Le FN, vote de la France périurbaine : simplificateur ?
Brève

Le FN, vote de la France périurbaine : simplificateur ?

Et si le basculement à l'extrême-droite de la France périurbaine était une analyse caricaturale ? Dans un article publié sur Metropolitiques.eu, Violaine Girard, maître de conférences en sociologie à l’Université de Rouen, conteste la thèse, défendue notamment par le géographe Christophe Guilluy, selon laquelle les "oubliés" de la "France périphérique", auraient "le sentiment de subir la mondialisation" et vivraient "une profonde crise identitaire et culturelle", qui expliqueraient le vote FN.



La France périurbaine où vivent des ménages modestes n'a-t-elle pas basculé dans le vote FN en raison du sentiment d'exclusion qu'elle ressent ? "Ce type d’explication, aussi évocateur soit-il, apparaît bien trop simplificateur (...) et tend à homogénéiser des situations en réalité très diversifiées", assure l'universitaire Violaine Girard.

Elle conteste d'abord l'idée même de réunir des électeurs uniquement en fonction de la distance par rapport au centre des agglomérations : cela "revient en effet à agréger des données disparates, sans tenir compte de la diversité des territoires considérés", explique-t-elle. Car l'espace périurbain est loin d'être homogène. Deuxième écueil : la seule prise en compte des pourcentage de voix attribués à chaque candidats, sans référence à l'abstention. Or, ce seul critère laisse "de côté la question des effectifs réels des votants, qui permettrait sans doute de nuancer l’importance des votes FN dans les communes rurales du périurbain", ajoute-t-elle.

Mais c'est surtout "la thèse de la «relégation» ou des «frustrations sociales» des périurbains, mobilisée comme unique sésame explicatif de la montée des votes FN, qui apparaît fort contestable", explique Girard. Cette thèse reposerait en effet "sur des catégories sociologiques grossières, alors que l’on sait que les ouvriers et les employés contemporains appartiennent à des mondes sociaux largement différenciés, ce qui amène les sociologues à préférer parler de classes populaires au pluriel".

Et l'universitaire d'enfoncer le clou : s'il est "absurde de nier qu’une part des ouvriers et des catégories populaires votent aujourd’hui à droite ou à l’extrême droite, on oublie trop souvent que les pratiques électorales des ouvriers se caractérisent avant tout par une forte dispersion, tant des modalités de participation – non-inscription, abstention intermittente ou régulière – que des orientations des votes – entre gauche, droite ou extrême-droite. La situation au regard de l’emploi (statuts stables ou précaires), les qualifications professionnelles ainsi que le secteur d’emploi (industrie, artisanat, secteur des services) ou encore le clivage entre secteur public et privé constituent d’importants facteurs explicatifs des écarts de participation et des divergences d’orientations politiques relevés parmi les groupes ouvriers contemporains".

Mise à jour - 3 mai : Christophe Guilluy tient à nous signaler que son "sujet d'étude n'est pas la "France périurbaine" mais la "France périphérique". Cette France , à l'écart des grandes métropoles" peut être "périurbaine", "rurale" mais aussi "urbaine" (souvent des petites et villes moyennes). Il s'agit en fait de décrire une nouvelle géographie sociale et à travers elle les nouvelles classes populaires. Pour cela je m'affranchis complètement du découpage INSEE (urbain, périurbain, rural) pour décrire de nouveaux ensembles socio-culturels". Et Guilluy d'ajouter : "Sur le fond je suis donc d'accord avec l'auteur de l'article, il y a en effet des espaces périurbains qui ne sont pas "relégués". Il suffit de comparer le "périurbain parisien" (CSP moyen et CSP +) et le comparé au périurbain de Charleville-Mezieres pour se rendre compte de que les réalités sociales n'ont rien à voir".

L'occasion de revoir notre émission sur l'analyse du vote FN avec Emmanuel Todd et Florian Philippot, directeur de campagne de Le Pen.

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