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Culture nippone, nature humaine

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les français sont considérés comme des lâches par la presse....

ancien habitant de Tokyo je me suis pas mal intéressé à ce qui se passe sur l'archipel et j'ai lu un article intéressant sur japanprobe.com qui disait que les français était la population étrangère la moins appréciée actuellement, qu'à cause de nos medias locaux qui cèdent à l’affolement plus de 90% des français étaient repartis en france...

Les américains ou les autres communautés n'ont pas initiés des départs anticipés, et peu sont finalement partis tout court du pays...ce qui nous donne pas une très très bonne réputation...

Je reçois les emails de l'ambassade de France au Japon, et je dois dire que les informations sont très contradictoires.... nombre de mes amis japonais me demandent ce que disent les medias étrangers car ils ne sont quasiment pas informés.... à la télévision, le court des programmes normaux continues, alors que l’opulence habituelle des magasins a totalement disparu pour faire place à des queues dignes de l'urss et des rayons totalement vides....

vous avez remarqué que les medias nous avait montré en grande pompes les équipes de secouristes français parti au Japon? où sont ils? pourquoi aucune caméra ne les suit?? un courriel d'aujourd'hui envoyé de l'ambassade nous raconte qu'ils sont allés avec l'ambassadeur livrer une dizaine de camions de vivres aux réfugiés... mais ils sont où l'équipe spécial "nucléaire" envoyé par la France? pourquoi ils y vont pas à Fukushima....?

je suis très sceptique également sur Tepco... pourquoi personne ne prend la main là dessus? l'armée? ou l'ONU? après tout c'est un problème qui dépasse les frontières du japon et il est clair aujourd'hui qu'ils ne sont pas capable de régler la situation....

voilà, que de questions mais qui resteront à mon avis sans réponses...
Merci pour cette chronique, intéressante, et, je crois, motivée par une juste colère, ou en tout cas par un véritable désir de comprendre et, si possible, d'y changer quelque chose.

Après, si je peux me permettre de faire ma petite enfant gâtée, j'aime bien aussi quand vous faites des analyes d'articles, de discours, de reportages, c'est savoureux :-b
Formidable article (comme d'hab avec Judith d'ailleurs)
Qui dissipe un malaise (la zenitude japonaise proverbiale)
Qui me réconcilie avec mes frères humains
Quoiqu'il en soi si le prix du marbre monte pas trop vite
Au cas où je meurs bientôt
Je ne sais s'il sera descent de montrer mon corps
Mais inscrivez

«Les citoyens ordinaires sont des êtres responsables et altruistes»
&
«Tu n’es pas si fort. Mais tu n’es pas si mauvais non plus»
Comme celle d'il y a quelques siècles, notre société d'aujourd'hui, remplie de comportements irrespectueux et violents, et de nostalgie de l'âge d'or "où il faisait bon vivre ensemble", est propice à des anthropologies "désespérées". Comment expliquer que la plupart des français aient un bon lit et un repas copieux, qu'il ne tiendrait qu'à eux de se comporter respectueusement les uns des autres, et que pourtant ils aient parfois ces comportement irrespectueux des autres et parfois très violents ? Comment expliquer cela, autrement que par une anthropologie "désespérée" ?

Mais cette notion d'anthropologie "désespérée", n'est-elle pas aussi, légèrement dangereuse par son ambigüité ? Car par quoi donc une anthropologie peut-elle être désespérée ? Est-ce par le fait que les hommes ne peuvent vivre heureux en société ? Ou est-ce par le fait que les hommes ne peuvent vivre heureux dans certaines sociétés, rendues conformes par certains idéologues, à certains système de valeurs ?

A la question anthropologique, de savoir quelles sont les conditions réelles du bonheur en société, il faut chercher à répondre par la vérité, même si cette vérité n'est pas conforme à tel ou tel système de valeurs en vogue. Et la réponse n'aura rien de désespérant, pourvu qu'elle consiste en un ensemble de conditions qu'il est possible de réaliser : car alors cela voudra dire que le bonheur en société est possible, c'est déjà pas mal, non ?

Par exemple, il est possible que des conditions réelles du bonheur en société, soient que les hommes qui vivent ensemble dans cette société, ne se sentent pas trop étrangers les uns des autres, ou qu'ils partagent un profond sentiment d'appartenir à un même peuple qu'ils aiment, ou qu'au sein de cette société, l'autorité soit correctement pensée et pratiquée, plutôt que taboue. Cela heurterait pourtant des systèmes de valeurs, qui disent qu'aucun homme n'est étranger à un autre homme, ou que l'humanité ne devrait pas être divisée en peuples, ou qu'il est interdit d'interdire. Mais si cela était simplement vrai, cela n'aurait rien de désespérant, car cela n'empêcherait pas qu'il soit possible pour les hommes d'être heureux en société.
Si, dans un pays pauvre les survivants rassemblent au milieu de la place du village 200 cadavres à même le sol, sans les couvrir, la photo est réalisable, et elle dit l'ampleur du désastre.

Si, dans un pays plus riche, des pompiers en uniforme emballent un cadavre puis le transportent vers une chambre froide, et même s'ils refont pareil 200 fois dans la journée ... y'a plus rien à photographier.

A côté de toute tentative d'analyse, en se penchant sur la culture du pays où l'on est mort (émission de vendredi dernier) ou sur celle du pays où l'on regarde les photos (chronique de Judith aujourd'hui), il ne faudrait pas passer à côté de cette évidence : les photographes veulent témoigner non pas de la mort de ce-pôv-monsieur-que-vous-voyez-là-oh-là-là, ( si y'avait que lui, on ne les y enverrait pas !) mais de la mort de milliers de gens. Mais ces milliers de gens, ils ne se sont pas bien organisés pour mourir bien rangés les uns à côté des autres tous au même endroit afin de faciliter la prise de vue... y'en a un ici, une autre là, alors on montre quoi ? Lequel ? Qui raconte quoi à lui tout seul ?


Qu'est-ce qui justifie la présence de photographes sur les lieux d'une catastrophe, si ce n'est le besoin / désir de témoigner du fait que des gens, nombreux, sont morts, dans une catastrophe ?
C'est cela, le nombre], que leurs images doivent nous raconter. donc ils doivent trouver quelque chose à nous montrer.
Et peut-être raconte-t-on mieux la mort de 5000 personnes au Japon en montrant un bâtiment détruit qu'en montrant un seul cercueil ou un seul cadavre, non ?
Des pompiers avec un cadavre, c'est une image d'accident de la circulation un lundi de Pâques, pas une image de séisme et de tsumani...
Et puisque même en cherchant , les photographes ne trouveraient pas un " charnier ", ils nous montrent ce qu'ils peuvent et qui nous raconte quand même l'histoire d'une énorme catastrophe.

Dans les pays riches on a les moyens de ne pas laisser ses morts traîner dehors, mais on ne dégage pas encore les décombres en un jour...
Eh ! Mouibienne lacronique !
Merci Judith pour cette chronique stimulante... je suis persuadé que cette question mérite d'être sacrément approfondie mais vous proposez quelques pistes : bon je vais me mettre je pense dès que j'ai le temps à Michéa (oui j'avoue pas encore lu malgré la précédente promo), c'est à dire dès que j'ai bouclé Eloge de la gentillesse d'E. Jaffelin que je viens de découvrir et que je recommande.
Le titre fait un peu peur mais ce livre propose aussi des pistes de réflexion pour penser cette "vertu mineure" qui irrigue la vie en société et pas seulement lors des grandes catastrophes.

Enfin je pense aussi en vous lisant à des lectures plus lointaines notamment deux très beaux livres d'E. Frömm, la Passion de détruire et Avoir ou être qui m'ont amené à quitter depuis longtemps une vision pessimiste de l'humanité sans pour autant verser dans un quelconque angélisme sur la "nature humaine". Frömm revient notamment lui aussi sur la prétendue paresse naturelle de l'être humain et son prétendu égoïsme, et il montre bien aussi l'aspect construit de ce qui semblerait être une sorte de vision neutre de l'homme, à "l'état de nature".

Enfin merci encore pour ces lumineuses remarques sur la façon dont les médias construisent la dignité, selon que l'on ait affaire à des nations extrêmement "développées" ou pas. Je me demandais d'où venait ma gêne à entendre parler de la pudeur et de la dignité des japonnais et je pense l'avoir comprise à vous lire. On ne prête ces sentiments raffinés qu'aux "riches"... pour ma part il y a bien longtemps, ceci dit, que je me coupe de toutes ces images ; sans télé et et autres magazines d'infos plein de photos chocs on voit décidément mieux.

Voilà je pense un article digne du meilleur d'@si, ce qui nous change un peu après l'émission vasouillante de la semaine dernière.
Et sinon, serait-ce trop demander à l'auguste auteure de cette chronique, de nous dire pourquoi Michéa ne sera pas sur @SI ?
c'est salutaire de découvrir ce matin cet article . Il est tant d'entraver tout ces regards qui nous souillent!!merci
Oh. J'ai cru un instant qu'@si était allé chercher ethnologue spécialiste du Japon. Bon.

Un mot sur cette étrange acceptation du terme "anthropologie" dans le sens "vision collective de l'humanité". Un peu comme on parle généralement de "une philosophie" au sens populaire ("ah ma philosophie c'est de...", "ah t'es vachement philosophe ce matin"), sans que ça n'ait grand chose à voir avec la philosophie au sens de dscipline de recherche ("la philosophie de Kant", "chercheur en philosophie"), cette "anthropologie"-là n'a pas grand chose à voir avec l'anthropologie comme discipline scientifique. Au contraire, en tant que croyance localement partagée portant sur l'humanité en général, cette "anthropologie" constitue en elle-même un objet d'étude pour l'anthropologie culturelle scientifique.

La distinction entre ces deux utilisations du terme est importante parce que, comme science humaine, l'anthropologie culturelle tend plutôt à démontrer que cette "anthropologie"-là est complètement fausse. L'homme super-individualiste, la monade libérale, est un fantasme partagé par la droite (qui la glorifie) et la gauche (qui la dénonce). La réalité scientifiquement observable est que, d'une part, chaque individu s'inscrit dans un réseau étendu de solidarité et d'obligations mutuelles, et ne se vit jamais comme seule fin en lui-même. L'individu le plus néolibéral est dans un système d'échanges "altruistes" avec son noyau familial, bien sûr, mais aussi avec son réseau social plus élargi, et, dans diverses circonstances, avec des réseaux d'inconnus. D'autre part, l'implacable loi du don (et du contre-don) qui fonde tant d'aspects de nos comportements socioculturels, est en opposition complète avec l'idéologie de l'égocentrisme qui est prétendue définir notre culture et déterminer nos perceptions de nous-mêmes et des autres.

Bref, cette "anthropologie" dans le sens où Michéa emploie le terme n'est qu'une idéologie abstraite bien que dominante. La réalité anthropologique (au sens d'une discipline de recherche et de ses résultats) en est très éloignée. Les deux notions pointent sans doute sur deux choses différentes -et on peut espérer que Michéa en est conscient- mais la confusion serait un peu dangereuse : elle donnerait une assise pseudo-scientifique à cette fausse vision de l'homme occidental comme factuellement égocentrique, ou alors décrédibiliserait la recherche anthropologique en lui imputant une lecture aussi naïve des relations humaines dans notre société.
Wow... Judith, merci de ce post qui me fait un bien fou!
Je trouve qu'il est très difficile de partager cela en grand nombre, alors que la discussion de personne à personne rend la chose plus facile.
Vous tentez la chose et de bien belle manière.
Cela va certainement vous amener un flot de contrecoups mais vous lancez le débat: yeeehaaaa!
Je crois, observe et ressens dans mon vécu ce que vous exposez ici! Et Cultive Mon Jardin a bien raison de préciser que quand on observe les enfants on le constate aussi... On se leurre sur la nature humaine... Re-musclons notre empathie, elle est bien là et cause bien des maux quand on ne l'écoute pas...
MERCI, Judith!!!
:-) :-) :-)
« Le nouvel ordre humain que les élites libérales sont désormais déterminées à imposer à l’échelle de la planète exige (…) que les hommes cessent précisément de se «sentir hommes» et se résignent enfin à devenir de pauvres monades égoïstes »

Peu au fait du jargon philosophique, j’avais lu « pauvres nomades ». Et ça m’allait fort bien, tant le nomadisme est une qualité requise, non, imposée, pour que les élites libérales engrangent encore plus de profits, un engrangement qui tient surtout de la boulimie. Nomadisme quand on délocalise votre entreprise et qu’on vous invite à la suivre dans le Pétaoutchnokistan où elle est installée. Nomadisme quand vous ne pouvez vous loger qu’à dache de votre travail (Libé de cejour, pp 30-31). Nomadisme quand vous êtes prof et qu'on vous nomme sur trois établissements de façon que vous passez plus de temps sur les routes que devant vos élèves (et sans IK). Vous avez emprunté pour faire partie de la France des propriétaires dont rêvait l’inventeur en talonnettes des subprimes à la française et votre maison est invendable car toute la région est coulée par le chomdu ? – Bah on s’en fout, hein Bernard ? – oui François.
Le fantasme de domination de la nature est d' abord un fantasme philosophique et théologique qui préexiste à l' économie libérale.L' économie libérale n' a pas inventé l' Empire romain et la théologie catholique du Moyen-Age.Les jeux du cirque ont détruit une grande partie de la faune méditerranéenne.
« et l’on devine bien que se joue là, au fond, l’idée que l’humanité n’est pas «une», mais deux : les forts et les faibles »

La façon dont cette idée est réalisée en images comme le démontre Judith, j’en ai brutalement pris conscience il y a quelques années, en feuilletant un Paris-Match de 1952, une époque où plus encore que maintenant « le choc des photos » était leur premier levier de vente. Un naufrage avait eu lieu au large de la Bretagne, et les photographes s’étaient abattus sur ce coin à bouse comme une réplique de la catastrophe, mitraillant les familles des péris en mer. Une mère est prise de dos à rentrer dans sa masure : elle a eu le réflexe de protéger son visage, pas celui de prendre son balai pour chasser les voyeurs (mais aurait-elle osé s’en prendre à des messieurs de la ville). Pas son jeune fils, qui est shooté pleine face et pleine page. Il pleure, il sanglote, et comme souvent dans ces cas-là il devient laid, limite grotesque.

Il faut dire qu’à l’époque, surtout si comme ces messieurs à flash on appartenait au monde exquis de la marquise de Grand Air, la Bretagne (où je vis) étaient encore considérée comme un pittoresque trou du cul du Diable : alcoolisme, pauvreté, bigoterie et superstition. Notre Haïti, quoi.
Michéa (encore, oui)

Haaaaaaaaa ! :o)

mais il ne viendra pas Dans le texte

Hooooooooo... :o(

Chronique essentielle, Judith. À force de vivre sous le bâton juridique et la carotte marchande, on finit par y croire dur comme fer que l'homme est un loup pour l'homme - ce qui n'est pas très sympa ni pour l'homme, ni pour les loups, d'ailleurs.
Quelque part dans ce dossier, si je me souviens bien, il y a des tentatives d'explication sur la manière dont cette même empathie fondamentale peut mener aussi (parce que c'est pas le monde des bisounours non plus, évidemment) à des comportements violents - phénomènes de décompensation (comme le phénomène de bouc émissaire, même chez les grands singes), influences de l'histoire personnelle individuelle et de l'environnement.

Réfléchir aux moyens de mettre en œuvre une politique qui valoriserait ces vertus positives, plutôt que d'entériner cette anthropologie négative soit en cherchant toujours plus à la régimenter davantage (ce qui ne fait qu'en accentuer toujours plus les effets), soit d'en libérer les effets malsains à force de lutter à se "libérer" de ces vertus mêmes (alors vues comme d'horribles poids moralistes), voilà qui est vraiment révolutionnaire !
J'espère que les prochains commentaires relèveront un peu le niveau de (certains des) précédents...

Apparemment, il existe encore des humains qui ne savent pas qu'ils sont des mammifères, de même que nos cousins les singes... et qui observent assez peu le règne animal pour être imbu de leur propre degré élevé de sophistication ( - ce dont témoigne d'ailleurs la finesse de leur analyse -).

Bref.

Pour ma part, je trouve le texte de Judith tout à fait pertinent et intéressant - moi qui ne suis pas une "fan" systématique de ce qu'elle écrit, pourtant...
Se confirme chez notre chroniqueuse l'existence d'une prétention intellectuelle aussi démesurée que sa qualification est des plus bornées. Nous voici ainsi aujourd'hui affligés - après un survol médiatico-philo-anthropologique des plus irréfléchis - de la seule sagesse : étriquée (: ni si fort, ni si mauvais) que permet l'"anthropologie" grand simiesque (: "car nous sommes de grands singes") en laquelle notre chroniqueuse confine l'humanité. Darwin n'a pas écrit L'évolutiondes espèces pour aboutir à une telle involution "unifiée" de l'humanité.
L'altruisme est rendu possible par ce que la catastrophe permet, à savoir, la remise à un même niveau, le plus bas, de toute la société. Ce que démontre ces réactions post-cataclysmiques, dans un premier temps tout au moins, c'est qu'on arrive à se serrer les coudes, quand nous n'avons plus que des coudes à notre disposition. Ceux qui ont pu fuir la catastrophe ou la voir venir de loin, tel un nuage radioactif, sont déjà loin. Leur capital, physique, national (ressortissant étranger), familial (à l’abri) et/ou financier, leur a permis de ne pas être solidaire. Ne reste que ceux qui n'ont d'autres choix que de partager ce qu'ils ont tous en commun pour survivre. Réinjectons du capital sur ce tas de ruine et nous verrons fondre comme neige au soleil ce qui les unissait hier encore.
Cynisme ou induction empirique ?
A vous de voir.

yG

ps: « La vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? » nous disait doctement, il y a quelques temps, la patronne des patrons, Laurence Parisot.

La réponse était simple, parce que le travail se fait en société et que la société est là justement pour ne pas avoir à subir plus de précarité que l'existence n'en compte déjà. Une réponse déjà trop subtile, j'imagine, pour une membre du Medef pour qui la moindre règle, hormis celles protégeant son petit capital des mains avides qui rôdent autours, constitue un frein, un obstacle. Pour eux, la nature est le règne de la lutte de tous contre tous et la société doit être naturelle dans toute son horreur, soit un contre-sens total, on est société ou on est nature, pas les deux à la fois, on ne peut tirer profit des deux systèmes en même temps. Madame Parisot, il faut choisir ou assumer les Raskolnikov qui ne manqueront pas de venir sonner tôt ou tard à votre porte.

_______________
"nous voici si bien endoctrinés par cette représentation de nous-mêmes que nous ouvrons des yeux effarés chaque fois qu’une autre nature de l’humanité se fait jour"

Hélas, Judith, vous l'aurez compris, je ne partage pas votre enthousiasme sur la bonne leçon à tirer de cette catastrophe, pareille à d'autres d'ailleurs. Au contraire, elle confirme que ce n'est pas qu'un discours, une représentation qui nous a été imposé par le libéralisme, mais bien une différence avérée de capital (physique, financier, national, familial, etc), qui dicte nos comportements. Ceux qui sont altruistes, pour nombre d'entre eux, n'ont plus que cette valeur-là à faire valoir, ils l'expriment donc, ceux qui en avaient d'autres, de valeurs, de capital, l'ont exprimé en fuyant. Rare sont ceux qui avaient les moyens de partir qui ne l'ont pas fait. Nous regardons à tort les employés de la central nucléaire comme étant de ceux-là, hélas, eux non plus n'ont pas le choix.

yG
Je crois que tu te trompes, et que tu ignores les études faites sur les groupes humains : en situation de catastrophe, apparemment, ce sont les comportements altruistes qui dominent (et les scientifiques n'ont pas relevé que ce comportement était le fait des plus faibles, n'ayant plus que l'entraide à disposition). De même, les études psychologiques relatives à la petite enfance soulignent les effets d'empathie spontanée ; on parle notamment du "corps à plusieurs", pour traduire la réaction d'un groupe de petits enfants face à la menace d'un danger ou d'une souffrance. Ce qui n'a rien d'étonnant si on rapporte ce phénomène au comportement des mammifères en général. Il semblerait que les vertus de la solidarité (comme stratégie de sauvegarde collective) ne sont pas édifiées par une construction culturelle, mais perçues intuitivement par les vivants.
"(et les scientifiques n'ont pas relevé que ce comportement était le fait des plus faibles, n'ayant plus que l'entraide à disposition)."

Et pour cause, Judith, ceux qui en avaient les moyens étaient déjà partis. L'exode n'est pas un leurre, il se constate dans les aéroports, les gares, les villes où arrivent les sinistrés qui peuvent fuir. La question reste, si cet altruisme existe lorsqu'il n'y a plus rien à partager que sa force brute, aucun autre capital que celui qui nous cloue sur place, pourquoi ne se manifeste-il pas lorsqu'il y a plus à partager ?

Le discours n'a pas changé entre l'avant et l'après catastrophe et pourtant le comportement n'est plus le même, il ne peut donc s'agir d'un anéantissement, d'une suspension du discours, de l'endoctrinement capitaliste comme pourrait dire Michéa. Un seul fait a changé, la répartition du capital.

yG
"les études psychologiques relatives à la petite enfance soulignent les effets d'empathie spontanée ; on parle notamment du "corps à plusieurs", pour traduire la réaction d'un groupe de petits enfants face à la menace d'un danger ou d'une souffrance. Ce qui n'a rien d'étonnant si on rapporte ce phénomène au comportement des mammifères en général. Il semblerait que les vertus de la solidarité (comme stratégie de sauvegarde collective) ne sont pas édifiées par une construction culturelle, mais perçues intuitivement par les vivants."

Je n'ignore rien de cela, Judith, mais votre remarque me permet de souligner encore le même problème entre nous de placement de la coupure nature/culture. Ce n'est pas parce que quelque chose est inné qu'il est naturel et non culturel, l'inné peut-être un mode de reproduction (intériorisé) d'un processus culturel antérieur. Il n'y a là rien d'incompatible. Une espèce animale vivant de manière non culturelle, hors groupe, n'éprouve pas plus d'empathie que cela pour ses pairs et ne s'attardent auprès de ses congères, si elle le peut, que le temps de les dépouiller ou de s'en alimenter.

yG
Une espèce animale vivant de manière non culturelle, hors groupe, n'éprouve pas plus d'empathie que cela pour ses pairs et ne s'attardent auprès de ses congères, si elle le peut, que le temps de les dépouiller ou de s'en alimenter.

Vous faites référence aux loups sibériens, yannick ?
congères, si elle le peut, que le temps de les dépouiller ou de s'en alimenter.
Vous faites référence aux loups sibériens, yannick ?


Merci Ulysse pour cette énooorme coquille.

;) yG
Complètement d'accord avec ce que tu dis, Judith, à propos des jeunes enfants. J'ai été pendant plus de 15 ans psychologue "Petite enfance", intervenant et observant (beaucoup) les enfants de moins de trois ans, et c'est évident. Dès la naissance, l'enfant est un être social. Privé de relation, il meurt comme si on le privait de nourriture, ou il garde de graves séquelles, qui feront dire plus tard que l'être humain est "naturellement" monstrueux.
Héhé, voilà qui me renvoie à ce que j'ai dit, sur le précédent article de Judith, de la façon dont naissent mes petits-enfants, des mômes absolument ordinaires. Sur le fait que la relation existe avant même la naissance.

Quant au "privé de relation", cela me renvoie à deux documents :

- Une séquence de Cinq colonnes à la Une (c'est donc pas jeune) consacrée à une maternité-orphelinat d'un pays de l'Est (appellation de l'époque) où tout le personnel était formé à parler à l'enfant dès sa naissance, genre : ben dis donc, qu'est ce que tu m'as mis dans ta couche, là ! A noter ses faits de vie sur un cahier (plus photos) pour qu'il parte soit à l'orphelinat soit dans une famille avec un bagage-talisman.

- Un texte de Paulette Etavard, chroniqueuse des années 50 dans une publication d’action catholique rurale :

//"Un tout-petit a besoin de tendresse" Il fut un temps où, sous prétexte de puériculture scientifique, l'on interdisait dans les nurseries modernes tout contact entre bébés et infirmières. Seuls la hantise du microbe et le poids des rations alimentaires dominaient les préoccupations. L'on s'aperçut alors avec stupeur que ces petits poupons, élevés avec tant de soin, poussaient infiniment moins bien que ceux laissés dans leurs familles. Et ceci même si les familles étaient pauvres, voire même misérables, et leur hygiène douteuse. Les bébés de pouponnières, privés de la tendresse d'une maman, se révélaient moins forts, moins adroits, moins éveillés, parlaient et marchaient plus tard que les petits « poulbots » élevés à la diable. Quelle belle revanche de l'amour maternel ! La science inventa même un mot nouveau pour désigner le mal étrange qui retarde le développement de ces petits enfants sans affection : on dit qu'ils font de l'hôpitalisme. Non. On ne peut pas faire de l'élevage de petits d'hommes. Le bébé n'est pas non plus une plante qu'il suffit « d'arroser de lait » pour la faire pousser. C'est un petit être infiniment plus complexe qui a d'abord besoin de se sentir aimé.//

Pas une ride !
« Ceux qui ont pu fuir la catastrophe ou la voir venir de loin, tel un nuage radioactif, sont déjà loin. Leur capital, physique, national (ressortissant étranger), familial (à l’abri) et/ou financier, leur a permis de ne pas être solidaires. Ne reste que ceux qui n'ont d'autres choix que de partager ce qu'ils ont tous en commun pour survivre. Réinjectons du capital sur ce tas de ruine et nous verrons fondre comme neige au soleil ce qui les unissait hier encore. »

Bien vu, ceci m’a essentiellement frappé dans cette catastrophe.

Cependant, je comprends la résolution d’espérance d’envisager des appuis pour contrebalancer ce que le dénommé Michéa (dont je n’ai rien lu) désigne par anthropologie désespérée telle qu’indiquée dans l’article de JB.
"Cependant, je comprends la résolution d’espérance d’envisager des appuis pour contrebalancer ce que le dénommé Michéa (dont je n’ai rien lu) désigne par anthropologie désespérée telle qu’indiquée dans l’article de JB."

Lutter contre nos pires penchants, naturel ou non (cela importe peu), doit se faire, mais pas à n'importe quel prix, et certainement pas en dressant face à une image déplorable de notre condition (l'égoïsme), une autre faussement idyllique (l'altruisme, l'empathie "naturelle") dont nous ne faisons, hélas, pas grand cas, en dehors des circonstances extrêmes... et même là.

L'expérience des ghetto et des camps nous apprend que le pire ne fait pas plus nécessairement ressortir le meilleur de nous, que l'ordinaire.

Cette façon d'aborder le problème en terme d'espérance ou de désespérance me laisse comme un arrière goût d'outre-monde que je ne digère que très mal. Le plus surprenant, c'est que c'est habituellement le cas de Judith. Danette aurait-elle raison (pour une fois :)) ? Judith amorcerait-elle un virage ? Ou serait-elle encore trop imprégnée de son travail préparatoire sur Michéa pour prendre toutes les distances nécessaire ? Difficile de répondre, surtout lorsque comme moi, on est plus que réticent à vouloir s'approcher d'une pensée qui se présente aussi mal que celle de Michéa.

yG
"s’il est ainsi toujours exact que l’homme n’est pas égoïste par nature, il est non moins exact que le dressage juridique et marchand de l’humanité crée, jour après jour, les contexte culturel idéal qui permettra à l’égoïsme de devenir la forme habituelle du comportement humain.(…) "

Il était où ce Michéa pendant le massacre du Rwanda, pour ne prendre qu'un exemple parmi des centaines de notre capacité extraordinaire à l'empathie.

Si l'homme n'est pas égoïste par nature, ce qui ne veut rien dire, la situation de nature renvoyant à l'individualité, alors que la notion d’égoïsme comme son pendant, la situation d'altruisme, ne pouvant prévaloir qu'en collectivité, en société, en culture donc, de grands singes ou d'humains, il ne peut prétendre être plus altruiste selon les mêmes modalités.

Si les lois, l'éthique sont si nécessaire, et ceci bien avant l'essor du capitalisme, ce n'est pas qu'il n'existe pas en nous la capacité de "bien" agir, mais qu'elle n'a rien de si systématique pour qu'on s'en remette aveuglement à nos penchants bêtement naturels pour assurer notre survie.

yG
Vous avez raison, les photos de cette chronique ne me plaisent pas... à cause du 2 poids 2 mesures...

J'ai toujours été contre le fait de montrer des monceaux de cadavres... apparemment on les voit pas côté US ou nippon... mais côté Haïti et Indonésie.
Il est vrai que les américains et japonais ont refusé de montrer leurs propres morts...


SEMIR
Il est justement question ces jours-ci du centenaire du Triangle Fire de New York, qui fit près de 150 victimes spectaculaires, puisque les victimes furent surtout des jeunes couturières, qu'une partie d'entre elles a trouvé la mort en sautant par les fenêtres ET que c'est une des 1ères catastrophes industrielles couvertes par des photographes aux Etats-Unis. On dit que 'elle a débouché sur de grandes avancées en matière de législation sur la sécurité au travail. Un peu le contraire de la shock doctrine, quoi.
Cet article montre les journaux de l'époque avec leurs photos, on peut zoomer sur plusieurs unes:
"Triangle Fire, a Frontier in Photojournalism":
http://cityroom.blogs.nytimes.com/2011/03/23/triangle-fire-a-frontier-in-photojournalism/?scp=1&sq=triangle%20fire&st=cse

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