Violences policières : Beauvau, l'autre grande muette
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Violences policières : Beauvau, l'autre grande muette

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Depuis le 1er janvier, les enquêtes journalistiques sur les violences policières s'enchaînent à un rythme effréné. Plus d'une vingtaine à ce jour. À chaque fois pourtant, le ministère de l'Intérieur reste silencieux, au grand dam des journalistes qui travaillent sur le sujet.

"Il y en a qui déconnent" affirmait Gérald Darmanin au sujet des policiers, le 12 février 2021 sur France 2, interrogé au sujet de l'affaire Michel Zecler. Quelques mois plus tôt, le ministre de l'Intérieur réfutait face à Ruth Elkrief le terme de "violences policières" : "Les violences policières n'existent pas telles qu'on l'imagine. Il peut y avoir des policiers violents, mais la violence légitime de l'État est très importante." Idem pour Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, qui préférait, en décembre 2020, réserver le terme de "violences policières" aux "arrestations arbitraires" pratiquées dans des "États qui ont une police violente structurellement". Des déclarations dans la droite ligne du précédent pensionnaire de Beauvau, Christophe Castaner, qui avait déclaré au JDD en 2019 : "Je n'accepte pas l'expression «violences policières» (...) Chaque fois qu'un comportement litigieux est signalé, une enquête est ouverte. [...] Mais je condamne l'exploitation politique que certains en font dans un emballement malsain." En attendant, les cas de violences policières s'enchaînent à un rythme effréné depuis le début de l'année 2021. ASI dresse la liste, presque exhaustive, des affaires révélées par la presse depuis le 1er janvier, et interviewe les auteurs des articles, confrontés au silence du ministère. 

Le 3 janvier, Mediapart publie une enquête vidéo mettant en cause la gestion du maintien de l'ordre lors de la manifestation parisienne du 12 décembre 2020 contre la loi Sécurité globale. Images à l'appui, le journal en ligne démontre que plusieurs charges policières menées contre le cortège visaient des manifestants pacifiques qui ne représentaient aucune menace au moment des faits. Mediapart relève aussi des "dizaines d'interpellations arbitraires", qui ont "porté atteinte au droit de manifester"

Le 4 janvier, l'AFP (ici reprise par Le Parisien) révèle que quatre membres de la compagnie de sécurisation et d'intervention du 93 (CSI 93) ont été placés en garde à vue. Ils sont accusés d'avoir volé des écouteurs à un passant lors d'un contrôle d'identité. Ce dernier avait fait un signalement auprès de l'IGPN, déclenchant l'ouverture d'une enquête pour "vol par personne dépositaire de l'autorité publique." Outre cette affaire, la CSI 93 est au cœur d'une série de scandales depuis plus d'un an. Au moins 15 de ses membres sont visés par plusieurs enquêtes pour possession de drogue, vol, violences ou encore faux en écriture publique.

"Bourrin", "cow-boy"

Le 30 janvier, le journaliste Clément Lanot filme et publie sur son compte Twitter une vidéo montrant un commissaire de police frapper violemment à coups de matraque un manifestant assis au sol, encore une fois pendant un rassemblement contre la loi Sécurité globale. Le Huffington Post, LCI et l'AFP révèlent qu'une enquête administrative a été ouverte. Dans la foulée, Streetpress publie une enquête sur le profil du commissaire mis en cause, qualifié de "bourrin" et de "cow-boy" par d'anciens collègues. Une source policière affirme au Huffington Post que "le préfet de police a ouvert une enquête administrative".

Le 11 février, Streetpress publie le témoignage de Raphaël, un Grenoblois de 23 ans. Le jeune homme raconte avoir interpellé un groupe de policiers, le 23 mars 2020 au soir, alors qu'ils contrôlaient les autorisations de sortie des passants, et notamment d'un livreur à vélo, un Noir. "En même temps, des personnes non racisées passaient tranquillement. [...] Je leur ai demandé ce qu’ils faisaient, avant de leur dire que c’était un contrôle au faciès." Raphaël est chez lui, assis à sa fenêtre, qui donne sur la rue. Le jeune homme décrit ensuite un déferlement de violences des policiers qui sont venus le tirer hors de chez lui : cheveux arrachés, morsures aux mains, poignet cassé. Il affirme également avoir reçu des insultes racistes ("sale négro"). Au terme de son procès, Raphaël est condamné à quatre mois de prison avec sursis et 600 euros pour "réparation du préjudice moral et corporel" subi par l'un des agents qui l'accuse de lui avoir porté des coups, ce que le jeune homme nie. Il a porté plainte en retour et a fait appel de sa condamnation.  L'avocat de l'agent mis en cause a refusé de répondre à Streetpress.

Le 19 février, Libération publie le témoignage de Mohamed, éborgné lors d'une fête clandestine à Joinville-Le-Pont (Val-de-Marne). Alors que la police intervient pour faire cesser les festivités (la fête a lieu en novembre, en plein confinement), des grenades lacrymogènes et des grenades de désencerclement sont jetées au milieu des fêtards. Mohamed ressent une vive douleur à l'œil. Le garçon est persuadé d'avoir reçu un éclat de grenade. Après avoir refusé longtemps de déposer plainte, il l'a finalement fait, pour "violences ayant entraîné une incapacité de travail supérieure ou égale à huit jours" et "non-assistance à personne en danger". Jointe par Libération, la Préfecture de police de Paris se contente d'annoncer qu'"une enquête a été initiée par le commissariat local compétent".

Le 11 mars, Le Monde diffuse à son tour une longue enquête vidéo mettant en cause un commissaire de police. Selon les reconstitutions du quotidien, ce dernier serait l'auteur de multiples agressions sur des journalistes, survenues le 28 novembre 2020 pendant une manifestation contre la loi Sécurité globale. Il serait également responsables des multiples blessures subies par Ameer Al-Halbi, journaliste syrien qui couvrait la manifestation. Une enquête a été ouverte par le parquet de Paris et confiée à l'IGPN. 

Des photos de George Floyd 

Le 15 mars, Envoyé Spécial, sur France 2, révèle le contenu du téléphone de l'un des policiers responsables de la violente agression de Michel Zecler, producteur de musique passé à tabac par trois agents en novembre 2020. Dans ce téléphone, le magazine d'investigation relève la présence d'un montage photo montrant George Floyd au sol, étouffé par le genou d'un policier appuyé sur sa nuque. Une photo barrée de la phrase : "Quand tu dégonfles ton matelas en fin de soirée." Plusieurs messages "éclairent le profil de l'un des policiers mis en cause", note Franceinfo. Dans l'un d'eux, il écrit : "Je suis dégoûté que tous ces bâtards soient acceptés en France et que l'on [fasse] rien. [...] C'est pas du racisme mais tous les bâtards qui foutent la merde ce sont tous les mêmes…"

Le 31 mars, La Voix du Nord confirme l'authenticité d'une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux. Elle montre plusieurs policiers intervenir auprès d'habitants du quartier populaire de Lille-Sud, après le couvre-feu, le 29 mars. Alors qu'aucune menace ne semble venir des passants, un policier fait usage de gaz lacrymogène à quelques centimètres d'une femme, alors qu'un autre attrape une passante par les cheveux. Le quotidien local note également que l'un des agents lance à un homme : "Viens te battre si t’es un homme." Après la diffusion de la vidéo, le parquet de Lille a ouvert une enquête pour "violences par personne dépositaire de l’autorité publique."

Le 7 avril, une enquête de Mediapart met en cause  plusieurs policiers de Bobigny, accusés d'avoir menti pour couvrir une interpellation violente. Le 20 mars, dernier, Ahmed (un prénom d'emprunt) est abordé par quatre policiers alors qu'il rentre chez lui avec un ami, hors des heures autorisées par le couvre-feu en vigueur. Le ton monte rapidement, et Ahmed est visé par deux décharges de Taser. Les policiers affirment dans leurs procès-verbaux que le jeune homme s'est montré "menaçant", et qu'ils ont reçu des projectiles. Une version mise à mal par les vidéos diffusées par Mediapart et les nombreux témoignages recueillis. Le jeune homme, mis en cause pour "outrage et rébellion", a porté plainte pour "violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique". Enquête confiée à l'IGPN.

Traumatisme crânien

Le 20 avril, Le Parisien révèle qu'un étudiant américain de 28 ans a porté plainte pour "violences aggravées et discrimination" après un passage par le commissariat du 5e arrondissement de Paris. Alors qu'il circule à scooter avec une amie, des policiers leur font passer un éthylotest. La conductrice, en état d'ébriété, est placée en cellule de dégrisement. L'étudiant repart libre puis se rend au commissariat pour voir son amie. Il raconte avoir été à son tour placé en cellule de dégrisement alors qu'il n'était pas ivre. Relâché à 4 h du matin avec une amende, le jeune homme raconte au Parisien avoir subi des remarques racistes. Un policier lui aurait aussi secoué la tête jusqu'à ce qu'elle heurte un mur, occasionnant un traumatisme crânien constaté par un médecin. L'enquête a été confiée au Service de déontologie de la Préfecture de police de Paris (SDSE).

Le 28 avril, Streetpress et Le Média publient le témoignage de Tommi, qui accuse des policiers du commissariat du 19e arrondissement parisien de l'avoir violé et tabassé en garde à vue. Le 5 avril, Tommi est interpellé et placé en garde à vue pour refus d'obtempérer et recel de vol. Pendant l'interpellation, que Tommi a tenté d'éviter en s'enfuyant, l'un des policiers lui aurait lancé : "T’es mort, tu vas morfler. On va t’enculer, tu vas mourir." Dans la voiture, Tommi raconte avoir reçu de nombreux coups et tentatives d'étranglement, mais aussi des insultes racistes ("sale Arabe"). Arrivé au commissariat, Tommi explique qu'un policier l'aurait de nouveau étranglé, pendant qu'un autre aurait inséré l'un de ses doigts dans son rectum. Une enquête a été ouverte et confiée à l'IGPN selon la préfecture de police de Paris, contactée par Streetpress.

Les 4 et 13 mai, Libération revient sur le tir de LBD qui a éborgné Adnane Nassih le 23 février 2020 à Brunoy, dans l'Essonne. Pour la première fois, le quotidien publie la vidéosurveillance de la scène, et des images de reconstitution. On y voit un équipage de la BAC circuler de nuit dans un quartier de la ville. Adnane Nassih les aperçoit marchant derrière un mur, et prend la fuite. Il est touché, alors qu'il tourne la tête pour regarder derrière lui, par un tir de flashball. Le projectile le touche en plein visage. Lorsqu'il arrive à l'hôpital, les médecins constatent des "fractures multiples du cadre orbitaire droit avec affaissement du globe et hémorragie intraoculaire". Adnane perd son œil droit. Toujours selon l'enquête de Libération, sa hiérarchie a tout fait pour protéger le policier mis en examen pour "violences volontaires ayant entraîné une mutilation". Jointe par Libération, la Direction générale de la police nationale n'a pas souhaité répondre.

Silence de la Prefécture de police

Le 27 mai, Streetpress publie le témoignage d'Otiniels. L'homme de 43 ans affirme avoir été frappé et injurié par des policiers du 10e arrondissement de Paris. Appréhendé alors qu'il fait un graffiti sur un mur de sa résidence, l'homme décrit un déchaînement de violence : "La policière écrasait ma tête avec ses chaussures. Je criais de douleur mais elle continuait à appuyer sur mon crâne encore plus fort." L'homme se plaint également d'injures racistes reçues au commissariat. "Sale race !" lui aurait ainsi lancé un policier. Contactée par Streetpress, la préfecture de police de Paris n'avait "pas été informée" de l'affaire.

Le 30 mai, Libération raconte la "nuit d'horreur" vécue par Brice Hounza le 2 avril dernier. Alors qu'il est en bas de son immeuble passé l'heure du couvre-feu, un équipage de police lui tombe dessus. Il décrit "au moins quatre policiers" qui le rouent de coups de pieds. Son "poignet craque" et son visage "frotte le gravier", décrit Libération. Embarqué au commissariat le plus proche, le sportif raconte de nouveaux coups dans la voiture. Il a porté plainte pour "violence par personnes dépositaires de l’autorité publique". La préfecture de police n'a pas souhaité s'exprimer auprès de Libération.

Le 30 mai toujours, La Provence livre le récit "d'une opération de police qui dérape à Marseille". Alors que la police intervient pour mettre fin à une fête dans un appartement, plusieurs convives tentent de s'enfuir, donc Eliot, 23 ans. Les policiers l'appréhendent finalement sous la caméra d'un voisin, qui filme depuis sa fenêtre. Il reçoit une première gifle, suivie de plusieurs coups alors qu'il est maîtrisé, couché sur un capot de voiture. Il est ensuite emmené jusqu'à un véhicule de police, menotté, par un policier qui lui empoigne les cheveux pour le faire avancer. Sa compagne, jetée au sol et gazée pendant l'intervention, a saisi l'IGPN.

Le commissaire de l'affaire Geneviève Legay

Le 31 mai, Libération révèle les images de vidéosurveillance captées lors d'une manifestation étudiante le 6 décembre 2018, à Nice. On y voit un commissaire de police, Rabah Souchi, attaquer violemment plusieurs lycéens. Libération écrit :  "Il attrape un manifestant par l’arrière du col et le met à terre. Il pose brièvement son pied sur le torse de l’homme au sol. Dans la foulée [...] il tente d’attraper une jeune fille par les cheveux [...]. Il se retourne immédiatement et saisit un adolescent par le col et le met au sol." Un commissaire dont le nom était apparu à l'occasion de l'affaire Geneviève Legay. La septuagénaire avait été jetée à terre et grièvement blessée par une charge policière lors d'une manifestation de Gilets jaunes, le 23 mars 2019 à Nice. C'est le commissaire Souchi qui avait ordonné la charge, jugée "disproportionnée" par l'IGPN. Contactée par Libération au sujet de la manifestation du 6 décembre 2018, la préfecture des Alpes-Maritimes n'a pas souhaité s'exprimer.

Le 2 juin, Le Monde fait de nouvelles révélations sur une opération de police survenue le 25 juin 2013, à Villemomble, en Seine-Saint-Denis. Ce jour-là, une vaste opération de police vire au chaos. Fatouma Kebe, 54 ans, perd l'usage d'un œil, alors que son fils Mohamed a été blessé à l'oreille par un tir de LBD. Makan Kebe, son autre fils, a lui aussi subi des violences, filmées par un voisin. Les vidéos révélées par Le Monde démontrent que les policiers ont menti sur les procès-verbaux qui ont servi à leur acquittement, en mars 2020. La cour d'assises avait retenu la légitime défense. 

Le 2 juin encore, Streetpress révèle que le 2 août 2019, des policiers du tribunal de grande instance (TGI) de Paris sont accusés d'avoir tenu des propos racistes et antisémites à l'encontre de trois gardiens de la paix. Ainsi, l'un d'eux s'entend dire par un policier qu'il y a "trop d’étrangers en France" et que "s'il n’y en avait pas, il n’y aurait pas d’agressions sexuelles ni de violeurs", ou encore que "les nazis n'ont pas fini le travail." Le gardien de la paix signale immédiatement la scène à l'IGPN qui ouvre une enquête... toujours en cours deux ans plus tard selon la préfecture de police contactée par Streetpress.

Le 14 juin, Mediapart relate une intervention policière violente lors d'une veillée funèbre à La Plaine Saint-Denis. Alors que plusieurs familles se recueillent dans un local associatif après la mort d'un adolescent du quartier, plusieurs voitures de police débarquent et tirent des grenades lacrymogènes en direction du petit attroupement qui s'est formé sur le trottoir. Le journal rapporte des scènes de panique - une femme perd dans la cohue son fils de deux ans - qui auraient pu virer au drame pour une femme enceinte présente au moment de l'intervention, qui a dû être hospitalisée. Jointe par Mediapart, la préfecture affirme que les policiers ont été la cible de jets de projectiles, sans souhaiter expliquer l'usage de gaz lacrymogènes en présence d'enfants en bas âge.

Le silence, stratégie du ministère

Que faut-il pour que le ministère de l'Intérieur, ou le ministre Gérald Darmanin, s'exprime publiquement sur ces affaires ? "Un tsunami, analyse Sebastian Roché, directeur de recherche au CNRS, et politologue spécialisé en criminologie. Le silence, c'était déjà la stratégie de Nicolas Sarkozy pendant les émeutes de 2005. On ne donne aucune information à la presse, aucune communication." Pour le chercheur, l'institution est "sclérosée, incapable de se remettre en question ou de subir un regard extérieur", mais a trouvé dans le silence une "bonne tactique". Et qu'importe que le ministre doive, de temps en temps, se plier à l'exercice du 20 h quand l'affaire devient trop médiatique, comme ce fût le cas avec l'affaire Zecler en novembre 2020. "On communique devant l'Assemblée nationale ou dans les médias, et puis on met ensuite en scène la dimension héroïque du métier de policier. Et petit à petit, on écope jusqu'à revenir à la situation initiale. En attendant la prochaine vague", analyse Sebastian Roché. 

Analyse partagée par Mathieu Molard, journaliste et rédacteur en chef de Streetpress. "Le ministère ne communique quasiment jamais, mais à un moment, si le sujet est jugé d’une importance nécessitant une réponse officielle, le ministre répond... C'est donc bien un choix", estime le journaliste. Outre l'affaire Zecler déjà évoquée, Christophe Castaner avait par exemple dû s'expliquer sur la mort de Steve Maia Caniço, dont le corps avait été retrouvé dans la Loire après une intervention policière le 21 juin 2019. Presque systématiquement, le ministère refuse de "commenter une affaire en cours", ou, pour les affaires qui se passent à Paris ou en petite couronne, renvoie à la Préfecture de police qui a autorité. "La règle a ses limites. Tant qu’il n’y a pas de bruit, ils ne répondent pas, alors que rien ne leur interdit de le faire. Les administrations présentent ça comme une règle intangible, mais rien ne leur interdit de communiquer. D'ailleurs, on ne leur demande pas de commenter, mais de répondre à des questions", note Ismaël Halissat, journaliste à Libération et auteur de plusieurs enquêtes citées plus haut. "Ils veulent rester maîtres de leur agenda. Ils ne veulent pas être contraints de commenter à chaque fois, une affaire après l’autre, alors que répondre aux questionnements journalistiques est simplement une règle démocratique." Malgré ce silence quasi-systématique, tous continuent de solliciter la Préfecture de police et le ministère, quelle que soit l'issue. "C'est très important, juge Tomas Statius, journaliste indépendant auteur de deux enquêtes listées ci-dessus. Je mentirais si je disais qu'ils étaient très diserts au téléphone, mais le respect du contradictoire est primordial. Il faut interroger l’administration sur des faits graves, peu importe qu'elle réponde ou non, c'est une question de bonne foi."

Au-delà du malaise, pourquoi l'institution a-t-elle autant de mal à communiquer sur ces sujets ? "Ça découle directement de la logique appliquée à Beauvau, juge Sebastian Roché. Leur ligne de défense est de dire qu'il n'y a pas de problème, que la police n’est pas violente et que les violences policières n'existent pas. Pourquoi répondre à des questions sur quelque chose qui n’existe pas ?" Pour Mathieu Molard, il y a aussi la peur, de la part du ministère, d'être "lâché" par la police : "D’un côté il y a une société civile qui se réveille, on l'a vu par exemple avec les manifestations pour Adama Traoré, et qui tente de se battre pour les libertés civiques. De l'autre, il y a quand même des forces politiques conservatrices qui se battent pour des choses plus répressives, on l'a vu pendant la manifestation des policiers par exemple. Le ministre de l’Intérieur est pieds et poings liés. Il a le sentiment à tort ou à raison que si la police débraye, il est mal." Sebastian Roché abonde : "Les Gilets jaunes n’ont pas disparu, les perdants de la mondialisation, qu'on appellerait le précariat, existent toujours. Et si le gouvernement voit le retour des Gilets jaunes, et en plus perd le soutien de la police... C'est une situation de très grande dépendance."

Contacté, le ministère de l'Intérieur nous a renvoyés directement vers le cabinet de Gérald Darmanin. Dans l'entourage du ministre, on s'en remet à la règle : "Sur les cas individuels, la communication est encadrée par l'enquête judiciaire et administrative." En somme, seule la justice - le parquet dont dépend l'enquête - serait en mesure de s'exprimer, alors qu'une administration peut parfaitement s'expliquer sur une procédure administrative en cours. On avance également le rôle de l'IGPN, dont les saisines "font l'objet d'une communication". Quant à savoir pourquoi le ministre ne prend pas plus souvent la parole sur la question, le cabinet de Darmanin nous signale dans un texto l'exemple de l'affaire Zecler, pour laquelle le ministre avait répondu aux questions de France 2. Et lorsqu'ASI rappelle que cette prise de parole date du mois de décembre 2020, il y a huit mois, la conversation s'arrête. Net.


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