La Presse libre est-elle "de gauche" ?
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La Presse libre est-elle "de gauche" ?

Diable, La Presse libre serait-elle de gauche ? Libé l'affirme, qui signale aujourd'hui que "huit rédactions indépendantes de gauche se réunissent pour proposer à partir du 15 octobre un abonnement commun" (merci confrères pour le signalement).

L'AFP, qui a signalé elle aussi par une dépêche le début de la campagne de pré-abonnements de LPL pour le grand public, est plus prudente : les médias fondateurs sont "majoritairement marqués à gauche". Ciel ! Des infiltrés de droite parmi nous ?

La Presse libre est-elle une plateforme de médias indépendants "de gauche" ? Si le déclencheur de l'initiative a incontestablement été la transformation en tract du Journal du Dimanche par Vincent Bolloré en 2023 ;  si la plupart des médias fondateurs mobilisent une attention vigilante à l'égard de  l'ascension de l'extrême droite, en France et à l'étranger, dans ses aspects politiques, médiatiques, idéologiques, ou dans sa visibilité publique ; si enfin l'écologie et le féminisme y sont des thèmes récurrents, cela permet-il de les "marquer à gauche" ? Après tout, on a vu la macroniste Nathalie Loiseau, au Parlement européen, se dresser contre la tentative baroque de l'extrême droite d'imposer une minute de silence en mémoire de l'influenceur d'extrême droite Charlie Kirk. Il ne viendrait pourtant à personne l'idée de la "classer à gauche".

Qu'est-ce qu'être "de gauche", pour un média ou un journaliste ? Appeler au vote pour une personnalité soutenue par des mouvements siégeant à la gauche de l'Assemblée, oui, certainement. Mais quel journal, à gauche, se risque encore à cet archaïsme de la "consigne de vote" ? Manifester, dans l'écriture, une sympathie pour des personnages ou des valeurs "de gauche" ? Mais quelles sont ces valeurs ? Et comment mesurer le moment où cette sympathie "marque" à gauche son auteur ?

Qualifier de génocide le massacre de Gaza, est-il un marqueur "de gauche" ? Nécessaire ? Suffisant ? Estimer que le plan de paix de Donald Trump pour Gaza est une "monumentale arnaque", comme aujourd'hui Denis Sieffert, éditorialiste à Politis, est-ce être "de gauche" ou simplement de bon sens ? Et ce portrait d'Isaline Choury, 83 ans, actuellement embarquée à bord de la Freedom Flotilla Coalition, est-il "de gauche" ?

Consacrer un article au racket de Trump sur YouTube, comme aujourd'hui Next, est-ce "de gauche" ?

Et tiens, l'enquête de Rue 89 Bordeaux sur les couches pour bébé compostables est-elle une enquête de gauche ? Après tout, il y a certainement des composteurs de droite, ou du centre.

Et pour commencer par le commencement, Arrêt sur images est-il un média "de gauche" ?

Aussi loin que je me souvienne, ni ce site, ni l'émission de France 5 avant lui, ne se sont jamais auto-définis comme "de gauche". Quand j'ai suivi en reportage la campagne de la NUPES en 2022, je n'ai pas caché dans mes textes de journaliste ma sympathie de citoyen pour ces candidats d'union de la gauche. Mais avec le recul, j'avais davantage de sympathie pour la démarche d'union, que pour la gauche elle-même. Unie, elle me semblait belle. Déchirée comme aujourd'hui...je préfère regarder ailleurs.

Dans les statuts de l'association qui porte La Presse libre, nous nous définissons ainsi : 

L'association vise le développement de la presse indépendante. Ce développement s'inscrit dans un cadre de valeurs que l’association et les membres qui la composent s’engagent à respecter, dont voici les principales :

Indépendance : La Presse libre et ses membres défendent et pratiquent un journalisme imperméable à toute pression politique ou économique. Tous promeuvent une presse qui tire l’essentiel de ses ressources de ses lecteurs (vente au numéro, abonnements, dons…) et dont l'organisation (forme juridique, actionnariat, contre-pouvoirs…) garantit la liberté éditoriale.

Éthique : La Presse Libre et ses membres défendent une pratique déontologique et exigeante du journalisme.

Inclusivité et égalité : La Presse Libre et ses membres s'opposent à toutes les formes de discrimination.

Solidarité : Les membres de l’association sont unis par un esprit de coopération et de solidarité.

Débats existentiels

Si Libé et l'AFP, comme tous les médias, ont parfaitement le droit d'étiqueter qui ils veulent comme ils le veulent, il peut être aussi utile de tenir compte de la manière dont se caractérisent les intéressés eux-mêmes. Sans trahir nos petits secrets, cette question a fait l'objet parmi les médias fondateurs de LPL de débats confraternels existentiels, entre partisans du refus de toute étiquette, et défenseurs du "d'où tu parles ?". L'impartialité est-elle une fiction ? La posture, toujours illusoire, de surplomb est-elle archaïque, ou salutaire et tactiquement plus efficace ? Vieux débats...

Dans le glissement de terrain accéléré des sociétés et des médias occidentaux vers l'appel, ou au mieux le consentement aux expulsions de migrants, au rejet des différences, à la chasse aux "woke", au climato-scepticisme, au harcèlement de la presse indépendante et du service public de l'information, au crachat décomplexé sur l'état de droit et les magistrats, quand tous les repères semblent lâcher en même temps, quel degré de résistance justifie l'étiquette de "gauche" ? 

Tiens, je viens d'écrire résistance ? Oui. Décidément. Quand les blés sont sous la grêle... Souvenirs souvenirs. Et si c'était simplement la bannière la plus adaptée au moment présent ?

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Le blog Obsessions est publié sous la seule responsabilité de Daniel Schneidermann, sans relecture préalable de la rédaction en chef d'Arrêt sur images.

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