Un portrait de Thomas Porcher dans Le Monde déchaine les chiens de garde
Brève

Un portrait de Thomas Porcher dans Le Monde déchaine les chiens de garde

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Il a suffi d'un portrait dans Le Monde pour déchainer les chiens de garde. L'économiste antilibéral Thomas Porcher se retrouve depuis plusieurs jours la cible d'attaques, notamment de la part de journalistes de medias traditionnels, qui remettent en cause ses compétences d'économiste. Jusqu'à relayer des parodies.

Il ne fait visiblement pas bon plaider pour une "économie militante" dans les pages du Monde. L'économiste antilibéral Thomas Porcher, reçu en 2014 sur notre plateau à propos des particules fines, était l'objet d'un portrait plutôt bienveillant dans les pages du quotidien début août. Un portrait qui lui a rapidement valu, comme au journaliste du Monde, d'être la cible d'attaques sur Twitter, de la part notamment de journalistes de medias dominants. 

Un portrait plutôt anodin et superficiel, comme la presse en publie des dizaines chaque année. Que racontait ce portrait ? Le penchant de Thomas Porcher, membre depuis 2011 du collectif des Économistes Atterrés, pour les provocations sur Twitter, déjà. Comme ce tweet au lendemain de la victoire des Bleus à la Coupe du monde de foot, un tweet "futile et provoc" dans lequel il "fustigeait l'éventuelle tentative de récupération politique" d'Emmanuel Macron, rêvant "qu'un Bleu refuse l'invitation". Comme conscient de sa propre transgression, Le Monde surligne lourdement les opinions politiques de son sujet : "Porcher, résolument de gauche, se veut alternatif, antilibéral post-keynésien ou marxisant, voire déviant ou mauvais genre". Voilà qui pose les bases. 

Et le journaliste, Laurent Telo, de s'intéresser à sa passion pour... les médias. "Il s'est engouffré à corps perdu dans la grande faille médiatique, raconte le journaliste. De fait, on a rarement vu un économiste courir autant les pages magazine de toute obédience et les plateaux télé. Pour un hérétique revendiqué, ce serait peut-être même un comble, avec le risque éventuel de se transformer en Michel Cymes de sa discipline ou de précipiter sa science dans une émission de téléachat. Pas du tout." Pour le journaliste, Porcher a "tout pour réussir" sur les plateaux : "une bonne bouille, une élocution claire et des punchlines à foison". 

"charlatan", "pseudo-economiste"

Un portrait plutôt bienveillant, donc, et qui témoigne surtout d'une stratégie de notoriété exemplaire de l'ère des réseaux sociaux : c'est en ferraillant sur Twitter, que Thomas Porcher s'est ouvert les portes des plateaux de télévision, et c'est sa présence sur ces plateaux qui, à son tour, lui a ouvert la légitimation d'un portrait dans Le Monde. Mais la réussite de cette stratégie, si commune chez les économistes mainstream, n'a pas été du goût de tous. Alors que des économistes hétérodoxes sont après tout épisodiquement accueillis dans la presse mainstream pour des tribunes libres, est-ce cette fois le genre "portrait" qui a déchainé la meute ? Est-ce le vide du mois d'août ? Rapidement, un certain nombre de personnalités des médias s'en sont pris, manière chiens de garde, à l'économiste... et à l'auteur du portrait. Ainsi du journaliste économique Pierre Briançon :

Un tweet retweeté (liste non exhaustive) par Dominique Seux, chroniqueur éco pour France Inter et directeur délégué des Echos (groupe LVMH) ; le directeur des Echos Henri Gibier ; l'éditorialiste du Point Franz-Olivier Giesbert ; le journaliste de France Culture Brice Couturier ; et Jean-Michel Aphatie, interviewer politique de la matinale de France Info jusqu'en juin 2018 (après RTL, Europe 1, Canal+, et d'autres).

Les attaques se sont succédé ces derniers jours, que ce soit d'anonymes, de patrons comme le créateur du site de rencontre Meetic Marc Simoncini, du fondateur de l'institut Open Diplomacy et ex-en Marche (selon sa bio Twitter) Thomas Friang, ou encore de journalistes, donc. "Charlatan", "pseudo-économiste", les mots sont durs, remettant en cause à la fois le diplôme obtenu par Porcher. Face à ces accusations, remettant en cause sa légitimité universitaire, Thomas Porcher a tenu à rappeler qu'il avait "un doctorat d'économie à la Sorbonne" et "des publications dans des revues internationales classées CNRS (certaines dans le TOP 5%)".

Les compétences du journaliste qui en fait le portrait sont elles aussi remises en cause, Laurent Telo (auteur d'un livre-enquête de référence sur Charlie Hebdo, pour lequel nous l'avions reçu) étant souvent assimilé à un "stagiaire". "Ce sont des gens, Simoncini ou Aphatie, qui ont l'habitude de m'envoyer des piques, explique Porcher au téléphone. Mais là, ça a été très loin." Loin au point... de relayer sans s'en rendre compte un compte Twitter parodique. 

Aphatie reprend un compte parodique du media

Ainsi, on a vu apparaître sur plusieurs comptes, notamment de journalistes, ce tweet, dans lequel une citation est attribuée à Porcher : "les dettes des états sont fictives, rien n'oblige à les rembourser. Exemple : l'emprunt Russe, ou la Grèce, ou bientôt le Venezuela, ces pays existent toujours et on y vit bien".

Or le compte se présente lui-même clairement comme "créateur de fakenews depuis 2017" et "compte parodique". Le compte se moque très régulièrement du Media, notamment de la crise managériale et financière qui secoue la rédaction (les derniers développements sont à lire ici). Il n'hésite pas non plus à se moquer de Jean-Luc Mélenchon... voire, récemment d'Alexandre Benalla

La citation est donc bien entendu fausse. Ce qui n'a pas empêché Jean-Michel Aphatie de s'indigner, dans un tweet rapidement relayé par Michel Grossiord, présentateur la revue de presse de la matinale de Radio Classique (groupe LVMH) : 

"Le Merdia parle beaucoup de moi [ici par exemple, ndlr] parce que ça fait pas mal de retweets. Je trouve ça gratifiant qu'il y ait de la parodie sur mes propos, donc j'ai laissé passer au début, mais que certains tentent de me décrédibiliser avec ça, ce n'est pas possible", raconte l'économiste. 

Porcher, qui avait déjà répondu à plusieurs attaques, n'a donc pas hésité, captures d'écran à l'appui, à pointer du doigt les journalistes qui se sont, selon lui, "ridiculisés" en diffusant ce compte parodique. Rapidement, d'ailleurs le retweet de Grossiord a disparu. Le créateur de Meetic, Marc Simoncini, a lui retiré son tweet reprenant la fausse citation du "Merdia", accompagnant sa suppression d'un "si c'est un fake, je retire". De son côté Aphatie n'a pas supprimé son tweet, mais l'a commenté d'un "Ah ah... mal réveillé. Bon je me recouche". En terme d'excuses, on a fait mieux.

"Ce qu'ils voudraient, c'est que je sois dans mon coin"

Mais à quoi bon répondre à ces attaques ? "Je pense qu'on ne peut pas répondre à tout le monde, je ne réponds pas aux trolls anonymes, mais quand ce sont des gens avec des comptes certifiés, qui ont des positions très élevées dans des entreprises ou dans des médias, je pense qu'on est obligé de répondre", estime Porcher. "Ce qui les embête, c'est qu'ils voudraient que je sois enfermé dans un coin, ou que je prenne une décision à la Frédéric Lordon", qui ne s'exprime pas à la télé (mais n'est pas complètement absent des médias, à travers notamment son blog du Monde Diplomatique).

Jusqu'ici, Thomas Porcher a toujours pris plaisir à interpeller les personnalités sur leurs déclarations dans les médias (ou sur Twitter). Mais aussi à relayer (par tweets ou retweets) ses propres interventions à la télévision, que ce soit au 28 Minutes d'Arte (où il s'en prend à l'économie mondialisée telle qu'elle est menée), sur le plateau de CNews (où il s'en prend aux lobbies, notamment pharmaceutiques), ou encore sur le plateau de Zemmour et Nolleau (où il attaque le programme d'Emmanuel Macron). 

Celui qui, dans les colonnes du Monde défend sa forte présence médiatique, est-il échaudé par la levée de boucliers ? "Pendant des années, on a voulu nous faire passer l'idée que l'économie était une science, rétorque-t-il. Pendant des années des économistes, qui pensaient tous la même chose, ont joué le jeu des médias et relayé cette idée. Moi je pense que c'est bien d'occuper cette place dans les médias, une place de contre-attaque. La preuve, c'est qu'aujourd'hui, si des gens qui ont été à des postes les plus élevés [dans les médias] réagissent de cette façon-là alors qu'ils ont justement des positions importantes, c'est qu'ils ne supportent pas ça". Et Thomas Porcher de conclure : "Le combat est à mener partout : et sur Twitter et dans les débats". Des débats qui sont loin d'être terminés.

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