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Libéral ou régulateur ? Premières controverses autour de Jean Tirole, prix Nobel français d'économie

Gentil régulateur ou affreux libéral ? A peine nobélisé pour ses travaux sur "l’analyse de la puissance du marché et de la régulation", l’économiste Jean Tirole est l’objet d’une controverse. Mais cette querelle n’est pas nouvelle : le profil de l’économiste, fondateur et directeur de l’Ecole d’économie de Toulouse et membre du conseil d’analyse économique qui conseille Matignon, a toujours fait débat. Pour les uns il est un régulateur qui veut empêcher les grosses entreprises d’être nuisibles, pour les autres il est l’ami de l’entreprise libérée de toute contrainte. A l’écouter réagir aux micros qui se tendent vers lui, avouons qu’il est difficile de trancher. Et s’il était les deux ?

Derniers commentaires

Mais pourquoi tant de précipitation ?

Quand j'étais moins vieux, j'ai eu le bonheur d'écouter les cours d'un certain Alain Cotta, (le frère de sa soeur) cours dont le titre était: "L'entreprise et son pouvoir de marché".
De mémoire, mais chacun sait que la mémoire est ductile, je crois me souvenir que ce que nous disait Alain Cotta préfigurait déjà ce que monsieur Tirole nous révèle soudain, comme d'hab, et qui lui vaut honneurs et renommée.

Quand j'étais moins vieux, j'ai eu le bonheur d'écouter les cours d'un certain Kostas Papaioanou, grec fuyant la vindicte malfaisante de quelques colonels, qui nous disait avec un accent inimitable "l'histoire ne se répète pas, elle bégaie".

Avec le temps, j'en finis par me demander si Kostas n'avait pas raison.
L'article d'@si sur la mauvaise traduction de "market power" et le contresens fait par les journalistes et les commentateurs ces derniers jours est jouissif.

On rêve de reprise, de pouvoir providentiel qui nous sauve d'un monde qui sombre... LA PUISSANCE DES MARCHES est en marche!

En fait, le thème market power renvoie au pouvoir de marché: " fait pour une entreprise en situation de monopole sur son marché d'imposer son prix aux consommateurs pour s'attribuer un surprofit (ou rente du monopoleur). Les consommateurs sont perdants car ils réduisent leur consommation et leur surplus du fait d'un prix plus élevé."

N'ayant pas lu le travail de Tirole, il y a peut-être plus a y trouver mais ce simple décalage entre les 6 mots du titre et leur déformation par lémédias est révélateur. Jouissif.
Parler de régulation, pour des libéraux comme Jean Tirole, c'est faire une concession : les marchés ne fonctionnent pas selon les modèles théoriques. Il faut donc, en cas de dérapage, les remettre sur le droit chemin de l'équilibre.

Mais à la différence des interventionnistes - les keynésiens par exemple - ils proposent que cette régulation soit confiée à des "autorités indépendantes", l'Etat étant disqualifié pour différentes raisons : incompétence et/ou démagogie des politiques, emprise des lobbies, pression de l'électeur (qui, contrairement à l'homo oeconomicus, n'est pas rationnel et ne sait donc pas ce qui est bon pour lui !), etc.

On comprend comment une "autorité indépendante" (la BCE ou l'AMF, par exemple) peut être mise à distance du pouvoir politique ou des électeurs.

Mais par quel miracle, les puissances financières qui, en finançant leurs campagnes, présélectionnent les candidats éligibles et éventuellement les rétribuent pour services rendus, quand ils ont passé la main, en leur payant plusieurs centaines de milliers de dollars une conférence d'une heure ; par quel miracle, ces puissances, renonceraient-elles à influencer ces "autorités indépendantes" ?

Est-ce un hasard, si on trouve, par exemple, tant d'anciens de Goldman Sachs dans les conseils d'administration des banques centrales(FED, BCE, Banque d'Angleterre, du Canada...) ? Banques centrales qui pilotent, entre autres, le Comité de Bâle, en charge de la régulation... des banques.

Est-ce aussi un hasard, si la Toulouse School of Economics que préside Jean Tirole, est largement financée par des organisations caritatives comme AXA ou la BNP ?
Point de vue de Krugman, à l'opposé de celui de celui de Delaigue tel qu'il est résumé par Anne-Sophie dans le vite dit.
http://krugman.blogs.nytimes.com/2014/10/14/jean-tirole-and-the-triumph-of-calculated-silliness/?smid=tw-NytimesKrugman&seid=auto
" Je peux pardonner à Alfred NOBEL d'avoir inventé la dynamite, mais seul un ennemi avéré du genre humain a pu inventer le prix NOBEL " ( G.B. SHAW )

" Prix NOBEL, Collège de France, Sorbonne ... ne préservent pas de débilité politique " '( E. MORIN )
Bon et bien pour ceux qui ne l'auraient pas vu, il y a ce recueil d'interview repris sur les-crises.fr

Il y a notamment un passage tres parlant sur la mentalite du bonhomme:

"On vous doit aussi depuis une dizaine d’années des travaux à la lisière de l’économie et d’autres sciences humaines. Vous vous intéressez particulièrement à la psychologie économique, champ de recherche qui met en question les postulats de l’Homo œconomicus…
La théorie économique considère généralement que les gens sont rationnels, qu’ils maximisent leur utilité, alors qu’en pratique ils ne le font pas toujours. Elle suppose par ailleurs que l’information est toujours utile, alors qu’en pratique, les gens peuvent refuser d’acquérir de l’information, avoir des croyances tout à fait sélectives, s’enferrer à conserver des croyances erronées sur eux-mêmes ou sur la société.
Il existe par exemple de véritables tabous dans la vie économique. Faut-il créer un marché pour les organes humains?? Certains, comme l’économiste Gary Becker, le pensent. N’est-il pas absurde, avance-t-il, que des gens meurent en raison d’une pénurie d’organes?? Ne sauverait-on de nombreuses vies en acceptant que les organes soient rémunérés?? Pourtant, à défendre de telles propositions, les économistes sont souvent considérés comme des gens immoraux. Cela dit, les tabous sont utiles, dans la mesure où ils signalent toujours des problèmes sensibles. Mais ils ont aussi un coût important. Certaines réformes économiques favoriseraient le bien-être général, mais se heurtent à des blocages psychologiques. "


Donc il ne fait pas la difference entre un objet a valeur marchande et un etre humain.. je pense qu'a ce niveau la on ne parle plus d'economiste mais de sociopathe..
[Quote]Même impression en écoutant la réaction du nobélisé face aux caméras de BFM TV : contraint à donner son avis sur la situation économique de la France, Tirole prend position pour un état plus léger – tout en vantant le travail des fonctionnaires, certes peut-être trop nombreux – sans pour autant détruire notre système social. Il faut réformer, mais pas détruire. Ménager la chèvre, et le chou.
Trop de fonctionnaire, trop d'interventionnisme, d'Etat mais faudrait pas préserver notre modèle social. Sarkozy et Hollande aussi nous explique qu'à chaque recul social il s'agit, en réalité, de sauver le modèle social.

N'oublions que le néolibéralisme donne à l'Etat pour seul rôle la régulation du marché dans l'objectif de garantir la concurrence (libre et non faussée donc). Tirolle interroge la concurrence par ce biais là. C'est pourquoi il est pour un minimum d'Etat allant au-delà des seuls pouvoirs régaliens.

Ce message a été supprimé suite à la suppression du compte de son auteur

Un ultra-libéral qui s'aperçoit que "trop de libéralisme tue le libéralisme", et qu'il convient de l'édulcorer un peu pour le sauver. Ça mérite bien un Nobel, ça. Mais fallait faire vite, car petit à petit, ils y viennent tous, au "libéralisme à visage humain".
"Ménager la chèvre, et le chou."

C'est sans doute ce talent -somme toute asez répandu- qui a valu à Jean Tirole sa breloque et les millions de couronnes qui vont avec.
Jean Tirole est explicitement un des tenants de la "théorie standard" et il déploie des trésors d'intelligence à tenter de la maintenir sur pieds en lui adjoignant des compléments, rustines, options comme l'ont fait avant lui Debreu, Arrow, Akerlof et j'en oublie beaucoup.
Gloire donc à la très française Toulouse School of Economics dont la quasi totalité des publications sont en globish.

Quant au débat récurrent sur le caractère scientifique de l'économie politique...
Il y a une raison très simple pour laquelle il est difficile de classer Tirole comme libéral ou régulateur : en Economie (en tant que discipline scientifique), la distinction n'existe pas de manière claire. Cette distinction peut s'appliquer assez facilement aux politiques et aux "économistes" média-compatibles, mais parmi les chercheurs en économie, il n'existe pas un courant libéral et un courant régulateur.

Il y a par contre des économistes orthodoxes, dont fait partie Tirole (et dont l'Ecole d'Economie de Toulouse qu'il a fondée est un des centres de recherche principaux en France), qui partagent un certain nombre d'axiomes (rationalité des agents économiques, marchés parfaitement compétitifs comme idéaux, comportement de maximisation de leurs gains par les agents, etc.) et de méthodes (modélisations mathématiques notamment). Au sein de cette orthodoxie se distinguent différents courants : nouvelle synthèse néo-classique, nouvelle économie keynésienne, nouvelle économie classique... Je ne connais pas bien les travaux de Tirolle, donc je ne sais pas exactement où il se situe dans ce champ, mais j'ai l'impression qu'il se trouve en plein dans la synthèse. Les chercheurs de ce courant (qui constituent sans doute une majorité aujourd'hui) considèrent que les transactions par le marché sont les plus efficaces dans l'idéal, mais reconnaissent qu'il existe des imperfections de marché (externalités, monopoles naturels, asymétrie d'information...) qui peuvent nécessiter une régulation par la puissance publique. On voit bien là que ces économistes n'ont pas a priori une position bien tranchée libéral / régulateur. Pour eux, la solution optimale dépend des conditions spécifiques du marché considéré.
Franchement je ne suis pas économiste mais je vois mal comment sa taxe de licenciement pourrait fonctionner, même après avoir lu ses précisions dans un entretien de 2003 à Libe : http://www.liberation.fr/economie/2003/10/11/le-principe-pollueur-payeur-applique-au-licenciement_447806

Quand, par exemple, l'entreprise ne peut plus payer des salaires ou fait faillite, on lui ajoute une taxe ?

Mais peut-être faut-il lire son rapport de la même année au Conseil d'analyse économique (avec Olivier Blanchard)
Beaucoup de fantasmes chez les détracteurs, on est chaque jour moins étonné de l'immobilisme d'un gouvernement dit "de gauche" quand on lit certains commentaires.
Le libéralisme économique est bien sûr la solution, sauf que sans règles, il revient comme disait un de mes profs à lâcher un renard libre dans un poulailler libre.
On peut donc être libéral tout en posant des règles.
MJH
J'en ai marre de vos analyses systématiquement critiques. Je ne connais pas cet économiste, pas sûr que votre article m'apporte grand-chose.
Moi aussi, j'ai voté pour un gouvernement de gauche, et il y a longtemps que je sens cocufiée, écoeurée, découragée. Ce n'est pas la peine que vous en rajoutiez.
En fait, il n s'agit même pas d' analyses, ce qui serait constructif, au moins.
@si ne m'apporte plus rien, si ce n'est du cafard en plus.
Je vais quitter @si.
Ciao
Allez, un effort, [large]lisez ce papier[/large], Jacques Cheminade en est l'auteur, merveilleusement documenté, Tirole en archéo-fasciste, mais oui, c'est possible.
Il s'agit d'un prix Nobel de libéralisme. Imaginons qu'il soit attribué à une personnalité de gauche: on pourrait alors parler d'un prix Nobel de sociologie, d'anthropologie, de philosophie...mais l'économie, en tant qu'autonome, " disembedded", est nécessairement scientiste, c'est à dire de droite.
Il faudrait un jour se fourrer définitivement dans le crâne que la science économique est libérale comme les nuages sont du ciel.
Reste la question : Tirole est-il un gentil régulateur ou un affreux libéral ?

À @si, au moins on assume se réclamer du gauchisme de base :p .

J'aime bien ce genre de controverse, chaque Nobel y ayant généralement droit. Ça ne fait que confirmer ce qu'on sait déjà, c'est à dire que l'économie est une science et que ceux qui veulent la politiser sont des idiots.

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