Impôts : ras le bol des ras-le-bolistes ?
Brève

Impôts : ras le bol des ras-le-bolistes ?

Ras-le-bol des discours sur le ras-le-bol fiscal ? Alors la lecture de

l’Observatoire des inégalités s’impose. Son rédacteur en chef, Louis Maurin, analyse la construction de ce ras-le-bol, sentiment diffus validé par les politiques – Pierre Moscovici en tête – et popularisé par les journalistes. Or pas de bol : la France est un des pays où l’impôt sur le revenu est le plus faible.

Depuis la rentrée, l’ennemi est clairement désigné et porte le nom d’impôt. Dernier épisode en date : l’augmentation des saisies d’argent liquide opérées par les douanes et révélée par Le Parisien ce week-end. Si on compare les premiers trimestres 2012 et 2013, cette augmentation s'élève à +500%. Pour les médias, c'est une évidence : le trop d’impôt nous fait remplir des valises de billets pour aller les planquer en Suisse et au Luxembourg. La réalité est évidemment plus complexe et nous tâcherons ici de la démêler. En attendant, un seul refrain : on croule sous la pression fiscale. Or il n’en est rien. Comme le rappelle l’Observatoire des inégalités, "la France est l’un des pays où [l’impôt sur le revenu] est le plus faible, même quand on y adjoint la contribution sociale généralisée. Mités par les niches et autres dégrèvements, les impôts directs sur le revenu ne représentaient que 7,3% du Pib en 2010, l’un des plus bas des pays comparables de l’OCDE, contre 8,8% en Allemagne et 10% au Royaume-Uni".

Alors d’où vient ce discours ? Louis Maurin, rédacteur en chef de l’Observatoire, en cherche l’origine. Les politiques sont en partie responsables selon lui, et notamment Pierre Moscovici, ministre de l’économie, quand il se dit très sensible au ras-le-bol fiscal. Maurin rappelle que ce n’est pas nouveau : "dès 1988, François Mitterrand en était convaincu et l’écrivait dans sa «Lettre à tous les Français»". Puis il pose la question : "d’où le ministre de l’économie tient-il son information ? Un article du quotidien «Le Monde» donne la clé du mystère : de conversations de salon (ou de plage) durant ses congés ! «On ne lui a parlé que de ça du petit déjeuner au dîner». Etonnante façon de se forger un jugement". Mais Maurin pointe surtout "l’immense erreur du gouvernement [qui] est d’avoir menti en prétendant ne pas augmenter les impôts tout en le faisant, de façon totalement désordonnée…"

un concert médiatique parfait

Autre fautif : le sondage. En effet, si vous demandez aux badauds s’ils veulent payer moins ou plus d’impôts, la réponse est évidente. Des sondages peu significatifs mais cités sans distance pour démontrer le soi-disant ras-le-bol fiscal. Enfin, les journalistes sont tout aussi coupables. Pour Maurin, "le concert médiatique autour du ras-le-bol fiscal a été à peu près parfait". Et l’auteur cherche à comprendre pourquoi : "une partie des journalistes savent bien que les comparaisons internationales sont totalement faussées, mais sont hostiles par principe à l’impôt. Ils trouveront toujours qu’ils sont trop élevés. […]" Les comparaisons internationales ? C’est souvent, en effet, l’argument avancé par les journalistes. Exemple : dans l’émission Carrément Brunet diffusée dimanche dernier sur RMC et consacrée à cette fameuse pression fiscale, l’animateur, Eric Brunet, affirme que la France est le pays où les impôts sont les plus élevés au monde. Tout juste s'il concède, face à une députée socialiste, que la Suède est peut-être la première sur le podium.

Une émission à écouter ici >>

Or ce n'est qu'une allégation, comme l’explique Maurin : "les comparaisons internationales de prélèvements obligatoires n’ont aucun sens. L’artifice utilisé pour dénoncer le poids de l’impôt sur le revenu est de mettre en avant le chiffre de l’ensemble des prélèvements (impôts, cotisations, taxes diverses), parmi les plus élevés au monde. L’ensemble des taxes représentait 42,9% de la richesse nationale en 2010, moins que le Danemark (47,6%) mais bien plus que le Royaume-Uni (34,9%). Ce chiffre n’a pas de sens car il compare des services rendus totalement différents selon les pays. […] La France dépense plus que les autres en matière d’éducation non parce que l’école coûte plus cher, mais parce que sa natalité est dynamique et que l’accueil des jeunes enfants est gratuit dès trois ans. On pourrait réduire l’impôt en rendant la maternelle payante, il n’est pas certain que les Français approuveraient."

Pourtant, le refrain perdure : l’impôt nous étouffe. A plusieurs reprises, Brunet avouera être lui-même un ras-le-boliste : "comment vous dire les choses avec un peu de retenue, hum, parfois il m’arrive, à certains moments de la journée, de les comprendre un peu ces Français […] qui essaient de se soustraire à leurs obligations fiscales. Et, un peu plus loin, au cas où l’auditeur n’ait pas bien entendu : "je dois dire avec un peu de honte tout de même mais pas tant que ça, je dois dire que je les comprends un peu ces Français". Les journalistes sont-ils donc tous allergiques aux impôts ? Non, pas tous. Certains "pêchent aussi par ignorance" selon Maurin : "qui, parmi les journalistes français, a consulté les bases de données obscures de l’OCDE ? Il suffit pourtant de cliquer ici. Une partie de la presse relaie un sens commun, admis dans les médias «sérieux», sans se poser plus de questions."

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