Anne Pingeot, à voix nue
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chronique

Anne Pingeot, à voix nue

Deux voix dialoguent, depuis le début de la semaine, chaque soir sur France Culture.

Deux voix se répondent, se choquent doucement, se chattemittent. La première, on la connaît sur la station. C'est la voix de Jean-Noël Jeanneney, l'historien animateur de l'émission Concordance des temps. Elle est caressante et surannée. Elle lit les phrases, tout aussi caressantes et surannées, travaillées et géométriques, de lettres écrites par François Mitterrand, au long des années 60 et 70. Le combattant est en mode pause. Chaque soir, il écrit à la femme qu'il aime. On l'aura compris, l'émission accompagne la publication du Journal pour Anne, dont il fut question ici.

La deuxième voix est donc celle, inconnue jusqu'ici, de la destinataire des lettres, Anne Pingeot. Ce n'est pas une voix, c'est une cascade. Une cascade de rires perlés et d'évocations incrédules. Tout sauf une voix de vieille dame. Elle pourrait rire ainsi, à son premier rendez-vous avec un inconnu. Dans les scintillements de la cascade, passent, mêlés, les souvenirs des grands chagrins, et de l'admiration absolue, dont fut constituée sa drôle de vie avec Mitterrand. Anne Pingeot se retourne sur son histoire, et n'en revient toujours pas. Cela donne par exemple cet échange, à propos de l'élection présidentielle de 1965, à laquelle Mitterrand se présente, et met De Gaulle en ballotage. Lui : "vous avez craint qu'il vous échappât ?" Elle rit. "Ah oui. Oui. Mais comment dire ? C'est aussi beau de voir quelqu'un réussir. S'épanouir. Se battre". Il recommence à parler. Mais par dessous, on entend encore son chuchotement émerveillé : "45% au deuxième tour contre De Gaulle. C'est extraordinaire".

Elle dit aussi la face d'ombre, bien entendu. Cette tyrannie de la fascination, qu'il exerça sur elle, pour lui faire accepter l'inacceptable. Deux voix à l'avant-scène. Et elles seules. De tout le reste, le dialogue a été épuré. On ne parlera pas de ce qui fâche : gendarmes de l'Elysée, système d'écoutes élaboré pour préserver ce bonheur clandestin. On est entre-soi : c'est Jeanneney, comme le raconte d'emblée Pingeot, qui l'a convaincue, au nom de l'institut François Mitterrand, de publier ces lettres. Tout juste passent dans le décor des noms de lieux, Latche, Gordes, le quai Branly, le congrès d'Epinay, les villages de la Nièvre, sillonnés sans relâche par le député Mitterrand, avec toutes ces routes qui tournent. Aucune de ces "pauses musicales", de ces "virgules", qui ponctuent aujourd'hui n'importe quelle émission de radio, même sur France Culture, comme si l'on était incapable d'écouter simplement un dialogue, pendant une heure. Aucun document d'archives. Rien qui détourne l'attention. D'Anne, on a d'ailleurs très peu de photos. Ça tombe bien : l'émission s'appelle A voix nue. Et il n'y a évidemment pas de caméras dans le studio.

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