Profs en Sorbonne, et ailleurs
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chronique

Profs en Sorbonne, et ailleurs

Aux accents de One de U2, le cercueil s'avance dans la cour de la Sorbonne. Réaliser à cet instant quel corps se trouve à l'intérieur, et dans quel état. Le réaliser brutalement. Et, comme d'autres, pleurer. Laisser simplement monter les larmes, refoulées depuis tous ces jours. Adieu Monsieur le professeur. Reviennent mes années Mistral gagnant, et les noms de toutes mes grandes ombres. Mademoiselle Legrand qui vivait dans l'immeuble au-dessus du "Bois et charbons". Monsieur Pastoureau, qui nous rentra la grammaire dans la tête avec l'exemple éclairant de la boulangerie Parcheminou : "Sa nature, c'est Parcheminou. Sa fonction, c'est boulanger". Et Monsieur Joulia le rougeaud. Enfin en CM2 Madame Casimiri, et le savon qu'elle me passa, parce que j'avais manqué une rentrée de février. Devant la boîte de chocolats, elle se radoucit dans l'instant. On est humain... Bien plus tard, il y eut l'éblouissant cours de stylistique de Jean Mazaleyrat, dans ces murs même, où l'on passait sous les cariatides du Savoir, Hugo et Pasteur, pensifs déjà. J'ai toujours son manuel, Le style et ses techniques.

Est-ce simplement la vue de ce coffre en bois ? Est-ce ces images de mes profs ? Remontent toutes les abominations de la journée. Les enfants achetés pour 300 euros. Et qui se mettent à l'écart de la vidéosurveillance, jusqu'au moment où le prof sortira du collège. Et qui le désignent contre le reliquat, à celui qui leur a dit vouloir le filmer, l'humilier, le frapper. Et cette phrase soudain retournée, Et ils le lui livrèrent. Un martyr. Est-ce ainsi que naît un martyr ? "Parait qu'on s'habitue", dit Gauvain Sers. Nous habituerons-nous ? C'est si dangereux, un martyr. C'est si meurtrier, la détresse.

Toute la loi, rien que la loi. Dans cette détresse, je n'ai pas d'autre boussole. D'abord, fermer ses écoutilles au tumulte toxique des accusations croisées, dont retentissent les plateaux. Ensuite, toute la loi, rien que la loi. Pour les ados achetés, toute la loi, rien que la loi, en pesant au procès chacun de ces trois mots, filmer, humilier, frapper, car oui, il faudra bien les peser. Pour tous les anonymes qui ici ou là veulent "cramer des mosquées" sur les mêmes réseaux sociaux où vola la vindicte contre Samuel Paty, toute la loi, rien que la loi. Pour les organisations menacées de dissolution, toute la loi, rien que la loi. Pour les agresseuses à l'arme blanche de promeneuses voilées au Champ de Mars, toute la loi, rien que la loi. Pour le père de famille Brahim Chnina, en pesant au plus juste chacun des échanges avec le tueur, toute la loi, rien que la loi. Et pour le prédicateur Sefriaoui. Et pour tous les cyber-harceleurs quels qu'ils soient. Pardon pour le simplisme de cette boussole, mais je n'en ai pas d'autre. Dans la classe de monsieur Pastoureau, un jour je dépassai les bornes du chahut. Ni une ni deux, les parents furent convoqués chez le directeur. Je peux vous dire qu'on n'est pas sortis très fiers. Merci monsieur Dedet.


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