Les médias poussés à faire "des news de merde" par Google
Proxy
  • Avec
    Geoffrey Crété
  • Presentation
    Loris Guémart
Réservé à nos abonné.e.s

Cette émission est diffusée en direct un mardi sur deux à partir de 17 h 30 sur notre chaîne Twitch.

- 2:10 Pour survivre, "Écran Large" assume ses "news de merde" destinées à Google

Mon attention a été attirée lorsqu'au mois de juillet, je croise ce "message de service", publié par le média culturel Écran Large sur Twitter, autant que sous certains de ses contenus. On peut y lire que "tout le monde ou presque utilise Google/Discover, donc tous les médias se battent pour exister sur Google/Discover, sinon c'est la mort assurée", explique la rédaction à propos de l'incontournable moteur de recherche et de son application mobile de sélection d'actualités. Or "depuis plusieurs années/mois, la situation se détériore, il y a de moins en moins de place et sources de revenus, donc les médias se cassent la gueule, et c'est une bataille de plus en plus compliquée". Donc : "Les news légères comme celle-ci marchent à un niveau stratosphérique actuellement, notamment «grâce» à Discover qui a quasiment un pouvoir de vie ou de mort sur les médias." 

Et Écran Large d'en conclure que sans ces "news de merde", il lui serait impossible de proposer aussi des articles de fond, des critiques sur des films peu exposés, ou de proposer des vidéos et des podcasts fouillés. Aucun autre média, à ma connaissance, n'avait jusque-là exprimé aussi clairement une analyse de ce type, alors que la plupart considèrent avoir les mêmes contraintes. De quoi me donner l'envie d'inviter le rédacteur d'Écran Large, Geoffrey Crété, afin d'en discuter.

- 48:20 Les premiers panneaux solaires de toit étaient-ils une fake news ?

Au cœur de l'été, le média spécialiste de l'enquête en sources ouvertes Bellingcat s'est penché sur le mystère de l'invention des premiers panneaux photovoltaïques de toit. Ou plus précisément, sur une photo : celle des "premiers panneaux solaires" installés sur un toit de New York par l'inventeur Charles Fritts, présente au sein d'un publireportage publié dans le Smithsonian Magazine, écrit par deux salarié·es du bureau des brevets des États-Unis. 

Cette photo, et sa légende indiquant que l'inventeur en est Fritts, ont fini dans Wikipedia ainsi que dans quelques dizaines d'articles de rechercheSauf que l'inventeur des panneaux visibles sur cette photo n'est pas Charles Fritts mais Georges Cove, et qu'ils ne datent pas de 1884 mais de 1909, selon un article de Low-tech Magazine publié en 2021, dont l'auteur a retrouvé d'autres photos similaires et dont Bellingcat confirme qu'il s'agit bien des mêmes panneaux, donc bien une invention de Cove – inventeur cependant tombé en disgrâce et dont la réalité de l'invention reste, plus d'un siècle plus tard, à minima sujette à caution.

- 1:01:05 Au Niger, vraie-fausse info de l'AFP sur les ambassadeurs expulsés

Tout commence le 26 août, par la circulation au Niger de documents d'expulsion des ambassadeurs des États-Unis, d'Allemagne et du Nigéria, y compris sur un compte Facebook officiel... puis via des dépêches de l'AFP. Le ministère des Affaires étrangères états-unien dément officiellement, ce que fait aussi la junte militaire ayant pris le pouvoir. Les médias ayant repris la dépêche l'annulent de diverses manières, en faisant part des explications de l'AFP indiquant s'être basée sur "une fausse lettre dont l'authenticité avait été confirmée par le service de communication du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie [CNSP, au pouvoir], qui s'est ensuite rétracté"

D'autres explications viennent ensuite, dans un troisième temps : "La junte nigérienne a bien pris la décision d'expulser, outre l'ambassadeur de France, les représentants des États-Unis, de l'Allemagne, du Nigeria et de la Côte d'Ivoire, indique ainsi par exemple le correspondant régional de RFI. Mais si le courrier concernant le diplomate français est arrivé à destination, ceux des autres ambassadeurs ont été retenus au dernier moment." 

- 1:19:50 "L'homme aux babar", de la presse locale au buzz international

J'étais passé complètement à côté de l'histoire incroyable des statues Babolex et de leur inventeur caennais Vincent Faudemer, jusqu'à croiser l'histoire médiatique contée sur Twitter par le responsable des réseaux sociaux du groupe Publihebdos (Ouest-France), Jean-Baptiste Morel, et l'ex-journaliste chargée de couvrir initialement le bonhomme, Manon Loubet. Il faut dire que Faudemer assurait que ses statuettes d'un Babar revisité à coup de Rolex étaient achetées par les plus grandes stars. Si, à l'époque, le pure player local de Publihebdos en Normandie, n'obtenant que des démentis des stars et institutions que Faudemer mettait en avant (et apprend qu'il avait des ennuis avec le fisc), en vient à ne rien publier, d'autres médias locaux mettent l'homme en lumière. 

Sa trajectoire médiatique est ensuite ascendante, il lance ses Babolex dans le grand bain des NFT et de la blockchain, jusqu'à une couverture de Teknikart en 2022 en passant par un tweet élogieux de Kev Adams en 2021 – aujourd'hui, son nom est mêlé à des projets immobiliers à Dubaï. La suite est racontée par deux médias d'enquêtes : d'abord Warning Trading, spécialiste des arnaques financières (dont on avait reçu le journaliste Philippe Miller dans Proxy), en décembre 2022, puis le Poulpe, site d'enquêtes locales normand en avril 2023. Une histoire insolite sans grand intérêt, me direz-vous ? Oui, sauf qu'en bout de chaîne, il y a des victimes bien réelles, à en juger par le témoignage visible dans cet extrait de l'émission Ça peut vous arriver de Julien Courbet, sur RTL, en février 2023.

- 1:44:34 La Devillers suisse tire sa révérence

"Tactiques médiatiques et coulisses de l'info" : ce dicton, c'est celui de l'émission Médialogues, animée pendant 16 ans sur la radio suisse RTS par le journaliste Antoine Droux, sorte de Sonia Devillers helvète (plutôt que Daniel Schneidermann avec qui je faisais initialement la comparaison dans l'émission). Alors qu'il s'apprête à retourner à ses premiers amours, le journalisme gastronomique, il a donné un entretien sans filtre au média suisse Blick. Pour regretter, entre autres, l'homogénéité sociologique des journalistes suisses.

- 1:56:50 Le climato-optimisme de Nicolas Bouzou dénoncé par un journaliste scientifique

Le 16 juillet dans sa chronique de l'Express, Nicolas Bouzou (celui-là même dont la rémunération par Uber a été dévoilée dans le cadre des "Uber Files") a enjoint à se féliciter des "bonnes nouvelles" concernant les décisions politiques mondiales concernant le dérèglement climatique. Si on doit résumer : tout va dans la bonne direction, les centrales à charbon vont fermer, les prix du photovoltaïque et de l'éolien sont en chute libre. "Cessons de croire ceux qui affirment que rien n'est fait pour lutter contre le réchauffement et que les gouvernements ne prennent pas le problème au sérieux. Le monde va peut-être même réussir à relever un défi historique, existentiel. C'est enthousiasmant !", conclut-il. 

Un mois plus tard dans son blog hébergé par le Monde, le journaliste scientifique Sylvestre Huet arrose d'eau glacée cet enthousiasme. "Nous n'avons pas changé de direction, nous allons toujours droit vers le mur de la catastrophe climatique, nous y allons seulement un peu moins vite. Mais pas assez lentement pour que le choc ne soit pas violent, surtout pour les populations pauvres, conclut-il pour sa part. Et si Nicolas Bouzou ne veut pas voir cette réalité, c'est probablement parce qu'il rechigne devant les transformations sociales nécessaires pour changer de direction."

- 2:06:50 Combien coûte un publi-reportage dans les grands médias ?

Grâce à Develink, une plateforme de "netlinking" (comprendre : de contenus publicitaires natifs sous forme de publi-rédactionnels, je vous avais déjà parlé des concurrents Getfluence et ereferer), on (re)part à la découverte de ce qu'il en coûte de publier à peu près n'importe quoi pour se promouvoir dans les grands médias : 750 euros chez la Tribune, 1390 euros dans le Point, 1 600 euros chez Grazia, 800 euros sur CNews, 2 900 euros pour BFMTV, 1 300 euros pour Challenges, 1 500 euros dans les titres du groupe Prisma (Neon, Geo, Gala, Femme Actuelle), 1 200 euros dans la Croix ou 1 100 euros dans Closer. Presse locale comprise, ici la Voix du Nord (490 euros), le Progrès (1 450 euros). Et la Provence (600 euros) qui publie à une semaine d'écart un publireportage pour le festival marseillais Kouss kouss puis un article d'annonce dudit festival – de quoi jouer au jeu des sept différences.

- 2:52:00 FAQ : quand un courriel fait modifier une chronique

Je vous raconte comment, par un courriel, Jean-Paul Farruggia m'annonce une erreur dans une chronique d'Alain Korkos remontant à 2016, avec pour point de départ la nécrologie dans le New York Times de Margaret Heldt qui "fut l'inventrice de ce vertige capillaire des années 60 qu'on appelait choucroute", écrit Korkos. Sauf que non, m'apprend Farruggia, la choucroute a été inventée en 1956 par Jacques Dessange, sur la tête de Brigitte Bardot dans Et Dieu… créa la femme. Même si la beehive de Heldt a emporté (de loin) la bataille médiatique et historique. Jusqu'à une chronique d'Arrêt sur images, donc, qu'il m'a fallu corriger. Et l'affaire a eu une suite, que je vous conte dans l'émission suivante !


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