Le "Monde" et OpenAI : ChatGPT va-t-il sauver le journalisme ?
Sur le gril
Sur le gril
chronique

Le "Monde" et OpenAI : ChatGPT va-t-il sauver le journalisme ?

Spoiler : c'est très peu probable

Tous les samedis, l'édito médias de Pauline Bock, envoyé la veille dans notre newsletter hebdomadaire gratuite, Aux petits oignons : abonnez-vous !

ChatGPT va sauver le journalisme. Enfin, le Monde, en tout cas. Les autres médias, c'est beaucoup moins sûr.

Le quotidien du soir a annoncé le 13 mars avoir signé un accord de partenariat avec le leader de l'intelligence artificielle OpenAI, afin de lui permettre "de s'appuyer sur le corpus du journal pour établir et fiabiliser les réponses de son outil ChatGPT, moyennant une source significative de revenus supplémentaires". En clair, le Monde va autoriser ChatGPT à puiser dans le travail de ses journalistes (excluant les contenus publiés par le Monde mais produits par des agences tierces, comme par exemple l'AFP) pour nourrir sa machine.

Si, à l'étranger, d'autres organes de presse comme le groupe Axel Springer (qui possède POLITICO et Bild) ont passé des accords similaires, il s'agit du premier accord de ce genre entre OpenAI et un média français. Le quotidien se targue de cette "nouvelle reconnaissance de la fiabilité du travail de nos équipes éditoriales, souvent considéré comme une référence". Outre-Atlantique, un autre "journal de référence", le New York Times, a pris la voie inverse et intenté un procès à OpenAI, considérant que l'utilisation de ses contenus faite par ChatGPT, qui entraîne ses machines en se basant sur des millions d'articles de nombreux médias dont le "NYT", viole la propriété intellectuelle. Le New Yorker rapportait en février - dans un article sur l'extinction en cours du paysage médiatique états-unien - qu'avant de poursuivre OpenAI en justice, le New York Times négociait avec l'entreprise d'IA un accord similaire à celui qu'a signé le Monde.

Super nouvelle, donc, pour le Monde : le journal "considéré comme une référence" l'est désormais aussi par les géants de l'IA. Mais les observateur·ices du secteur des médias connaissent bien cette situation, que l'on vous racontait en février dans une série sur les 20 ans de Facebook : lorsque les Gafam, premiers géants du numérique, ont raflé l'audience des médias en ligne, la question se posait déjà. Fallait-il, ou non, passer des marchés avec Google, Facebook et cie ? Le journaliste spécialiste du sujet Julien Le Bot expliquait à ASI que faire confiance à Facebook a été "la plus grande erreur" des médias. Et l'IA pourrait bien être le prochain eldorado vers lequel les médias vont se précipiter pour, au final, s'entre-tuer. Premier arrivé, premier servi !

À l'annonce du Monde, l'humeur n'est donc pas à la fête dans les médias français. Le Monde l'assure pourtant : cet accord devrait bénéficier à l'ensemble des médias. "Nous espérons que cet accord marquera un précédent pour notre secteur, écrit le quotidien dans son communiqué. Avec cette première signature, il sera plus difficile pour les autres plates-formes d’IA d’esquiver ou de refuser toute négociation. De ce point de vue, nous sommes convaincus que cet accord est bénéfique pour l’ensemble de la profession."

Mais certain·es sont moins optimistes. "Systématiquement, ce n'est pas ce qui se passe", a écrit sur X Julien Cadot, l'un des chefs de Numerama. "Le Monde sécurise des contrats colossaux, non parce qu'il a un meilleur contenu ou plus de contenu, mais parce qu'il est le premier. La suite, c'est des miettes pour le reste de la profession." Lui aurait préféré voir le Monde utiliser le poids de son nom pour diriger des négociations au nom de toute la presse française, dit-il.

Les journalistes du Monde seront-ils aussi fier·es que leur travail nourrisse ChatGPT qu'ils et elles ne le sont à écrire pour le journal français considéré comme "la référence" ? Rien n'est moins sûr : comme vous l'expliquait Thibault Prévost il y a quelques semaines, cette machine infernale participe activement à la destruction de la planète, de par les gigantesques quantités d'énergie dont elle a besoin. Surtout, elle est en train de décimer le paysage médiatique aux États-unis. Ce n'est pas ASI qui le dit, mais l'ancien chef de Google News, Jim Albrecht, pour qui l'IA est "le loup" qui va dévorer la bergerie des médias.

Le Monde pourra-t-il encore se targuer d'être un "journal de référence" si le pacte qu'il a signé mène à l'extinction de sa concurrence ?


Partager cet article Commenter

 

Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.

Déjà abonné.e ?

Lire aussi

Fact-checking, quand les médias n'écoutent pas les faits

Spasfon, lecture rapide, crème quantique de Guerlain : à quoi sert la vérification ?

Presse et idéologie d'extrême droite: le précédent François Coty

Avant les médias de Vincent Bolloré, il y a eu les journaux du parfumeur corse François Coty

Voir aussi

Ne pas manquer

DÉCOUVRIR NOS FORMULES D'ABONNEMENT SANS ENGAGEMENT

(Conditions générales d'utilisation et de vente)
Pourquoi s'abonner ?
  • Accès illimité à tous nos articles, chroniques et émissions
  • Téléchargement des émissions en MP3 ou MP4
  • Partage d'un contenu à ses proches gratuitement chaque semaine
  • Vote pour choisir les contenus en accès gratuit chaque jeudi
  • Sans engagement
Devenir
Asinaute

5 € / mois
ou 50 € / an

Je m'abonne
Asinaute
Généreux

10 € / mois
ou 100 € / an

Je m'abonne
Asinaute
en galère

2 € / mois
ou 22 € / an

Je m'abonne
Abonnement
« cadeau »


50 € / an

J'offre ASI

Professionnels et collectivités, retrouvez vos offres dédiées ici

Abonnez-vous

En vous abonnant, vous contribuez à une information sur les médias indépendante et sans pub.