Vidéosurveillance : Le Figaro voit flou
Brève

Vidéosurveillance : Le Figaro voit flou

 Dans un article du 27 juillet, Le Figaro se réjouit de la percée de la vidéosurveillance (appelée désormais vidéoprotection, ça rassure et ça évite que vous pensiez qu'on vous surveille). "Selon nos informations, pas moins de 570 000 caméras officiellement déclarées sont désormais installées sur les bâtiments publics" précise Christophe Cornevin, un journaliste toujours très bien alimenté en statistiques plus ou moins vaseuses par le ministère de l'Intérieur.

En mars 2009, Le Figaro avait déjà publié des chiffres aussi flous que mystérieux sur la vidéosurveillance. Un an et demi plus tard, le quotidien récidive : l'auteur de l'article déplore que des villes de gauche soient "encore réfractaires à la vidéosurveillance" mais souligne que certains maires socialistes donnent l'exemple à l'image du maire de Lyon, Gérard Collomb, qui aurait compris, lui, l'efficacité redoutable de ce dispositif pour lutter contre la délinquance. Sauf qu’un rapport de la Chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes, cité par le journaliste et blogueur Jean-Marc Manach, démontre exactement le contraire.




"Les postures «anti Big Brother» se ringardisent peu à peu" selon Le Figaro

Qui pouvait penser qu'un système de vidéosurveillance serait un jour branché et de gauche ? Personne, à part Le Figaro évidemment. Le quotidien annonce que la vidéoprotection (répétez après moi, pro-tec-tion) "poursuit sa percée en France".

Rendez-vous compte : "pas moins de 570 000 caméras officiellement déclarées sont désormais installées sur les bâtiments publics". Pour appuyer sa démonstration, Cornevin ressort un chiffre que Le Figaro a publié en mars dernier : "280 communes vont être surveillées par environ 3500 nouvelles caméras" .

Toutefois, et c'est l'objet principal de cet article, le journaliste du Figaro souligne que des villes sont "encore réfractaires à la vidéosurveillance". Et d'après vous, quelle est la couleur politique de ces maires totalement inconscients ? Ils sont de gauche évidemment ! Preuve à l'appui, Le Figaro publie une magnifique carte des villes de gauche "sans vidéosurveillance" (en rouge, limite communiste laxiste) et celles où la vidéosurveillance est "à l'état de projet" (en bleu, pour annoncer une éclaircie dans la météo de la délinquance).

picto Appréciez la précision de cette carte

Le quotidien s'appuie sur un rapport de "l'Inspection générale de l'administration, intitulé «évaluer et quantifier l'efficacité de la vidéoprotection» [qui] révèle que «l'impact le plus significatif concerne les agressions contre les personnes, où la progression a été mieux contenue dans les villes équipées de vidéoprotection". Combien ? Depuis quand ? Dans quelle proportion ? Quelles sont ces villes (de droite ?) qui ont réussi à faire diminuer cette délinquance de voie publique ? Re-mystère.



Lyon, ville modèle pour juger de l'efficacité de la vidéosurveillance ?

Heureusement, à gauche, il n'y a pas que des inconscients comme la maire de Lille, Martine Aubry (qui poursuit son "entêtement idéologique" à refuser la vidéosurveillance dans les rues) : "depuis 2008, nombre de villes de gauche ont basculé vers la vidéoprotection sur la voie publique, comprenant bien son intérêt", précise un mystérieux analyste interrogé par Le Figaro. Combien de villes exactement ? On ne sait pas, les statistiques sont floues (pour changer.) Parmi les plus fervents défenseurs du système Big Brother, Le Figaro cite tout de même le maire PS de Lyon, Gérard Collomb, qui "se distingue en multipliant les caméras depuis 2001". Et pour quelle efficacité ? Le journaliste du Figaro n'en dit rien. Mais c'est forcément efficace, sinon le maire de Lyon ne l'aurait pas fait, n'est-ce pas ?

Eh bien c'est raté ! Car Le Figaro oublie de mentionner un rapport publié en mai dernier par la chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes. Ce document, mis en ligne par le journaliste Jean-Marc Manach sur son blog "Bug Brother", indique qu'en une année, il n'y a eu qu'environ 200 interpellations liées à la vidéosurveillance sur les 20 604 actes de délinquance de voie publique constatés à Lyon. Concrètement, en 2008, le Centre de supervision urbaine (CSU), qui gère les images des caméras de vidéosurveillance, a reçu 3200 appels de la police pour vérifier des images. Le CSU a lui-même procédé à 2000 signalements d'incidents après visionnage.

On résume ? Sur 20 604 actes de délinquance de voie publique, 5 200 ont été traités par le centre de visionnage, ces traitements ayant entraîné environ 200 interpellations. Avec 219 caméras installées à Lyon, le bilan est donc d'une arrestation par an et par caméra.

Selon le sociologue Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS et spécialiste des questions de sécurité et de vidéosurveillance, "le résultat est clair : l’impact de la vidéosurveillance sur la délinquance constatée par la police nationale à Lyon est de l’ordre de 1% (...) la vidéosurveillance coûte très cher et ne sert pas à grand-chose". S'appuyant sur les chiffres du rapport de la chambre régional des comptes, Manach insiste : "Si l’on compare par exemple l’évolution de la délinquance de voie publique (DVP) entre Lyon, qui a fortement investi dans ce domaine, et Villeurbanne, où la commune n’a pas souhaité s‘y engager, on observe que la baisse est plus forte dans la commune qui ne bénéficie d’aucune caméra de voie publique". Ainsi, entre 2003 et 2008, la délinquance de voie publique a diminué de 33% à Lyon quand dans le même temps, elle diminuait de 48% à Villeurbanne (qui n'a pas de système de vidéosurveillance).

Heureusement, Le Figaro ne mentionne pas ce rapport de la chambre régionale des comptes qui montre les limites de la vidéosurveillance. L'article de Cornevin peut donc figurer en bonne place sur la page d'accueil du site gouvernemental vantant "la vidéoprotection". C'est d'ailleurs tellement confortable la vidéoprotection qu'un oiseau peut même faire son nid sur le logo du site, entre les caméras.


picto Souriez, le petit oiseau va sortir !

.

Partager cet article Commenter

 

Cet article est libre d’accès
En vous abonnant, vous contribuez
à une information sur les médias
indépendante et sans pub.

Déjà abonné.e ?

Voir aussi

Ne pas manquer

DÉCOUVRIR NOS FORMULES D'ABONNEMENT SANS ENGAGEMENT

(Conditions générales d'utilisation et de vente)
Pourquoi s'abonner ?
  • Accès illimité à tous nos articles, chroniques et émissions
  • Téléchargement des émissions en MP3 ou MP4
  • Partage d'un contenu à ses proches gratuitement chaque semaine
  • Vote pour choisir les contenus en accès gratuit chaque jeudi
  • Sans engagement
Devenir
Asinaute

5 € / mois
ou 50 € / an

Je m'abonne
Asinaute
Généreux

10 € / mois
ou 100 € / an

Je m'abonne
Asinaute
en galère

2 € / mois
ou 22 € / an

Je m'abonne
Abonnement
« cadeau »


50 € / an

J'offre ASI

Professionnels et collectivités, retrouvez vos offres dédiées ici

Abonnez-vous

En vous abonnant, vous contribuez à une information sur les médias indépendante et sans pub.