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Floutages

On a beau chercher, aucun argument rationnel ne permet totalement de comprendre

pourquoi la direction de France Télévisions a souhaité flouter les visages des deux journalistes otages en Afghanistan, dont les chaînes publiques ont diffusé pour la première fois une vidéo, divulgué les noms, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, et divulgué les visages (hors situation de détention). Ni, accessoirement, pourquoi cette direction a refusé la diffusion d'un reportage de France 3 présentant le travail des deux reporters. Pour s'en expliquer, le directeur des antennes Patrice Duhamel aurait invoqué "les conventions de Genève", et la "dignité" des otages détenus dans des conditions dégradantes.

La rédaction n'a pas apprécié, et l'a dit publiquement picto



Qu'est ce qui est attentatoire à la "dignité" de Ghesquière et Taponier ? Que les deux journalistes lisent un communiqué de leurs ravisseurs, sommant le gouvernement français d'accéder aux revendications de ces ravisseurs ? Que France Télévisions diffuse cette vidéo ? Qu'ils nous regardent dans les yeux, que les télespectateurs connaissent leurs noms, puissent voir leur visage ? Chacun répondra, à ces trois questions, ce qu'il souhaitera, mais cela ne rendra pas plus lisible la décision de Duhamel. La charge symbolique négative s'attachant au floutage, supposée bien connue des gens de télévision, vient encore accroître la perplexité. Qui est habituellement flouté, au JT ? Les agents immobiliers véreux, filmés en caméra cachée, ou les mineurs délinquants. Le flouté habituel n'est...pas très net. Ce n'est évidemment pas l'effet d'image recherché par Duhamel en ordonnant de flouter les visages des deux otages. Mais il ne pouvait ignorer que ce serait, pour certains télespectateurs, l'effet obtenu. Alors ?

Restent des explications moins avouables. On peut imaginer que cette diffusion n'a pas été appréciée au gouvernement, ainsi placé publiquement au pied du mur (ou au moins, que la direction de France Télévisions ait anticipé un certain mécontentement). On peut imaginer que la direction de France Télévisions n'a pas voulu, en laissant les reporters détenus regarder la France dans les yeux, en diffusant un reportage tressant leurs louanges, accroître cette pression, ou être soupçonnée de l'accroître (on se souvient que Sarkozy en personne, son secrétaire général Guéant, et l'ex-chef d'état major des armées Georgelin, se sont signalés par les sorties assez indécentes sur le coût des recherches des deux reporters. Depuis le début, entre France Télévisions et le pouvoir, c'est une affaire qui fâche). Peut-être la direction a-t-elle craint d'encourir, de la part du pouvoir, le reproche d'augmenter ainsi la "valeur marchande" des otages aux yeux des ravisseurs. Celà fait beaucoup de "peut-être", et beaucoup de soupçons d'anticipations. Mais faute d'explications rationnelles de cet étrange floutage de deux professionnels qui n'ont rien à se reprocher, on est réduit aux peut-être.

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