Sérigny : nouveau conflit d'intérêts pour Eric Woerth ? (F. Inter)
Brève

Sérigny : nouveau conflit d'intérêts pour Eric Woerth ? (F. Inter)

Son nom était déjà sorti: le Canard Enchaîné avait révélé que le "conseiller pour les relations économiques" d'Eric Woerth, Eric de Sérigny, était un ami de Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt. France Inter a réalisé une enquête sur ce conseiller très spécial, diffusée ce vendredi. Elle montre que Sérigny, en tant que conseiller financier, travaille pour d'autres acteurs économiques en lien potentiel avec le ministre du Travail. De quoi laisser supposer de nouveaux conflits d'intérêts. Surtout, il aurait pu influencer le ministre dans la décision d'accepter le licenciement des salariés de Molex, en mars dernier.

Son nom n’apparaît pas dans l’organigramme officiel du cabinet d’Eric Woerth. C'est un conseiller "discret". L’affaire Woerth-Bettencourt l'a fait sortir de l’ombre : le Canard enchaîné et l'Express en ont parlé en premier. Le 30 juin 2010, le Canard enchaîné le présentait comme un “membre infatigable” du “Premier cercle”, le club des donateurs de l’UMP. Un “ami” de Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt. Le 4 août 2010, le Canard révélait que son nom serait apparu lors des enquêtes préliminaires ouvertes dans l'affaire Woerth/Bettencourt, à propos de la légion d'honneur remise à Patrice de Maistre par Woerth. Maistre aurait donné “le nom d’Eric de Sérigny”. Ce dernier “lui aurait promis de s’occuper de sa breloque, après qu’un avocat bien en cour eut échoué dans ses démarches”. L’Express expliquait de son côté que Sérigny avait participé à “la création d’un club sélect, le W 19 (W pour Woerth et 19 pour le nombre de ses membres”, afin d’ “appuyer la carrière politique” du maire de Chantilly Eric Woerth.

Benoit Collombat (France Inter) a trouvé lors de son enquête nombre d'autres éléments concernant la carrière de ce conseiller très spécial. Ils pourraient laisser supposer de possibles conflits d'intérêts.

Ecoutez son enquête :

Premier élement, selon France inter, "Eric de Sérigny est président du directoire d’une société de gestion de portefeuilles, "Alternative Leaders France» dont le président, Bernard Lozé, est lui-même administrateur d’un fonds d’investissement, «Brinon Investissement » présidé… par Patrice de Maistre.

Sérigny est aussi, selon le journaliste, membre du conseil de surveillance d’ «Imérys » (dont le directeur général-adjoint, Jérome Pécresse, est le mari de la ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Pécresse), une filiale d’Albert Frère. Il y cotoie de nombreux dirigeants d'entreprises, dont Robert Peugeot, soutien financier de l’UMP (décoré de la Légion d’Honneur par Woerth). Or, le Journal du Dimanche avait accusé le ministre du Travail, le 27 juin dernier, d'avoir évité une enquête fiscale à Robert Peugeot, après un vol de lingots d'or. Quelques jours après ce vol, les deux hommes avaient dîné ensemble. "Des amalgames, des insinuations absolument scandaleuses", s'était alors défendu Woerth. "J'ai diné dans un restaurant au vu et au su de tout le monde. Il ne m'a pas parlé de cambriolage". Le litige fiscal était ensuite démenti par le cabinet de Woerth.

Conflit d'interet dans les licenciements Molex ?

Enfin, Sérigny collabore depuis juin 2009 avec la société en investissement financier "Athéma ". Parmi les dossiers traités par cette société, une collaboration avec un cabinet d'avocat, Mayer-Brown, qui a conseillé en septembre 2009 la direction de l'usine Molex, alors que les salariés de l’usine s’opposaient à leur licenciement. "Or, le 24 mars 2010, soit deux jours après la nomination d’Eric Woerth au ministère du travail, le ministère accepte le licenciement «pour motif économique» des représentants du personnel de l’usine Molex… contre l’avis de l’Inspection du Travail !" rappelle Collombat. "Le Ministre du Travail a pesé de tout son poids dans ce dossier", souligne-t-il. L’avocat du comité d’entreprise et des salariés de Molex, Jean-Marc Dejean, se dit aujourd’hui «stupéfait» que Sérigny puisse conseiller «à la fois Molex et le ministre», et dénonce «un mélange des genres".

Sérigny assure à l'AFP qu'il n'a jamais "évoqué ce dossier" avec le ministre. Du côté du ministère, on réfute tout en bloc : le ministère s'en est tenu au "strict respect" de la procédure prévue par le code du travail, indique-t-on, selon l'AFP. La direction générale du travail "a considéré que la cessation d’activité totale d’une entreprise constitue une cause économique de licenciement, ce qui était, en l’espèce, le cas de la SARL Molex".

Sérigny, s'est défendu également de tout "problème déontologique", dans un communiqué envoyé à l'AFP. Il assure travailler à titre "bénévole" pour Woerth. Il établit une différence subtile, réfutant le terme de "conseiller économique", et expliquant que sa tâche consiste à "assurer des relations économiques avec des chefs d'entreprises de mes amis". Dans une réponse donnée par mail aux questions de Collombat, il explique que "son rôle auprès du ministre a constitué à réunir 4 fois par an des chefs d'entreprise, (...) pour débattre de divers sujets relatifs à notre économie". Il admet, dans une réponse à l'AFP, avoir participé à des réunions des grands donateurs de l'UMP, mais réfute faire partie du "premier cercle", et être lui-même donateur. Concernant la remise de légion d'honneur à Patrice de Maistre, il réfute l'avoir demandé, mais admet "avoir soutenu sa candidature comme d'autres, car je la trouvais justifiée".

Un élément de plus pour notre dossier : Bettencourt, la milliardaire, le fisc, et le pouvoir

 

 

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