Takieddine : silence !
Il peut y avoir toutes sortes de raisons de ne pas les reprendre. Soit qu'on ne les estime pas fiables, soit (si si, ça arrive) qu'on ne souhaite pas, par vilaine jalousie, faire de la pub à un media concurrent. Et Mediapart n'échappe pas à la règle. Aucun confrère n'est obligé de reprendre les révélations de Mediapart. A fortiori, sur l'affaire du financement libyen de la campagne de Sarkozy, affaire sur laquelle, personnellement, j'ai toujours estimé que Mediapart, à la différence des affaires Bettencourt ou Cahuzac, n'avait pas fourni dès le départ la preuve irréfutable de l'existence de ces financements. Des témoins à la sincérité invérifiable, des documents contestés : le doute pouvait subsister.
Ça, c'était jusqu'à avant-hier, mardi 15 novembre. Avant-hier, Mediapart a mis en ligne une interview de l'intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine, racontant dans le détail comment il apporté à trois reprises, en 2006 et 2007, trois mallettes de billets de 500 et 200 euros au ministère de l'Intérieur, alors dirigé par Sarkozy (pour un total de cinq millions d'euros). Peut-être Takieddine fabule-t-il. Peut-être a-t-il tout inventé. Toujours est-il que ce témoignage existe. Qu'il est précis. Que Takieddine s'est mis dans la situation de devoir en répondre à la Justice (il a d'ailleurs été, le soir même, entendu par la police).
Il est donc tout simplement incompréhensible qu'un journal comme le 20 Heures de Field et Pujadas, entre autres, n'en ait soufflé mot ni mardi, ni mercredi soir. On peut présenter ce témoignage avec toutes les précautions possibles. On peut simplement le citer sans rien en diffuser. On peut, comme Le Monde, estimer ce témoignage tardif, douteux, estimer que les mobiles de ces versements sont imprécis. Mais le passer purement et simplement sous silence, c'est commettre, aux yeux de la France entière, une erreur qui sera longtemps reprochée aux medias taiseux. Que croient-ils ? Qu'on ne les voit pas ? Qu'on ne se rend compte de rien ? Mais leur silence, sur cet enième épisode du feuilleton français "les politiques et les mallettes", qui rappellera aux plus anciens la belle époque de la "cassette Méry" éclate tous les soirs, comme une insulte à des millions de citoyens.
D'autant que l'événement survient à quelques jours du dernier débat de la primaire de la Droite. Dans lequel on guettera évidemment toute allusion à "la" question. On imagine la nervosité en coulisse, dont témoignent les préparatifs. A en croire Le Parisien, tout a été fait pour que le débat ne déborde pas : d'abord, la chaîne de Field a préféré s'associer à Europe 1 qu'à France Inter. Effets collatéraux : les potentiels (et relatifs) incontrôlables ont été écartés : le sûr Elkabbach a été préféré au jeune Sotto (qui avait asticoté Sarkozy sur Bygmalion), Et Nathalie Saint-Cricq préférée à Léa ("c'est une plaisanterie") Salamé, officiellement, défense de rire, parce que Europe 1 ne souhaitait pas qu'on entende Salamé sur son antenne. Les boulons sont serrés. Mais le sont-ils jamais assez ?
Cassette Méry : capture extraite du 20 Heures de France 2 de l'époque)
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