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Un voyage dans les musiques de films

La mort du compositeur anglais John Barry est l'occasion de rappeler le rôle prépondérant de la musique dans le souvenir cinématographique (exemple de James Bond, évoqué par une simple signature musicale). Et si toutes les musiques imaginables ont été utilisées au cinéma, tous les styles n'y sont pas égaux. Formé au Jazz et à la Pop, John Barry a dû, comme beaucoup d'autres, suivre des règles instituées par la musique symphonique d’inspiration austro-hongroise qui, 80 ans après son arrivée à Hollywood, continue de fournir les bases quasi-incontournables du genre.

Derniers commentaires

Na mais je suis bête et tout (jamais fait de musique de ma vie, pas même la traditionnelle turlut au collège) mais bon, quand Rafik dit austro-hongrois, je présumais qu'il parlait de la nationalité des principaux musiciens qui ont fait la musique d'Hollywood, pas de l'historique des influences depuis le néolithique. Nan ?
John Barry était l'ancien mari de Jane Birkin, qui l'a quitté pour Gainsbourg.

Bizarrement, j'ai toujours qu'il y avait une similitude entre le thème de "James Bond" et les arrangements du "Poinçonneur des Lilas" :

John Barry : http://www.youtube.com/watch?v=Ii1tc493bZM

Serge Gainsbourg : http://www.youtube.com/watch?v=StI_p567_NE&feature=related

J'ai un peu la même impression (peut-être même en plus) avec "L'eau à la bouche" : http://www.youtube.com/watch?v=TojXB8uOiA4&feature=related

Est-ce juste le fruit de mon imagination ?
Excellent article sur John Barry - où comment ne pas faire forcément une thèse tout en étant informatif et précis.

Où l'on apprend par exemple que " « JB » était un obstiné : il a toujours tenu tête aux réalisateurs, étant sûr de lui et de ses idées. Personne ne pouvait influer sur la perception musicale du grand chef à la baguette d’or."

En opposition, donc, à la formulation "John Barry a dû, comme beaucoup d'autres, suivre des règles instituées par la musique symphonique d’inspiration austro-hongroise". Non, John n'a pas été obligé de suivre des règles...
Je viens d'écouter l'extrait de Danse avec les Loups. Et s'il est vrai que l'influence germanique ou viennoise ne se fait plus (trop) sentir dans le style americana, je ne peux m'empêcher d'associer ce genre à la période américaine de Dvorak (lui-même influencé par le folklore américain). Une sorte d'aller-retour, en somme.
J'apporte aussi mon grain de sel. Il est toujours mal aisé de parler d'écoles esthétiques au XXe siècle. Certes, la musique holywoodienne est très influencée par Wagner, Mahler, Strauss, par Ravel, Stravinsky, Debussy, voire Bartok (peut-on ajouter Janacek? je ne sais pas, trop peu de culture en musique de film). Mais elle est surtout à l'image de la nation américaine: un melting-pot.
La seule école qui n'est pas influencé la musique de film américaine, c'est l'Ecole de Vienne (Schoenberg, Berg et Webern). Et cela, c'est très important car la musique de film se doit d'être "facile" d'écoute. Cela a pour conséquence que le style de l'avant-garde n'a jamais eu trop sa place dans le cinéma (sauf notamment chez Kubrick), même si cela va un peu mieux maintenant.
En parlant de cela, la remarque de Rafik (« mais n'est-ce pas là la raison d'être [ = être bourgeoise] de la culture viennoise ?») me fait tiquer. Non, la musique viennoise n'est pas bourgeoise. Ecoutez les trois viennois cités plus haut (ce que vous avez déjà fait, je pense) et vous jugerez que cela est loin d'être bourgeois. C'est le choix de l'industrie cinématographique de l'époque, qui est bourgeois.
La plus belle bande bande originale de film est probablement "The thin red line" de Terrence Malick.
Bonjour, et merci Rafik pour cet article, c'est toujours aussi intéressant de vous lire. Pas de pinaillages intempestifs (un salut cordial aux petits Torquemadas du forum), juste une question : pourquoi ne pas faire une émission type 'Dans le Film' autour de la musique de film (et des notions de diégèse, intra-diégèse et.), qui me semble avoir toute sa place sur ce site?
Keep up the good work!
Chronique passionnante, comme souvent !

"Prochaine chronique: années 60-70, la mort de l'Empire austro-hongrois."

...J'attends avec impatience !

J'espère aussi que Rafik nous touchera quelques mots de l'utilisation diégétique de la musique, bien différente de la simple illustration. J'ai en tête quelques séquences très réussies où la musique est inclue dans l'action, voire y joue un rôle prépondérant, et apporte un je-ne-sais-quoi qui rend une scène intense, en vrac :

- "Que sera sera" chantée par Doris Day dans l'Homme qui en savait trop (elle chante pour signaler sa présence à son fils séquestré à quelques pièces de là) ou dans le même film, l'attente du coup de cymbale dans l'orchestre, qui correspond au moment où l'assassin doit tirer, et qu'on attend tout en le redoutant.
- La scène de torture dans Le bon, la brute et le truand (l'orchestre joue pour cacher les cris, et "plus l'orchestre joue fort, plus Wallace cogne"). Pour continuer avec Sergio Leone on pourrait parler de l'homme à l'harmonica, qui balance sa mélodie lancinante comme le leitmotiv de sa vengeance, ou encore la petite boite à musique qui accompagne les duels de "l'Indien" dans "Et pour quelques dollars de plus..."
- Dj Cut Killer qui installe sa sono a sa fenêtre dans "La Haine" et fait résonner sur les murs d'une cité transformée en poudrière un mémorable mix "Nique la Police (assassin) / "Je ne regrette rien" (Piaf)...
- Alex rendu fou et physiquement malade par la 5eme symphonie de Beethoven dans Orange mécanique...

Voilà pour ce qui me vient spontanément, à chacun de compléter la liste avec ses exemples...

Je suis sûr que Rafik saura nous en dire quelquechose d'intéressant !
La jeune fille et la Mort, de Roman Polanski ... où la musique est à la fois le titre, le personnage, et l'action du film.
Oui c'est vrai !
Super film.
- "Je ne regrette rien" de Piaf servant de déclencheur dans Inception

- "Je ne regrette rien" de Piaf servant de déclencheur dans Inception


pour le protagoniste oui, et pour le spectateur elle sert inconsciemment de piège, sans doute que le cerveau perçoit cet extrême ralentissement du début de la chanson.
Je pense spontanément à l'usage en filigrane de Brazil dans "Brazil", usage un peu équivalent aux chansonnettes de 1984 mais assez important pour constituer le titre ironique du film. Et bien sûr, les chansons utilisées comme signes de reconnaissance entre personnages, du "As time goes by" de "Casablanca" au "Tea for two" de "La grande vadrouille", en passant par "Time is on my side" siffloté par les possédés de "The Fallen". Ou aux marqueurs temporels dans "Il était une fois en Amérique", aux sifflotements de "M le maudit" (si je ne m'abuse), aux efforts de communication dans "Rencontres du 3ème type" et "Mission", et même au final de "Pirates" avec une version de "Il était un petit navire" qui se fond dans la musique (recyclée) de "Attention une femme peut en cacher une autre". Sans parler de toutes les scènes où Holmes empoigne son violon. Si on tire la ficelle, ça déroule de grosses pelottes, jusqu'aux simples pauses chantées à la frontière de la comédie musicale mais qui n'ont pas de rôle narratif très fort ("Rio Bravo", "Les portes de la nuit", etc). La distinction est peut-être une question de degré. La musique étant une activité (active ou passive) de bien des humains, leur histoire passe facilement par des séquences où ils s'y adonnent de façon plus ou moins gratuite ou plus ou moins signifiante ("J'attendrai" dans "Das Boot", "Underneath the mango tree" dans "Doctor No", etc)...

Il y a de quoi jouer.
je citerai pour ma part un requin qui se retrouve constitué même quand il n'est pas là par deux notes, entêtantes, inquiétantes, dévorantes :) ou encore dans le film que perso j'aime au point d'avoir vu plus de 20 fois facilement, Hudson Hawk avec Danny Aiello et Bruce Willis (entre autres) dans lequel les deux cambrioleurs joués par ces acteurs combinent l'action de la durée de leurs méfaits sur des grands classiques et ce pratiquement parfois en une sorte d'isochronie "musicale", c'est à dire que la musique joue sans interruption, même si le temps de la diégèse et donc du découpage peuventt passer par certaines ellipses.
Les deux notes ne sont pas "dans le récit", audibles par les protagonistes. Tu dois confondre avec le crocodile de Peter Pan. Ou un autre monstre qui joue sur le même principe du transistor-dans-le-nez-du-marsupilami (était-ce dans Jurassic Park qu'un dinosaure s'annonce par la radio qu'il a avalée, ou confonds-je avec autre chose ?). En revanche, j'avais pensé à l'utilisation de la chanson qui suit le récit de l'indianapolis, et fait vraiment baisser la garde jusqu'aux coups de butoir du requin. Et oui, l'idée du synchronisme chansonnier dans Hudson Hawk est assez brilliante (même si je n'ai pas aimé grand chose d'autre dans ce film).

Dans le dernier "Doctor Who" en date, [spoilu : un requin volant se laisse domestiquer par une chanson]. Mais ça, c'est encore autre chose...
oui le crocodile de Peter Pan aussi, mais le tic-tac annonce son arrivée ou sa présence hors-champ mais pas forcément un point de vue de ce dernier, d'ailleurs si je ne me trompe pas, il n'y a aucun PDV du croco dans Peter Pan pas plus que dans Hook et pour cause, Alors que les deux notes personnifie le requin, ce qui est différent je trouve. Une caméra sous-marine sans les deux notes ce n'est qu'une caméra sous-marine, même un mouvement de caméra n'est pas forcément perçu comme le requin, mais peut être un mouvement d'un point de vue omniscient.

ce sont véritablement les deux notes et la mélodie et la rythmique autour de ces deux notes qui font naitre dans l'esprit du spectateur que la caméra en question devient un PDV Requin et l'aide à ne pas confondre PDV omniscient et PDV d'un "personnage"

edit : oki je n'avais pas vu que le distingo était fait entre "audible pour le spectateur" et "audible ou usité par le protagoniste". Au temps pour moi
D'un autre côté, http://www.youtube.com/watch?v=dl_SwdxTl2A ...
haha merci.
trés drôle en effet :)

maintenant il serait intéressant si Rafik fait une émission sur le son de parler justement de ces différentes utilisations du son et de la musique, qu'elle soit extradiégétique, intradiégétique, qu'elle soit un code pour le spectateur ou pour le personnage, bref, tout ce qui permet de rendre la musique aussi narrative que l'image.

et pour répondre à ta question, ce n'est pas dans Jurassic Park qu'un dinosaure mange une radio, tu dois confondre avec un autre film de monstre (genre Tremors) ou peut-être avec Jurassic Park 3 (que je n'ai personnellement pas vu)
et pour répondre à ta question, ce n'est pas dans Jurassic Park qu'un dinosaure mange une radio, tu dois confondre avec un autre film de monstre (genre Tremors) ou peut-être avec Jurassic Park 3 (que je n'ai personnellement pas vu)

Bon, alors ce truc va m'énerver. J'espère que ce n'est pas tiré d'un rêve (à moi ou pire, raconté par quelqu'un).
Et sinon, y'a quoi comme musique de film qui tourne actuellement sur vos platines ?
Pour ma part : "Poltergeist" de Jerry Goldsmith et "Somewhere in Time" de John Barry
Le dernier des Mohicans de Trevor Jones, WOW et Munich de John Williams, accessoirement Inception et Batman Begins de Hans Zimmer, Rock de Harry-Gregson Williams et Hans Zimmer, The Island et Transformers de Steve Jablonski, Speed Racer et les Indestructibles de Michael Giacchino.

Le dernier des Mohicans de Trevor Jones, WOW et Munich de John Williams, accessoirement Inception et Batman Begins de Hans Zimmer, Rock de Harry-Gregson Williams et Hans Zimmer, The Island et Transformers de Steve Jablonski, Speed Racer et les Indestructibles de Michael Giacchino.


J'ai bcp bcp de mal avec l'Ecole Zimmer. Je trouve ca horriblement répétitif et très limité dans le langage
(j'ai pas réussi à écouter plus de 10mn de la BO de Inception).

Une des rares BO que je trouve réussie des rejetons Zimmer c'est celle de DRAGON. A 1 ou 2 synthé près, je trouve cette BO enthousiasmante.
(en réalité, ma grande angoisse, c'est que la chronique de Djoumi se termine en apologie de mediaventures, parce que là ça va être un peu le bain de sang)
il y en a au moins 3 que j'écoute qui ne sont pas de l'écurie Zimmer, parlons de ceux là :) Giacchino, Williams, et Jones.

après je suis trés éclectique dans mes écoutes de BO, ça va de Bernard Herrmann à Daft Punk ou Mr Oizo, mais en ce moment on va dire que j'aime écouter l'école Zimmer parce que cette musique, même simpliste et répétitive me donne quand même des frissons.
- Vampyros Lesbos de Manfred Hubler & Siegfried Schwab : musique pop psyché pour ce film étonnant de Jesus Franco.

- Alien 3 de Elliot Goldenthal : un truc bien flippant et un peu expérimental.

- Anna de Serge Gainsbourg : j'adore ce disque résolument pop, avec un Brialy qui chante n'importe comment, et une Anna Karina sensuelle à souhait.

- les rééditions de François de Roubaix réalisées par Stéphane Lerouge : des merveilles d'inventions.

- Antartica de Vangelis

- Mission to Mars de Morricone : film maudit de DePalma (que personnellement j'aime beaucoup) qui est servi par une BO splendide - un peu recyclée certes, mais n'empêche...
c'est bien dans Jurasik Parc 3 il me semble. mais le dino a avalé un portable (et son possesseur) donc c'est bien le même principe que dans la version Disney de Peter Pan. (et c'est surement un hommage)
Ok, merci. Un peu moins musical que dans mes souvenirs, mais au moins je peux cesser de fouiller jusque dans des comics improbables du genre que si j'y avais trouvé la séquence je crois que j'aurais fait semblant de chercher encore...
J'allais oublier un exemple, et non des moindres !
L'attaque des hélicoptères sur fond de Chevauchée des Walkyries, dans Apocalypse Now... Ou comment résumer en une scène le cynisme de la guerre... (le film "De l'or pour les braves" avait déjà employé le procédé, d'une façon plus légère, 10 ans plus tôt, mais là c'étaient des chars qui attaquaient en diffusant un fond de musique populaire).
Série qui se conclura fin février, avec le sacre aux Oscars de Trent Reznor & Atticus Ross et de leur musique pour The Social Network. Ou comment le parrain du Rock Industriel montre la voie pour des musiques de film vraiment originales (dans les deux sens du terme).

http://nullco.com/TSN/
C'est dommage aussi qu'il n'y ait pas un mot sur la musique du cinéma indien. Je me passe souvent les scènes de "Pyaasa-L'Assoiffé" de Guru Duttt, surtout celle du théâtre (où le poète, interprété par Guru Dutt, considéré comme mort, revient pour écouter une "oraison funèbre" de ceux qui l'ont pourtant totalement rejeté, lui et son œuvre).
[large]La musique adoucit les moeurs.
Enfin il parait ...[/large]
Très intéressante chronique, merci beaucoup à Rafik Djoumi.

Mais (il y a toujours un mais...) j'ai quand même failli m'étrangler (j'étais en train de manger) quand j'ai lu ceci:

... tandis que Dmitri Chostakovitch compose près d’une quinzaine de partitions pour le grand écran. Cette musique pour films soviétique est néanmoins tenue par les rênes du réalisme socialiste imposé par Staline. Son rapport aux images s’en tient donc à l’abstraction intellectuelle, au symbolisme approuvé par la cause révolutionnaire (souvent par le jeu du contrepoint musical). Il est hors de question, pour ces compositeurs, de céder à un quelconque sentimentalisme qui leur vaudrait l’accusation de "formalisme bourgeois" équivalent à une mise à mort. Cette terreur sourde [...] va très largement contribuer à la stagnation, voire à la régression musicale, suite à quelques mois d’expérimentation tous azimuts.

Mékeskidi ??!!?!? Mais ça va pas non ?

D'abord, Shostakovich en a fait plutôt fait au moins 36, de musique de films, pas "une quinzaine". Mais peut-être vous arrétiez-vous à 1939 (début, parce que ça fait 16 si on compte l'année 39 en entier : il en a fait deux cette année là).

Ensuite, et c'est cela qui m'a le plus choqué, il y a le "Il est hors de question, pour ces compositeurs, de céder à un quelconque sentimentalisme " et la "stagnation" après quelques mois. Ben mon bon monsieur, on n'a pas écouté les même musique de films de Shostakovich. Pour le sentimentalisme, rien que dans Ovod (Le Taon, The Gadfly, 1955), c'en est plein de musique sentimentaliste (comme la romance, la nocturne, etc.), et la scène Cuuuuûûlte où le cardinal s'entretient avec le révolutionnaire (le fameux "Taon") alors fait prisonnier, et ... qu'il découvre que c'est son propre fils (*). La scène est totalement sans musique jusqu'à ce coup de tonnerre symphonique terrible, qui s'enchaine (au moment où le prisonnier dit "Padre!") sur un pizzicato sublimant la plainte nostalgique des cordes. Rhâââ, trop bon !!! (et acteur principal absolument exceptionnel).

Et la stagnation de quelques mois ? C't'uneblaguenon ?
Certes il y a eu de sacrées expérimentations dans les années 30, comme Odna (Seule, Alone, 1931), musique hallucinante, par exemple avec l'utilisation du Theremine, premier instrument électronique (la musique dans la tempête de neige est terrible), musique à foutre une crise d'apoplexie à un Austro-hongrois.

Et La nouvelle Babylone (1929), le premier.

Mais ce n'est pas parce qu'il y a eu de telles expérimentations au début que la suite ne vaudrait pas grand chose. C'est toujours au début qu'on expérimente, après on prend ce qui semble le mieux compte tenu de l'expérience acquise lors des expérimentations. Sinon à quoi ça sert d'expérimenter si c'est pour oublier tout de suite sous prétexte de toujours expérimenter ?

Quand j'écoute Gadfly (déjà décrit), Hamlet (1964), 5 jours 5 nuits (1960), certaines parties du Young Guard (1948), je ne trouve absolument pas qu'il y ait stagnation. C'est du grand et beau Shostakovich.

Ok, The Fall of Berlin, c'est effectivement de la musique de propagande soviétique, mais c'est un peu le thème unique du film (n'empêche que le "Storming Seelov Heights (Zielona Gora)" est quand même sacrément bien).

Et ne venez pas me dire que toute cette musique n'est que de l'Austro-hongrois (même si bien sûr une partie l'est).

Allez, je vous pardonne, personne n'est omniscient, personne n'est parfait. Pour la peine, vous allez gentiment me faire prochainement une superbe chronique rien que sur les films russes ayant eu un certain Dimitri Shostakovich comme compositeur de leur musique. ;-)

(*) oui, il y a un cardinal qui a un fils (fruit de ses oeuvres...) : c'est quand même un film soviétique, hein, fallait quand même s'y s'attendre, à ce que l'Eglise se fasse ridiculiser.
(N'empêche, plus Djac rouspète sur ce forum, moins il a d'excuses pour dégager d'un revers de "ah mais j'aurais rien d'intéressant à dire moi" les persistantes demandes populaires d'une chronique Baweurienne régulière sur les effets musicaux dans les séquences de films, documentaires, sujets tv. Et plus je le hais donc.)
Très jolis les diaporamas à la fin... et éclairants !
merci !
J'ai révisé et appris plein de choses.Merci Rafik.Rassurez-vous Djac,vous n'êtes pas un donneur de leçons.Par contre,je n'aime pas beaucoup les pseudos redresseurs de torts que je trouve fatigants .
Pour répondre à une prise de bec plus haut, personnellement, ni la forme ni le fond du texte de Djac Baweur ne m'ont gêné.

Je l'ai pris comme un désir d'amener des précisions et de rétablir des subtilités à la suite d'une chronique qui, effectivement, est le condensé brutal, forcément vulgarisateur, d'une Histoire nettement plus complexe.
(je pense que "condensé brutal" pourra faire sourire Daniel, lui qui a failli tourner de l'oeil quand il a découvert la longueur de mon texte. Il m'a donc gentiment proposé de le scinder en deux parties. La seconde partie ressemble donc plus à une conclusion qu'à un nouveau voyage dans la musique de film des années 70 à 2000.)

Ceci dit, pour répondre à quelques points :

- j'ai choisi l'angle de "l'Empire austro-hongrois" parce qu'il met en lumière une influence culturelle bien localisée, à la fois dans l'espace et dans le temps, et qu'il offre un contraste, facile à appréhender pour le lecteur, avec la "culture hollywoodienne" qui se forme durant ces années à Los Angeles. Je me suis donc servi de la nationalité des trois compositeurs principaux cités dans cet article. Mais il va sans dire que leur bagage musical se mêle étroitement à celui de leurs voisins allemands et qu'ils connaissent aussi bien les contours du poème symphonique tel qu'il existait en France (Berlioz) ou en Russie (Rimski-Korsakov)

- Concernant Wagner, son influence (énorme) sur la structure de la musique de film équivaut, à mes oreilles, à son influence sur la musique tout court. Et c'est vrai que, son omniprésence est telle que je n'ai pas pris la peine de le citer (je ne le cite même pas dans la seconde partie, au sujet de Star Wars, film qu'il a pourtant inspiré sur un plan plus que musical). J'ai préféré m'en tenir aux influences directes des compositeurs cités; via leurs professeurs notamment.

- Rien à rajouter sur ce que vous écrivez au sujet d'Aaron Copland. Précisons toutefois que, parmi les films sur lesquels il a travaillé, Le Poney rouge (1949) est celui qui flirte le plus ouvertement avec le genre du Western. Mais cela n'aura pas suffi, à l'époque, à imposer ce style sur un genre qui pourtant l'appelait de tous ses vœux.

- Concernant le rapport des patrons de studio à la musique, ce que je soulignais était leur méfiance vis-à-vis d'une musique qu'on pourrait qualifier de "locale". Je n'ai jamais suggéré qu'ils se détournaient des grands compositeurs de l'époque (Korngold en est un exemple tout de même). Et lorsque vous citez les nombreuses biopics qui se font à l'époque sur les compositeurs, ceci rejoint ce que je disais concernant la place de la musique dans le cinéma américain des années 30; elle doit "justifier" de sa présence. Il ne leur serait pas forcément venu à l'idée d'engager Stravinsky pour qu'il compose "l'underscore" d'un film de gangsters par exemple (et d'ailleurs, ce dernier aurait-il accepté ?)
- Dans le même ordre d'idée, Irving Thalberg (qui, justement, est l'un de ceux qui ont aidé les patrons de studio à s'émanciper de leurs modèles de la vieille Europe) tentait régulièrement de monter des opérations de prestige. Mais ce faisant, en important des grands noms de la scène vers le cinéma, il faisait ce que faisaient ces patrons; il habillait le cinéma d'un prestige venu d'ailleurs, et d'Europe notamment.

- Enfin, concernant le terme "intègre", je l'ai tout simplement chipé dans le livret du CD de la musique des Grands espaces. Je ne sais pas s'il veut dire quelque chose "musicalement", mais il m'a semblé qu'il désignait assez bien la tenue mélodique des morceaux de Moross, la régularité des mesures, et qu'il correspondait assez bien à la mentalité de l'Ouest que cette musique avait la prétention de capturer.


Voilà, pour dire qu'en résumé je suis bien d'accord avec les évènements que Djac rapporte dans son post; mais je pense qu'ils ne contredisent pas les différentes propositions de la chronique.
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Remarquable article où l'érudition le dispute à la pédagogie, et où l'humour discret nappe délicieusement la profondeur du sujet. Et puis, comme toujours, la modestie de l'auteur lui épargne la cuistrerie. Ce qui n'est pas le cas de certain commentateur bien lourd (et long).
Comme souvent, ces chroniques permettent de redécouvrir des films sous un nouvel angle. Grand amateur de musiques de films, je n'avais pourtant pas du tout été attentif à cet aspect-là dans "King Kong" et les "Frankenstein" de James Whale. Il va y avoir re-visionnages.

Sans vouloir trop commenter sur ce qui n'est qu'un chapitre de chronique, j'aimerais juste placer 3-4 trucs :

1) J'ignorais cette expression de "mickeymousing", pour une approche musicale (certes un peu désuette) dont je suis pourtant assez fan. On peut déjà mentionner que c'est resté très présent jusqu'à récemment (on le retrouve encore souvent chez l'indémodable John Williams), et que le très très cruellement regretté John Barry jouait volontiers de ces effets. Une façon de lui rendre hommage en illustrant cela serait de mettre en ligne la scène exemplaire de l'araignée dans "Doctor No", où un James Bond crispé reste immobile dans son lit en attendant qu'une mygale finisse de se promener sur lui, avant bondir et de l'aplatir avec une chaussure : la musique de suspense se termine alors avec des ploum ploum parfaitement sychrones avec les coups de chaussure, ce qui me faire rire à chaque fois.

2) Deux exemples modernes -mais très différents- de la fusion entre musique et effets sonores me sont venus à l'esprit en regardant cet extrait de "Captain Blood". D'un côté les génériques de Morricone intégrant des coups de feu dans "Le Bon la Brute et le Truand" ou des sabots et des feulements de pumas dans "Sierra Torride", effets sonores absents des bandes originales publiées sur disques. D'un autre côté l'étrange musique métallique de Maurice Jarre qui, dans "Mad Max 3", se situe entre l'accompagnement musical destiné au spectateur et l'environnement sonore urbain et technologique des habitants de Bartertown (en particulier 1:20 à 3:20 - dans l'idéal il faudrait pouvoir voir le panoramique qui révèle en simultané cette cité industrielle de bric et de broc).

3) Une autre référence pour les bandes originales sur internet : j'utilise beaucoup Soundtrack Collector de mon côté.

4) Pour les plus anglophones. Sur son remarquable blog, Djak Notre Bon Djak nous avait renvoyés à un spectacle pédagogique de Bill Bailey dans lequel le géantissime comique musical britannique décrypte l'effet d'évocation de certains instruments symphoniques et de certaines formules, à grand renforts d'exemples dans la musique classique et dans la musique de film, et de va-et-viens entre les deux. Il a été ôté de youtube pour des raisons de copyright, mais on le trouve encore ici (pour nous autres qui ne sommes pas près de le voir arriver en DVD). Sans vouloir trop anticiper sur les années 70, son sketch sur les musiques à la Schifrin (en particulier la série Starsky & Hutch) est aussi visible ici.

Me réjouis de lire les chapitres suivants.
J'ai du mal à comprendre pourquoi tant insister sur le terme "austro-hongrois", alors que le style dont parle l'article est puisé en partie chez Brahms et Strauss que vous citez, certes, (mais qui sont allemands !!), mais aussi et surtout chez celui qui a fasciné et centralisé toutes les attentions au XIXe chez tous les compositeurs (que ce soit par amour ou par rejet), j'ai nommé Wagner, qui est, lui aussi, allemand !
L'influence majeure vient de là, tant du point de vue dramatique (les leitmotives - c'est lui ! - et leur développement, ou la mélodie continue), que de l'orchestration (les nappes de cordes, les cuivres, les plans sonores) et de l'harmonie tonale triturée et étirée par les notes étrangères des voix intérieures (voir le fameux accord de Tristan, emblématique des ambiguités tonales provoquées par ce style d'écriture).
Qui plus est, ce style ne doit rien à quoi que ce soit de véritablement hongrois (même si politiquement on a eu droit à l'Empire Austro-hongrois, ça n'en fonde pas un style musical pour autant).


Il faudra m'expliquer "au symbolisme approuvé par la cause révolutionnaire (souvent par le jeu du contrepoint musical)", parce que, dans le genre, la musique d'Alexandre Nievsky par exemple ne se fait pas d'abord remarquer pour son contrepoint (c'est le moins qu'on puisse dire), encore moins pour son abstraction intellectuelle...
Attention, car "Il est hors de question, pour ces compositeurs, de céder à un quelconque sentimentalisme qui leur vaudrait l’accusation de "formalisme bourgeois"" concernant Prokoviev est une autre déformation, car Prokoviev avait un style et un penchant naturellement porté vers un modernisme solide et rythmique, et une volonté de clarté pour une musique qui parle au "peuple", si bien qu'il n'a jamais eu à se forcer à écrire de la musique qui plaisait au régime (d'autant que "sentimentalisme" est un terme assez flou, or Prokoviev usa aussi d'un lyrisme assez sensuel sans que cela n'ai déplut au régime ; de plus, le régime, c'était Staline qui faisait évidemment la pluie et le beau temps, or si celui-ci aimait beaucoup en écouter, il était nul en musique. Non seulement, outre les disposition perverses de Staline à distiller la terreur, les interdits en musique étaient donc du à des problèmes de politiques internes n'ayant rien à voir avec le style musical à proprement parler, mais en plus les jugements émis sur telle ou telle musique pouvaient être parfaitement fantaisistes, au gré des caprices du dictateur.
Attention donc à ne pas caricaturer trop vite en "sentimentalisme interdit par les révolutionnaires...")


Ensuite : "C’est donc un son purement gershwinesque"
Sauf que Gershwin est issu d'un melting-pot à forte tendance Europe de l'est et yiddish, et a appris notamment avec un émigré hongrois (Edward Kileny) qui connaissait très bien Schoenberg (autrichien) et fondait vraisemblablement son enseignement sur le traité d'harmonie de ce dernier...
Gershwin n'a eu de cesse d'être complexé sur sa technique musicale, et a toujours pris des cours et des conseils : entre autres chez Berg (autrichien), ou chez Schillinger (russe), leur influences respectives étant très importantes.

Quant à Copland, il a exactement le même genre de background de départ : juif et russe d'origine, même professeur ; de passage au Conservatoire américain de Fontaineblau en plein Paris des années folles, assistant aux premières parisiennes des Noces de Stravinsky, ou du Pierrot Lunaire de Schoenberg, par exemple. C'est par le biais de cette vie parisienne, notamment influencé par Stravinsky (qui est resté très longtemps à Paris, avant d'émigrer aux États-Unis), qu'il va rejeter la grandiloquence germanique, et préférer la clarté du style français (comme Debussy et Ravel) et la mise en valeur des style baroques et classiques. Ainsi, pour faire vite, le style "americana" de Copland est très directement inspiré de Stravinsky, quelques accents jazzy en plus, - Stravinsky qu'il est donc plutôt étrange (pour ne pas dire plus) de ne pas voir figurer dans cet article (Elmer Bernstein s'inspirant par exemple directement de la symphonie en trois mouvements de celui-ci...).

La dette à Rachmaninov (autre russe) est assez grande également (à noter par exemple le motif principal de Citizen Kane, issu de l'Ile des Morts de Rachmaninov, musique de... Bernard Hermann).

Pour comprendre bien plus précisément et plus finement les avatars d'une musique "savante" proprement américaine (parce qu'ici, c'est quand même taillé à la serpe), et des rapports entre celle-ci et Hollywood (les producteurs n'ont rien à voir avec la constitution complexe d'une musique proprement américaine), une seule adresse : The Rest is Noise, d'Alex Ross.

On peut aussi noter que les studios et producteurs n'étaient à l'origine pas aussi "bouchés" que pourrait le laisser entendre l'article, et que la phrase "le manque de prestige lié au cinéma tient encore à distance les compositeurs les plus acclamés" est fausse : par exemple, le directeur musical de la Paramount, Boris Morros, s'était donné pour mission de recruter des grands compositeurs (Schoenberg,Stravinsky, Copland, Weill et même Chostakovitch qu'il a essayé de se faire "prêter" par l'URSS).
"les gens de cinéma avaient au moins une qualité : ils étaient fous de musique", note Alex Ross - il faut voir, par exemple, le nombre de biopics dans les années 40 sur la vie de grands compositeurs.

Irving Thalberg, directeur de production de la MGM, après avoir entendu la Nuit transfigurée de Schoenberg, voulu le rencontrer, et ça tombait bien puisque Schoenberg était féru de cinéma et désireux d'écrire de la musique pour le cinéma ; celui-ci annonça alors qu'il ne s'engageait que si on lui donnait carte blanche pour toute la bande-son du film, y compris les dialogues.
"- Qu'entendez-vous par carte blanche ? demanda Thalberg incrédule.
- Je veux dire que je travaillerai avec les acteurs, répondit le compositeur. Il faudrait qu'ils parlent sur certaines hauteurs de notes correspondant à la tonalité de la musique, un peu comme dans Pierrot Lunaire, mais en moins difficile, bien sûr." (in. The Rest is Noise)
Suite à quoi Schoenberg demanda un cachet hallucinant de 50000 dollars de l'époque - et la MGM laissa tomber, la Paramount ensuite aussi...

Pour Stravinsky, les producteurs étaient conscients que d'avoir son nom au générique suffirait à en garantir le succès ; Louis B.Mayer, un des patrons de la MGM, est allé jusqu'à lui offrir 100000 dollars de l'époque (1,5 millions d'euros !!!) - mais apparemment Stravinsky, bien qu'enthousiaste lui aussi à écrire pour le cinéma, demandait des délais infiniment trop longs, et un droit de regard sur le produit fini trop exorbitant, les studios ont fini là encore par laisser tomber.


Enfin, une précision sur Mendelssohn : Korngold ne lui a pas juste piqué "des" thèmes, il a fait un arrangement d'une œuvre entière de Mendelssohn : la musique de scène du Songe d'une nuit d'été (Ein Sommernachtstraum op 61) pour chœur et orchestre (et donc en particulier ceci).
Bonjour,

Excellent article !

Je me permets, si vous voulez en savoir plus sur la Musique de film, de vous conseiller la consultation de Cinezik.fr, référence dans le domaine depuis 5 ans (cela permettant de rectifier une omission, puisque l'article l'oublie dans sa webographie).
Le lecture de ce site peut anticiper les prochains numéros de l'article de Rafik, notamment sur le dernier épisode que j'imagine au sujet des compositeurs d'aujourd'hui (en lisant dans le site les interviews de Patrick Doyle, Hans Zimmer, Klaus Badelt, Cliff Martinez, Marvin Hamlisch, John Ottman, Michael Giacchino, Christopher Young...).

Concernant la discussion au sujet du Leitmotiv, je signalerais l'un de mes compositeurs préférés : Bernard Herrmann, qui excellait dans l'exercice d'associer une phrase musicale à un élément du récit (personnage, objet ou situation...). L'hommage de la Cinémathèque à Hitchcock permet de revenir sur ce maître de la musique de film.
Excellent article !
Grand amateur de musique post-romantique à la Mahler, je sais désormais pourquoi j'apprécie aussi les grands classiques d'Hollywood.
Bluffé je suis.
Avec impatience, le décryptage de la Marche Impériale zt de l'Hymne Rebel, j'attend.
J'ai des questions sur certains termes:
Est-ce que motif et leitmotiv veulent dire la même chose?
Quand vous parlez de structure harmonique intègre, est-ce un terme musical, ou bien le sens habituel, par opposition à corrompu? Parce que comme il est ailleurs question du style bourgeois comme "raison d'être de la culture viennoise" (un sacré raccourci!), on a l'impression d'une opposition entre pur et impur.
Ecoutant beaucoup de musiques de films en ce moment, je me disais qu'une émission ou un papier de Rafik là dessus serait intéressant. C'est chose faite (et en plus ya plusieurs volumes !)
"Un voyage dans les musiques de films
I) Grandeur et décadence de l'empire austro-hongrois"


I) comme I) II) III)... ?

Je m'en vais prestement lire (et écouter !) ça !

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