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Bouclier fiscal, financiarisation de la dette : le poids de "Bercy"

Bouclier fiscal, et financiarisation de la dette : deux dossiers économiques omniprésents dans la campagne électorale. Dans les deux cas, c'est "Bercy", c'est à dire l'administration des finances, qui a imposé ces réformes à des ministres dépassés par les enjeux techniques. Telle est la thèse d'un documentaire diffusé sur France 5 le 17 janvier, et intitulé "Une pieuvre nommée Bercy". On y découvre le rapport de force permanent entre l'administration du ministère de l'économie et des finances et les différents ministres qui y sont passés.

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Bonjour à tous


L'idée du documentaire me semble intéressante. Il faudra que je le regarde en entier.


Réduire la politique à un théâtre de marionettes dont tous les fils convergent vers l'administration? Ce serait effectivement aller trop loin. Cependant, l'idée est en fait bien plus subtile. Que dit-on exactement des décisions politiques, ici? Qu'elles sont fondées sur un croisement de connaissances tout à fait distinct : d'une part des connaissances qu'on pourrait qualifier de théorico-stratégiques. Le principe en est simple, deux questions à poser : où en sommes-nous ? quelle est la situation actuelle? Puis l'autre question : que souhaitons-nous faire ? dans quel sens doit-on orienter la machinerie politique? En clair, on définit un état des lieux et des finalités à atteindre, sur la base de connaissances relativement théoriques : sciences politiques, économie, droit, gestion. Et puis soudain, on se rend compte que ces connaissances théorico-pratiques doivent passer par des connaissances pratico-systémiques : ici apparaît l'administration. Or, que renverse exactement le documentaire? La logique du donneur d'ordre, logique démocratique : on élit des représentants du peuple, lesquels désignent une conduite politique, laquelle est mise en oeuvre par l'administration. L'administration est analysée selon le schéma binaire donneur d'ordre/exécutant. Ici, on présente l'administration comme capable d'un comportement stratégique, donc d'élaboration de finalités. Mais dans quel domaine apparaissent ces finalités? Peut-on dire qu'elles sont strictement politiques, comme le seraient les stratégies des partis politiques? Et c'est ici qu'il y a lieu de s'interroger.


Permettez-moi d'abord de faire un petit détour par quelques propos philosophiques récents concernant le domaine politique. D'abord il y a un livre de Pierre Dardot et Christian Laval, paru en janvier 2009, qui se nomme La nouvelle raison du monde. Ce livre se fonde sur une lecture de Michel Foucault, et soutient qu'au fond, le modèle scientifico-politique qui se déploie dans le néolibéralisme, provient en partie d'une restructuration de l'administration, plutôt que d'un simple mot d'ordre politique spontanément appliqué partout. Autrement dit, c'est l'organisation technique de l'administration qui contribue à modéliser les nouveaux États néolibéraux. La rationalité néolibérale se placerait avant tout au sein des pratiques administratives et managériales, sous une forme technique, avant de prendre leur essort dans le domaine strctement politique. L'autre propos dont je voudrais parler, c'est celui de Bernard Stiegler, qui souligne que c'est l'absence de véritables connaissances techniques qui a produit la catastrophe économico-financière à laquelle nous assistons maintenant depuis quelques années. Il prend l'exemple du directeur de la Banque Fédérale américaine qui avouait que lui-même ne comprenait pas comment les choses fonctionnaient. D'une manière générale, le fond du problème serait une sorte de méconnaissance de la technique. Ce qui lui permet de dégainer Gilbert Simondon (grand philosophe de la question technique), et de le croiser avec la pensée du pharmakon qu'il emprunte à Jacques Derrida (le pharmakon, en grec, signifie à la fois le remède et le poison, et produit toute une réflexion médicale, sur laquelle s'est basée notamment l'homéopathie ; Stiegler sans sert pour traiter de la question technique, en affirmant que la technique est un pharmakon dans le sens où elle et un poison et en même temps son propre remède : la pharmacologie devient alors technologie).


Il me semble que ces questions permettent d'interroger l'étrange propos du documentaire. Il s'agit, en fait, de traiter l'administration non pas comme une pure instance de décision politique, mais comme une entité technique. A partir du moment où les hommes politiques ne comprennent pas comment fonctionne cet ensemble technique, il leur est effectivement impossible à la fois de prévoir les effets de fonctionnement, mais surtout de s'assurer que le fonctionnement n'est pas auto-destructif, au sens où des incompatibilité internes rendraient caduques un certain nombre de décisions. Les ministres ignorants ont donc besoin d'intermédiaires capables de leur offrir la possibilité d'une médiation entre le fonctionnement technique et la décision politique. Or ici les intermédiaires prennent une place de conseillers, ce qui n'est pas la même chose. Plutôt que d'effectivement permettre une modulation du fonctionnement, ils produisent eux-mêmes la double modulation des décisions politiques et du fonctionnement institutionnel. Concrètement cela donne une capacité d'encourager certaines transformations notamment dans l'organigramme administratif, et en même temps de ralentir, voire d'empêcher des décisions de s'appliquer, au point que certaines viendraient à être abandonnées. Cela donne indéniablement un pouvoir. Mais ce pouvoir est limité, en tant qu'il dépend des décisions politiques comme moteur premier, et surtout qu'il provient de l'ignorance des responsables politiques. C'est à la condition de cette ignorance que ce rôle peut être obtenu.


Maintenant, cela éclaire sous un nouvel angle la position de responsable politique. Prenons Sarkozy, par exemple. Typiquement, il est la représentation d'une classe politique qui a refusé la connaissance. On est dans une culture de l'effiscience pure, indépendantes de toute réflexion, doublée d'un volontarisme à tendance autoritaire. Il représente la figure exacte d'un dirigeant qui est totalement dépendant de ses conseillers, sorte de W. Bush français. On dira de lui qu'il est un grand stratège. Ok, mais s'il existe effectivement des cercles politiques où des pratiques purement stratégiques peuvent être mises en place, il n'en est pas de même lorsque l'on occupe la place de haut responsable politique, où toute intervention devient totalement indirecte. Lorsque l'on voit, en ce qui concerne la crise financière, que la France s'est pliée bien sagement à toutes les recommandations des hauts techniciens de la finance, on peut être tenté d'y voir une preuve de ce caractère incompétent de l'actuel chef de l'État.


Il me semble que le problème politique qui devrait en découler est la revalorisation d'un enseignement politique en France, à tous les niveaux. Que les citoyens comprennent le caractère théorique et technique de ce qui se déroule en haut lieu. Cela correspond indéniablement à l'enjeu incontournable de la démocratie moderne : une démocratie dans laquelle il n'est plus possible de dire au peuple "vous ne pouvez pas comprendre, c'est trop compliqué". Une telle démocratie pourra alors réclamer un degré accru de transparence de la part de la sphère politique.
Le documentaire en question n'est pas disponible sur le site de France 5. Alors je me demandais si dans le cadre de votre "mission" de décryptage des médias, vous pouviez éventuellement nous faire une petite liste des émissions et documentaires à voir dans la semaine (pas plus de deux ou trois ).
Je ne regarde plus la télévision et donc je ne regarde jamais les programmes. En revanche si j'avais un ou deux rendez-vous télévisuels (non réguliers) par semaine j'y retournerais probablement.
Je n'ai pas vu le documentaire, mais tout ce que je peux dire, c'est que cette porosité dont parle Michèle Laurent, elle est aussi dans la politique pure. Cette classe qui truste les postes politiques, ceux des ministères, et les postes dans le privé, c'est la quadrature du cercle des conflits d'intérêt en France, et qui boucle le système au niveau des décisions politiques.
Mais au bout du compte, le résultat est le même dans tous les pays occidentaux, y compris ceux qui ont un système totalement différent du nôtre.
Donc on peut toujours tirer le tissage du système par un fil ou un autre, mais ce qui pêche, c'est la façon dont les idées circulent, comment elles se répandent en se présentant comme vérité révélée, puisqu'au bout du compte, que le système soit vicié ou non au départ comme en France, on se retrouve tous dans la prise en compte des intérêts des classes dominantes, et seulement elles.
A cet égard, le barrage politique, comme on voit qu'il est fait vis-à-vis d'un Dupont Aignan, est très évident. A aucun moment, on ne peut remettre en cause la sacro-sainte Union Européenne telle qu'elle a été construite par les ultra-libéraux, et l'Euro, alors qu'on ne prend jamais la peine d'expliquer pourquoi c'est si important.(argument d'Apathie, trop compliqué et trop long, un autre jour) Le seul fait qu'on n'emploie pas d'arguments, et pour cause, chez les chroniqueurs du Grand Journal c'est une opinion qu'on ne peut pas remettre en cause, pas du tout une donnée rationnelle, mais qu'on rabroue NDA et joue sur les images (même si je n'avais pas remarqué la mise en noir et blanc), prouve que le dogme, venu de nulle part, car perçu et présenté comme évident, existe,

Il a été imposé dans la tête des gens qui ont une influence, quels qu'ils soient. La financiarisation est une évidence, pourquoi y revenir ? C'est ainsi. que Standard & Poors, une société commerciale, importe bien plus que les ouvrières de Lejaby..
Le seul problème, c'est qu'ils n'en ont pas conscience, dont ne sont pas capables de le remettre en cause.
les commentaires semblent dire que la nouveauté financière pour les emprunts, intoduite par Bérégovoy sous l'influence de Bercy, n'était pas vraiment une bonne idée. Quelqu'un se souvient-il du mode d'emprunt précédent, sous Giscard, du type "emprunt gagé sur l'or" ?
Combien a-t-on emprunté puis remboursé dans ces 2 modes de fonctionnement ?
J'ai vu le documentaire, et ce qui m'a frappé, c'est le passage des hauts fonctionnaires de Bercy par les cabinets ministériels puis au privé, et c'est cela qui me paraît le plus inquiétant : cette "porosité" qui n'est pas du tout gage de l'intérêt général du pays.
J'ai trouvé le documentaire assez caricatural.

D'ailleurs, beaucoup des illustrations de la puissance du ministère peuvent être observés à l'identique dans d'autres administrations, entreprises ou associations : importance des réseaux, désinvolture envers un ministre sur le départ...

Le documentaire donne la parole à beaucoup d'hommes politiques et majoritairement des responsables UMP de ces dernière années. Ces responsables ont très visiblement a coeur de faire endosser à l'administration des finances le rôle de bouc émissaire.

Le documentaire est rapidement prisonnier de son angle qui réduit toute analyse politique aux jeux de pouvoir qui se jouent à Bercy. Ainsi lorsque le grand emprunt est évoqué le ministère des finances semble être le seul à s'y opposer. Le documentaire ne mentionne aucune des autres divergences au sein de l'Elysée, de l'UMP... Le montant final du grand emprunt réduit à 22 milliards d'euros (contre les 100 milliards initialement envisagés) est donc logiquement présenté comme une victoire Bercy.

Le sommet me semble être atteint lorsque Bercy est clairement présenté comme responsable de la dissolution de 1997.

Il me semble très exagéré de lancer : "la théorie selon laquelle le politique décide et l'administration exécute n'est qu'une théorie à Bercy". Certes, l'administration montrer des résistances. Il n'en reste pas moins que tous les gouvernements de gauche comme de droite ont pu appliquer l'essentiel de leur projet politique et n'ont pu le faire exécuter qu'avec le concours de l'administration. Des politiques budgétaires et fiscales diamétralement opposées ont ainsi pu être mises en oeuvre.

Prétendre que Bercy préfère avoir des ministres faibles c'est oublier qu'un ministre faible politiquement est généralement un ministre qui perd ses arbitrages interministériels. Je ne suis pas certain que c'est cela qu’apprécient les fonctionnaires des finances.

Lorsque que l'on accepte de prendre un peu de recule, on ne peu que constater que nous sommes aujourd'hui loin du pouvoir technocratique qu'a pu connaitre la France de la IVème république.

Prétendre que Bercy préfère avoir des ministres faibles c'est oublier qu'un ministre faible politiquement est généralement un ministre qui perd ses arbitrages interministériels. Je ne suis pas certain que c'est cela qu’apprécient les fonctionnaires des finances.



Lorsque que l'on accepte de prendre un peu de recule, on ne peu que constater que nous sommes aujourd'hui loin du pouvoir technocratique qu'a pu connaitre la France de la IVème république.

Beregovoy n'était pas faible politiquement. Inexpérimenté (selon les critères du ministère) ne veut pas dire faible politiquement.

Quant à la IVe république, pourquoi la qualifiez-vous de "pouvoir technocratique" ? Quels sont les éléments histriques qui vous permettent d'affirmer cela ?
L'objection est recevable pour P. Bérégovoy. Mon argument tient en revanche pour les ministres qui, fraîchement entrés en politique, ont occupé le poste ces dernières années (F Mer, T Breton, Ch Laragarde...).

Quant à la quatrième république, il ne faut pas oublier que, de 1946 à 1958, 24 gouvernements de tendances variées se sont succédés. La reconstruction du pays et le rattrapage économique doivent beaucoup à une administration qui a compensé les faiblesses du politique et assuré la continuité de l'action publique. Les rapports de forces entre les ministres et les hauts fonctionnaires n'étaient pas ceux d'aujourd'hui.
Je n'ai pas vu le doc, mais à vous lire il semble qu'il n'ait pas évoqué l'AFT (Agence France Trésor) chargée de placer les titres d'emprunt de l'Etat auprès des Banques.
C'est dommage car l'AFT a un comité stratégique composé de haut fonctionnaires qui sont passés récemment par les conseil d'administration des banques qui souscrivent les emprunts ; ou même par des administrateurs actuels de grandes banques. Bref, bonjour les conflits d'intérêts, ce qui n'a l'air de déranger personne.

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