de séduction ? "Sans doute faut-il renoncer au fantasme d'affranchir le sexe du pouvoir: la séduction vise une emprise sur l'objet désiré, à condition toutefois qu'il existe aussi en tant que sujet de désir. Pour être féministe, il n'est donc pas nécessaire de renoncer aux "plaisirs asymétriques de la séduction". En revanche, pourquoi l'asymétrie serait-elle définie a priori, la pudeur féminine répondant aux avances masculines, comme si les rôles sociaux ne faisaient que traduire une différence des sexes supposée naturelle? (...) Au contraire, l'incertitude fait le charme d'un jeu qui consiste à improviser sans savoir d'avance qui joue quel rôle. "La surprise délicieuse des baisers volés" n'est délicieuse que si l'on n'est pas condamné à rejouer sans surprise les rôles assignés à chaque sexe par une convention figée.

Coïncidence: justement, la chronique de Judith Bernard rejoint en partie ces conclusions, et pose la question: le féminisme peut-il penser l'universelle violence du désir?

Partager cet article Commenter

 

Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.

Déjà abonné.e ?

Lire aussi

CHU de Rennes : la double casquette de l'avocat de "Ouest-France"

Le quotidien couvre la crise au CHU sans préciser que l'avocat des accusés... est aussi le sien

Au point presse de l'Élysée, plus d'images des journalistes

L'exécutif ne veut plus que des "capsules" des échanges deviennent virales sur les réseaux sociaux

Simon Collin accusé de viol : la plainte qui secoue "Playboy"

Une plainte pour viol contre Collin, rédacteur en chef adjoint jusque début avril, révèle la "guerre interne" qui fait rage à "Playboy"

Voir aussi

Ne pas manquer

DÉCOUVRIR NOS FORMULES D'ABONNEMENT SANS ENGAGEMENT

(Conditions générales d'utilisation et de vente)
Pourquoi s'abonner ?
  • Accès illimité à tous nos articles, chroniques et émissions
  • Téléchargement des émissions en MP3 ou MP4
  • Partage d'un contenu à ses proches gratuitement chaque semaine
  • Vote pour choisir les contenus en accès gratuit chaque jeudi
  • Sans engagement
Devenir
Asinaute

5 € / mois
ou 50 € / an

Je m'abonne
Asinaute
Généreux

10 € / mois
ou 100 € / an

Je m'abonne
Asinaute
en galère

2 € / mois
ou 22 € / an

Je m'abonne
Abonnement
« cadeau »


50 € / an

J'offre ASI

Professionnels et collectivités, retrouvez vos offres dédiées ici

Abonnez-vous

En vous abonnant, vous contribuez à une information sur les médias indépendante et sans pub.