Désinformation : l'Europe paie le loup pour garder la bergerie
Avisa partners recruté par l'Union européenne pour "lutter contre la désinformation"
C'est une nouvelle tellement absurde qu'elle pourrait sortir tout droit du scénario d'un épisode de Succession, la satire à succès de HBO sur un empire médiatique que dissèque l'émission de la semaine. Mais elle est bien réelle, et révélée ce jeudi 1er juin par l'Informé : Avisa partners va aider l'Union européenne à lutter contre la désinformation.
Oui, vous avez bien lu : Avisa partners, l'entreprise dont nous vous parlions l'an dernier dans une enquête en trois parties, accusée de manipuler l'information en gérant une galaxie de sociétés "ayant l'apparence de respectables rédactions" mais publiant en fait de "faux articles, payés par de grandes entreprises ou par les États clients d'Avisa partners", va "nourrir la prospective et l'analyse de l'Union européenne concernant «le multilatéralisme, la bataille des récits, la paix/la sécurité/la défense, la désinformation et le terrorisme»". Rassurant !
Reprenons : à l'été 2022, le témoignage d'un "rédacteur fantôme au service des lobbies" publié par Fakir révèle les opérations d'influence menées par Avisa partners pour le compte de clients fortunés. "Avisa partners et ses dirigeants sont liés à une véritable galaxie de faux médias ressemblant vaguement à des vrais pour peu qu'on n'en gratte pas le vernis", écrivait ASI, après avoir gratté et déniché "six commandes de désinformation" sur un site, "au moins sept" sur un autre, trois sur un autre encore… Au total, ASI a recensé des dizaines d'articles commandés par Avisa partners à ce rédacteur-fantôme, en plus des "propres sites d'intox, dédiés à l'intérêt de ses clients" de l'entreprise. ASI s'était ensuite rendu compte que parmi les médias réputés (Mediapart, Les Échos, Jeune Afrique…) ayant été piégés par les contenus d'Avisa, certains avaient oublié de faire le ménage dans les tribunes qu'ils avaient publiées…
Depuis la publication de notre enquête, Avisa partners, qui n'apprécie pas beaucoup que la presse indépendante s'intéresse à ses activités, nous poursuit en diffamation pour tenter de nous faire retirer nos articles, ainsi que Reflets et Mediapart. Une procédure extrêmement coûteuse pour un média indépendant. Nous réaffirmons ce que nous déclarions alors : "À ce petit air de procédure-bâillon, nous ne comptons évidemment pas céder, nos trois enquêtes ayant été réalisées dans le respect des règles journalistiques." Depuis leur plainte, de nouvelles révélations sur Avisa ont été publiées par Libération et Jeune Afrique sur "une vaste opération d'e-réputation" menée au Qatar par Avisa comme "sous-traitant technique", et "le lucratif business d'Avisa partners en Afrique".
Alors, quand le président d'Avisa partners, Matthieu Creux, décroche un contrat auprès de la Commission européenne "pour soutenir le nouveau «pôle de prospective stratégique» géré par le Service des Instruments de politique étrangère (IPE) de l'Union" et s'apprête à rendre "entre dix et vingt études par an, sur des thèmes tels que le rôle des femmes dans la lutte contre la radicalisation ou l'influence de la désinformation dans les processus électoraux" selon l'Informé, à Arrêt sur images, ça nous fait doucement rigoler. Avisa partners a indiqué à l'Informé que ce "beau contrat" récompensait "vingt ans d'expertise des équipes d'Axel Dyèvre à Bruxelles dans le domaine des études précises et techniques".
Si les responsables de la Commission européenne souhaitent lire nos enquêtes afin de s'informer sur les candidats avant d'attribuer le prochain marché destiné à lutter contre la désinformation, ASI se tient à leur disposition. À moins, bien sûr, que la Commission ne sache parfaitement ce qu'elle fait : après tout, Avisa partners va aussi être chargée, à travers ce contrat, de "faciliter la promotion des intérêts et des valeurs de l'UE ainsi que la promotion des intérêts offensifs de l'UE". Ce que la société sait indéniablement faire… mais à quel prix.
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