Dailymotion, notre pépite à nous
Brève

Dailymotion, notre pépite à nous

Une pépite. Dailymotion, répètent lémédia en boucle derrière Arnaud Montebourg, qui vient d'en refuser la vente à Yahoo

, est "une pépite française". Ce mot de "pépite". Une pépite est découverte sur un coup de chance. C'est une sorte de miracle. C'est dire si les Français ne s'attendaient pas à découvrir, au creux de la rivière, cette anomalie: une start up qui marche. Qui a conquis un rang mondial éminent. Parmi le pigeonnariat et ses nombreux relais, peu sensibles au scintillement magique des pépites, mais uniquement à leur contrepartie en dollars, ce n'est qu'un cri: quel scandale, cette intervention de Montebourg ! "Dailymotion va mourir", crie par exemple Pierre Kosciusko-Morizet, fondateur de Priceminister, pépite d'achat et de vente en ligne qu'il a récemment vendue à un groupe japonais.

Depuis hier, je me demande: mais que craint Montebourg exactement ? Quelles sont les raisons précises qui ont poussé le gouvernement à s'opposer à la vente de Dailymotion à Yahoo ? Redoute-t-il une baisse des rentrées fiscales ? Mais Dailymotion continuera à faire du chiffre d'affaires en France, et donc à y payer des impôts. Certes, contrôlée par Yahoo, elle fera peut-être davantage "d'optimisation fiscale", et ira peut-être domiciler ses bénéfices en Irlande, comme les copains. Peut-être. Mais cet argument n'est pas évoqué. Craint-on alors pour l'emploi ? Dailymotion, ai-je entendu, emploie 130 personnes. Ce n'est donc pas un enjeu. Alors, c'est une question de contrôle ? L'Etat français tient-il à continuer à contrôler, indirectement, ce mode de diffusion considérable, et dont l'influence ne cesse de croître ? Sans doute. Mais cet argument n'est pas évoqué non plus.

Peut-être cet argument est-il sans doute implicitement englobé dans l'argument plus large de "l'enjeu stratégique". Au paradis du libre-échange dans lequel nous vivons, les Etats s'arrogent le droit de préserver des convoitises étrangères les secteurs qu'ils jugent, souverainement, "stratégiques". Théoriquement, ils ne devraient pas, ce n'est pas dans les règles, mais comme tout le monde fait la même chose, personne ne râle. La vidéo virale, le "non mais allo quoi?" serait donc un "secteur stratégique" ? C'est parfaitement possible, personne ne s'accordant sur la définition exacte du "secteur stratégique".

Ici, sur ce site, je dois reconnaître que nous ne sommes d'ailleurs pas neutres dans la controverse. Toutes nos vidéos, toutes nos émissions, sont hébergées par Dailymotion. L'immense majorité de ces vidéos, accumulées depuis 2008, dort paisiblement, et ne reçoit plus que des visites occasionnelles. Qu'un nouveau propriétaire américain, un jour de ménage de printemps, décide de donner un grand coup de balai dans toutes ces vieilleries, et hop, cinq ans d'archives peuvent partir à la poubelle en un clic, comme les archives que ce photographe argentin, Daniel Mordzinski, avait eu l'imprudence de laisser entreposées dans un bureau du Monde, et qui ont pris la direction du recyclage (je rassure les abonnés, nous avons des sauvegardes. Mais pour les remettre en ligne, bonjour le chantier!) Vous m'objecterez qu'un nouveau propriétaire parfaitement français pourrait donner le même coup de balai inconsidéré. Rationnellement, vous avez raison. Mais on n'est pas seulement dans le rationnel. La croyance dans le pouvoir protecteur de l'Etat tient aussi de la croyance magique. Une sorte de croyance autoréalisatrice, si vous préférez. Il faudrait développer longuement, ce que je ferai peut-être un jour.

Bref, cette question est donc stratégique pour nous, ce que nous savions déjà. Qu'elle le soit aussi pour le gouvernement, c'est une bonne surprise. "La notion de France n'est plus économiquement pertinente", dit joliment PKM, jeune homme mondialisé et moderne. Mais culturellement et psychologiquement, c'est une autre histoire. Heureusement.

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