Tapie, son cancer, ses procès
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Tapie, son cancer, ses procès

La grève de Radio France le laissant seul et désemparé, le matinaute avide de prendre pied avec le monde mainstream décide de plonger dans les interminables tunnels de pub des Matinales télé. Ce matin, LCI recycle un court extrait de l'interview de Bernard Tapie, diffusée hier dans l'émission Sept à Huit par la chaîne mère TF1. C'est un court extrait. "Il y a une chose qu'il faut dire aux cancéreux. La science va tellement vite que la perspective de guérison d'un cancer peut changer en quinze jours". Retour au plateau. Réaction d'Aphatie (tiens il est là, Aphatie ?) : "Ce n'est peut-être pas tout à fait vrai, mais on a tellement envie d'y croire avec lui". "Et on  lui souhaite bon courage", ajoute la présentatrice. Le cancer de Tapie n'est pas n'importe quel cancer. C'est un cancer national. C'est notre cancer à tous.

Si la Matinale de LCI ne diffuse que ce court extrait optimiste, la version intégrale de l'interview est moins joyeuse. Déjà atteint à l'oesophage et à l'estomac, Tapie vient d'apprendre qu'on lui a trouvé des métastases au poumon. L'interview commence ainsi, par cette nouvelle-là. Et c'est Tapie lui-même, après quelques minutes de conversation, qui aborde l'autre combat de sa vie : son procès dans l'affaire du Crédit Lyonnais, et sa relaxe au pénal. Tapie : "on vient de retrouver avec ce jugement..." La journaliste, Stéphanie Davoigneau, entame l'impossible bras de fer : " vous parlez de la relaxe au pénal. Au civil, euh, la Justice vous a condamné à rembourser... "Non non, ça c'est de la connerie..." "400 millions d'euros..." "J'ai pas envie de parler de ça ici..." "Pour vous c'est pas la question de votre vie actuellement ? Mais c'est une décision qui a autorité de la force jugée" "Le civil, il a dit simplement ce qu'un rapport intermédiaire d'un procureur lui a donné" "Oui mais c'est une décision définitive". Dans l'affaire de l'arbitrage du Crédit lyonnais, Bernard Tapie a été relaxé au pénal, mais condamné au civil. Morale de l'affaire : cet arbitrage était frauduleux, mais n'était pas une escroquerie.

Le témoignage-plaidoierie télévisé du malade-justiciable Tapie est déjà un exercice canonique (voir ici avec Laurent Delahousse). Entremêlement inextricable de baratin et de courage, qui installe une infernale confusion : ce courage, cet admirable courage du malade, au fond n'est-ce pas le même qui anime l'homme d'affaires dans son marathon judiciaire ? Et tous ses ennemis, ces procureurs, ces ministres, ces journalistes, tout cet establishment qui veut sa peau, au fond ne sont-ils pas un autre visage de l'infâme maladie ? Tout embryon de critique, ou de simple distance, est ainsi projeté dans la position intenable d'attaquer un malade héroïque.  "Il m'arrive de pleurer, ou de prendre quelqu'un dans mes bras à la fin d'une interview. Et je n'ai jamais considéré ça comme une faute professionnelle", a déclaré à Telestar Stéphanie Davoigneau dans une interview. Je regarde ces dix minutes, qui commencent par la nouvelle des metastases au poumon, et se poursuivent par une héroïque tentative de journalisme -d'autant plus héroïque que chacun sait que ce n'est pas ce passage-là qui sera repris. Je ne sais pas si l'entretien s'est vraiment déroulé dans cet ordre, ou s'il a été remonté. Je ne sais pas si Stéphanie Davoigneau a pris Bernard Tapie dans ses bras à la fin. Mais je sais que je viens d'assister, pour le meilleur et le pire, à une démonstration de ce métier impossible, le journalisme.


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