Retour à Sidi Bouzid
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Retour à Sidi Bouzid

Et si l'histoire de Mohammed Bouazizi, le jeune marchand de primeurs tunisien qui a déclenché les révolutions arabes

, ne s'était pas déroulée de la manière que l'on croit ? Le spécialiste de Libération, Christophe Ayad (le même qui avait signé le premier article de la presse française sur la révolution tunisienne) est retourné à Sidi Bouzid, rencontrer tous les acteurs de l'affaire. Et tout y passe. A commencer par la personnalité de la policière municipale, qui aurait giflé Bouazizi en lui confisquant sa balance de commerçant à la sauvette. Ayad l'a rencontrée: c'est "une femme brisée par quatre mois de détention, fragile et douce", une brave femme, avec un papa, une maman, qui attend sa réhabilitation.

Oui, sa réhabilitation. Car si certains ont, par la suite, colporté que Bouazizi avait été giflé par la policière, il n'en est rien. Il n'y a jamais eu de gifle, mais un ingénieux storytelling révolutionnaire, monté par les syndicalistes de la région, pour faire tomber Ben Ali. Un de ces militants raconte : «En fait, on a tout inventé moins d’une heure après sa mort. On a dit qu’il était diplômé chômeur pour toucher ce public, alors qu’il n’avait que le niveau bac et travaillait comme marchand des quatre-saisons. Pour faire bouger ceux qui ne sont pas éduqués, on a inventé la claque de Fayda Hamdi. Ici, c’est une région rurale et traditionnelle, ça choque les gens. Et de toute façon, la police, c’est comme les Etats-Unis avec le monde arabe: elle s’attaque aux plus faibles.» Quant à Bouazizi lui-même, selon des témoins, il aurait ainsi apostrophé la policière: "avec quoi je vais peser, maintenant que tu m'as pris ma balance, avec tes seins". Pour être parfaitement exact, rappelons que sur le niveau d'études de Bouazizi, des doutes étaient déjà nés à l'époque, suffisamment insistants pour que nous nous en fassions l'écho sur le plateau.

"L’on repart de Sidi Bouzid songeur et lesté de questions sur son métier d’historien du présent" écrit Ayad. Exactement de la même manière, on ressort de son article "lesté de questions" sur la frontière, parfois mince, entre une enquête méticuleuse, et un révisionnisme pervers. Qu'est-ce qui fait la différence ? Pas grand chose parfois, sinon un certain parfum de bonne foi, le souci méticuleux de recueillir les versions contradictoires, de les soupeser, de les confronter, soucis palpables à chaque ligne de son texte. Vue de près, l'histoire ne ressemble jamais à l'Histoire. Il y a des détails qui clochent, qu'on élimine, et d'autres qu'on magnifie. En prenant la Bastille le 14 juillet 89, le peuple de Paris n'y a trouvé, outre les munitions et la poudre recherchées, qu'une poignée de prisonniers, fous, faussaires, ou "débauchés". Cela n'empêche pas le 14 juillet d'être le 14 juillet.

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