Washington : du Guignol et du coup d'État
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Washington : du Guignol et du coup d'État

D'abord, ordonner le chaos. "Chaos", c'est le mot plusieurs fois répété par Biden, dans son allocution dramatique sommant Trump de sommer les émeutiers d'évacuer immédiatement le Capitole, où plusieurs centaines d'entre eux, le 6 janvier, ont interrompu la procédure de certification des résultats de l'élection présidentielle. Chaos, c'est un mot d'urgence, pour tenter de cerner un événement unprecedented, encore rebelle aux analyses et aux récits.

Chaos de l'événement, chaos des photos qui pleuvent sur Twitter dans la nuit européenne (en voir ici une première sélection à chaud par Libération), chaos de la pensée, chaos des mots pour l'exprimer. La planète a-t-elle assisté à une tentative de coup d'État, ou à un baroud d'honneur guignolesque ? Dans la colonne "coup d'État", les sénateurs évacués en catastrophe, la cérémonie démocratique de certification interrompue,  et l'émeute incitée par l'autorité suprême, malgré tout encore légitime, du président sortant. Quelle riposte eût inventé la démocratie américaine, si les urnes contenant les résultats certifiés des États étaient tombées entre les mains des émeutiers ? Dans la colonne coup d'État encore, une enquête reste à faire sur les complicités sécuritaires des émeutiers. Comment sont-ils entrés dans l'enceinte sacrée ? Oui la police a été débordée, comme le montre cette scène pathétique, mais pourquoi ce policier était-il, dans les premières heures, seul ou presque, alors que la menace planait depuis des semaines ?

Dans les complicités actives, il faut bien entendu inclure, au premier rang, les multinationales Twitter et Facebook, qui ont attendu les tout derniers instants pour prendre les décisions radicales de suspension des comptes du forcené Trump, décisions qui s'imposaient pourtant depuis le lendemain de l'élection. 

Dans la colonne guignolade, les selfies, le folklore, et l'intuition immédiate, dès les premières photos, de l'échec de la pantalonnade. Et notamment cette photo omniprésente du "viking" en peau de bête Jake Angeli...

... figure du mouvement complotiste QAnon dans l'Arizona, comme l'a identifié une enquête immédiate de Radio-Canada, en réponse aux non moins immédiates spéculations sur le thème "ces émeutiers trumpiens sont des antifas déguisés"Il y a des signes qui ne trompent pas. Qui se souvient de la tentative de putsch communiste anti-Gorbatchev, en 1991, et de ces chars qui s'arrêtaient sagement aux feux rouges ? Cette tentative précipita en réaction la fin de l'URSS, comme il n'est pas impossible que l'émeute du 6 janvier marque une forme de réveil, dans la gueule de bois, après le cauchemar trumpien.

Et si c'étaient les deux à la fois ? L'un parce que l'autre, l'un dans l'autre ? Putsch guignolien, guignolade putschiste. Si la pulsion putschiste de Trump ne fait aucun doute, il a toujours été aussi clair qu'il n'avait pas les moyens d'un coup d'État traditionnel. Les chefs militaires américains ont prévenu par avance qu'ils ne s'y prêteraient aucunement. Au dernier moment, le vice-président Pence a lâché Trump, l'a prévenu qu'il n'aurait d'autre choix que de certifier les résultats, et c'est vraisemblablement lui qui a fait appel à la Garde nationale pour évacuer le Capitole. Ce qui ne signifie pas que tout danger soit écarté. Cette apothéose wagnérienne de la post-vérité marque peut-être en même temps sa limite. L'émeute complotisto-suprémacisto-néo-nazie de Washington n'est en aucune manière une alternative au pouvoir légal, celui qui contrôle la police et l'armée, bat monnaie, et vote les lois.  La journée de 6 janvier ne tuera pas QAnon, ni ne réduira le cancer complotiste. Elle les a simplement cantonnés dans un monde parallèle, où ils sont solidement établis.

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