Tempête sur les cancaneries
 "Tempête sur les capitales mondiales" titrait le site du Monde. Il fallait, pour un ministre italien, s'attendre à un "11 Septembre de la diplomatie".   Or, qu'apprend-on dans les premiers articles sur les 250 000 dépêches   diplomatiques mises en ligne par Wikileaks ? Que les diplomates, les   conseillers diplomatiques, ou les chefs d'Etat, comme vous et moi   (surtout moi) cancanent et médisent quand ils se rencontrent. Vous savez   ce qu'il vient de me balancer, Msieu Lévitte ? Que Chavez est fou.  Mais  si, fou. Et Merkel, quelle frileuse ! Et ce Kadhafi, qui ne peut  pas se  déplacer sans une infirmière à la forte poitrine, eh bien vous  savez  quoi ? Il a la phobie des bâtiments à étages. Sinon, ces  Iraniens, bien  d'accord avec vous, des vrais fascistes. Faudrait quand  même les  surveiller de près. Et cette pauvre Russie ! C'est bien vrai,  qu'il n'y a  plus de démocratie. Z'avez qu'à voir le Poutine.  Inquiétant, le  Poutine.
 
Tempête ? Pour qu'une tempête se lève,  il faudrait que Hugo,  Mouammar ou Angela surpris et meurtris par ces  méchancetés, rappellent  leurs ambassadeurs à Washington, et rompent les  relations diplomatiques.  Ah ! Quelle blessure ! Nous qui croyons être  aimés et appréciés pour  nos grandes qualités humaines, qui n'avions pas  le moindre doute sur la  chaleur de la poignée de mains de  l'ambassadeur américain. Si on avait  pu imaginer ! On boude. On va se  regrouper entre potentats sympas, qui  ne débinent pas les copains par  derrière.
 
Si la portée diplomatique de cette divulgation de la page Facebook  des Grands de ce monde semble devoir être limitée, l'événement est   néanmoins considérable sur le plan de la circulation de l'information,   et de l'inévitable redéfinition des règles de la diplomatie qu'il va  imposer. Sans parler de notre  représentation du monde. Que ce soit le  Département d'Etat, c'est à dire  la première puissance mondiale, celle  dont on redoute depuis des  décennies les grandes oreilles, qui soit  elle-même victime d'écoutes,  comme un petit dealer, ou une vulgaire  Liliane Bettencourt, pose des  questions qui dépassent les capacités  embrumées du matinaute. Une  diplomatie peut-elle fonctionner sans  secret ? Bien sûr que non. Les  journaux partenaires ont-ils raison de  publier ? Bien sûr que oui. Aux  appareils d'Etat, de protéger plus  efficacement leurs secrets contre les  intrusions. Comment ? Aucune  idée. Mais ils trouveront bien des  solutions.
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