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BD : Filippettine rappelle la déontologix aux journalix

Violente polémique par tweets interposés entre la ministre de la Culture et des journalistes. Aurélie Filippetti s'est levée de méchante humeur contre plusieurs journaux dont elle dénonce la partialité via son compte Twitter vendredi matin. Objet du courroux : Telerama.fr et Rue89 ont eu le tort de relayer des commentaires très critiques contre la ministre après son interview sur le site ActuaBD lors du festival d'Angoulême. Qu'a-t-elle dit ? En substance, que "la BD, c’est pour les enfants, et c’est pas du tout en crise", résume Rue89. Réponse de Filippetti sur twitter : "mauvaise foi", "mensonge", "caricature", "propos tronqués", "malveillance" et "désinformation". Le compte est bon. Mais qui a raison ?

Derniers commentaires

Bon d'accord, Mme La Ministre n'a pas été très perspicace lorsqu'elle a répondu à son interlocuteur...méconnaissance du sujet ?
Mais (attention, ça va hurler...) en quoi l'Etat, c'est à dire notre système social, doit-il obligatoirement toujours financer d'une manière ou d'une autre toutes les vocations artistiques, certes légitimes ? Je dessine et je trouve que mon "oeuvre" mérite une plus large diffusion que celle qu'elle a... Mon ego de créateur en est certes blessé mais je ne vois pas en quoi la collectivité devrait rémunérer d'une manière ou d'une autre ma vocation artistique qui n'arrive pas à me nourrir...
(PS :Je ne discute pas ici des contrats léonins imposés par des éditeurs qui profiteraient du travail de créateurs pour faire du fric à leurs dépens...C'est un autre sujet)
Super forum: court mais intense.
Et je conseille le blog et les dessins de Grégory Maklès, c'est du bon.
http://www.worldofmakles.com/dotclear/index.php/pages/La-Survie-de-l-Espece-%3A-le-sommaire
Et les aventures de Ranran fils de Krokro revisited sont un must dans la satire.
Je sens aussi que les aventures de Stevostin risquent de me plaire si je m'y plonge.
MERCI de vous intéresser à un domaine de la culture largement négligé par la plupart des médias. C'est aussi pour ça que j'ai renouvelé mon abonnement @SI, comme chaque année.
Mme la ministre n'a effectivement pas dit que cela ...
Elle a aussi déclaré que c'est l'éditeur qui fait la littérature, et qu'il n'y a pas de bande dessinée s'il n'y a pas de librairie ...

Imaginez une situation similaire et les propos d'un ministre tenus devant des ouvriers en situation précaire, rémunérés pour 60 % d'entre eux comme intérimaires à 80 % du smic ... Un ministre qui serait venu leur dire : il n'y a pas vraiment de crise, ce sont les actionnaires qui créent de la richesse, et sans chef d'entreprise il n'y a pas d'industrie, il faut donc les aider.
Un ministre aussi imprudent ne se ferait-il pas au minimum huer ?

Nous savons d'expérience que face aux ouvriers les ministres prennent au moins la peine de ne pas les insulter directement. Comment s'étonner qu'en la matière une grande partie des auteurs ne se soit pas sentie insultée, notamment pour ceux qui sont le plus précarisés.

Savez vous également qu'avant de se plaindre par twit des déformations que ses propos auraient subi dans la presse, de nombreux auteurs avaient envoyés des mails au ministère pour exprimer leur sentiment blessé, et que nombre d'entre eux se sont vu répondre qu'il fallait arrêter d'inonder le ministère de mails intempestifs ...

Depuis le milieu de la semaine les profils facebook de nombreux auteurs se sont emplis d'interventions et de propos qui montrent à quel point les auteurs se sont sentis une nouvelle fois blessés et méprisés par les représentants de la culture officielle.

Même arrêt sur image préfère faire une émission sur les séries télé plutôt que sur la bande dessinée, medium et art qui comporte pourtant (et cela affirmé sans chauvinisme) plus d'oeuvres pertinentes que ce qu'on peut trouver dans toutes les série du petit écran.

L'expression malheureuse sur la lecture de la bande dessinée et l'enfance est l'un de ces clichés qui dénote souvent mépris et ignorance. l'infantilisation d'un groupe ou d'un art est toujours une forme de mépris (les nègres sont de grands enfants pour le colonialisme français, les femmes étaient considérée infantiles et irresponsable avant d'obtenir le droit de vote).
C'est un cliché performatif, qui façonne le regard de la société sur cet art depuis longtemps.

Un auteur qui exerce ce métier depuis 20 ans, et qui, puisqu'abonné à @si, vous a suggéré un article sur le sujet il y a deux jours en attirant votre attention sur un documentaire (sous les bulles) qui prétend montrer un panorama des conditions d'exercice de ce métier aujourd'hui.

Un auteur un peu désolé de voir que vous avez préféré téléphoner à vos deux contacts que vous aviez "déjà reçu sur votre plateau".
Un auteur un peu désolé de devoir constater qu'il ait fallu une altercation de bas étage entre la ministre et deux journalistes pour que vous vous intéressiez à un sujet qui avait mis en émoi tout une profession depuis plusieurs jours ...
même si vous avez le mérite d'avoir un peu abordé le sujet aujourd'hui ...

Pourquoi pour une fois ne pas faire un dossier de fond ?
S'arrêter sur ces images là aussi , car la bande dessinée ce sont aussi des images ...

D'ailleurs si vous faisiez une émission récurrente sur la bande dessinée, vous seriez les seuls dans le paysage audiovisuel aujourd'hui, et vous ne manqueriez certainement pas d'intervenants (analystes comme auteurs) pour des sujets variés et riches, si possible choisis en dehors des deux ou trois médiatisés habituels par vos collègues de type Télérama ...

Creusez un peu et arrêtez l'information circulaire contre laquelle vous voulez luttez par ailleurs !
Précision liminaire: quand je dis "les éditeurs", je parle des gros éditeurs. J'exclue de ce groupe les petits éditeurs (ceux qui sortent moins de 50 livres par an).

Il a fallu que la ministre sorte une interview lamentable menée par une journaliste pathétique (actuabd est un torchon et Pasamonik, qui en est le mentor, est un exécrable critique de bd) pour que, face à la réaction indignée (et légitime) des auteurs, la question de la crise de l'édition bd atteigne enfin les médias —lesquels globalement se contrefoutent de la bande dessinée, sauf épisodiquement pour quelques stars qui vendent bien (en vrac, et sans être exhaustif: Satrapi, Trondheim, Sfar, Blain, Tardi). Malheureusement, dans cette affaire, on se contente de citer les réactions sur twitter ou sur le vaste ouaibe, sans qu'une enquête ne soit vraiment menée sur la réalité du travail d'auteur de bande dessinée. Et je souhaiterais vivement qu'@si mène cette enquête.

Je donne ici quelques remarques de lecteur et amateur de bande dessinée:
1. Contrairement à ce qu'on croit, la bande dessinée n'est aujourd'hui pas un art populaire. Je renvoie à l'analyse vieille d'il y a 6 ans de Xavier Guilbert sur l'indispensable site du9.org. Même si la bd constitue une part importante du marché du livre, elle ne touche qu'une frange minime de la population, et plutôt dans la tranche supérieure, du moins niveau études. Je ne crois pas que la situation ait évolué grandement depuis 2007 et que la bd soit subitement devenue populaire.
2. Le fonctionnement actuel est absurde: à 5000 parutions par an, il est impossible pour un lecteur non seulement de suivre tout ce qui se produit, mais même simplement d'acheter tout ce qui serait susceptible de l'intéresser. Autant la production paraît s'étendre de façon exponentielle, autant le portefeuille du lecteur stagne voire diminue. Il fait donc des choix. Donc des invendus.
3. La stratégie des éditeurs est une éternelle recherche du profit sûr, et une fuite de plus en plus forte du risque: dès qu'une série marche très bien, on étire la recette à l'infini. La reprise sempiternelle de personnages "iconiques" (Spirou, Lucky Luke, Astérix), que l'on prolonge souvent par des spin offs, séries dérivées, (Le Petit Spirou, Gastoon, neveu de gaston, Rantanplan, Kid Lucky), est devenu le modèle ultime auquel il faut tendre: ainsi la série XIII (que par ailleurs j'exècre), après un tome 6 conclusif, a ensuite tiré à la ligne jusqu'à atteindre le tome 19, avec des péripéties dignes de Dallas et des albums de plus en plus mauvais. Mais la série se poursuit encore aujourd'hui, avec d'autres auteurs, et une série de spin-offs (XIII Mistery) poursuit l'aventure... Certes,c'est certainement une machine à cash, mais au prix d'un appauvrissement créatif qui ne permet pas de trouver de nouvelles pépites. Car, autre principe: dès qu'un truc marche, on cherche à le copier; le succès de Lanfeust de Troy chez Soleil (série qui a également donné lieu à de nombreux spin-offs, toujours en cours) avait pendant un certain temps lancé la mode fantasy dans la bédé, avec une surproduction monstrueuse dans ce genre, au détriment du lecteur.
4. La réponse à cette critique des best sellers est souvent la même: oui, mais ça permet de lancer de jeunes auteurs. Sauf qu'aujourd'hui, miser sur un jeune auteur est un risque peu assumé: outre le coût dérisoire des contrats payés au lance-pierre, la dernière mode est de publier des blogs, ce qui est (était) tout bénef: les auteurs (souvent ineptes, à mon avis) se sont constitué un lectorat parfois immense (Bagieu, Margaux Mottin), une partie cédera à l'achat. Pas grand risque donc... Sauf que comme tout le monde imite cette recette, on en vient à publier d'innommables merdes comme ça ou ça (je ne mets pas les liens sur les blogs, la couverture devrait suffire à comprendre que c'est dessiné avec les pieds, et je n'ose évoquer l'absence d'humour, pourtant revendiqué. Mais cherchez les blogs si vous voulez perdre des neurones). Au-delà de la mode des blogs, tout éditeur cherche à surfer sur le succès d'un concurrent: aussi, si une série de [insérez ici le genre] marche, on aura droit à toute une série d'ersatz de cette série pour essayer de grappiller une partie du succès.
5. Le modèle de la série et du format 46-pages-cartonné-couleurs est lui même en perte de vitesse, et même si les éditeurs cherchent à s'en éloigner via quelques collections (pompant sur les petits éditeurs qui dans les années 90 ont brisé ce modèle déjà défaillant), ça reste encore une norme qu'ils refusent d'abandonner.
5. Certes, "Quatre-vingt dix pour cent de toute chose est du déchet" (loi de Sturgeon), et ça marche aussi pour la bande dessinée. Mais la merde fait bien plus vendre que le diamant brut, qui met du temps à être découvert. Donc on continue à produire de la merde. Surtout que l'éditeur peut réduire le risque via sa filiale de distribution, et une comptabilité que certains qualifieraient de cavalière: les pertes de l'éditeur sont compensés par les bénéfices de la filiale diffusion (même si là aussi, c'est un jeu de trésorerie: les invendus renvoyés deviennent non des remboursements, mais des à-valoirs sur les prochains offices). Tout ça ressemble à une grosse bulle sur le point d'éclater.

Pour résumer: les éditeurs fonctionnent sur un modèle dépassé, et sont entraînés dans une course à la surproduction qui ressemble à celle de la fureur de vivre (le dernier qui saute avant la falaise a gagné). Comme ils sont la charnière du système entre auteurs et libraires, ils ont un rôle stratégique qui leur permet de ne pas sombrer, à l'inverse de ces derniers (plusieurs librairies ont fermé, et plein d'autres sont dans la merde). Sauf que le système marchait parce que les grandes surfaces maintenaient l'équilibre du système en assurant la survente des best sellers (et en laissant aux vrais libraires la variété et la mise en avant de livres à faible tirage). Les grandes surfaces s'effondrent (fnac, virgin), les ventes des "valeurs sûres" aussi (le dernier titeuf a fait un flop), et la surproduction atteint sa limite: les éditeurs sont donc maintenant aussi dans la merde. Politiquement, je pense qu'il faudrait les laisser crever. Mais le choix du ministère est de poursuivre la fuite en avant, avec cette négociation au seul profit su SNE de la prétendue révolution numérique: plutôt que de constater les impasses du fonctionnement actuel, on préfère continuer la bulle en la transférant dans le domaine numérique, qui suppose pour l'instant la même paupérisation des auteurs et la disparition des libraires.

Bon, je n'ai pas été clair, j'ai jeté en vrac mes premières impressions. En fait, je suis juste effaré, en tant que profond amateur de bande dessinée, de la trop grosse production en bande dessinée, largement supérieure aux possibilités d'absorption du public (combien de pilon?). Et de la nullité gobale de la production (combien d'albums auraient été refusés il y a seulement 15 ans qui sont aujourd'hui accepté par l'éditeur, parce que ça coûte peu et qu'il faut avoir de la place sur les étals?).

Enfin, mais c'est pas vraiment le sujet: je pense que parler de "la" bande dessinée comme un genre est aussi idiot que du parler d'"écriture" en incluant dans ce terme Marc Lévy, Harlequin, Paris Match et Proust. Je me suis plié à cet exercice dans ce post, mais je pense qu'il n'y a pas "une" bande dessinée: ce n'est pas un genre, c'est un art et un médium, qui comporte aussi bien sa part artisanale que sa part industrielle, comme le cinéma englobe à la fois Hollywood et Despleschin. Sauf que la bande dessinée franco-belge s'est construit sur un modèle plutôt "artisanal" (un ou deux auteurs maxi, et pas d'assistants, ou presque ? manga ou comics), mais qu'elle a aujourd'hui adopté les codes économiques de l'industrie sans changer ses formats "artisanaux"(le format dominant est donc de 46 pages pour un album publié par an, dérisoire par rapport aux normes US et JP).
La situation décrite ci-dessus est applicable au marché de l'édition en général.

Surproduction afin d'être le vainqueur de ce jeu de go que constituent les tables des libraires : on publie à peu de frais et à faible tirage des tas de titres afin d'occuper l'espace au milieu duquel trônera l'auteur phare, celui qu'on veut vraiment vendre ;

système d'office qui n'est autre que de la cavalerie : on édite et distribue des livres (la plupart du temps non commandés par les libraires) qui souvent ne sortiront pas des cartons faute de place chez les mêmes libraires, envahis ; des livres qui, quand ils ne sont pas des pions de jeu de go, ne font que voyager en camion dans le seul but de générer du pognon grâce au principe des retours (voir par là la définition très douce de l'office en librairie) ;

- on sous-paie les auteurs et les illustrateurs qui attendent que tout ça se casse la gueule. Qui attendent, qui attendent…
Je suis au premier rang des "auteurs" globalement peu payé par rapport au savoir faire accumulé. Mais suis je "sous payé" ? Oui quand ça marche, non quand ça ne marche. Ça m'est aussi arrivé de faire des livres où l'éditeur a mangé le bouillon à hauteur de 15 000 euros (je passe les détails mais dans certains contextes, j'ai eu la chance d'avoir "les vrais chiffres", que beaucoup de mes confrères n'ont pas). Ca fait douze ans que je grenouille là dedans et j'en reste à mon impression initiale: les éditeurs n'ont pas la partie spécialement facile, et s'ils sont frileux c'est parce qu'ils savent que quand ils perdent trop, ils meurent. On parle ici de la précarité des auteurs, mais je connais beaucoup d'éditeurs qui ne se payent pas, ou très peu. On peut critiquer le manque d'audace des "gros", mais franchement, est ce leur rôle ? On a aussi besoin de structures stables.

La bd n'est effectivement pas réellement un art populaire, il n'y a qu'à voir le prix des albums, on est loin du temps de Rahan première édition. Et effectivement, ces problèmes d'assèchement des rémunérations font qu'il faut être petit bourgeois pour faire ces albums, avoir un conjoint, un parent ou d'autres revenus (ou tout ça en même temps). Donc à aucun des deux bouts de la chaine on se trouve culturellement dans un média "semi populaire", assez largement diffusé mais qui fait l'impasse sur de grandes quantités de gens... mais franchement, on peut dire la même chose du gros des productions culturelles.

Si les tablettes deviennent réellement un objet "populaire", comme ça en prend le chemin, avec le piratage, les choses changeront. Il faudrait que les éditeurs, au lieu de subir, prennent l'initiative de publications réellement bon marché. Actuellement mon dernier album est à 5€ de moins en numérique sur Izneo qu'en papier sur Amazon. Celà dit je dis ça mais je suis pris d'un doute ; il me semble avoir lu récemment qu'en France le livre électronique est freiné parce que la loi actuelle sur le prix des livres empêche le type d'écart numérique/papier pratiqué ailleurs. Dans tous les cas, si sur des tablettes à 150€ on peut acheter des albums à 2€, on sera à nouveau dans une situation de média populaire. On aura juste perdu les livres d'ici là, dont on peut tout de même espérer que comme pour les vinyls un marché d'esthète assure une pérennité intéressante.
supprimé, mis au mauvais endroit...
Perso ce qui m'intéresserait c'est des éditions de moins bonnes qualités (petit format, noir et blanc, mauvais papier, ...) et moins cher. J'ai souvent l'impression d'acheter un objet de luxe quand j'achète une bd.
GEUGEU :Avec des scénarios et des dessins de moins bonne qualité, aussi, ouais, ce serait bien.
Pourquoi cette réponse lapidaire ? Rien qu'en prenant la classique couverture cartonnée si chère à la BD franco-belge, on voit que ça double quasiment le prix du bouquin par rapport à une édition couverture souple.

Les éditeurs de comicbouques amerloquains sortent en général une édition hardcoveure (couverture cartonnée) pour les collectionneurs bourgeois, puis une édition softcoveure (couverture souple) pour les pauvres.

En France, non seulement les pauvres qui puent n'ont pas le droit d'aller au musée, mais on leur refuse même l'accès aux couvertures souples, c'est dégueulasse.
ELZECCHIO : La proposition n'était pas celle d'une couverture souple, mais celle d'un « petit format, noir et blanc, mauvais papier ».

Ce qui est très différent. Une BD grand format passée en petit, ça se fait, avec les albums Tintin. Ils conservent leurs couleurs et la qualité du papier. En noir et blanc sur du papier de moindre qualité, ça donnerait quoi ?

Ça donnerait, en poussant un peu plus loin, l'expérience tentée par J'ai Lu pendant plusieurs années qui consistait à passer de la BD en format poche. Et donc de retailler les cases, de les redessiner partiellement, d'anéantir la maquette des pages, des doubles pages. Une vraie catastrophe, qui a heureusement pris fin. (Et je suis bien placé pour en parler, vu que j'ai participé à cette entreprise de taillage à la serpe. Sur le Lone Sloane de Druillet, par exemple, qui avait adoré ce charcutage alors que Schuiten l'avait refusé.)
Ça existe: ça s'appelle des mangas. C'est un modèle qui fonctionne au Japon et, à l'exportation, pour une partie du marché français justement en raison des faibles coûts, ce qui explique qu'un pré-ado préférera Naruto à Spirou parce que pour le même prix il aura 10 fois plus de pages: il rentabilise son argent de poche . Mais ça suppose:

1. une diffusion massive que la France ne connaît pas: périodiques à fréquence rapide tirant à plusieurs millions d'exemplaires.
2. Une industrialisation du processus créatif: 1 signataire mangaka, de nombreux assistants (sous-payés) pour faire les décors, l'encrage, les détails, etc. Méthode Disney appliqué à la bd.
3. Un processus créatif soumis bien plus fortement aux lois du marché: un sondage auprès des lecteurs suffit pour arrêter ou non une série dès son premier épisode.
4. corollaire du 3. une catégorisation en genre très spécifique: shojo sentimentaux pour publics féminins, shonen action bagarre pour public masculin, mais aussi plein de sous catégories pour intégrer dans le marché toutes les classes sociales et tous les sous-genres.
5. Une transposition possible vers la télé, où les adultes ne rechignent pas à voir des dessins animés. Or, en Occident, le dessin animé reste un marché cantonné aux enfants, à tort; les exceptions ne sont que des niches (Persépolis, Mc Laren, Švankmajer,).
6. Plein d'autres détails qui ne me viennent pas à l'esprit, mais qui expliquent simplement que le souhait que vous formulez implique de toutes façons un fonctionnement radicalement différent du marché. Qui viendra peut-être le jour où la bulle éclatera et qu'il faudra trouver de nouveaux moyens de faire de la bd, même si je doute que la solution japonaise soit celle qui l'emporte.

Par ailleurs, ce modèle est également en crise au Japon; ou en tous cas s'essouffle fortement. Même si, en raison de la différence de structure du marché, la crise n'a pas les mêmes aspects que celle que connaît la France, qui, entre autres, ne connaît plus une domination du périodique en bd. En outre, le manga a explosé en France aussi parce qu'il offrait pléthore de nouvelles séries et de nouveaux épisodes à un rythme très rapide: mais le filon s'épuise, et la France a désormais rattrapé en dix ans tous le retard qu'elle avait sur les séries porteuses ou non: le rythme de parution tend donc à se ralentir et à terme on suivra les rythmes japonais; l'attrait de la nouveauté perpétuelle disparaît, et même le marché du manga est en train de stagner au sein du marché bd français. En outre, pour la France, le marché du manga me semble encore plus inégalitaire que celui du franco-belge: une ou deux séries qui sur-cartonnent (Naruto, One Piece), beaucoup d'invendus pour les autres.
ça suppose aussi des éditeurs qui fassent leur travail. Durant les crises successives qu'a déjà vécu la BD, les choix ont été:
- de supprimer les albums souples.
-D'aggrandir les formats afin d'augmenter les prix.
ce qui veut dire qu'entre conquérir de nouveau publics ou faire payer un public captif plus cher, les éditeurs ont choisis il y a longtemps déjà...
Oui, c'est sûr. Mais les studios Hergé sont une exception, liée au succès de Tintin, qui confirme la règle. Par ailleurs, ils ont été rendus possible grâce à l'existence du Journal de Tintin, et de produits dérivés (dessins animés, films) qui assuraient des rentrées régulières, tandis que le rythme de parution des albums allait diminuant. Et on est de toutes façons loin du modèle stakhanoviste à la japonaise: il suffit de comparer la quantité de production des studios Hergé (8 albums de tintin) à celle du studio japonais de Tezuka, contemporain, pour saisir la différence (plus de 700 séries différentes lancées par Tezuka, certaines très très longues). Sans parler même des produits dérivés (animation, gadgets, etc.).
"applicable au marché de l'édition en général" : oui, enfin presque. la BD a été, un temps, protégée de la catastrophe, alors que la littérature a sombré depuis longtemps. Peut -être parce que c'est un marché de niche et qu'il y avait plus à bouffer ailleurs, avant.
les ogres, ce sont les distributeurs : c'est avec le pognon des éditeurs qu'ils font de la cavalerie sur le dos des libraires). Mais comme les "gros" sont constitués en groupes édition-distribution, ce sont surtout les petits éditeurs indépendants qui morflent. Et les auteurs, bien sûr.
CÉCILE C : Vous fournissez un argument que vous bousillez à la phrase suivante :

« les ogres, ce sont les distributeurs : c'est avec le pognon des éditeurs qu'ils font de la cavalerie sur le dos des libraires). Mais comme les "gros" sont constitués en groupes édition-distribution, ce sont surtout les petits éditeurs indépendants qui morflent. »

Bein oui, souvent on fait porter le chapeau aux distributeurs qui, c'est vrai, se prennent de très grosses marges. Mais Hachette est éditeur et distributeur, la Sodis appartient à Gallimard, Interforum à Editis, Union Distribution à Flammarion (qui appartient à Gallimard), Volumen à La Martinière, MDS à Média Participations, etc.

Ces six-là distribuent l'essentiel de la production de bouquins en France. Ce sont six ogres, oui. Qui appartiennent aux six boîtes d'éditions précédemment citées : Hachette, Editis, etc. Qui elles-même possèdent une foultitude de maisons d'édition. Hachette et Editis en regroupent à eux deux une centaine…
oui, je sais bien, c'est les mêmes... :(
à part bien sûr les éditeurs indépendants, comme Allia, le diable vauvert, ou Cheyne, qui d'ailleurs se distribue lui-même...
Ni Allia, ni le Diable Vauvert ne se diffusent et se distribuent eux-même, ils font appel aux service de Volumen, pour l'un et du CDE puis la Sodis pour l'autre.
ben, en effet, c'est pas ce que j'ai écrit :)
Juste pour prolonger cette contribution:
- les réflexions initiées dans le texte (Im)populaire sur du9 ont été prolongées et mises à jour avec les résultats de l'étude 2008 sur les pratiques culturelles des français, dans le cadre d'un article publié par Le Monde Diplomatique en janvier 2010;
- je commets chaque année une étude en profondeur du marché de la bande dessinée en France, la Numérologie, dont la dernière en date concerne l'année 2011 (mais prend en compte les évolutions du marché depuis une décennie). Elle a d'ailleurs fait l'objet d'une confrontation avec des éditeurs dans un article sur Rue89;
- enfin, j'ai également publié un (très) long texte sur la légitimation de la bande dessinée, qui est une sorte de prolongement de l'excellent bouquin de Thierry Groensteen, "Un objet culturel non identifié".

Il est très marquant de voir combien les médias ont du mal à sortir des marronniers qui entourent la bande dessinée, qui selon eux ne connaît pas la crise et reste un divertissement populaire (de 7 à 77 ans), alors que la réalité en est aussi éloignée, et depuis bien longtemps. En cela, la sortie de la Ministre est juste symptomatique d'une forme de mythe que l'on perpétue autour de la bande dessinée, cette Grande Famille où tout le monde s'engage par passion.
Hurluberlu a dit : "c'est dessiné avec les pieds"

Alors qu'en dessinant des pieds en chaussettes c'est chouette.

Parfois on se demande si avec une petite imprimante, un massicot, un relieur/colleur à chaud, et en se déclarant comme micro entreprise , on peut ensuite faire les foires ou les marchés une partie de l'année: petit producteur de BD, ça m'aurait bien plu. Peut-être qu'on arrive aux 750 euros par mois, à 10 euros le livre si on a du talent et du bagout. Mais j'ai pas de bagout, (oh ça va j'ai pas de talent non plus, mais c'est trop méchant de le dire sale lecteur que tu es, espèce de forumeur)
On voit des auteurs déposer leur bouquin dans des épiceries/bistrots copains pour en vendre. Qui en vit? On se demande aussi.
Le rôle d'un éditeur existe, il rend le livre à la portée du lecteur dans tous les sens du terme. On le voit dans les correspondances entre auteurs et éditeurs qui sont publiées parfois ou par le récit que font des auteurs du travail de relecture du responsable d'édition (tendance qui peut finir par la gestion des relations fausse signature/nègre). Mais je ne crois pas que Raymond Queneau ait fait corriger quoi que ce soit à Boris Vian, l'éditeur-trouveur qui faisait le tri avait du bon, même si il écartait ou choisissait injustement, c'était tant pis pour lui.
Dans la bande dessinée je me demande si le rôle de l'éditeur est bénéfique pour la production ou si justement dans le cas de la bd il n'est pas que marketing avant tout: obliger à produire ce que les gens ont envie de lire ou bien intervenir une fois un objet produit pour le faire accéder au réseau de distribution en toute neutralité. Rien entre les deux. Le tri, qui se fait alors après l'édition, fait vivre une deuxième couche de gens, mieux que les auteurs parfois, les critiques et les journaux. Mais le fait est qu'ils n'arrivent plus à suivre et le public non plus. Surtout que le public est victime du premier tri fait par les instances de promotion et ne fait donc pas tout seul le choix devant le rayon contrairement à ce qu'on présume.

édit: des touches de mon clavier ne s'enfoncent plus, la cause en est un bout de miette, j'ai ajouté les lettres manquantes, en appuyant fort. Mais je suis certaine qu'il reste bien une petite faute d'orthographe à vous mettre sous la dent.
Il y a des gens qui font ça sur les salons de bd. Il y a même, en fait, des bds en langue d'oc ou en Breton qui croyez le ou non sont très très rentables dans leur coin. Il y a un peu tout quand on va dans les (très) nombreux petits salons bd. C'est assez sympathique, mais il faut être bateleur et aimer ça, pour ce que vous évoquez.
Merci! Je trouve votre avis très complet, et Bien vu !
L'amateur saura avoir un recul supplémentaire que l'auteur n'a pas, et qui peut donc être donc très intéressant!
:)
Auteur également... (on va voir les loups sortir du bois chez les @sinautes, avec un tel sujet!). L'article décrit assez bien l'état de la question quand on en discute entre "confrères" avant que les propos de Tanxxx (plus que ceux de la ministre) ne fasse le buzz. Il y a ceux qui pensent qu'il y a un problème avec les éditeurs. Bon, sans les idéaliser, je ne suis pas sûr qu'il y ait un problème systémique avec les éditeurs, autre que le fait qu'ils manquent selon moi de vision et d'initiative sur le tournant numérique. Mais pour le reste, la crise ressemble à bien d'autres qui l'ont précédée: musique, comic book aux USA (très bien expliqué dans l'Art Invisible) et probablement avant elle, livre.

En fait à mon avis il y a une crise en deux temps. La première, très spécifique, c'est la crise de la distribution. Entrez dans une librairie et regardez : la quasi intégralité des albums, même très attendus, sont présentés avec un (1) facing (une couv qui vous regarde) et une pile. C'est démocratique, le petit éditeur et le gros, ont des expositions bien plus équilibrées qu'aux USA ou le gros a 19 facing et 1 pour l'indépendant à coté. Alors que fait le gros ? Il sort plus d'albums. Les sorties supplémentaires diluent les ventes, voire ne se vendent pas bien mais le total de livre vendu, lui, augmente (d'où les chiffres annuels du secteur), et l'éditeur le plus agressif à ce jeu là mange des parts de marché aux autres. Au final, tous les éditeurs sont plus ou moins pris sur cette course à l'échalote dont ils aimeraient tous bien sortir mais moins de sortie, c'est dangereux aussi. En plus, il y a une tapée de petits éditeurs qui se lamentent tous individuellement des sorties pléthoriques des gros, mais représentent eux mêmes collectivement un générateur de sorties conséquent. En bout de chaine, les libraires, qui se casse le dos à se coltiner des piles d'albums dont tant et tant seront, il le sait très bien, invendus, se dit "ils sont fous" mais n'y peut pas grand chose.

Il y a peut être effectivement une forme de régulation à opérer par le haut pour sortir du cercle vicieux, mais c'est un peu tard de toutes façons, parce que la deuxième crise qui a frappé tout les autres médias culturels va arriver fort sur la bd et assez vite maintenant : l'avènement des tablettes, et avec elles, d'un élément qui avait relativement épargné la bd à ce jour : le piratage. Et même sans lui, l'impact déjà connu de ce type de mutation : plus de lecteurs, moins de marge.

Au final donc le "metier" d'auteur de bd, qui, il faut bien le dire aussi, était (et reste) autrement plus solide que celui de musicien ou d'écrivain (750€/mois pour faire de la musique ou du roman : bonne chance ! ). Alors comme pour les journalistes qui écrivent des livres, on a des graphistes qui font des bds le soir. Sauf que la bd, sauf à rester dans l'école Trondheim, est quand même un truc assez ardu qui ne se fait pas facilement à mi temps.

Je me pose beaucoup de question sur l'avenir. Le média est solide et survivra, ça me semble certain, mais sous quelle forme ? Une chose est sure, ce que fera ou ne fera pas, dira ou ne dira pas un ministre ne jouera probablement aucun rôle au final ^^ Et quand à ce qu'a dit la présente, elle connait manifestement la situation dans les grandes lignes. Je crois surtout qu'on piaille parce que c'est l'occasion de dire aux mondes nos ptits malheurs.
Un communiqué du SNAC-BD, le syndicat des auteurs de bd, par là.
Auteur de BD, j'avais lu hier l'article de Rue 89, et j'avais trouvé la réaction envers les propos du Ministre, un peu virulents et animés par beaucoup de susceptibilité. Je dis ça en étant moi même dans une précarité certaine...
Les propos initiaux d'Aurélie Fillipetti ne sont pas faux, elle dit vrai, personnellement je ne lisais pas de vrai livre mais des tonnes de BD petit, je n'aime pas le déni qui consiste à caricaturer les propos en étant réducteur, et lui faire dire ce qu'elle n'a pas dit... tout ça parce que qu'elle a mis le doigt là où ça fait mal... l'égo des auteurs... moi le premier...
Oui ses propos étaient lègèrement caricaturaux car beaucoup beaucoup de petites filles AUSSI lisent de la bd... de là à dire qu'elles sont majoritaires...

Aurélie Fillipetti a raison égalemement. sur le fait que POUR L'INSTANT, le secteur (ventes) n'a pas encore pris la crise dans la tête (merci les Manga)... la bulle ( :) ) est encore en train de gonfler... mais c'est l'angle "positif" d'aborder les choses... un peu "angélique" ...

En fait le problème dans la BD comme dans l'édition, c'est que les éditeurs mettent le paquet sur la doctrine libérale "The winner take all" ... je sais pas si je le dis bien, mais l'idée est là... On met le paquet sur les auteurs phares du moment, on invite toujours les mêmes dans toutes les émissions de radio, de télé, les articles de presse, les interviews , les têtes de gondoles en librairie, bref , mettre en avant ce qui se vend le mieux pour que ça se vende encore mieux... Par définition, miser tout sur la promotion de ce qui en a le moins besoin...

On voit le même processus en littérature, avec le phénomène de "walling" , à la fnac, on te fait un mur de livre du dernier best seller, au lieu de faire un mur mosaique de toutes les dernières publications... résultat, ça marche, les "clients" achètent tous le best seller... les autres livres sont dans les choux...

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